Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.567/2004
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1P.567/2004 /col

Arrêt du 13 décembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant,
Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
B.________,
recourants,

contre

C.________,
intimé,
Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, quai Maria-Belgia
18, case postale,
1800 Vevey,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, route du Signal 8,
1014 Lausanne.

procédure pénale; refus de suivre,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du canton de
Vaud du 21 avril 2004.

Faits:

A.
Le 3 juin 2003, A.________ et B.________, membres de l'hoirie X.________, ont
déposé plainte pénale pour mise en danger de la vie d'autrui et gestion
déloyale contre le notaire C.________, chargé de gérer un immeuble de
l'hoirie. Selon la plainte, complétée le 30 octobre 2003, il était reproché
au notaire de n'avoir pas tenu compte d'un rapport qui lui avait été transmis
le 13 novembre 2001, selon lequel l'ascenseur de l'immeuble présentait des
dangers pour ses utilisateurs. Il lui était aussi reproché d'avoir indûment
payé une indemnité de 65'000 fr. à des locataires sortants.
Par ordonnance du 29 mars 2004, le Juge d'instruction de l'arrondissement de
l'Est vaudois a refusé de suivre à la plainte: l'usufruitière, qui seule
pouvait être lésée, n'avait pas déposé plainte; le notaire avait procédé à un
minimum d'entretien des ascenseurs, et ceux-ci avaient été mis hors service
dès qu'un danger réel était survenu. Le notaire avait aussi expliqué les
raisons de l'indemnité accordée aux locataires; il avait agi au mieux des
intérêts de la succession. L'intention faisait défaut dans les deux cas.

B.
Par arrêt du 21 avril 2004, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
vaudois a partiellement admis le recours formé par les plaignants: ceux-ci
avaient adressé par fax leur opposition au versement de l'indemnité aux
locataires, et il y avait lieu de déterminer si la transaction passée avec
les locataires avait été signée par le notaire avant ou après réception de
cet envoi. S'agissant de l'infraction de mise en danger, les plaignants
n'habitaient pas l'immeuble et n'étaient donc pas lésés, de sorte que le
recours était irrecevable; supposé recevable, il aurait dû être rejeté car
les éléments constitutifs de l'infraction n'étaient pas réalisés.

C.
A.________ et B.________ forment un recours de droit public contre ce dernier
arrêt, dont ils demandent l'annulation.
Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt. Le Juge
d'instruction ne s'est pas déterminé. N'ayant pas eu connaissance de la
procédure pénale, C.________ se limite à contester toute responsabilité
pénale.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité du recours
de droit public.

1.1 L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale (art. 86 OJ).
S'agissant de l'infraction de mise en danger, il est final (art. 87 OJ)
puisque le renvoi au juge d'instruction est limité à l'infraction d'abus de
confiance.

1.2 Le recours de droit public doit être déposé dans les trente jours dès la
communication, selon le droit cantonal, de la décision attaquée (art. 89 al.
1 OJ). Lorsque les considérants à l'appui de la décision attaquée sont
notifiés d'office ultérieurement, le recours peut encore être exercé dans les
trente jours dès cette notification (art. 89 al. 2 OJ). Selon la
jurisprudence, il y a notification d'office, au sens de cette dernière
disposition, lorsque la loi cantonale prévoit, de manière générale, une
notification ultérieure des considérants de la décision, ou lorsque
l'autorité est tenue de notifier ses motifs dans un cas particulier (ATF 125
IV 291 consid. 1 p. 292).

1.2.1 Selon l'art. 308 CPP/VD, le Tribunal d'accusation transmet son arrêt au
Ministère public et à l'autorité compétente (al. 1). Il donne avis de son
arrêt aux autres parties et, s'il l'estime utile, au dénonciateur; il en
remet une copie complète aux conseils des parties (al. 2). En cas de
non-lieu, l'art. 285 CPP/VD est applicable (al. 3), cette disposition
confirmant que seul le Ministère public a droit à un arrêt complet, les
autres parties ne se voyant notifier qu'un dispositif.

1.2.2 En l'espèce, les recourants expliquent avoir reçu le dispositif de
l'arrêt attaqué le 27 mai 2004. Ce ne serait que le 8 septembre 2004 qu'ils
auraient pris connaissance des motifs, à l'occasion de la consultation du
dossier auprès du Juge d'instruction. Le droit cantonal ne prévoyant aucune
notification d'office de l'arrêt motivé, les recourants auraient dû recourir
dans les trente jours dès la notification du dispositif. Il est vrai que le
dispositif notifié aux recourants n'était pas dénué d'ambiguïté: le recours
s'y trouve partiellement admis, sans qu'il soit précisé sur quel point;
l'ordonnance de refus de suivre est partiellement annulée et la cause est
renvoyée au juge d'instruction afin qu'il instruise "dans le sens des
considérants" puis rende une nouvelle décision; l'ordonnance est confirmée
pour le surplus. Sur le vu de ces indications, les recourants ne pouvaient
certes pas décider de l'opportunité d'un recours. Il leur appartenait
toutefois de se renseigner sur la portée exacte de la décision attaquée en
tentant d'obtenir, malgré le silence du droit cantonal, une expédition
complète de l'arrêt. Les recourants ne sauraient prétendre que la
connaissance ultérieure du contenu de la décision attaquée faisait partir un
nouveau délai de recours. Le recours de droit public apparaît dès lors
irrecevable pour cause de tardiveté. Il le serait d'ailleurs aussi à d'autres
titres.

2.
Selon l'art. 88 OJ, la qualité pour agir par la voie du recours de droit
public n'appartient qu'à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses
intérêts personnels et juridiquement protégés. De jurisprudence constante,
celui qui se prétend lésé par un acte délictueux n'a pas qualité pour
recourir sur le fond contre une décision de classement, de non- lieu ou
d'acquittement (ATF 69 I 17, 128 I 218 consid. 1.1 p. 219 et les arrêts
cités). Il n'en va différemment que dans les cas où le plaignant a la qualité
de victime au sens de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions
(LAVI; RS 312.5), à condition que la sentence touche ses prétentions civiles
ou puisse avoir des effets sur le jugement de ces dernières (art. 8 al. 1
let. c LAVI).

2.1 En l'occurrence, les recourants se plaignent d'une infraction de mise en
danger de la vie d'autrui au sens de l'art. 129 CP. Ils ne prétendent donc
pas avoir été touchés dans leur intégrité physique par les faits dénoncés;
ceux-ci ne sont d'ailleurs pas d'une gravité telle qu'on puisse supposer une
atteinte à l'intégrité psychique (cf. ATF 129 IV 206 consid. 1 p. 207; 128 I
218 consid. 1.2-1.6 p. 220ss). Les recourants ne sont donc manifestement pas
victimes au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI, et ne sauraient remettre en cause
l'arrêt attaqué sur le fond.

2.2 Celui qui n'a pas qualité pour recourir sur le fond peut cependant se
plaindre d'un déni de justice formel, ou en d'autres termes de la violation
des garanties formelles offertes aux parties par le droit cantonal de
procédure ou par le droit constitutionnel, notamment le droit d'être entendu
(art. 29 al. 2 Cst.). La partie recourante ne saurait toutefois, par ce
biais, remettre en cause la décision attaquée sur le fond, en critiquant
l'appréciation des preuves ou en faisant valoir que la motivation retenue
serait matériellement fausse (ATF 126 I 81 consid. 3b p. 86; 125 II 86
consid. 3b p. 94; 121 IV 317 consid. 3b p. 324 et les arrêts cités). Les
recourants ont par conséquent qualité pour agir dans la mesure où l'arrêt
attaqué leur dénie la qualité de lésés, et refuse par conséquent d'entrer en
matière sur le recours cantonal. Les griefs soulevés à cet égard doivent
cependant encore satisfaire à l'exigence de motivation de l'art. 90 al. 1
let. b OJ.

2.3 Selon cette disposition, il appartient au recourant de démontrer en quoi
la décision attaquée viole le droit constitutionnel. Le Tribunal fédéral
n'examine que les griefs soulevés de manière claire et explicite (ATF 130 I
258 consid. 1.3 p. 261-262). Par ailleurs, lorsque l'acte attaqué repose sur
plusieurs motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, le
recourant doit, à peine d'irrecevabilité, démontrer que chacune d'entre elles
viole ses droits constitutionnels (ATF 119 Ia 13 consid. 2 p. 16).

2.4 Il ressort de l'arrêt cantonal que, s'agissant de l'infraction de mise en
danger, le recours a été déclaré irrecevable car les plaignants n'habitaient
pas l'immeuble et n'avaient donc pas qualité de lésés. La cour cantonale a
repris, sur ce point, les considérations du juge d'instruction, selon lequel
c'était l'usufruitière, et non les héritiers, qui était lésée. Les recourants
relèvent pour leur part qu'ils se sont trouvés à plusieurs reprises dans
l'ascenseur défectueux, ce qui ressortait de plusieurs pièces du dossier. Cet
argument de fait apparaît nouveau (art. 86 OJ) puisqu'il n'est pas évoqué
dans le recours cantonal. En outre, il n'est pas suffisamment motivé, car il
ne suffit pas d'affirmer que les recourants se seraient trouvés à quelques
reprises dans l'ascenseur litigieux: il aurait à tout le moins fallu indiquer
en quoi leur vie se serait trouvée ainsi mise en danger. Or, pas plus que le
recours cantonal, le recours de droit public ne comporte la moindre
indication à ce sujet.

2.5 L'arrêt comporte également des considérations subsidiaires sur le fond,
le Tribunal d'accusation ayant retenu que les éléments constitutifs de
l'infraction n'étaient pas réunis. Même si une telle motivation apparaît
lapidaire, les recourants ne soutiennent pas qu'elle serait insuffisante au
regard des exigences découlant du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.).
On peut d'ailleurs admettre que la cour cantonale a simplement voulu ainsi se
référer aux arguments retenus par le juge d'instruction à l'appui de son
refus de suivre.
Les recourants ne mettent pas non plus en cause cette appréciation sur le
fond; ils n'auraient d'ailleurs pas qualité pour le faire. En revanche, ils
reprochent au juge d'instruction, puis au Tribunal d'accusation, d'avoir omis
de procéder aux mesures d'instructions requises dans le complément de plainte
du 30 octobre 2003. Les recourants se réfèrent simplement à ce complément,
dans la partie en fait de leur recours,  procédé inadmissible au regard de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Sur ce point également, il appartenait aux
recourants d'exposer quels étaient les moyens de preuve proposés, et en quoi
ils étaient pertinents, de manière à démontrer que le refus d'y procéder
violait leur droit d'être entendus. Faute de toute motivation à ce sujet, le
grief serait, lui aussi, irrecevable.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours apparaît entièrement irrecevable.
Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la
charge des recourants. Il n'est pas alloué de dépens, l'intimé n'ayant pas
pris de conclusions.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge des recourants.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Juge d'instruction
de l'arrondissement de l'Est vaudois et au Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 décembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  Le greffier: