Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.469/2004
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1P.469/2004 /col

Arrêt du 30 novembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
Hoirie B.________,
recourants, représentés par Me Léo Farquet, avocat,

contre

Commune de Massongex, 1869 Massongex, représentée par Me Jean-Charles Bornet,
avocat,
Conseil d'Etat du canton du Valais, 1950 Sion, représenté par le Département
des transports, de l'équipement et de l'environnement du canton du Valais,
Service administratif et juridique, Section juridique, bâtiment Mutua, Rue
des Cèdres, 1951 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Cour de droit public, Palais de Justice,
avenue Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2.

art. 9 Cst. (approbation du projet de route communale de la zone de
"Fin-Derrey"),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du
Valais du 28 mai 2004.

Faits:

A.
Le 25 avril 2003, A.________ et les hoirs de feu B.________ (ci-après: les
propriétaires) ont déposé une demande d'autorisation de construire une route
destinée à desservir les parcelles n° 332 et 16 du cadastre communal de
Massongex, dont ils sont respectivement propriétaires. La parcelle n° 332 est
située en zone 2a et fait l'objet d'un projet de  plan de quartier. La
parcelle n° 16 est située en zone 2b et fait l'objet d'un plan d'aménagement
détaillé (PAD) homologué le 6 septembre 2001 par le Conseil d'Etat valaisan.
La route projetée prolongeait, entre les deux parcelles, la route existante.
Le 22 mai 2003, le Conseil municipal de Massongex a refusé d'entrer en
matière sur cette demande. Selon l'art. 19 al. 2 LAT, l'équipement était une
tâche publique. La route était en l'occurrence prévue dans le PAD pour la
zone 2b. Le projet d'exécution était de la compétence du Conseil municipal,
et il n'y avait pas lieu d'autoriser les propriétaires à réaliser eux-mêmes
l'équipement. Les propriétaires ont recouru contre ce prononcé auprès du
Conseil d'Etat.

B.
Le projet définitif de construction de la route communale de la zone de
"Fin-Derrey" a été mis à l'enquête publique le 4 juillet 2003, avec la
demande d'appel à contribution de plus-value. Il comprend la route proprement
dite, d'une longueur de 103 m et d'une largeur moyenne de 5 m, en impasse, et
la réalisation de diverses infrastructures (eau potable, égouts, électricité,
etc.). Il a suscité l'opposition, notamment, des propriétaires. Ceux-ci
estimaient qu'il n'y avait pas de plan d'alignement permettant d'exproprier
les biens-fonds nécessaires à la réalisation de l'ouvrage; ils critiquaient
le mandat donné à un bureau d'ingénieurs pour l'étude et la réalisation de la
route; ils mettaient en cause la justification du projet et son utilité
publique, compte tenu de l'accès existant et du projet déposé par les
propriétaires; les alignements prévus ne correspondaient pas au PAD; les
raccordements devaient se faire d'entente avec le mandataire des
propriétaires.
Le 18 août 2003, le Conseil communal a décidé de rejeter les oppositions; le
dossier a été transmis au Département cantonal des transports, de
l'équipement et de l'environnement (DTEE).

C.
Par arrêté du 28 janvier 2004, le Conseil d'Etat vaudois a approuvé, sous
diverses conditions, le dossier relatif à la construction de la route
communale, déclarant les travaux d'utilité publique; les oppositions ont été
rejetées. L'attribution du mandat d'étude était de la compétence de la
commune, à qui il appartenait d'aménager les dessertes utiles au
développement de la zone à bâtir. Le projet était justifié par un intérêt
public suffisant, s'agissant d'offrir de bonnes conditions d'accès et de
sécurité. L'emprise était limitée (675 m2), l'acquisition des terrains devant
faire l'objet d'une procédure ultérieure. Le Conseil d'Etat a simultanément
rejeté, dans la mesure où il conservait un objet, le recours dirigé contre le
refus d'entrer en matière sur le projet présenté par les propriétaires. La
volonté communale d'aménager la route de quartier avait été manifestée dès
1997; elle correspondait aux dispositions impératives de la LAT.

D.
Par arrêt du 28 mai 2004, la Cour de droit public du Tribunal cantonal
valaisan a rejeté le recours formé par les propriétaires. Les deux projets de
route comportaient des tracés similaires, de sorte que les griefs relatifs au
respect de la réglementation sur les constructions, du PAD et du principe de
la proportionnalité étaient irrelevants. La route devait desservir un secteur
à forte densité, dans le prolongement du tronçon réalisé en 1989; elle
devrait se poursuivre ultérieurement vers les parcelles n° 394 et 395 et
s'achever par une installation de retournement; lors du dépôt de la demande
d'autorisation de construire, le bureau d'ingénieurs avait déjà été mandaté
par la commune pour réaliser le projet; même si l'attitude de la commune
n'était pas à l'abri de toute critique, les conditions de l'art. 19 al. 3 LAT
n'étaient pas remplies et il n'y avait pas de raison de faire réaliser cet
accès par les propriétaires privés. La jonction des causes par le Conseil
d'Etat était justifiée et ne portait pas préjudice aux recourants. Les
alignements mentionnés dans le PAD en vigueur étaient respectés.

E.
A.________ et l'hoirie B.________ forment un recours contre ce dernier arrêt.
Ils en demandent l'annulation, avec suite de frais et dépens.
La cour cantonale a renoncé à se déterminer. Le Conseil d'Etat conclut au
rejet du recours, sans observations. La commune de Massongex conclut au rejet
du recours dans la mesure où il est recevable; elle demande des dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la qualification juridique
et la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 388 consid. 1
p. 389).

1.1 Les recourants ne précisent pas s'ils entendent agir par la voie du
recours de droit administratif ou de droit public. Même s'ils invoquent
l'art. 114 al. 1 OJ, ils se plaignent essentiellement d'arbitraire et de
violation du principe de la bonne foi (art. 9 Cst.), et ne font valoir aucune
violation du droit fédéral au sens de l'art. 104 let. a OJ. L'arrêt attaqué
confirme d'une part la planification relative à une route communale, et
d'autre part le refus d'entrer en matière sur une autorisation de construire.
Seul le recours de droit public pour violation des droits constitutionnels
est ouvert (cf. aussi l'art. 34 al. 1 LAT).

1.2 Le recours est formé en temps utile contre un arrêt rendu en dernière
instance cantonale (art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ). Les recourants ont qualité
pour agir (art. 88 OJ).

1.3 Les recourants mêlent les critiques relatives à l'exercice du pouvoir
d'appréciation (art. 104 let. a OJ) et d'autres griefs d'ordre
constitutionnel. S'agissant d'un recours de droit public, seuls ces derniers
sont recevables, pour autant toutefois qu'ils soient suffisamment motivés
(art. 90 al. 1 let. b OJ).

2.
Les recourants reprochent au Tribunal administratif d'avoir arbitrairement
confirmé la jonction des causes opérée par le Conseil d'Etat, alors que les
parties en présence et les motifs invoqués étaient différents. Le Conseil
d'Etat se serait ainsi dispensé d'examiner toute une série de griefs - en
particulier la conformité au PAD -, abusant de son pouvoir d'appréciation.

2.1 Le recours de droit public ne peut être formé que contre la décision de
dernière instance cantonale (art. 86 OJ). Ainsi, dans la mesure où le grief
est dirigé essentiellement contre la décision du Conseil d'Etat, il est
irrecevable.

2.2 Au sujet de la jonction des causes, la cour cantonale a constaté que tant
les oppositions que le recours visant le refus d'entrer en matière étaient de
la compétence du Conseil d'Etat; ils se rapportaient au même tronçon routier
et concernaient les mêmes parties; les recourants n'étaient pas lésés, car
même si la commune était entrée en matière sur la demande d'autorisation de
construire, le projet de route communale aurait rendu caduc celui des
recourants; la jonction des causes était également avantageuse financièrement
puisque les frais de la cause avaient été mis entièrement à la charge de la
commune.
Les recourants se contentent de relever les différences quant aux parties et
aux griefs soulevés dans chacune des procédures. Ils estiment que l'arrêt
cantonal serait insuffisamment motivé, alors que les considérations rappelées
ci-dessus permettent manifestement de comprendre pourquoi les griefs des
recourants ont été écartés. En outre, les recourants ne tentent pas de
démontrer (comme l'impose l'art. 90 al. 1 let. b OJ) quelle disposition du
droit cantonal de procédure serait violée, et dans quelle mesure les
considérants de la cour cantonale seraient arbitraires. En particulier, on ne
voit pas en quoi ils auraient été lésés par la décision de jonction des
causes: même si le Conseil d'Etat avait effectivement omis d'examiner
certaines questions, cela ne résulte pas de la décision de jonction; les
recourants pouvaient d'ailleurs se plaindre d'une violation de leur droit
d'être entendus, ou reprendre directement devant la cour cantonale les griefs
prétendument non traités par le Conseil d'Etat, sans qu'il en résulte pour
eux un quelconque préjudice. Le grief doit par conséquent être écarté.

3.
Les recourants contestent également la déclaration d'utilité publique. Selon
eux, l'activité de l'Etat ne devrait s'exercer que lorsque les administrés ne
veulent pas agir. Or en l'espèce, la commune aurait encouragé, en 1997, le
projet privé des recourants; ceux-ci auraient établi un projet correspondant
aux voeux exprimés par l'autorité. La route ne serait pas d'intérêt général,
puisqu'elle est en impasse et ne concerne que trois propriétaires.

3.1 Les recourants ne précisent pas s'ils entendent s'en prendre à la
justification du projet, ou à la déclaration d'utilité publique au sens de
l'art. 52 de la loi cantonale sur les routes, conférant le droit
d'exproprier. Dans l'un ou l'autre cas, le grief apparaît mal fondé.

3.2 Les recourants ne font en effet que reprendre les griefs soulevés devant
le Tribunal administratif. Ils perdent de vue, ce faisant, que la cour
cantonale a répondu à leurs objections en relevant que, selon le règlement
communal de construction (RCC), l'intervention des particuliers n'était
possible que dans les secteurs non prévus au programme d'équipement (art. 38
let. c RCC), cela conformément au principe selon lequel l'équipement de la
zone à bâtir incombe au premier chef à la collectivité intéressée (art. 19
al. 2 LAT). Contrairement à ce que soutiennent les recourants, le principe de
subsidiarité de l'action étatique n'est pas applicable dans ce domaine.
Lorsque la commune accomplit ainsi une tâche qui lui est assignée par la LAT,
elle agit dans l'intérêt public, quel que soit le nombre d'administrés censés
bénéficier en fin de compte de la mesure d'aménagement.
La route contestée s'inscrit dans un concept général de planification du
réseau de voies publiques, dans le prolongement d'un premier tronçon, et
destinée elle-même à être prolongée en direction d'autres lotissements.
L'adoption D'UN PLAN DE ROUTE PUBLIQUE PERMETTANT ENSUITE L'ACQUISITION DU
TERRAIN NÉCESSAIRE PAR LA COLLECTIVITÉ, EST UNE PROCÉDURE ADÉQUATE POUR
réaliser cet tâche (ATF 121 I 65 consid. 3 et 4a p. 68). Dès l'instant ou
l'autorité communale décide d'intervenir, même tardivement, l'art. 19 al. 3
LAT n'est d'aucun secours pour les recourants. Les griefs soulevés sur ce
point sont dès lors dépourvus de pertinence.

4.
Les recourants soutiennent encore que la commune aurait agi de mauvaise foi
en laissant dans un premier temps les propriétaires établir un projet à leurs
frais, limitant son intervention à certains aspects, puis en opérant un
revirement total par le refus du permis de construire.

4.1 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de
l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la
confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités,
lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un
comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1 p. 170;
128 II 112 consid. 10b/aa p. 125; 126 II 377 consid. 3a p. 387 et les arrêts
cités). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de
l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un
avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité
soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes
déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses
compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement
de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé
sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des
dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et
que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été
donnée (ATF 129 I 161 consid. 4.1 p. 170; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et
les références citées).

4.2 En l'occurrence, le Tribunal administratif a certes considéré que la
commune n'était pas à l'abri de la critique, en ayant laissé dans un premier
temps les propriétaires élaborer leur propre projet. Il n'en demeure pas
moins qu'aucune garantie concrète n'a été donnée aux recourants, ni quant à
l'octroi d'une autorisation de construire, ni même quant à la procédure qui
devrait en définitive être suivie. Le principe de la bonne foi ne saurait au
surplus permettre aux particuliers d'équiper eux-mêmes, en dehors des
conditions fixées à l'art. 19 al. 3 LAT.

5.
Les recourants affirment également - en invoquant aussi sur ce point le
principe de la bonne foi - que le projet de route ne respecterait pas le PAD
du 6 septembre 2001, et serait par conséquent illégal. La cour cantonale a
retenu à cet égard que les alignements prévus dans le PAD existant ont été
correctement reportés sur le plan de route. Rien dans l'argumentation des
recourants (qui ne consiste qu'en une reprise des griefs soulevés au niveau
cantonal), ne permet de penser que cette constatation serait arbitraire.

6.
Les recourants reprochent encore au Tribunal administratif d'avoir méconnu
certains griefs. Il s'agit là aussi, pour l'essentiel, d'une répétition des
arguments qui précèdent, notamment quant à la possibilité pour des
particuliers d'équiper leurs propres terrains. Le principe de la
proportionnalité est également invoqué, dans la mesure où le projet de la
commune prévoirait une emprise plus importante que le projet présenté par les
recourants. La cour cantonale a toutefois répondu à ce dernier argument en
considérant que le projet était conforme aux alignements prévus dans le PAD,
et que la surface constructible de la parcelle n° 16 n'était donc pas
touchée.

7.
Sur le vu de ce qui précède, le recours, traité comme recours de droit
public, doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Conformément à
l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge des
recourants, de même qu'une indemnité de dépens allouée à la Commune de
Massongex, qui ne dispose pas d'un service juridique et a dû recourir aux
services d'un mandataire professionnel.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours, traité comme recours de droit public, est rejeté dans la mesure
où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge des recourants.

3.
Une indemnité de dépens de 2000 fr. est allouée à la commune de Massongex, à
la charge solidaire des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Conseil d'Etat et à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du
Valais.

Lausanne, le 30 novembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: