Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.695/2004
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1P.695/2004 /col

Arrêt du 2 mars 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
recourant,

contre

Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
Président du Tribunal pénal de la Gruyère,
Le Château, case postale 364, 1630 Bulle.

Procédure pénale, demande de relief,

recours de droit public contre la décision du Président du Tribunal pénal de
la Gruyère du 13 octobre 2004.

Faits:

A.
Le 10 septembre 2003, le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Gruyère a
condamné A.________, par défaut, à douze mois d'emprisonnement avec sursis et
à 5000 fr. d'amende, notamment pour des délits d'escroquerie et de faux.
Le 23 septembre 2003, A.________ a demandé le relief, en faisant valoir que
son état de santé ne lui avait pas permis d'assister aux débats. Il
produisait un certificat médical.
Après avoir obtenu la récusation du Président du Tribunal pénal, A.________ a
requis celle de B.________, nouveau magistrat chargé de la cause. Cette
requête a été écartée le 5 octobre 2004. Par arrêt du 9 décembre 2004, le
Tribunal fédéral a déclaré irrecevable, pour motivation insuffisante, le
recours de droit public formé contre cette décision.

B.
Par décision du 13 octobre 2004, après avoir refusé de suspendre la procédure
jusqu'à droit connu sur les questions de récusation, le Président du Tribunal
pénal de la Gruyère a rejeté la demande de relief. Le premier certificat
médical, du 5 septembre 2003, ne comportait que deux lignes et n'indiquait
pas pour quelles raisons l'accusé ne pouvait pas comparaître. Entendu le 13
octobre 2004, le médecin de A.________ avait affirmé que son état de santé
lui aurait permis de se présenter à l'audience des 9 et 10 septembre 2003, en
étant accompagné de l'avocat qui lui avait été commis d'office.

C.
A.________ forme un recours de droit public contre ce prononcé, dont il
requiert l'annulation.

Le Président du Tribunal pénal persiste en substance dans les termes de sa
décision. Le Ministère public conclut au rejet du recours dans la mesure où
il est recevable.
Sans y avoir été invité, le recourant s'est exprimé sur la réponse du
Président.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 130 I 312 consid. 1).
Selon l'art. 86 OJ, le recours de droit public n'est recevable qu'à
l'encontre des arrêts rendus en dernière instance cantonale. En l'espèce, la
décision attaquée mentionne qu'elle est définitive; elle réserve toutefois
aussi le droit du condamné dont la requête de relief est rejetée de recourir
en appel contre sa condamnation par défaut, conformément à l'art. 209 al. 3
du code de procédure pénale fribourgeois (CPP/FR). Dès lors, si la décision
attaquée met un terme à la procédure en ce qui concerne la question du
défaut, le recourant semble encore pouvoir former appel contre le jugement
(cf. aussi l'art. 211 al. 3 CPP/FR), de sorte que la décision attaquée ne met
pas fin à la procédure pénale prise dans son ensemble. Le recours de droit
public serait irrecevable en vertu de l'art. 87 OJ. Il est vrai que le
principe même du défaut ne pourrait plus être remis en cause, ce qui
priverait le recourant du droit d'être jugé en contradictoire en première
instance. La question de l'existence d'un préjudice irréparable peut
toutefois demeurer indécise, car le sort du recours apparaît de toute façon
évident sur le fond.

2.
Le recourant consacre de longs développements aux circonstances qui auraient
dû selon lui conduire à la récusation du Président du Tribunal. Il ne semble
toutefois pas en faire un grief à l'appui de son recours;  un tel grief
serait de toute façon irrecevable, puisque la question de la récusation a
déjà fait l'objet d'une décision entrée en force, attaquée en vain par le
recourant auprès du Tribunal fédéral (art. 87 al. 1 in fine).

3.
Le recourant se plaint d'arbitraire. Il reproche à l'autorité intimée d'avoir
considéré comme dilatoire sa requête tendant à surseoir à statuer sur le
relief jusqu'à droit jugé par la Chambre pénale du Tribunal cantonal (à
propos de l'annulation des actes auxquels le Président avait participé avant
sa récusation) et par le Tribunal fédéral (à propos de la récusation du
Président). Pour le recourant, l'économie de la procédure imposait une telle
suspension. Le grief tombe à faux, dès lors que la question de la récusation
a été définitivement réglée (cf. en particulier les arrêts du Tribunal
fédéral des 19 octobre et 9 décembre 2004), de sorte qu'il est possible
d'affirmer a posteriori qu'une suspension ne s'imposait pas. Le recourant
n'explique pas, pour le surplus, en quoi l'appréciation quant au caractère
dilatoire de sa démarche aurait influé sur le fond de la décision à rendre.

4.
Le recourant revient sur les différents motifs qui ont conduit au rejet de sa
demande de relief: on ne saurait lui reprocher d'avoir présenté tardivement
son certificat médical; la concision de celui-ci ne permettrait pas sans
autre de l'écarter; l'affirmation selon laquelle il savait cinq mois à
l'avance qu'il ne pourrait pas se présenter à l'audience serait elle aussi
sans fondement; même assisté d'un avocat, le recourant aurait dû participer
activement aux débats, ce dont il n'était pas capable en raison de son état
dépressif.

4.1 Il y a arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., lorsque la décision
attaquée viole gravement une règle ou un principe juridique clair et
indiscuté ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la
justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle est
insoutenable ou en contradiction évidente avec la situation de fait, si elle
a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Par
ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient
insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat
(ATF 129 I 9 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275 et la
jurisprudence citée).

4.2 L'arrêt attaqué est fondé sur le témoignage du Dr C.________, médecin à
Lausanne. Celui-ci s'était exprimé sur l'état général du recourant, souffrant
de dépression. Etant donné son anxiété, sa déprime et sa lenteur mentale, il
n'était pas en état d'assurer seul sa défense. Toutefois, il aurait pu se
présenter avec la soutien d'un avocat. A propos du certificat du 5 septembre
2003, le Dr C.________ a relevé que A.________ ne lui avait pas expliqué les
raisons exactes de sa convocation devant le tribunal. Sur le vu de ces
déclarations, le Président du Tribunal pénal pouvait écarter sans arbitraire
ce dernier certificat: outre que celui-ci apparaissait très succinct, son
auteur n'était pas suffisamment renseigné sur la nature de la cause, et sur
la possibilité pour le recourant de bénéficier de l'assistance d'un défenseur
d'office. A ce sujet, le médecin a clairement exprimé que le recourant était
en état de se présenter avec l'assistance d'un avocat. Il n'y a, par
conséquent, aucun arbitraire à retenir que le recourant s'était
volontairement soustrait à la justice en ne se présentant pas à l'audience du
9 septembre 2003 accompagné de l'avocat qui lui avait été commis d'office le
8 juillet précédent.

5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être rejeté,
dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un
émolument judiciaire est mis à la charge du recourant.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Ministère public du
canton de Fribourg et au Président du Tribunal pénal de la Gruyère.

Lausanne, le 2 mars 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: