Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.56/2004
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1P.56/2004
1P.62/2004 /col

Arrêt du 7 avril 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président
du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Zimmermann.

1P.56/2004
les époux A.________,
les époux B.________,
les époux C.________,
recourants,
tous représentés par Me Julien Fivaz, avocat,

et

1P.62/2004
la société F.________,
recourante, représentée par Me Benoît Bovay, avocat,

contre

la société D.________,
représentée par Me Paul Marville, avocat,
la société E.________,
représentée par Me Raymond Didisheim, avocat,
intimées,
Département des infrastructures du canton de Vaud, section d'archéologie et
des monuments historiques, 1014 Lausanne, représenté par Me Jean de Gautard,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
Juge instructeur de la Chambre de l'aménagement
et des constructions, avenue Eugène-Rambert 15,
1014 Lausanne.

art. 9, 29 al. 1 et 2 et 30 al. 1 Cst. (annulation de mesures conservatoires)

recours de droit public (1P.56/2004 et 1P.62/2004) contre la décision du
Tribunal administratif du canton de Vaud du 16 décembre 2003.

Faits:

A.
La société D.________ S.A. est propriétaire des parcelles contiguës n°5008 et
5041 du Registre foncier de Lausanne. Deux maisons d'habitation, de deux
niveaux sur rez-de-chaussée, ont été édifiées sur ces bien-fonds sis à
l'avenue du Mont d'Or n°5 et 7.

D. ________ et E.________ S.A. ont demandé l'autorisation de démolir ces
maisons et de construire à leur place une maison d'habitation de six niveaux,
ainsi qu'une aire de stationnement en sous-sol. Mis à l'enquête publique du 6
décembre 2002 au 6 janvier 2003, ce projet a suscité plusieurs oppositions,
dont celles des époux A.________, B.________ et C.________ (ci-après:
A.________ et consorts), ainsi que de la société F.________.
Le 10 juillet 2003, la Municipalité de Lausanne a délivré le permis de
construire.
Le 11 juillet 2003, le Chef du Département cantonal des infrastructures
(ci-après: le Département cantonal) a informé D.________ qu'il avait pris des
mesures conservatoires au sens des art. 46 et 47 de la loi vaudoise sur la
protection de la nature, des monuments et des sites, du 10 décembre 1969
(LPNMS). Il a suspendu l'autorisation de démolir et interdit toute atteinte
aux bâtiments en question, sauf accord du Département.
Le Chef du Département cantonal a fait de même à l'égard de E.________, le 14
juillet 2003.

D. ________ et E.________ ont recouru auprès du Tribunal administratif du
canton de Vaud.
Le 1er septembre 2003, F.________ a demandé à être admise à la procédure,
requête que le Juge instructeur du Tribunal administratif a rejetée, le 3
septembre 2003.
Le 11 septembre 2003, A.________ et consorts ont demandé à intervenir dans la
procédure, requête que le Juge instructeur du Tribunal administratif a
également rejetée, le 12 septembre 2003.
Le 8 octobre 2003, le Conseil d'Etat du canton de Vaud a prolongé de six mois
l'effet des mesures conservatoires.
Le 16 décembre 2003, le Juge instructeur du Tribunal administratif a déclaré
les recours sans objet et rayé les causes du rôle. Il a considéré, en bref,
que la décision du 8 octobre 2003 avait rendu caduques les mesures
conservatoires ordonnées les 11 et 14 juillet 2003.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ et consorts
demandent au Tribunal fédéral d'annuler les décisions des 12 septembre et 16
décembre 2003. Ils invoquent les art. 29 al. 2 et 30 Cst. (cause 1P.56/2004).

C.
Agissant parallèlement par la voie du recours de droit public, la société
F.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 16 décembre
2003. Elle invoque les art. 9, 29 et 30 Cst. (cause 1P.62/ 2004).
Le Département cantonal propose l'admission des recours.
Le Tribunal administratif se réfère à la décision attaquée et conclut au
rejet des recours. D.________ S.A. et E.________ S.A. prennent des
conclusions identiques.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les deux recours s'en prennent à la même décision (du 16 décembre 2003) et à
deux décisions analogues (des 3 et 12 septembre 2003). Leurs arguments sont
identiques. Il se justifie de joindre les causes et de statuer par un seul
arrêt (cf. ATF 129 V 237 consid. 1 p. 240; 128 V 124 consid. 1 p. 126, 192
consid. 1 p. 194, et les arrêts cités).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174,
185 consid. 1 p. 188, 337 consid. 1 p. 339, et les arrêts cités).

2.1 Aux termes de l'art. 87 OJ, le recours de droit public est recevable
contre les décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur
les demandes de récusation, prises séparément; ces décisions ne peuvent être
attaquées ultérieurement (al. 1); le recours de droit public est recevable
contre d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises séparément s'il
peut en résulter un dommage irréparable (al. 2); lorsque le recours de droit
public n'est pas recevable selon l'alinéa 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les
décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées avec la
décision finale (al. 3).
Mettant fin à une période d'incertitude à cet égard, le Tribunal fédéral a
jugé que la décision qui rejette la demande de constitution de partie civile
dans le procès pénal présente, pour le demandeur débouté, les traits d'une
décision finale (ATF 128 I 215). Les motifs de cet arrêt sont transposables
au cas où, comme en l'espèce, des personnes qui ne sont pas destinataires de
la décision de première instance, demandent à pouvoir intervenir dans la
procédure de recours devant la juridiction administrative, en revendiquant
pour elles la qualité de partie. En effet, le plaideur auquel la qualité de
partie est refusée dans ce cadre se trouve exclu de la procédure; il ne peut
exiger la communication des décisions ultérieures, en particulier du jugement
final. C'est ce qui s'est passé en l'occurrence. Les recourants n'ont pu
exercer leurs droits de parties; en particulier, la décision du 16 décembre
2003 ne leur a pas été notifiée. Pour eux dès lors, les décisions des 3 et 12
septembre 2003 étaient de nature finale et non incidente. La voie du recours
de droit public différé selon l'art. 87 al. 3 OJ, mis en relation avec l'al.
2 de la même disposition, leur est ainsi fermée.
En l'absence de voie de droit cantonale contre la décision du Juge
instructeur de ne pas les admettre à la procédure (cf. art. 50 de la loi
vaudoise sur la juridiction et la procédure administratives, du 18 décembre
1989), les recourants auraient dû agir directement contre les décisions des 3
et 12 septembre 2003 par la voie du recours de droit public, dans le délai de
trente jours fixé par l'art. 89 al. 1 OJ. Faute de l'avoir fait, ils sont
forclos sur ce point.

2.2 La décision refusant la qualité de partie dans la procédure cantonale est
entrée en force. Partant, les recourants n'ont plus d'intérêt juridique (au
sens de l'art. 88 OJ) à faire valoir contre la décision finale du 16 décembre
2003 rendue dans une procédure à laquelle la qualité de partie leur a été
définitivement déniée.

3.
Les recours sont ainsi irrecevables. Les frais en sont mis à la charge des
recourants (art. 156 OJ), ainsi qu'une indemnité en faveur des intimés
D.________ et E.________, à titre de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 1P.56/2004 et 1P.62/2004 sont jointes.

2.
Les recours sont irrecevables.

3.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge des recourants
A.________ et consorts. Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la
charge de la société F.________.

4.
Une indemnité de 1000 fr. en faveur de D.________ S.A. et de 1000 fr. en
faveur de E.________ S.A. est mise à la charge des recourants A.________ et
consorts, d'une part, et de la société F.________, d'autre part,
solidairement entre eux.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des recourants et
des intimés, au Département des infrastructures et au Tribunal administratif
du canton de Vaud.

Lausanne, le 7 avril 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: