Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.692/2004
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1P.692/2004 /col

Arrêt du 10 février 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourante, représentée par Me Mireille Loroch, avocate,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Yves Burnand, avocat,
Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, chemin de Couvaloup 6,
1014 Lausanne,
Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

procédure pénale; non-lieu,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal du canton de Vaud
du 15 septembre 2004.

Faits:

A.
Le 7 août 2002, A.________ a déposé plainte pénale contre son mari pour
menaces et viol. Selon la plaignante, B.________ l'aurait contrainte à
plusieurs reprises à entretenir des relations sexuelles complètes non
consenties, en usant de sa force physique et de pressions psychiques; il
l'aurait également menacée de mort. Le 28 juillet 2003, A.________ a étendu
sa plainte au chef de violation du devoir d'assistance ou d'éducation, en
raison des mauvais traitements psychologiques que son mari aurait fait subir
à leurs filles, nées respectivement les 20 février 1994 et 13 juillet 1995.
Elle se fondait sur un rapport établi le 30 juin 2003 par C.________,
psychologue et psychothérapeute, à Lausanne, qui suit régulièrement la
cadette des filles depuis le mois d'août 2002 et l'aînée des filles depuis le
printemps 2003.
Le 30 mars 2004, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a
inculpé B.________ de viol et de menaces. Dans le délai de prochaine clôture,
A.________ a produit diverses pièces et demandé l'inculpation complémentaire
de son mari de violation du devoir d'éducation et d'assistance, d'injure et
de lésions corporelles simples.
Par ordonnance du 29 juillet 2004, le Juge d'instruction a renvoyé B.________
devant le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne comme accusé
de menaces et de viol. Il a prononcé un non-lieu en faveur du prévenu
s'agissant de la violation du devoir d'assistance ou d'éducation, au motif
que l'instruction n'avait pas permis d'établir à satisfaction de droit que
l'infraction était réalisée.
Le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le
Tribunal d'accusation ou la cour cantonale) a confirmé cette décision par un
arrêt rendu le 15 septembre 2004 sur recours du prévenu et de la plaignante.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause au Tribunal
d'accusation pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Invoquant
l'art. 29 Cst., elle se plaint d'une violation de son droit d'être entendue
et d'une appréciation arbitraire et incomplète des preuves.
Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt. Le
Procureur général du canton de Vaud conclut à l'admission partielle du
recours. B.________ propose de le déclarer irrecevable et, subsidiairement de
le rejeter. Le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne n'a pas
déposé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 337 consid. 1 p. 339;
129 II 453 consid. 2 p. 456).

1.1 La recourante invoquant une violation du droit d'être entendu ainsi
qu'une appréciation arbitraire des preuves et des constatations de fait qui
en découlent, seule la voie du recours de droit public est ouverte (ATF 127
IV 215 consid. 2d p. 218; ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83).

1.2 Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, celui qui se prétend lésé
par une infraction n'a en principe pas qualité pour former un recours de
droit public contre une ordonnance refusant d'inculper l'auteur présumé ou
prononçant un non-lieu en sa faveur. En effet, l'action pénale appartient
exclusivement à la collectivité publique et, en règle générale, le plaignant
n'a qu'un simple intérêt de fait à obtenir que cette action soit
effectivement mise en oeuvre. Un intérêt juridiquement protégé, propre à
conférer la qualité pour recourir, est reconnu seulement à la victime d'une
atteinte à l'intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, au sens de l'art. 2
de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5),
lorsque la décision de non-lieu peut avoir des effets sur le jugement de ses
prétentions civiles contre le prévenu (ATF 128 I 218 consid. 1.1 p. 219; 121
IV 317 consid. 3 p. 323; 120 Ia 101 consid. 2f p. 109). Dans les cas où,
comme en l'espèce, le recours est dirigé contre une ordonnance de non-lieu,
il faut se fonder sur les allégués du lésé et sur la vraisemblance des actes
et de l'atteinte pour déterminer si le recourant revêt la qualité de victime
(ATF 126 IV 147 consid. 1 p. 149).

1.3 En l'espèce, la recourante accuse l'intimé d'avoir infligé des mauvais
traitements psychologiques à leurs filles mineures qui se traduiraient par
des troubles physiques et psychiques, tels que des tendances suicidaires ou
des hallucinations auditives, accompagnées de violents maux de tête,
impliquant un risque de décompensation. Compte tenu de leur âge et du lien de
dépendance dans lequel elles se trouvent à l'égard de leur père, une
protection particulière doit leur être reconnue (ATF 129 IV 216 consid. 1.2.1
p. 218). Dès lors, il y a lieu de leur conférer le statut de victime au sens
de l'art. 2 al. 1 LAVI. Elles n'étaient en revanche pas parties à la
procédure cantonale, dans laquelle seule sa mère est intervenue. L'art. 2 al.
2 let. b LAVI assimile toutefois la mère à la victime, notamment pour ce qui
concerne la défense des droits dans la procédure, si elle était déjà partie à
la procédure antérieure et si l'arrêt attaqué est de nature à produire des
effets sur les prétentions civiles de la victime (art. 8 al. 1 let. c LAVI).
Ces conditions sont réunies en l'espèce (cf. ATF 119 IV 168 consid. 5 p.
172). On ne saurait en effet reprocher à la recourante de ne pas avoir pris
de conclusions civiles sur le fond, étant donné que la procédure n'a pas été
menée jusqu'à un stade qui aurait permis de le faire. A.________ ne donne
certes aucune indication dans son mémoire sur les prétentions qu'elle entend
faire valoir sur le plan civil et en quoi celles-ci peuvent être touchées par
la décision attaquée (ATF 123 IV 184 consid. 1b p. 187). Elle soutient que
les mauvais traitements infligés à ses filles étaient de nature à mettre en
danger leur développement physique ou psychique; aussi, on peut en conclure
qu'elle entend demander une indemnité pour tort moral. En conséquence, il y a
lieu d'admettre que la recourante a qualité pour recourir au sens de l'art.
88 OJ.

1.4 Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1 et 89
al. 1 OJ. Vu la nature cassatoire du recours de droit public, la conclusion
du recours tendant au renvoi de la cause au Tribunal d'accusation pour
nouvelle décision au sens des considérants, inutile et superfétatoire, est
irrecevable (ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131, 173 consid. 1.5 p. 176).

2.
La recourante voit une violation de son droit d'être entendu garanti à l'art.
29 al. 2 Cst. dans le fait que le juge d'instruction a prononcé un non-lieu
sans qu'elle-même, ses filles ou encore les médecins qui les ont suivies
n'aient été entendus.
Le droit de faire administrer des preuves, tel qu'il découle de cette
disposition, suppose que le fait à prouver soit pertinent, que le moyen de
preuve proposé soit nécessaire pour constater ce fait et que la demande soit
présentée selon les formes et délais prescrits par le droit cantonal (ATF 129
II 497 consid. 2.2 p. 504; 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16; 125 I 127 consid.
6c/bb p. 134).
En l'occurrence, la recourante n'a sollicité aucune mesure d'instruction
particulière dans le délai de prochaine clôture, mais elle s'est bornée à
exiger l'inculpation complémentaire de l'intimé du chef de violation du
devoir d'assistance ou d'éducation, en déposant plusieurs pièces destinées à
étayer sa requête. Elle ne saurait dès lors de bonne foi se plaindre du fait
qu'elle n'a pas été entendue personnellement ou que les praticiens
susceptibles de confirmer la réalité de ses accusations n'ont pas été
entendus, s'agissant de mesures d'instruction qu'elle aurait pu solliciter et
qu'elle a omis de faire. La question de savoir si le juge d'instruction
aurait dû administrer d'office les moyens de preuves allégués s'il entendait
ne pas suivre les conclusions de la recourante ne relève pas du droit d'être
entendu, mais de l'appréciation des preuves.
Le recours est donc mal fondé en tant qu'il porte sur une violation de l'art.
29 al. 2 Cst.

3.
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir confirmé le non-lieu
prononcé en faveur de l'intimé en se fondant sur une appréciation incomplète
et arbitraire des faits.

3.1 La jurisprudence reconnaît au juge un important pouvoir d'appréciation
dans la constatation des faits et leur appréciation, qui trouve sa limite
dans l'interdiction de l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86
consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2a p. 38; 118 Ia 28 consid. 1a p. 30; 116
Ia 85 consid. 2b p. 88 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'intervient
en conséquence pour violation de l'art. 9 Cst. que si le juge a abusé de ce
pouvoir, en particulier lorsqu'il admet ou nie un fait pertinent en se
mettant en contradiction évidente avec les pièces et éléments du dossier,
lorsqu'il méconnaît des preuves pertinentes ou qu'il n'en tient
arbitrairement pas compte, lorsque les constatations de fait sont
manifestement fausses ou encore lorsque l'appréciation des preuves se révèle
insoutenable ou qu'elle heurte de façon grossière le sentiment de la justice
et de l'équité (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I
81 consid. 2 p. 86; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30).
Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une expertise,
le juge n'est en principe pas lié par ce dernier (art. 249 PPF). Mais s'il
entend s'en écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs
déterminants, substituer son appréciation à celle de l'expert, sous peine de
verser dans l'arbitraire. En d'autres termes, le juge qui ne suit pas les
conclusions de l'expert n'enfreint pas l'art. 9 Cst. lorsque des
circonstances bien établies viennent en ébranler sérieusement la crédibilité
(ATF 129 I 49 consid. 4 p. 57/58; 128 I 81 consid. 2 p. 86; 122 V 157 consid.
1c p. 160; 119 Ib 254 consid. 8a p. 274; 118 Ia 144 consid. 1c p. 146/147 et
les arrêts cités). Tel est notamment le cas lorsque l'expertise contient des
contradictions et qu'une détermination ultérieure de son auteur vient la
contredire sur des points importants, ou lorsqu'elle se fonde sur des pièces
et des témoignages dont le juge apprécie autrement la valeur probante ou la
portée (ATF 101 IV 129 consid. 3a in fine p. 130). Si, en revanche, les
conclusions d'une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des points
essentiels, celui-ci doit recueillir des preuves complémentaires pour tenter
de dissiper ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non
concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des preuves et
violer l'art. 9 Cst. (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146). Par ailleurs,
lorsque deux ou plusieurs expertises divergent entre elles sur des points
importants, celles-ci ne bénéficient plus du crédit qui est attaché aux avis
d'experts et qui interdit au juge de s'en écarter sans motifs déterminants
(ATF 107 IV 7 consid. 5 p. 8; voir aussi ATF 124 I 170 consid. 4 p. 175).

3.2 L'art. 219 CP sanctionne le comportement de celui qui aura violé son
devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en
danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce
devoir. Le bien juridique protégé par cette disposition est le développement
physique et psychique du mineur, soit d'une personne âgée de moins de 18 ans
(ATF 126 IV 136 consid. 1b p. 138; 125 IV 64 consid. 1a p. 68 et les
références citées). Seul celui qui a envers une personne mineure un devoir
d'assistance est susceptible de commettre cette infraction (cf. Laurent
Moreillon, Quelques réflexions sur la violation du devoir d'assistance ou
d'éducation, in: RPS 116/1998, p. 436, ch. 17 et 18). Il faut ensuite que
l'auteur ait violé son devoir d'assistance ou d'éducation ou qu'il ait manqué
à ce devoir. L'infraction est un délit de mise en danger concrète; il n'est
donc pas nécessaire que le comportement de l'auteur aboutisse à un résultat,
c'est-à-dire à une atteinte à l'intégrité corporelle ou psychique du mineur;
la simple possibilité abstraite d'une atteinte ne suffit cependant pas; il
faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas
concret (ATF 126 IV 136 consid. 1b p. 138; 125 IV 64 consid. 1a p. 69).
En pratique, il sera souvent difficile de déterminer quand il y aura un
risque pour le développement du mineur. Il sera en particulier difficile de
distinguer les atteintes qui devront relever de l'art. 219 CP des
traumatismes ordinaires de la vie de tout enfant. Vu l'imprécision de la
disposition, la doctrine recommande de l'interpréter de manière restrictive
et d'en limiter l'application aux cas manifestes. Des séquelles durables,
d'ordre physique ou psychique, devront apparaître vraisemblables, de telle
sorte que le développement du mineur sera mis en danger. Pour provoquer un
tel résultat, il faudra normalement que l'auteur agisse de façon répétée ou
viole durablement son devoir; une transgression du droit de punir de peu
d'importance ne saurait déjà tomber sous le coup de l'art. 219 CP (cf.
Andreas Eckert, Strafgesetzbuch II, Basler Kommentar, 2003, n. 9 et 10 ad
art. 219 CP; Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne
2002, n. 17 ad art. 219, p. 862).

3.3 En l'occurrence, il est incontestable que l'intimé, en sa qualité de

père, a un devoir d'assistance et d'éducation envers ses filles mineures et
qu'il a une position de garant. La cour cantonale a estimé qu'il n'y avait
pas d'éléments suffisants pour admettre qu'il leur avait fait subir des actes
de maltraitance. Elle s'est fondée en cela sur les conclusions de l'expertise
pédo-psychiatrique des enfants réalisée par le Service universitaire de
psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (SUPEA), à Lausanne, à la demande
du juge civil et sur différents témoignages recueillis à l'audience de
mesures provisionnelles du 13 août 2002. Elle a écarté l'avis contraire
manifesté par la psychologue C.________ parce qu'elle avait pris clairement
le parti de A.________ durant la procédure de divorce.
Le SUPEA a été amené à se déterminer sur la situation des enfants et sur les
capacités éducatives des deux parents dans le cadre de la procédure de
divorce divisant les parents ouverte le 12 juillet 2002. Au terme de son
rapport établi le 10 avril 2003, aucun élément pouvant faire suspecter une
maltraitance ou une négligence du père à l'égard des enfants l'empêchant
d'assumer la garde n'a été relevé, les deux parents ayant démontré des
compétences suffisantes pour s'occuper des enfants et les éduquer. Les
auteurs de ce rapport se sont fondés sur plusieurs entretiens avec les
enfants seuls ou accompagnés de leur mère, puis de leur père. Ils se sont
également fondés sur le dossier de la procédure civile et sur un certain
nombre de documents remis par les parties, dont le rapport établi le 13
septembre 2002 par C.________ (cf. p. 5 dudit rapport).
Dans ses rapports des 22 janvier et 30 mars 2003, cette dernière a qualifié
les comportements de l'intimé à travers la procédure et dans la relation avec
ses enfants de mauvais traitements psychologiques. Elle évoque à cet égard
plusieurs épisodes, tels les visites inopinées du père à l'école de sa fille
cadette ou encore les courriers qu'il a fait parvenir aux enseignants, qui
auraient gravement perturbé les fillettes au point que la cadette n'entendait
plus se rendre à l'école. La psychlogue C.________ est intervenue une
nouvelle fois pour suggérer la suspension du droit de visite du père à la
suite d'une rencontre intervenue le 4 octobre 2003 qui s'est mal déroulée et
ensuite de laquelle les filles ont catégoriquement refusé de voir leur père.
Elle a expliqué à l'audience du 3 février 2004 avoir constaté une dégradation
psychique chez les fillettes depuis ce dernier épisode, évoquant un risque de
suicide pour l'aînée et de décompensation pour la cadette, qui souffre
d'hallucinations auditives et de violents maux de tête. Elle explique ces
symptômes, au moins en partie, par les mauvais traitements qui lui ont été
infligés par le recourant.
Certes, les rapports établis par la psychologue C.________ n'ont pas la
valeur juridique d'une expertise judiciaire. Cependant, si l'on s'en tient à
ceux-ci, on ne peut exclure d'emblée tout lien de causalité entre le
comportement du père et les troubles décrits et, dès lors, que l'intimé
réalise par son comportement les conditions de l'art. 219 CP.
Or, le Tribunal d'accusation a écarté l'avis de C.________ au seul motif
qu'elle avait pris clairement le parti de A.________ durant la procédure de
divorce. Il n'a toutefois étayé cette appréciation par aucun élément concret
alors qu'il ressort du dossier que le juge civil a considéré au contraire
cette praticienne crédible, en raison de sa formation et de sa pratique,
lorsqu'elle parlait de l'état de santé psychique des fillettes (le juge civil
s'est fondé sur ses dires pour justifier la suspension immédiate du droit de
visite du père par ordonnance de mesures provisoires du 18 février 2004). Au
demeurant, elle voit les deux enfants très régulièrement à sa consultation.
En outre, la force probante de l'expertise du SUPEA est quelque peu affaiblie
par le fait qu'elle a été ordonnée dans une autre procédure sans que tous les
faits en jeu dans le cadre de l'examen de l'éventuelle réalisation de l'art.
219 CP ne soient survenus. Au surplus, la cour cantonale ne pouvait se fonder
sur les témoignages recueillis à l'audience de mesures provisionnelles du 13
août 2002 dans la procédure de divorce, pour nier toute valeur aux
déclarations de C.________. D'une part, les témoins se sont bornés à relater
n'avoir jamais vu l'intimé être violent envers ses filles et, d'autre part,
de nouveaux événements sont survenus depuis lors, mis en évidence par cette
praticienne.
Dans ce contexte où des éléments du dossier contredisaient l'expertise de
façon significative sur des faits pertinents, il y avait lieu alors
d'ordonner des mesures d'instruction complémentaires propres à lever les
incertitudes à cet égard, soit prendre l'avis d'un autre expert ou requérir
un complément d'expertise.
L'arrêt attaqué qui confirme le non-lieu repose ainsi sur une appréciation
arbitraire des faits et doit être annulé.

4.
Le recours doit par conséquent être admis, dans la mesure où il est
recevable. L'intimé, qui succombe, doit s'acquitter de l'émolument judiciaire
(art. 156 al. 1 OJ). Il versera en outre une indemnité de dépens à la
recourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable, et l'arrêt attaqué
est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de l'intimé.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à la recourante à titre de dépens, à
la charge de l'intimé.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, ainsi qu'au Procureur général
et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 10 février 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  Le greffier: