Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.526/2004
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004


1P.526/2004 /col

Arrêt du 11 novembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Zimmermann.

X. ________,
recourant, représenté par Me Eric Cerottini, avocat,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, route du
Signal 8, 1014 Lausanne.

art. 9, 29 et 32 Cst., art. 6 par. 2 CEDH (procédure pénale),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 27 avril 2004.

Faits:

A.
Par jugement du 29 janvier 2004, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne a reconnu X.________, ressortissant de la Guinée
Bissau, coupable d'infraction à la LStup et à la LArm, ainsi que de
blanchiment d'argent. Il l'a condamné de ce fait à la peine de huit ans de
réclusion, sous déduction de quatre-cent huit jours de détention préventive,
ainsi qu'à l'expulsion à vie du territoire suisse. Le Tribunal correctionnel
a retenu que X.________ aurait acquis et possédé 2,750 kg de cocaïne
présentant un haut degré de pureté. Il aurait coupé et conditionné la drogue,
pour la confier à des revendeurs. Il en aurait lui-même écoulé plus de 300 g
auprès de consommateurs réguliers. Il aurait également revendu et fumé de la
marijuana, consommé de l'ecstasy et porté sans autorisation un couteau
assimilé à une arme.
Par arrêt du 29 avril 2004, notifié le 11 août suivant, la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par
X.________ contre le jugement du 29 janvier 2004, qu'elle a confirmé.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 29 avril 2004. Il invoque les art. 9,
29 et 32 Cst., ainsi que l'art. 6 par. 2 CEDH. Il requiert l'assistance
judiciaire.
La Cour de cassation se réfère à son arrêt. Le Ministère public propose le
rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Invoquant les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, le recourant se plaint
d'une appréciation arbitraire des preuves; ce grief est recevable dans le
cadre du recours de droit public pour la violation des droits
constitutionnels au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ (ATF 120 Ia 31 consid.
2b p. 36 in fine et les arrêts cités).
En tant qu'elle concerne la constatation des faits et l'appréciation des
preuves, la maxime "in dubio pro reo" est violée lorsque l'appréciation
objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute
insurmontable quant à la culpabilité de l'accusé (ATF 127 I 38 consid. 2a p.
41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Une constatation
de fait n'est pas arbitraire pour la seule raison que la version retenue par
le juge ne coïncide pas avec celle de l'accusé; encore faut-il que
l'appréciation des preuves soit manifestement insoutenable, en contradiction
flagrante avec la situation effective, qu'elle constitue la violation d'une
règle de droit ou d'un principe juridique clair et indiscuté, ou encore
qu'elle heurte de façon grossière le sentiment de la justice et de l'équité
(ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 118 Ia 28 consid.
1b p. 30; 117 Ia 133 consid. 2c p. 39, 292 consid. 3a p. 294). Saisi d'un
recours de droit public ayant trait à l'appréciation des preuves, le Tribunal
fédéral examine seulement si le juge cantonal a outrepassé son pouvoir
d'appréciation et établi les faits de manière arbitraire (ATF 127 I 38
consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37/38;
118 Ia 28 consid. 1b p. 30, et les arrêts cités).

2.
Le jugement de condamnation repose pour l'essentiel sur le témoignage à
charge de Y.________. Celui-ci a déclaré avoir sous-loué son appartement à
l'accusé qui se livrait au trafic de cocaïne. Il a dit avoir vu, à la fin du
mois d'octobre ou au début du mois de novembre 2002, le recourant se partager
avec un comparse 1,5 kg de cocaïne dans cet appartement. Il y aurait
également trouvé, en avril 2002, 2 kg de cocaïne appartenant au recourant.
Celui-ci a toujours contesté ces accusations, que Y.________ a toujours
maintenue, y compris à l'audience de jugement.
Le recourant fait valoir que le témoignage de Y.________ ne serait confirmé
par aucun autre élément. Il reproche au Tribunal correctionnel, puis à la
Cour de cassation, confrontés à deux versions différentes des faits, d'avoir
opté unilatéralement en faveur de celle de Y.________. Or, ce dernier aurait
fluctué dans ses déclarations et menti sciemment sur certains points de
l'affaire, que le recourant ne tient pas pour secondaires, contrairement aux
autorités cantonales. Cela priverait de toute crédibilité les accusations à
charge portées par Y.________.
Le juge pénal peut fonder sa conviction sur un témoignage ou sur des indices,
pourvu que son appréciation à cet égard ne soit pas arbitraire. Il peut
également, dans les mêmes conditions, tenir pour vraies et crédibles les
déclarations d'un témoin, même si elles sont contestées par l'accusé. En
l'occurrence, le recourant met en exergue le fait que Y.________ aurait menti
s'agissant de l'époque où il aurait mis son appartement à sa disposition, du
montant du loyer, de sa présence dans l'appartement, de sa propre activité
dans la vente de drogue, de sa consommation, ou de son train de vie. Force
est de constater, avec la Cour de cassation, que ces éléments ne sont pas
déterminants. Le témoin a effectivement varié sur ces points, sans doute pour
minimiser sa propre activité délictuelle - pour laquelle, il a été condamné à
une peine de trente mois de réclusion, au demeurant. Sur l'essentiel de ce
qui concerne le recourant toutefois, ses déclarations ont été constantes et
précises. On ne saurait dès lors reprocher au Tribunal correctionnel, puis à
la Cour de cassation pénale, de leur avoir accordé une valeur probante plus
grande qu'aux dénégations du recourant. Au demeurant, le recourant a reconnu
lui-même avoir écoulé de la cocaïne dans les lieux publics qu'il fréquentait,
pour une quantité d'au moins 310 g de cocaïne. Son train de vie était de
surcroît sans rapport avec la très modeste allocation qu'il recevait des
services sociaux. Outre le témoignage de Y.________, il existait ainsi
d'autres éléments à charge, dont les autorités cantonales pouvaient tenir
compte dans une appréciation globale de la culpabilité du recourant. Eu égard
à la cognition restreinte du Tribunal fédéral en la matière, la solution
retenue par la cour cantonale n'est assurément pas arbitraire.

3.
Le recours doit ainsi être rejeté. La demande d'assistance judiciaire est
admise (art. 152 OJ). Il est statué sans frais. Me Eric Cerottini, avocat à
Lausanne, est désigné comme avocat d'office du recourant. Une indemnité de
1000 fr. à titre d'honoraires est allouée à Me Cerottini.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il est statué sans frais.

4.
Me Eric Cerottini, avocat à Lausanne, est désigné comme avocat d'office du
recourant. La Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 1000 fr. à
Me Cerottini à titre d'honoraires.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud.

Lausanne, le 11 novembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: