Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.598/2004
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1P.598/2004/viz

Arrêt du 27 avril 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger, Reeb, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________, recourant,
représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève,
Chambre pénale, case postale 3108,
1211 Genève 3.

liberté personnelle; procédure pénale,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale de la Cour de
justice du canton de Genève
du 20 septembre 2004.

Faits:

A.
Le vendredi 24 janvier 2003, à 04h10, deux agents de la gendarmerie genevoise
sont intervenus pour régler un différend entre le portier du "Club 58", à
Genève, et deux clients, à savoir A.________ et B.________, qui s'étaient vu
refuser l'accès à l'établissement parce qu'ils étaient sous l'emprise de
l'alcool. Après leur avoir expliqué les raisons d'un tel refus, ils les ont
priés de quitter les lieux. B.________ s'est exécuté en prenant un taxi,
alors que A.________ a refusé de partir. Ce dernier a été soumis à un test à
l'éthylomètre qui a révélé un taux d'alcool dans l'haleine de 1,4 gr o/oo.
Après lui avoir une nouvelle fois vainement ordonné de circuler, les agents
l'ont conduit au poste de police des Pâquis "pour qu'il y cuve son alcool",
avant de le relaxer vers 08h00. Selon le rapport de contravention établi le
27 janvier 2003, A.________ aurait vociféré des insultes à l'encontre du
portier de la discothèque et des agents de police, troublant ainsi la
tranquillité du voisinage.

A. ________ a contesté l'amende de 350 fr. qui lui a été infligée à raison de
ces faits, pour excès de bruit, au sens de l'art. 1 al. 1 et 2 du règlement
genevois concernant la tranquillité publique et l'exercice des libertés
publiques, du 8 août 1956 (ci-après: le règlement concernant la tranquillité
publique), et refus de circuler sur ordre de la police, au sens de l'art. 32
al. 2 du règlement genevois sur la propreté, la salubrité et la sécurité
publiques, du 17 juin 1955 (ci-après: le règlement sur la sécurité publique).
Le Procureur général du canton de Genève a transmis l'opposition au Tribunal
de police du canton de Genève le 18 novembre 2003. Par jugement du 21 avril
2004, cette autorité a reconnu A.________ coupable d'excès de bruit et de
refus de circuler sur ordre de la police, selon l'art. 37 al. 1 ch. 1 et 4 de
la loi pénale genevoise du 20 septembre 1941 (LPG), et l'a condamné à une
amende de 350 fr.
La Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la
Chambre pénale ou la cour cantonale) a confirmé ce jugement au terme d'un
arrêt rendu le 20 septembre 2004 sur appel du contrevenant.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Il invoque une violation du principe de
la légalité des délits et des peines, ancré aux art. 5 al. 1 Cst. et 7 par. 1
CEDH, en relation avec la garantie de la liberté personnelle, de la liberté
d'opinion et d'expression, l'inconstitutionnalité de la loi pénale genevoise
au regard de l'art. 70 de la Constitution genevoise (Cst. gen.), une
violation du principe de la légalité en relation avec le principe de la
séparation des pouvoirs et l'arbitraire dans l'application du droit cantonal.
Il requiert l'assistance judiciaire.
La Chambre pénale se réfère aux considérants de son arrêt. Le Procureur
général du canton de Genève conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'amende infligée au recourant repose exclusivement sur le droit cantonal.
Seul le recours de droit public pour violation des droits constitutionnels
des citoyens est ouvert, à l'exclusion de toute autre voie de droit auprès du
Tribunal fédéral (cf. ATF 118 Ia 137 consid. 1c p. 139 et les références
citées). Le recourant est directement touché par l'arrêt attaqué, qui
confirme sa condamnation à une amende de 350 fr. Il a un intérêt personnel,
actuel et juridiquement protégé à ce que cet arrêt n'ait pas été rendu en
violation de ses droits constitutionnels et a, partant, qualité pour recourir
selon l'art. 88 OJ. Interjeté en temps utile contre une décision finale prise
en dernière instance cantonale, le recours répond au surplus aux exigences
des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.

2.
Le recourant se plaint à divers titres d'une violation du principe de la
légalité, tel qu'il découle des art. 7 CEDH et 5 al. 1 Cst., en relation avec
le principe de la séparation des pouvoirs.

2.1 Le principe de la légalité des délits et des peines, consacré aux art.
1er CP et 7 par. 1 CEDH, est violé lorsque le citoyen est poursuivi
pénalement pour un acte que la loi n'indique pas comme punissable, ou
lorsqu'un acte pour lequel le citoyen est poursuivi pénalement est bien
légalement réprimé mais que la loi en question ne peut être considérée comme
valable, ou enfin lorsque le juge réprime un acte selon une loi pénale à
laquelle il ne peut être soumis d'après les principes généraux du droit
pénal, et cela même dans le cadre d'une interprétation extensive (ATF 118 Ia
305 consid. 7a p. 318/319). La loi pénale doit être formulée de manière
suffisamment claire et précise pour que ses conséquences soient
reconnaissables pour tous (ATF 125 III 391 consid. 3d p. 399; 117 Ia 472
consid. 4c p. 489).
L'exigence de précision de la norme découle de manière générale du principe
de la légalité, ancré à l'art. 5 al. 1 Cst. Cette exigence n'est toutefois
pas absolue, car on ne saurait imposer au législateur qu'il renonce
totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire
d'interprétation (ATF 129 I 161 consid. 2.2 p. 163). Pour déterminer quel
degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte
du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle
autorise aux droits fondamentaux. Une atteinte grave exige en principe une
base légale formelle, claire et précise, alors que les atteintes plus légères
peuvent, par le biais d'une délégation législative, figurer dans des actes de
niveau inférieur à la loi, ou trouver leur fondement dans une clause générale
(ATF 123 I 1 consid. 4b p. 5, 112 consid. 7a p. 124).
Quant au principe de la séparation des pouvoirs, exprimé par la Constitution
genevoise notamment à son art. 130, il interdit à un organe de l'Etat
d'empiéter sur les compétences d'un autre organe (ATF 119 Ia 28 consid. 3 in
fine p. 34; 106 Ia 389 consid. 3 p. 394; arrêt 1P.404/1994 du 19 décembre
1994 paru à la SJ 1995 p. 285 consid. 3 p. 288); en particulier, il interdit
au pouvoir exécutif d'édicter des règles de droit, si ce n'est dans le cadre
d'une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 118 Ia 305
consid. 1a p. 309). Tels que le recourant les formule, les moyens tirés de la
violation des principes de la séparation des pouvoirs et de la légalité se
confondent (cf. ATF 98 Ia 584 consid. 3c p. 591).

2.2 Selon l'art. 1 du règlement concernant la tranquillité publique, tout
excès de bruit de nature à troubler la tranquillité publique est interdit
(al. 1). De nuit, chacun doit s'abstenir de provoquer des bruits pouvant
troubler le repos des habitants (al. 2). Sont notamment interdits, de 21h à
7h, quel qu'en soit le lieu, les cris, vociférations, appels et sonneries
(art. 3 let. a). Les contrevenants aux dispositions du règlement précité sont
passibles des peines de police (art. 12 al. 1).
L'art. 32 al. 2 du règlement sur la sécurité publique dispose que toute
personne qui est une cause de perturbation ou de scandale sur la voie
publique doit, sur ordre de la police, immédiatement circuler. L'art. 42
prévoit que les contrevenants sont passibles des peines de police, sans
préjudice de plus fortes peines en cas de crimes ou de délits.
Les contraventions de police sont régies par les art. 37 et 38 LPG, qui
frappent des arrêts et de l'amende ou de l'une de ces deux peines seulement
ceux qui ont contrevenu aux lois et règlements sur la sécurité publique (art.
37 al. 1 ch. 1 LPG) et les auteurs et complices de tapages insolites
troublant la tranquillité de ses habitants (art. 37 al. 1 ch. 4 LPG).

2.3 La cour cantonale a considéré que par le comportement décrit dans le
rapport de contravention du 27 janvier 2003, le recourant avait enfreint les
art. 1 al. 1 et 2 du règlement concernant la tranquillité publique et 32 al.
2 du règlement sur la sécurité publique et lui a infligé une amende de 350
fr. en application de l'art. 37 al. 1 ch. 1 et 4 LPG. Elle a estimé que la
loi pénale genevoise n'était pas inconstitutionnelle et que son application
aux contraventions commises par l'appelant était justifiée. A titre
subsidiaire, elle a relevé que les art. 12 et 42 des règlements précités
constituaient des bases légales suffisantes pour sanctionner d'une amende les
agissements de A.________, indépendamment de l'art. 37 al. 1 ch. 1 et 4 LPG.
Le recourant attaque l'une et l'autre de ces motivations qu'il tient pour
arbitraires, répondant ainsi aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf.
ATF 121 I 1 consid. 5a p. 10; 121 IV 94 consid. 1b p. 95 et les arrêts
cités). Selon lui, l'art. 37 al. 1 ch. 1 et 4 LPG ne saurait servir de
fondement à l'amende litigieuse, car la loi pénale genevoise aurait été
adoptée par un organe qui n'était pas composé selon la Constitution
cantonale, dès lors que le Grand Conseil genevois avait été amputé de 27 de
ses membres. Les art. 12 et 42 des règlements ne constituaient pas plus une
base légale suffisante pour le condamner à une amende, car elles reposent sur
une norme de délégation anticonstitutionnelle. De plus, le Conseil d'Etat
genevois aurait outrepassé les normes de délégation en sanctionnant des
peines de police des comportements qui ne sont pas visés dans la loi. Enfin,
les sanctions prévues par les règlements précités n'auraient pas le degré de
précision requis par la jurisprudence.

2.4 L'art. 125 Cst. gen. confère au Conseil d'Etat le droit d'édicter des
règlements de police dans les limites fixées par la loi. Cette disposition
accorde ainsi à l'exécutif cantonal genevois un large pouvoir normatif
indépendant dans les matières de police (Andreas Auer, La notion de la loi
dans la constitution genevoise, in SJ 1981 p. 297, n° 52). L'art. 38 LPG
confirme la compétence du Conseil d'Etat pour édicter des règlements
concernant les matières de police, celles-ci étant d'ailleurs définies à
l'art. 37 LPG. Or, cette dernière disposition mentionne expressément, à ses
ch. 1 et 4, la tranquillité et la sécurité publiques. Le recourant n'établit
pas que le législateur cantonal aurait apporté une limitation aux compétences
ordinaires du Conseil d'Etat dans ce domaine. Les règlements précités
reposent ainsi sur une base légale spécifique de niveau constitutionnel,
indépendante de la loi pénale genevoise (ATF 114 Ia 286 consid. 5b p. 289).
S'ils définissent les comportements punissables avec une précision suffisante
pour satisfaire aux conditions d'accessibilité et de prévisibilité posées par
la jurisprudence, il n'en va pas de même des sanctions qui leur sont
attachées. L'art. 12 du règlement concernant la tranquillité publique et
l'art. 42 du règlement sur la sécurité publique se bornent en effet à
déclarer les contrevenants passibles des peines de police, sans autre
indication; or, celles-ci sont définies à l'art. 4 LPG; elles s'entendent des
arrêts de police, dont la durée varie d'un jour au moins et de trois mois au
plus, et de l'amende jusqu'à 2'000 fr. L'amende infligée au recourant ne
saurait donc se fonder sur les deux règlements précités, dès lors qu'ils ne
définissent pas les peines de police qui peuvent être infligées aux
contrevenants, mais renvoient sur ce point implicitement à la loi pénale
genevoise, dont le recourant conteste précisément la constitutionnalité.
L'art. 335 ch. 1 CP ne saurait suppléer à cette lacune. Dans ces conditions,
il y a lieu d'examiner si l'art. 37 al. 1 ch. 1 et 4 LPG pouvait servir de
fondement légal à l'amende litigieuse.

2.5 La loi pénale genevoise a été adoptée le 20 septembre 1941 par le Grand
Conseil genevois, qui était alors composé de 69 députés, à la suite de
l'exclusion des membres de l'ancien parti communiste genevois et du parti
socialiste genevois. Le recourant en déduit que cette autorité, lorsqu'elle a
statué, n'était pas composée de manière conforme à l'art. 70 Cst. gen.
[recte: art. 31 Cst. gen. en vigueur à cette date], à teneur duquel le
pouvoir législatif est exercé par un Grand Conseil de 100 membres élus par le
Conseil général au scrutin de liste, en un seul collège, d'après le principe
de la représentation proportionnelle, tempéré par un quorum de 7%.
L'exclusion des membres de l'ancien parti communiste genevois, dissous par la
loi constitutionnelle des 12 et 13 janvier 1937, a été prononcée par le Grand
Conseil genevois le 7 décembre 1940 en exécution d'un arrêté du Conseil
fédéral du 26 novembre 1940 concernant la dissolution du parti communiste
suisse (RO 56, p. 1931; cf. Mémorial des séances du Grand Conseil 1941 p.
459/460) abrogé le 1er mars 1945 (RO 61, p. 111); celle des membres du parti
socialiste genevois a été votée par le parlement cantonal en séance
extraordinaire du 21 juin 1941, en vertu d'un arrêté du Conseil fédéral du 27
mai 1941 concernant la dissolution de la fédération socialiste suisse (RO 57,
p. 696; cf. Mémorial des séances du Grand Conseil 1941 p. 514/515) également
abrogé le 1er mars 1945 (RO 61, p. 111). Le Grand Conseil a par ailleurs
déclaré les remplaçants éventuels de la liste du parti socialiste genevois
inaptes à succéder aux députés exclus et a prononcé l'urgence. La loi pénale
genevoise n'a donc pas été adoptée par l'autorité législative dans sa pleine
composition.
Les arrêtés fédéraux ordonnant la dissolution du parti communiste suisse,
puis de la fédération socialiste suisse, dont le parti socialiste genevois
formait une section, ont été édictés par le Conseil fédéral en application de
l'art. 102 ch. 9 et 10 de la Constitution fédérale du 29 mai 1874
(aujourd'hui: art. 185 al. 1 et 2 Cst.). Le recourant ne conteste pas la
légalité de ces ordonnances (cf. ATF 64 I 365 consid. 3 p. 370), pas plus
qu'il ne conteste le fait qu'elles s'imposaient aux cantons et primaient sur
l'art. 31 Cst. gen., dans sa teneur alors en vigueur; il s'en prend
uniquement aux conséquences juridiques que la cour cantonale en a tirées.
Selon lui, le Grand Conseil aurait dû procéder à des élections
complémentaires dans les plus brefs délais pour rétablir une situation
conforme au droit. Adoptée par une autorité composée de manière irrégulière,
la loi pénale genevoise serait inconstitutionnelle et ne constituerait pas
une base légale valable pour justifier une amende.
Dans un arrêt non publié du 31 janvier 1941, cité par François Lachenal in:
Le parti politique : Sa fonction de droit public (en particulier dans le
droit public suisse), thèse Bâle 1944, p. 197, le Tribunal fédéral a rejeté
le recours de droit public formé par l'un des neuf députés du parti
communiste qui n'avaient pas été invités aux séances du Grand Conseil de
Bâle-Ville, qui demandait l'annulation des décisions prises par ce dernier en
leur absence, dans une composition qu'il tenait pour irrégulière. Il a jugé
que la disposition de la Constitution cantonale, suivant laquelle le Grand
Conseil se compose de 130 membres, ne signifiait pas qu'un député doive être
invité à participer à toutes les séances du parlement ou qu'il ne puisse être
exclu de cet organe, voire même que la présence de tous les députés soit
nécessaire à chaque séance pour que celui-ci statue valablement. Il a en
conséquence refusé d'annuler les décisions prises par le Grand Conseil bâlois
hors la présence des membres du parti communiste.
Dans le cas précité, les députés n'avaient pas été formellement exclus du
Grand Conseil, mais uniquement interdits de siéger, de sorte que la question
de leur remplacement éventuel, le cas échéant après la tenue d'élections
complémentaires ou d'une nouvelle élection générale ne se posait pas. Les
circonstances prévalant dans cette cause sont ainsi distinctes de celles
établies dans la présente affaire. Le point de savoir si cet arrêt non publié
a néanmoins une portée sur le sort du présent recours peut rester indécis.
Le Grand Conseil genevois a en effet adopté en date du 15 novembre 1958 une
loi approuvant la mise à jour de la législation genevoise. Il a approuvé les
textes figurant dans une annexe I, dont faisait partie intégrante la loi
pénale genevoise (art. 1er). Ces textes constituent la partie législative de
la première édition du recueil systématique de la législation genevoise en
vigueur (art. 2 al. 1). Dès le 1er janvier 1959, ils ont force de loi dans la
teneur qui leur est donnée par cette première édition et leur ancienne teneur
cesse à cette date d'être valable (art. 3). Cette loi a été adoptée par le
Grand Conseil, dans une composition régulière, et soumise au référendum. Le
parlement a donc ratifié la loi pénale genevoise dans son intégralité. Un
éventuel vice qui aurait affecté cette loi lors de son adoption a donc ainsi
été réparé ultérieurement, à l'occasion de la création du recueil
systématique officiel de la législation genevoise.
L'amende infligée au recourant sur la base de l'art. 37 al. 1 ch. 1 et 4 LPG
repose ainsi sur une base légale suffisante.

3.
Le recourant prétend que l'interdiction faite de vociférer sur la voie
publique porterait une atteinte inadmissible à sa liberté personnelle et à sa
liberté d'expression en tant qu'elle l'empêcherait de choisir le ton de sa
voix et de marquer par la colère sa désapprobation face aux injonctions de la
police. Il perd de vue que toute liberté individuelle peut être restreinte à
la condition qu'il existe pour cela une base légale, que la limitation soit
justifiée par un intérêt public et qu'elle soit proportionnée au but visé
(cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; cf. ATF 113 Ia 309 consid. 4b p. 317).
L'interdiction faite à l'art. 37 al. 1 ch. 1 LPG de vociférer sur la voie
publique tend à réprimer non pas toutes les manifestations de colère, mais
celles qui portent atteinte à la tranquillité publique; en ce sens, elle
répond à un intérêt public évident (ATF 125 I 369 consid. 7 p. 383); elle
constitue une restriction peu importante à la liberté personnelle et ne va
pas au-delà du but poursuivi, dans la mesure où elle est limitée aux heures
durant lesquelles la population doit être protégée dans son bien-être. Le
grief tiré d'une violation des art. 10 al. 2 et 16 al. 2 Cst. est donc mal
fondé.

4.
Le recourant conteste avoir contrevenu à l'art. 37 al. 1 ch. 4 LPG. Selon
lui, il n'est nullement établi que la tranquillité des habitants aurait été
effectivement troublée. Les vociférations retenues, qui se limitent à de
simples contestations orales des injonctions de la police, ne sauraient être
qualifiées d'insolites au sens de cette disposition.
Suivant le rapport de contravention du 27 janvier 2003, le recourant était
sous l'emprise de l'alcool. Il aurait vociféré des insultes à l'adresse du
portier de l'établissement et des agents de police, troublant ainsi la
tranquillité publique. L'auteur du rapport a précisé à l'audience du Tribunal
de police du 10 mars 2004 qu'un habitant de l'immeuble abritant le "Club 58"
se trouvait à la fenêtre pour assister à la scène et que plusieurs clients
sortant de la discothèque et des établissements publics des alentours se
seraient retournés à la suite des vociférations de l'accusé. Dans ces
conditions, la Chambre pénale n'a pas fait preuve d'arbitraire en considérant
qu'en raison de son état d'ivresse, le recourant n'avait pas conscience des
troubles portés au voisinage et en tenant la version des faits exposées dans
le rapport de contravention pour probante, en dépit des dénégations de
l'intéressé.

A. ________ conteste également avoir contrevenu à l'art. 32 al. 2 du
règlement sur la sécurité publique. La Chambre pénale n'a toutefois pas
examiné cette question parce qu'il n'avait pas remis en cause sa culpabilité
de ce chef. Le recourant ne cherche pas à démontrer le caractère arbitraire
de cette motivation, comme il lui appartenait de le faire au regard de l'art.
90 al. 1 let. b OJ. La recevabilité du recours sur ce point est douteuse.
Quoi qu'il en soit, il ressort de manière suffisamment claire du rapport de
contravention établi le 27 janvier 2003 que le recourant a refusé de quitter
les lieux malgré les demandes réitérées des gendarmes en ce sens. Il n'était
donc nullement arbitraire d'admettre qu'il avait refusé de circuler sur ordre
de la police et contrevenu ainsi à l'art. 32 al. 2 du règlement sur la
sécurité publique. Le recourant conteste ainsi vainement la réalité de cette
infraction. Pour le surplus, en l'absence de tout grief à ce propos, il
n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office si l'amende infligée
est ou non disproportionnée.

5.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est
recevable.  Les conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il y a
lieu de faire droit à la demande d'assistance judiciaire présentée par le
recourant et de statuer sans frais. Me Jean-Pierre Garbade est désigné comme
avocat d'office du recourant pour la présente procédure et une indemnité lui
sera versée à titre d'honoraires par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 152
al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Me Jean-Pierre Garbade est désigné comme avocat d'office du recourant et une
indemnité de 2'000 fr. lui est versée à titre d'honoraires, à payer par la
Caisse du Tribunal fédéral.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, ainsi
qu'au Procureur général et à la Chambre pénale de la Cour de justice du
canton de Genève.

Lausanne, le 27 avril 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: