Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.573/2004
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1P.573/2004/col

Arrêt du 2 novembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Pierre de Preux, avocat,

contre

Présidente de la Cour de justice du canton de Genève, Assistance juridique,
case postale 3108, 1211 Genève 3.

refus de l'assistance judiciaire; droit d'être entendu,

recours de droit public contre la décision de la Présidente de la Cour de
justice du canton de Genève du 3 septembre 2004.

Faits:

A.
Le 14 mai 2004, A.________ a sollicité l'assistance juridique pour assurer la
défense de ses intérêts dans une procédure pénale ouverte contre lui des
chefs d'accusation d'escroquerie, de faux dans les titres et de blanchiment
d'argent.
Au terme d'une décision prise le 2 juillet 2004, le Vice-Président du
Tribunal de première instance du canton de Genève a déclaré la demande
irrecevable, en application de l'art. 9 al. 3 du règlement cantonal sur
l'assistance juridique, du 18 mars 1996 (RAJ gen.), au motif que le requérant
n'avait pas fourni les renseignements nécessaires à apprécier sa situation
financière.
Par décision du 3 septembre 2004, la Présidente de la Cour de justice du
canton de Genève a rejeté le recours formé contre cette décision qu'elle a
confirmée pour le même motif. Elle a estimé en substance qu'au vu des
éléments du dossier, il était raisonnable de penser que A.________ disposait
d'autres ressources financières, notamment par le biais de la société
X.________, en Tunisie, dont il est l'un des actionnaires, et qui s'est vue
créditer d'une somme de 1'200'000 US dollars en 1995.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette décision qu'il tient pour arbitraire et
contraire à l'art. 29 al. 3 Cst. Il se plaint également d'une violation de
son droit d'être entendu, tel qu'il découle du droit cantonal de procédure,
et requiert l'assistance judiciaire.
Invitée à répondre, la Présidente de la Cour de justice se réfère aux
considérants de sa décision.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Au vu des arguments invoqués, seul le recours de droit public pour violation
des droits constitutionnels des citoyens au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ
entre en considération. Le refus de l'assistance judiciaire est une décision
incidente de nature à causer un dommage irréparable en tant qu'elle astreint
le recourant à assumer les frais de sa défense pénale. Dès lors, le recours
de droit public est immédiatement ouvert contre une telle décision (art. 87
al. 2 OJ; ATF 125 I 161 consid. 1 et les arrêts cités).

2.
Dans un argument d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu,
A.________ soutient que la Présidente de la Cour de justice devait l'entendre
avant de statuer si elle voulait confirmer la décision attaquée au motif
qu'il n'avait pas satisfait à son devoir de participer à l'établissement de
sa situation financière. En s'abstenant de le faire ou d'exiger qu'il
produise des informations complémentaires, en relation notamment avec la
société tunisienne X.________, elle aurait violé l'obligation qui lui est
faite de constater les faits d'office et le droit d'être entendu du
recourant, tel qu'il est mis en oeuvre par les art. 143A al. 3 de la loi
genevoise sur l'organisation judiciaire (LOJ gen.) et 41 de la loi genevoise
sur la procédure administrative (LPA gen.), applicable par analogie en vertu
de l'art. 25 RAJ gen.

2.1 En l'espèce, le recourant dénonce uniquement une violation du droit
cantonal, dont le Tribunal fédéral revoit l'application sous l'angle de
l'arbitraire. Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9
Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en
considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne
s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle
est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le
sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de
la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans
son résultat (ATF 129 I 173 consid. 3 p. 178).

2.2 Selon l'art. 41 LPA gen., les parties ont le droit d'être entendues par
l'autorité compétente avant que ne soit prise une décision. Elles ne peuvent
prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires. L'art.
143A al. 3 LOJ gen. prévoit qu'en cas de refus ou de retrait de l'assistance
juridique par le président du tribunal de première instance, la personne qui
l'a sollicitée peut recourir par écrit dans les 30 jours dès la notification
de la décision auprès du président de la Cour de justice. La deuxième phrase
de cet alinéa ajoute qu'en règle générale, le recourant est entendu. Au terme
de plusieurs arrêts, confirmés en dernier lieu dans un arrêt 5P.113/1998 du 8
mai 1998, le Tribunal fédéral a estimé qu'il n'était pas arbitraire
d'interpréter cette disposition légale en ce sens qu'elle n'obligeait pas en
tout cas le Président de la Cour de justice à entendre le recourant oralement
avant de statuer. Dans un arrêt 4P.195/2002 rendu le 13 novembre 2002, il est
revenu sur cette jurisprudence. Il a considéré que le droit cantonal de
procédure allait plus loin que le droit constitutionnel fédéral en permettant
au recourant de faire valoir ses allégués et ses moyens non seulement par
écrit, mais aussi oralement. L'audition de l'intéressé est donc la règle et
non pas l'exception. Elle ne peut être refusée que dans des circonstances
particulières.
En l'occurrence, A.________ n'a certes pas formellement demandé à être
entendu, mais il n'a pas non plus expressément renoncé à une telle audition.
La faculté de s'exprimer oralement devant le Président de la Cour de justice
ne dépend nullement d'une requête expresse du recourant, à teneur de l'art.
143A al. 3 LOJ gen. L'absence d'une telle requête dans le mémoire de recours
ne signifiait pas encore que le recourant aurait renoncé à être entendu;
pareille renonciation doit être établie de manière non équivoque et
s'entourer d'un minimum de garanties (cf. JAAC 2001 no 132 p. 1373,
s'agissant de la renonciation à une audience publique; ATF 121 I 30 consid.
5f p. 37/38, concernant le droit de l'accusé d'être confronté aux témoins à
charge). Il appartenait ainsi à la Présidente de la Cour de justice de
s'assurer que le recourant n'entendait pas faire usage de son droit de
s'exprimer oralement devant elle en l'interpellant à ce propos, dans la
mesure où elle ne fait valoir aucune circonstance particulière qui commandait
de renoncer à une telle audition. Pareille démarche s'imposait d'autant plus
que cette magistrate a confirmé le refus de l'assistance judiciaire parce que
A.________ n'avait pas respecté son devoir de participer à l'établissement de
sa situation financière.
En statuant sans avoir donné à celui-ci l'occasion de s'exprimer oralement
devant elle, la Présidente de la Cour de justice a violé le droit d'être
entendu du recourant, tel qu'il découle de l'art. 143A al. 3 LOJ gen. Etant
donné la nature formelle de ce grief, son admission entraîne l'annulation de
la décision attaquée, indépendamment du point de savoir si le respect du
droit d'être entendu aurait conduit à une décision différente sur l'objet de
la requête (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437; 126 I 19 consid. 2d/bb p. 24;
126 V 130 consid. 2b p. 132 et les arrêts cités).

3.
Le recours doit par conséquent être admis, ce qui rend sans objet la demande
d'assistance judiciaire formulée par A.________ pour la procédure fédérale.
Le canton de Genève, qui succombe, est dispensé des frais judiciaires (art.
156 al. 2 OJ). Il versera en revanche une indemnité de dépens au recourant
qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un mandataire professionnel
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée est annulée.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée au recourant à titre de dépens, à la
charge du canton de Genève.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et à la
Présidente de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 2 novembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  Le greffier: