Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.635/2004
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1P.635/2004
1P.636/2004 /svc

Arrêt du 7 février 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffière: Mme Revey.

L. ________,
recourant, représenté par Me Stéphane Riand, avocat,

contre

1P.635/2004
Office du Juge d'instruction du Valais central,
Palais de Justice, 1950 Sion 2,
Procureure du Valais central,
Palais de Justice, 1950 Sion 2,

et

1P.636/2004
Etat du Valais, représenté par le Procureur général, route de Gravelone 1,
case postale 2282, 1950 Sion 2,
Office du Juge d'instruction du Valais central,
Palais de Justice, 1950 Sion 2,

Tribunal cantonal du canton du Valais,
Chambre pénale, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

1P.635/2004
contestation en matière de dépens accordés par décision de non-lieu

1P.636/2004
indemnité en faveur du prévenu mis au bénéfice d'un non-lieu

recours de droit public contre les décisions du Tribunal cantonal du canton
du Valais des 28 septembre 2004 (1P.635/2004) et 29 septembre 2004
(1P.636/2004).
Faits:

A.
Soupçonné d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP), L.________ a
été placé en détention préventive le dimanche 16 juin 2002, du début de
matinée au milieu de l'après-midi. Contestant les faits reprochés, il s'est
constitué un avocat en la personne de Me D.________.

Vers la mi-septembre 2002, le Juge d'instruction du Valais central a décidé
de mettre en oeuvre une véritable expertise de crédibilité des dires de
l'enfant prétendument victime. Les parties civiles, soit les parents de
celui-ci, ont contesté la méthodologie prévue et demandé la récusation de
l'experte choisie. Cette requête a été écartée en dernier lieu par la Chambre
pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: la Chambre
pénale). Statuant sur recours des parties civiles le 16 avril 2003, le
Tribunal fédéral a confirmé le prononcé de la Chambre pénale quant au rejet
de la demande de récusation (6P.11/2003), mais l'a annulé s'agissant de la
méthode adoptée (6S.30/2003). Le Tribunal fédéral a invité l'autorité
cantonale à veiller à la poursuite de l'instruction dans le respect des
exigences de l'art. 10c de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux
victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5), qui prévoit que l'enfant ne doit en
principe pas être soumis à plus de deux auditions sur l'ensemble de la
procédure. Par la suite, l'experte a fait part de son intention de ne pas
réentendre l'enfant, puis a déposé, le 13 octobre 2003, un rapport
circonstancié concluant à l'absence de crédibilité de son récit. De son côté,
le Juge d'instruction a requis l'avis d'un spécialiste hors canton pour
déterminer si une expertise de crédibilité demeurait réalisable. Le 12
décembre 2003, L.________ a transmis son état de frais, d'un montant total de
37'173.90 fr.

Par arrêt du 14 mai 2004, le Juge d'instruction a prononcé un non-lieu en
faveur de L.________, mettant un terme à un dossier de quelque 1600 pages.
Les frais de justice ont été mis à charge du fisc par 17'539 fr. et une
indemnité de 5'500 fr. (soit 5'000 fr. d'honoraires et 500 fr. de débours) a
été allouée à l'intéressé à titre de dépens.

B.
Dès le début, la procédure a connu un foisonnement d'écritures et de nombreux
incidents, soulevés par le prévenu comme par les parties civiles. Elle a
tourné même à la confrontation entre mandataires. Les méthodes du Juge
d'instruction ont également été mises en cause. Diverses plaintes ont ainsi
été déposées auprès de la Chambre pénale, de même que des recours devant le
Tribunal fédéral (1P.457/2003; 6P.155/2003; 6P.434/2003); le Conseil suisse
de la presse ainsi que la Chambre de surveillance des avocats valaisans
notamment, ont encore été saisis.

De surcroît, dans les premiers temps de l'affaire, celle-ci a été largement
médiatisée à l'initiative des parties civiles. Les protagonistes ont ainsi
été rapidement localisés et identifiés, en tout cas dans le Valais central.
La situation a encore empiré du fait que les parties civiles ont accusé le
prévenu d'avoir agi contre ses propres enfants.

C.
Le 17 mai 2004, L.________ a déféré l'arrêt de non-lieu du 14 mai 2004 devant
la Chambre pénale, en contestant uniquement le montant des dépens accordés.

Statuant le 28 septembre 2004, la Chambre pénale a "très partiellement" admis
la plainte, en ce sens qu'elle a fixé à 10'500 fr. (soit 10'000 fr.
d'honoraires et 500 fr. de débours) les dépens à verser par l'Etat du Valais
à L.________ en raison du non-lieu. S'agissant de la procédure ouverte devant
elle, la Chambre pénale a arrêté les frais de justice à 500 fr., qu'elle a
mis pour 4/5 à la charge de L.________ et 1/5 à celle du fisc; elle a enfin
accordé à L.________ un montant de 100 fr. à titre de dépens.

D.
Entre-temps, soit le 25 juin 2004, L.________ a requis la Chambre pénale
d'ordonner à l'Etat du Valais de lui verser une indemnité pour la détention
préventive et les autres préjudices subis au sens de l'art. 114 du code de
procédure pénale du canton du Valais du 22 février 1962 (CPP/VS). Il
réclamait la réparation du tort moral par 30'000 fr. et le remboursement des
débours et honoraires dus à son mandataire par 63'136 fr.

Par décision du 29 septembre 2004, la Chambre pénale a enjoint à l'Etat du
Valais de verser à l'intéressé le montant de 10'000 fr. comme réparation
morale, avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2003, toutes autres ou plus amples
prétentions étant rejetées. Elle a renoncé à percevoir des frais de justice
et accordé au requérant un montant de 300 fr. à titre de dépens.

E.
Agissant le 29 octobre 2004 par la voie du recours de droit public,
L.________ conclut à l'annulation des décisions de la Chambre pénale des 28
(1P.635/2004) et 29 (1P.636/2004) septembre 2004, le dossier étant renvoyé à
l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il
dénonce une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) ainsi
qu'une application arbitraire de l'art. 114 CPP/VS et des art. 3 et 26 ss de
la loi valaisanne fixant le tarif des frais et dépens devant les autorités
judiciaires ou administratives du 14 mai 1998 (LTar/VS). Il demande par
ailleurs la jonction des causes et l'administration de moyens de preuves.

La Chambre pénale a renoncé à formuler des observations, en se référant pour
les deux causes aux considérants de son arrêt. Le Procureur général s'en est
remis à la justice quant à la recevabilité du recours dirigé contre la
décision du 29 septembre 2004, en concluant à son rejet sur le fond; il ne
s'est pas déterminé sur le sort du recours contestant la décision du 28
septembre 2004. La Procureure du Valais central et le Juge d'instruction ne
se sont pas exprimés.

Le 17 décembre 2004, L.________ a déposé une nouvelle détermination. Il a agi
de même le 22 décembre suivant, en transmettant au surplus une nouvelle
pièce.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Dans une même écriture, le recourant a déposé deux recours de droit public,
respectivement contre les prononcés des 28 et 29 septembre 2004 de la Chambre
pénale. Les recours sont liés, dès lors qu'ils concernent la même affaire sur
le fond et qu'ils portent partiellement sur le même objet, à savoir le
remboursement des frais d'avocat engendrés par la procédure de non-lieu.
L'économie de la procédure commande dès lors de les joindre et de les traiter
dans un seul et même arrêt (art. 24 PCF et 40 OJ; ATF 113 Ia 390 consid. 1 p.
394 et les arrêts cités).

2.
2.1 Formés en temps utile contre des décisions finales prises en dernière
instance cantonale, les recours sont recevables au regard des art. 84 ss OJ.

2.2 Déposées après l'échéance du délai de recours (art. 89 al. 1 OJ) et sans
qu'un second échange d'écritures au sens de l'art. 93 al. 3 OJ n'ait été
ordonné, les déterminations complémentaires et la nouvelle pièce déposées par
le recourant les 17 et 22 décembre 2004 ne peuvent être prises en
considération (ATF 108 Ia 140 consid. 5b p. 143; 105 Ib 37 consid. 2 p. 40).

2.3 Le recourant demande à la Cour de céans qu'elle procède à
l'administration de preuves, notamment à l'audition de son épouse. Le
Tribunal fédéral s'estime toutefois suffisamment renseigné au sens de l'art.
95 al. 1 OJ, si bien qu'il sied d'écarter cette requête.

3.
En premier lieu, il convient d'examiner les griefs soulevés à l'encontre de
la décision du 28 septembre 2004, qui a revu sur plainte le montant des
dépens alloués à l'issue de l'arrêt de non-lieu. Le recourant s'en prend
d'abord au fond du prononcé, soit aux dépens précités (consid. 3.1); il
conteste ensuite les frais de justice mis à sa charge pour la procédure de
plainte (consid. 3.2), de même que les dépens obtenus dans ce cadre (consid.
3.3).
3.1 La Chambre pénale a augmenté de 5'000 fr. à 10'000 fr. le montant des
honoraires d'avocat alloués pour la procédure de non-lieu (les débours, par
500 fr., demeurant inchangés). Le recourant y voit une application arbitraire
des art. 3 et 26 ss LTar/VS, estimant que les honoraires en cause s'élevaient
en réalité au moins à 50'000 fr.

3.1.1 Aux termes de l'art. 210 CPP/VS, la décision par laquelle les frais
sont mis à la charge du fisc entraîne, pour l'Etat, l'obligation de payer les
frais, ainsi que les débours et dépens au tarif ordinaire de l'avocat du
prévenu (ch. 1); l'avocat fait valoir ses débours et dépens sous la forme
d'un décompte; la loi fixant le tarif des frais et dépens devant les
autorités judiciaires ou administratives s'applique pour le surplus (ch. 3).
Selon ladite loi, les dépens, arrêtés globalement, comprennent notamment les
frais d'avocat; ils couvrent, en principe, les frais indispensables
occasionnés par le litige (art. 3 al. 1 LTar/VS). Les frais d'avocat
comprennent les honoraires, calculés selon les art. 26 ss LTar/VS, auxquels
s'ajoutent les débours (art. 3 al. 3 LTar/VS). Les honoraires sont fixés
entre un minimum et un maximum, d'après la nature et l'importance de la
cause, ses difficultés, l'ampleur du travail, le temps utilement consacré par
l'avocat, et la situation financière de la partie (art. 26 al. 1 LTar/VS).
Dans les causes qui ont nécessité un travail particulier, notamment lorsque
les moyens de preuve ont été longs et difficiles à réunir ou coordonner, que
le dossier de la procédure probatoire a pris une ampleur considérable, que
les questions de fait ou de droit ont été spécialement compliquées, que
l'avocat représente plusieurs parties ou que son client est opposé à
plusieurs parties, l'autorité peut accorder des honoraires d'un montant
supérieur à celui prévu par le tarif (art. 28 al. 1 LTar/VS). Pour les causes
portées devant le tribunal d'instruction pénale, la fourchette tarifaire va
de 500 à 5'000 fr. (art. 36 let. d LTar/VS).

3.1.2 D'après la décision intimée, la défense du recourant avait exigé un
engagement soutenu dans une première phase, dès lors que l'intéressé avait
non seulement subi de graves accusations de pédophilie, mais que celles-ci
avaient été relayées dans les médias à l'initiative des parties civiles, ce
qui avait permis à la population de l'identifier. De plus, le recourant avait
encore été soupçonné d'agissements criminels sur ses propres enfants. Par la
suite, une vigilance certaine était restée nécessaire, notamment en raison
des difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de l'expertise de
crédibilité. Enfin, il se concevait aisément que le prévenu agisse de manière
à obtenir un non-lieu dans les meilleurs délais.

D'un autre côté, la question primordiale - soit la crédibilité à attribuer
aux dires et aux attitudes de l'enfant - n'avait pas parue sujette à problème
particulier. La mise en oeuvre d'une expertise de crédibilité répondant aux
critères minima dégagés par la jurisprudence récente n'était pas contestée,
ni, dans un premier temps, l'identité de l'experte. Après notification des
arrêts du Tribunal fédéral du 16 avril 2003, la question principalement en
suspens consistait uniquement à déterminer si une autre expertise de
crédibilité était encore réalisable, sans quoi le juge envisageait d'ores et
déjà le prononcé d'un non-lieu. Ainsi, l'importance de la cause ne justifiait
pas les démarches prolixes et peu rationnelles du prévenu (envoi de plus de
150 lettres au Juge d'instruction en quelque 18 mois, notamment 16 lettres
distinctes en une seule journée). En particulier, une bonne part des
entretiens entre le recourant et son mandataire avait dû relever plus du
soutien moral que de la conduite de la procédure. Par ailleurs, les frais
d'intervention liés à des procédures connexes mais distinctes devaient être
exclus du décompte.

Tout bien pesé, s'il fallait dépasser, en vertu de l'art. 28 al. 1 LTar/VS,
le maximum prévu à l'art. 36 let. d LTar/VS, soit 5'000 fr., il n'y avait pas
lieu d'aller au-delà du double de cette somme.

3.1.3 Pour démontrer l'insuffisance du montant de 10'000 fr. obtenu, le
recourant affirme que chacune des démarches opérées "s'inscrivait dans un
cadre purement juridique et avait des résonances de soutien moral". Il expose
s'être trouvé tenu de procéder à une réflexion approfondie et à des écritures
pensées pour empêcher une expertise inappropriée, indiquant encore que
l'envoi simultané de 16 lettres distinctes résultait de la nécessité de poser
un acte fort pour faire avancer l'instruction. Enfin, il se réfère à ses
décomptes de frais.

3.1.4 Ainsi que l'a souligné le prononcé attaqué, les démarches à accomplir
dans la procédure d'instruction se limitaient pour l'essentiel à la mise en
oeuvre d'une expertise de crédibilité. Le rapport finalement rédigé a du
reste conclu en faveur du recourant. Vu le large pouvoir d'appréciation dont
elle bénéficie pour fixer les dépens, l'autorité cantonale pouvait ainsi
retenir sans arbitraire qu'un montant de 10'000 fr. rémunérait
raisonnablement les actes juridiques réellement utiles à l'obtention d'un
non-lieu. Notamment, il n'était pas insoutenable de considérer que le
doublement du maximum tarifaire suffisait à tenir compte du surplus de
travail pertinent engendré par la médiatisation, par les controverses
afférentes à l'expertise, ainsi que par la célérité exigée par le poids des
accusations. Les arguments du recourant ne conduisent pas à une autre
conclusion, d'autant moins que les décomptes qu'il a produits comportent des
postes relatifs à des causes distinctes, telles que les plaintes déposées
auprès du Conseil de la presse ou de la Chambre de surveillance des avocats.
Ce moyen doit ainsi être rejeté.

3.2 Le recourant conteste les frais de justice mis à sa charge, par 400 fr.,
pour la procédure de plainte.

L'autorité intimée a arrêté à 500 fr. les frais de justice en cause, qu'elle
a partagés à raison de 4/5 à charge du recourant et 1/5 à charge du fisc.
Elle a fixé la clé de répartition en rapportant la somme encore réclamée
devant elle, soit plus de 31'000 fr. (37'173.90 fr. selon le décompte du
recourant du 12 décembre 2003 ./. 5'500 fr. alloués en première instance) à
celle finalement obtenue par le recourant, soit 5'000 fr. (10'500 fr.
accordés par elle-même ./. 5'500 fr.).

En réalité, le recourant ne se plaint pas du montant absolu des frais qu'il
est appelé à verser; il conteste uniquement la clé de répartition. D'après
lui, celle-ci doit se fonder sur la proportion entre la somme que lui avait
allouée l'autorité de première instance, de 5'500 fr. et celle qu'il a
obtenue de l'autorité de plainte, de 10'500 fr., à savoir sur un rapport
allant du simple au double. Il est douteux que ce grief soit recevable, le
recourant se bornant à exposer son propre mode de calcul, sans démontrer plus
amplement l'arbitraire dans le système adopté par l'autorité intimée. La
question souffre cependant de demeurer indécise, car cette dernière méthode
n'apparaît de toute façon pas insoutenable. Le grief doit ainsi être écarté.

3.3 Enfin, le recourant tient pour insuffisante au regard des art. 3 et 26 ss
LTar/VS la somme de 100 fr. allouée à titre de dépens pour la procédure de
plainte, dès lors que ses frais d'avocat s'élèvent, décompte à l'appui, à 496
fr. De son avis, le versement accordé est d'autant plus critiquable que la
Chambre pénale a doublé la somme accordée en première instance.

En réalité, la décision attaquée a suivi le recourant, puisqu'elle a évalué à
500 fr. ses frais d'avocat. Si les dépens octroyés en définitive atteignent
100 fr. seulement, cette réduction résulte de la clé de répartition
sus-décrite, qui les concerne également, fût-ce en sens inverse. Dès lors que
le recourant ne réussit pas à établir l'arbitraire dans le choix de cette
clé, ce moyen est mal fondé, à supposer qu'il soit recevable au sens de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

4.
Il sied en second lieu de traiter les griefs formulés à l'encontre de la
décision du 29 septembre 2004, qui a fixé à 10'000 fr. l'indemnité accordée
en raison des préjudices issus de la procédure pénale (art. 114 CPP/VS). Le
recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu (consid.
4.1), du montant de l'indemnité pour tort moral (consid. 4.2), du refus de
l'autorité intimée de considérer ses frais d'avocat comme un préjudice au
sens de l'art. 114 CPP/VS (consid. 4.3), ainsi que des dépens alloués au
terme de la décision d'indemnisation (consid. 4.4).
4.1 Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., le recourant dénonce le refus de la
Chambre pénale de donner suite à sa requête du 25 juin 2004 tendant à ce que
lui-même et son épouse soient personnellement entendus par cette autorité. Il
relève que "les paroles de ces deux personnes avaient pour but d'établir les
conséquences psychologiques qu'eut cette affaire sur la vie familiale, la vie
de leurs enfants, sur la vie sociale".
Selon la jurisprudence relative à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit de faire
administrer des preuves suppose que le fait à prouver soit pertinent, que le
moyen de preuve proposé soit nécessaire pour constater ce fait et que la
demande soit présentée selon les formes et délais prescrits par le droit
cantonal (ATF 119 Ib 492 consid. 5b/bb p. 505). Cette garantie
constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction
lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et
que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des
preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne
pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 119 Ib 492 consid. 5b/bb p.
505/506). A lui seul, l'art. 29 al. 2 Cst. ne confère pas le droit d'être
entendu oralement par l'autorité (ATF 122 II 464 consid. 4c p. 469; Alfred
Kölz/Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des
Bundes, 2e éd., Zurich 1998, n. 150, p. 53).

La Chambre pénale a considéré que le montant d'une indemnité découlant d'une
procédure pénale se déterminait avant tout selon les faits ressortant du
dossier pénal; or, celui-ci indiquait suffisamment les difficultés qu'avait
dû endurer la famille du recourant, d'autant que ces problèmes avaient encore
été évoqués par l'épouse dans sa lettre du 6/9 février 2004. Au demeurant, la
déposition des conjoints revêtait une valeur probante très limitée et pouvait
être d'emblée considérée comme non susceptible d'influer sur l'issue de la
cause.

Le recourant ne critique pas la motivation exposée ci-dessus. En particulier,
il n'indique pas en quoi son interrogatoire et l'audition de son épouse
auraient été propres à compléter de manière pertinente les déclarations et
éléments de preuve déjà récoltés sous forme écrite, de même qu'à influer sur
le sort de la procédure, à savoir sur le montant de l'indemnité au sens de
l'art. 114 CPP/VS. Faute de respecter les exigences de motivation posées par
l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le grief est irrecevable.

4.2 Le recourant tient pour excessivement faible le montant de 10'000 fr.
accordé à titre de réparation du tort moral. Il fait valoir la détention
préventive encourue, la gravité des accusations portées injustement à son
encontre, les auditions subies par son propre fils, ainsi que la
médiatisation de la procédure et ses conséquences néfastes pour lui-même et
sa famille, notamment en milieu scolaire. Par ailleurs, alors qu'il
prétendait à 30'000 fr. devant la Chambre pénale, il réclame maintenant un
montant de 50'000 fr.
A teneur de l'art. 114 ch. 1 CPP/VS, "une indemnité pour la détention
préventive et les autres préjudices subis est allouée, s'il en fait la
demande, au prévenu qui est mis au bénéfice d'un non-lieu ou qui est
seulement puni pour inobservation de prescriptions d'ordre; toutefois, cette
indemnité peut être refusée en tout ou en partie au prévenu qui a provoqué
l'instruction par sa faute ou qui a, sans raison, entravé ou prolongé la
procédure. Pour le surplus, les dispositions du code des obligations sont
applicables par analogie." Cette disposition confère ainsi un pouvoir
d'appréciation étendu au juge. Selon la jurisprudence, il faut tenir compte
de toutes les circonstances de l'espèce, notamment de l'atteinte à
l'intégrité physique, psychique ou encore à la réputation (ATF 112 Ib 446
consid. 5b/aa p. 458; voir également ATF 113 Ib 155 consid. 3b p. 156, 112 Ib
459 et 461).

Selon la décision attaquée, la mesure la plus incisive prise à l'encontre du
recourant avait consisté dans le placement en détention préventive, qui
n'avait duré guère plus d'une demi-journée. Il n'y avait pas eu de
combinaison extraordinaire de facteurs particulièrement aggravants. La
procédure avait duré moins de deux ans, elle n'avait pas été indûment
retardée du fait des juges d'instruction, le recourant n'avait pas fait
l'objet d'une ouverture formelle d'instruction pour abus sexuels sur ses
propres enfants et il n'avait même pas dû comparaître en audience. En
définitive, le tort moral subi par le recourant résultait pour l'essentiel de
"la publicité faite à une procédure des plus infamante pour un père de
famille". En effet, le recourant avait été sévèrement mis en cause par les
parties civiles, particulièrement lorsque les accusations de pédophilie
avaient été relayées dans les médias à l'initiative de ces parties, ce qui
avait permis à la population environnante de l'identifier. La situation
s'était encore aggravée du fait que celles-ci l'avaient encore accusé
d'abuser de ses propres enfants. La publicité en cause avait ainsi
indubitablement entraîné des répercussions fort pénibles au plan familial et
empoisonné les relations sociales de la famille, plus spécialement le climat
scolaire des enfants. Toutefois, ses effets avaient été atténués dès
l'automne 2003, par des articles de presse annonçant l'innocence du prévenu
puis relatant l'issue de la procédure. Notamment, un article du "Nouvelliste"
du 28 février 2004 publié sous le titre "Triste bilan" avait indiqué, en
rapport explicite avec la cause, qu'un citoyen avait été accusé à tort de
pédophilie. Par ailleurs, la question de savoir si les procédés de son avocat
- impliquant des complications, voire un retard, dans l'avancement de la
procédure - avaient influé sur le tort moral éprouvé, pouvait rester indécise
au vu du rôle très secondaire de cette cause. Dans ses conditions, compte
tenu de la casuistique récente, une indemnité de 10'000 fr. constituait une
réparation morale appropriée.
Le recourant ne conteste pas les faits précités, pas plus qu'il n'indique de
manière suffisante que la Chambre pénale aurait omis de tenir compte d'un
facteur pour fixer l'indemnité pour tort moral, ou que la casuistique dont
elle s'est inspirée devait la conduire à fixer une indemnité supérieure.
Contrairement à ce qu'il laisse entendre du reste, la Chambre pénale s'est
précisément abstenue de réduire l'indemnité en raison d'une attitude de son
mandataire. Son argumentation s'avère ainsi largement appellatoire. Pour le
surplus, l'indemnité accordée n'apparaît pas insoutenable. En particulier,
s'il ne faut pas minimiser les effets de la médiatisation, notamment
l'ostracisme subi dans le quartier et à l'école, on ne saurait faire
totalement abstraction des démentis parus ultérieurement dans la presse.

4.3 Enfin, le recourant affirme que la part de ses frais non couverte par
l'allocation de dépens fixée au terme de l'arrêt de non-lieu doit être
considérée comme un préjudice au sens de l'art. 114 CPP/VS, partant
remboursée de ce chef. Il fait valoir sur ce point la discordance importante
entre les dépens obtenus et le montant de ses frais d'avocat. A son avis de
surcroît, si une partie de l'activité de son conseil a été exclue des dépens
au motif qu'elle relevait uniquement du soutien moral, elle doit alors
précisément donner lieu à une indemnisation pour tort moral.

Selon la décision attaquée, les dépens octroyés à l'issue d'un arrêt de
non-lieu - en vertu de l'art. 3 LTar/VS - sont censés couvrir l'intégralité
des frais de la partie qui peut y prétendre, de sorte qu'il n'est pas
arbitraire d'estimer qu'il n'y a plus de place pour une indemnisation
subséquente des honoraires et débours d'avocat non couverts par les dépens,
dans le cadre de la procédure d'indemnisation prévue à l'art. 114 CPP/VS.

A teneur de l'art. 3 LTar/VS, les dépens couvrent, en principe, les "frais
indispensables occasionnés par le litige", l'art. 26 al. 1 LTar/VS
mentionnant quant à lui le temps "utilement" consacré par l'avocat. Le
recourant ne réussit pas à établir que l'art. 114 CPP/VS serait destiné à lui
rembourser des frais d'avocat allant au-delà de l'indispensable ou de l'utile
déjà fixés par l'autorité compétente en application des art. 3 et 26 LTar/VS.
A supposer même qu'il ne soit pas exclu que l'art. 114 CPP/VS puisse couvrir,
selon les circonstances, les frais engendrés par un "soutien moral", il ne
serait de toute façon pas critiquable de refuser cette indemnisation lorsque
cette activité est exercée par un avocat, dont ce n'est pas le rôle. Ce moyen
est ainsi mal fondé dans la mesure où il est recevable sous l'angle de l'art.
90 al. 1 let. b OJ.

4.4 Le recourant conteste le montant de 300 fr. obtenu à titre de dépens pour
la procédure d'indemnisation.

L'autorité intimée a arrêté les débours à un montant arrondi à 40 fr. et fixé
les honoraires à 260 fr., soit à une somme proche du minimum prévu par l'art.
26 let. k LTar/VS (qui indique une fourchette allant de 250 fr. à 2'000 fr.).
Une réduction d'honoraires se justifiait en effet, dès lors que la requête
était infondée en ce qui concernait l'indemnisation des frais de justice et
nettement surfaite en matière de réparation morale.

Le recourant se limite à exposer son propre décompte, soit 43 fr. de débours
et 1'625 fr. d'honoraires. Dans la mesure où il ne conteste pas les débours
et qu'il ne critique pas les motifs ayant mené l'autorité intimée à réduire
les honoraires de son avocat, son grief est irrecevable, faute de respecter
les exigences posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

5.
Vu ce qui précède, les recours sont rejetés dans la mesure de leur
recevabilité. Succombant, le recourant doit assumer les frais judiciaires. Il
n'a pas droit à des dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 1P.635/2004 et 1P.636/2004 sont jointes.

2.
Les recours sont rejetés dans la mesure de leur recevabilité.

3.
Un émolument judiciaire global de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à la
Procureure et à l'Office du Juge d'instruction du Valais central, ainsi qu'au
Procureur général et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du
Valais.

Lausanne, le 7 février 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: