Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.614/2004
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1P.614/2004/col

Arrêt du 23 décembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Parmelin.

X. ________,
Y.________,
recourants, représentés par Me Jacques Emery, avocat,

contre

Institut International de Promotion et de Prestige,
intimé, représenté par Me Olivier Cramer, avocat,
Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève,
Chambre pénale, case postale 3108, 1211 Genève 3.

procédure pénale; refus d'entendre un témoin,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale de la Cour de
justice du canton de Genève
du 20 septembre 2004.

Faits:

A.
Le 21 mai 2002, le Procureur général du canton de Genève a renvoyé X.________
et Y.________ devant le Tribunal de police du canton de Genève comme prévenus
de diffamation, pour avoir adressé le 28 juillet 2001 au Président de la
Fondation C.________ un courrier dans lequel ils qualifiaient l'Institut
International de Promotion et de Prestige, partie civile, d'organisation
criminelle et l'accusait du vol de documents et d'adresses appartenant à
l'association E.________, dont ils étaient respectivement le président et le
secrétaire général.
Par un jugement préparatoire du 8 octobre 2002, ce tribunal a autorisé les
prévenus à apporter la preuve de la vérité selon l'art. 173 ch. 2 CP. A
l'audience du 21 novembre 2002, il a entendu divers témoins de la défense et
de la partie civile. Nonobstant l'opposition de cette dernière, il a renvoyé
la cause pour permettre l'audition de deux autres témoins de la défense qui,
bien que dûment cités, n'avaient pas comparu. A l'audience du 22 mai 2003,
ces témoins ont derechef fait défaut et le tribunal a alors refusé un nouveau
renvoi. Statuant le même jour au fond, il a reconnu les prévenus coupables de
diffamation. Il a infligé des peines d'emprisonnement de quinze jours à
X.________ et de dix jours à Y.________, avec sursis durant trois ans.
Par arrêt rendu le 27 octobre 2003 sur appel des condamnés, la Chambre pénale
de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale ou la
cour cantonale) a confirmé ce jugement, après avoir entendu l'un des deux
témoins défaillants à l'audience de jugement de première instance,
A.________. Statuant le 25 mars 2004, le Tribunal fédéral a admis le recours
de droit public formé par X.________ et Y.________ contre cet arrêt qu'il a
annulé. Il a estimé en substance que la Chambre pénale avait violé l'art. 29
al. 1 et 2 Cst. en rejetant l'appel sans indiquer clairement les raisons pour
lesquelles elle refusait une nouvelle assignation du second témoin
défaillant, B.________.
Bien que dûment convoquée à l'audience de la Chambre pénale fixée le 14 juin
2004, celle-ci ne s'est pas présentée. Au terme d'un nouvel arrêt du 20
septembre 2004, cette autorité a confirmé le jugement du Tribunal de police
du 22 mai 2003. Elle a refusé de renvoyer les débats afin d'entendre
B.________ par voie de commission rogatoire, estimant que ce témoignage ne
pouvait être d'aucune utilité.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des art. 9 et
29 al. 2 Cst., X.________ et Y.________ demandent au Tribunal fédéral
d'annuler cet arrêt. Ils requièrent l'assistance judiciaire.
La Chambre pénale se réfère aux considérants de son arrêt. Le Procureur
général du canton de Genève et l'Institut International de Promotion et de
Prestige concluent au rejet du recours.

C.
Par pli du 11 novembre 2004, Me Jacques Emery a informé le Tribunal fédéral
qu'il cessait de représenter X.________ et qu'il révoquait en conséquence
l'élection de domicile faite en son étude pour le compte de celui-ci.
La chancellerie de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a imparti
un délai au 26 novembre 2004 à X.________ pour ratifier le recours de droit
public déposé en son nom, faute de quoi celui-ci serait déclaré irrecevable
en ce qui le concerne. Elle l'invitait en outre à fournir, dans le même
délai, les documents propres à prouver son indigence.

X. ________ n'a pas répondu.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 321 consid. 1 p.
324, 388 consid. 1 p. 389 et la jurisprudence citée).

1.1 Par acte du 25 octobre 2004, Me Jacques Emery a déclaré former un recours
de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale du 20 septembre 2004 aux
noms de Y.________ et de X.________ sans qu'une procuration ait été produite
en faveur de ce dernier. Par la suite, il a informé la chancellerie de la Ire
Cour de droit public du Tribunal fédéral qu'il ne représentait plus les
intérêts de X.________. Celui-ci n'a pas réagi à l'invitation qui lui a alors
été faite de ratifier le recours déposé en son nom par Me Jacques Emery dans
le délai imparti à cet effet. Il y a ainsi lieu d'admettre que X.________
n'avait pas l'intention de recourir contre l'arrêt de la Chambre pénale du 20
septembre 2004; par conséquent, il ne sera pas entré en matière sur le
recours déposé par Me Jacques Emery le 25 octobre 2004 au nom de X.________.

1.2 En revanche, interjeté en temps utile contre une décision finale prise en
dernière instance cantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts
juridiquement protégés, le recours de droit public est recevable en tant
qu'il émane de Y.________.

2.
Ce dernier voit une violation de son droit d'être entendu garanti à l'art. 29
al. 2 Cst. dans le refus de procéder à l'audition de B.________ en qualité de
témoin.

2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par cette disposition,
comprend notamment le droit pour l'intéressé de produire des preuves
pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles, ou
à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 504/505 et
les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves suppose que le
fait à prouver soit pertinent, que le moyen de preuve proposé soit nécessaire
pour constater ce fait et que la demande soit présentée selon les formes et
délais prescrits par le droit cantonal. Par ailleurs, cette garantie
constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction
lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et
que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des
preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne
pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in
fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211).

2.2 La Chambre pénale a considéré que le caractère attentatoire à l'honneur
de la partie civile des propos contenus dans le courrier que les accusés
avaient adressé le 28 juillet 2001 à la Fondation C.________ était manifeste;
elle a relevé en outre que le Tribunal de police avait entendu de nombreux
témoins et que les enquêtes avaient été complétées devant elle par l'audition
d'un témoin de la défense. Dans ces circonstances, elle a exclu que
l'audition de B.________ puisse amener un élément supplémentaire utile que ce
soit pour apprécier la culpabilité des accusés, sous l'angle de la preuve de
la vérité, ou pour fixer la peine, respectivement pour prononcer une
exemption de peine. La cour cantonale a donc estimé, sur la base de
l'ensemble des éléments dont elle disposait et après avoir procédé aux autres
mesures d'instruction requises, que l'audition de B.________ ne pourrait
apporter aucun élément susceptible d'établir la preuve de la vérité selon
l'art. 173 ch. 2 CP. Certes, la motivation retenue n'est pas très étoffée. On
ne saurait cependant en faire grief à la Chambre pénale, car le recourant n'a
fourni aucune indication, que ce soit dans la procédure pénale cantonale ou à
l'appui du présent recours, concernant les faits sur lesquels B.________
devait se prononcer, propre à démontrer que l'audition de ce témoin était
nécessaire et pertinente pour établir la preuve de la vocation criminelle de
l'intimé et du vol de documents et d'adresses dont elle était accusé. Les
prévenus avaient il est vrai également sollicité sans succès à plusieurs
reprises l'audition de B.________ dans la procédure civile ouverte contre
l'intimé devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Selon une
lettre du 3 décembre 2001, elle devait témoigner, au même titre que
A.________, sur l'incident survenu en novembre 1999 dans les locaux de
E.________ au cours duquel des listes des participants et candidats à la
conférence "F.________" organisée par cette association auraient été
détruites, des meubles et des documents bouleversés et des employés
intimidés, ainsi que sur le vol de documents et d'adresses perpétré au mois
de février 2000. Or, la Chambre pénale a estimé que, compte tenu du temps
écoulé, l'incident du mois de novembre 1999 ne pouvait justifier l'envoi d'un
courrier diffamatoire un an et demi plus tard. Pour la même raison, elle
pouvait considérer l'audition de B.________ à ce propos comme inutile. Pour
le surplus, selon l'arrêt attaqué, non contesté sur ce point, A.________ n'a
pas été en mesure de confirmer le vol de documents et d'adresses appartenant
à E.________, même s'il a effectivement constaté que des listes n'avaient pas
été retrouvées. La Chambre pénale pouvait sans verser dans l'arbitraire ni
violer le droit d'être entendu du recourant admettre qu'il en serait de même
de B.________ et refuser de renvoyer les débats pour ordonner une nouvelle
audition de ce témoin par voie de commission rogatoire.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est
recevable, en tant qu'il émane de Y.________. L'issue du recours étant
d'emblée prévisible, la demande d'assistance judiciaire doit être écartée
(art. 152 al. 1 OJ) et un émolument judiciaire mis à la charge du recourant
qui succombe (art. 156 al. 1, 153 al. 1 et 153a OJ). Ce dernier versera en
outre une indemnité de dépens à l'intimé qui obtient gain de cause avec
l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Il n'est pas entré en matière sur le recours déposé au nom de X.________.

2.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable en tant qu'il émane
de Y.________.

3.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

4.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de Y.________.

5.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à l'Institut International de
Promotion et de Prestige à titre de dépens, à la charge de Y.________.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, à
X.________ ainsi qu'au Procureur général et à la Chambre pénale de la Cour de
justice du canton de Genève.

Lausanne, le 23 décembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: