Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.532/2004
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1P.532/2004/col

Arrêt du 20 octobre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant,
Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Leila Roussianos,
avocate,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
du canton de Vaud,
route du Signal 8, 1014 Lausanne.

détention préventive,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud du 11 août 2004.

Faits:

A.
Par jugement 19 mai 2004, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la
Broye et du Nord vaudois a condamné A.________, ressortissant portugais né le
12 novembre 1974, pour actes d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte
sexuelle et pornographie à la peine de quatre ans de réclusion, sous
déduction de vingt-quatre jours de détention préventive, et à son expulsion
du territoire suisse pour une durée de huit ans. Il l'a soumis à un
traitement psychiatrique ambulatoire et a ordonné son maintien en détention.
Les premiers juges ont admis que l'accusé s'était livré à plusieurs reprises
à des actes d'ordre sexuel sur deux des filles de son employeur et qu'il
avait montré un film à caractère pornographique au fils de celui-ci, alors
âgé d'environ huit ans.

A. ________ a recouru le 11 juin 2004 contre ce jugement auprès de la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour de
cassation pénale). Le 13 juillet 2004, il a présenté une demande de mise en
liberté provisoire que le Président de cette juridiction a rejetée au terme
d'un arrêt rendu le 20 juillet 2004. A.________ a recouru en vain contre cet
arrêt devant la Cour de cassation pénale. Statuant par arrêt du 11 août 2004,
cette autorité a confirmé le maintien en détention préventive en raison d'un
risque de récidive et d'un danger de fuite.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'ordonner sa mise en liberté
immédiate.
La Cour de cassation pénale se réfère aux considérants de son arrêt. Le
Ministère public du canton de Vaud conclut au rejet du recours.

A. ________ a répliqué dans le délai prolongé qui lui a été imparti pour ce
faire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement
protégés, le recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. La détention
préventive n'a pas pris fin avec le jugement de condamnation rendu le 19 mai
2004 dans la mesure où celui-ci a été frappé d'un recours en cassation muni
de l'effet suspensif et n'est pas exécutoire, de sorte que le recourant
conserve un intérêt pratique et actuel à l'annulation de l'arrêt attaqué (cf.
ATF 108 Ia 64 consid. 3a p. 67). Par exception à la nature cassatoire du
recours de droit public, la conclusion du recourant tendant à sa mise en
liberté immédiate est recevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333).

2.
Une mesure de détention préventive est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour autant
qu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt public et
qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al.
1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). S'agissant d'une restriction
grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces
questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous
l'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271).
Selon l'art. 59 al. 1 du Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.), le
prévenu à l'égard duquel il existe des présomptions suffisantes de
culpabilité peut être mis en détention préventive s'il présente un danger
pour la sécurité ou l'ordre publics (ch. 1), si sa fuite est à craindre (ch.
2) ou si sa liberté offre des inconvénients sérieux pour l'instruction (ch.
3). Dès que les motifs justifiant la détention préventive n'existent plus, le
juge ordonne la mise en liberté (art. 59 al. 2 CPP vaud.).

3.
Le recourant ne conteste ni la base légale de la mesure attaquée, ni
l'existence de présomptions suffisantes de culpabilité à son encontre. Il
conteste en revanche la présence d'un risque concret de récidive et d'un
danger de fuite.

3.1 L'autorité appelée à statuer sur la mise en liberté provisoire d'un
détenu peut, en principe, maintenir celui-ci en détention s'il y a lieu de
présumer, avec une certaine vraisemblance, qu'il existe un danger de
récidive. Elle doit cependant faire preuve de retenue dans l'appréciation
d'un tel risque (ATF 105 Ia 26 consid. 3c p. 31). Selon la jurisprudence, le
maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic
est très défavorable et que les délits dont l'autorité redoute la réitération
sont graves (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 361 consid. 5 p. 367; 124 I 208
consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et les arrêts cités). La
jurisprudence se montre toutefois moins stricte dans l'exigence de
vraisemblance lorsqu'il s'agit de délits de violence graves ou de délits
sexuels, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est alors
considéré comme trop important (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271). Le principe
de la proportionnalité impose en outre à l'autorité qui estime se trouver en
présence d'une probabilité sérieuse de réitération d'examiner si l'ordre
public pourrait être sauvegardé par d'autres moyens que le maintien en
détention, tels que la mise en place d'une surveillance médicale,
l'obligation de se présenter régulièrement à une autorité ou l'instauration
d'autres mesures d'encadrement (ATF 123 I 268 consid. 2c in fine p. 271 et
les arrêts cités).

3.2 En l'occurrence, la Cour de cassation pénale a tenu pour établi un risque
concret de récidive sur la base des conclusions du rapport d'expertise
psychiatrique du recourant réalisé le 9 décembre 2002 par les docteurs Serge
Didisheim et Rigobert Hervais Kamden, médecins auprès du Service de
psychiatrie adulte et de psychogériatrie, à Yverdon. Selon ce rapport,
A.________ présente un trouble de l'adaptation avec réaction dépressive
brève, qui n'est toutefois pas à l'origine des faits reprochés mais qui en
est plutôt la conséquence. Les experts ont par ailleurs indiqué que les
éléments de l'anamnèse du recourant, son status clinique, l'absence de
contradiction dans ses propos et le fait qu'il n'a jamais reconnu la réalité
des actes incriminés ne leur permettaient pas de retenir un diagnostic de
pédophilie. Ils ont néanmoins précisé que si la culpabilité du prévenu devait
être prouvée, sa responsabilité serait entière et le risque de récidive
élevé, l'absence totale de reconnaissance des faits devant alors être
considérée comme un facteur de mauvais pronostic, empêchant toute remise en
question et tout travail thérapeutique. Dans ce cas, et compte tenu de sa
dangerosité pour autrui, des mesures contraignantes, tel un internement,
seraient indiquées. Le docteur Serge Didisheim a confirmé la teneur du
rapport d'expertise lors des débats de première instance, en indiquant que
l'internement pouvait être remplacé par un traitement ambulatoire en milieu
carcéral. Le recourant se prévaut du rapport établi le 15 avril 2004 par le
Docteur Nick Miller, psychiatre à Montreux, qui conclut à l'existence d'un
doute sérieux et appuyé sur la vraisemblance des faits qui lui sont
reprochés. Ce praticien, qui fonde ses conclusions sur un unique entretien
avec le recourant et son épouse, parvient au même constat que les experts
judiciaires en ce qui concerne le diagnostic de pédophilie et suggérait en
conséquence la mise en oeuvre d'une expertise de crédibilité. Or, les
rapports établis à ce sujet par le Service de psychiatrie pour enfants et
adolescents, à Yverdon, confirment la crédibilité des déclarations des
victimes et viennent conforter les accusations portées contre le recourant.
Compte tenu de ces circonstances et de la prudence dont il convient de faire
preuve dans l'évaluation du danger de réitération en présence d'actes de
nature sexuelle, la Cour de cassation pénale pouvait, sans violer les art. 10
al. 2 Cst. et 5 § 1 let. c CEDH, retenir qu'il existait un risque concret et
important de récidive pour refuser la libération provisoire du recourant.
Enfin, lorsque, comme en l'espèce, les actes dénoncés revêtent une certaine
vraisemblance en vertu de deux expertises de crédibilité, dont nul ne met en
cause le bien-fondé, le maintien en détention fondé sur un risque de récidive
que les experts ne peuvent exclure ne heurte pas la présomption d'innocence,
mais résulte au contraire d'une correcte pesée entre l'intérêt du prévenu qui
conteste être l'auteur des faits à jouir de sa liberté de mouvement et
l'intérêt public à ne pas laisser en liberté un individu contre lequel
reposent des charges suffisantes de culpabilité et que les experts tiennent
pour dangereux si celles-ci devaient se révéler exactes. Au surplus, on ne
voit pas quelle mesure moins incisive serait propre à écarter le risque de
récidive résultant des circonstances évoquées ci-dessus, dès lors que le
recourant nie la réalité des actes qui lui sont reprochés.
Le recours est dès lors mal fondé en tant qu'il porte sur l'existence d'un
danger de réitération; le maintien en détention se justifiant pour ce seul
motif, il n'y a pas lieu d'examiner si une telle mesure s'impose également
par un éventuel risque de fuite.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'octroyer des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du recourant, au
Ministère public et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud.

Lausanne, le 20 octobre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  Le greffier: