Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.436/2004
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1P.436/2004/col

Arrêt du 26 novembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Pierre Heinis, avocat,

contre

Département de la gestion du territoire,
Château, 2001 Neuchâtel 1,
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel,
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

contribution en cas de plus-value résultant d'une mesure d'aménagement du
territoire,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel du 2 juin 2004.

Faits:

A.
A. ________ est propriétaire de la parcelle no 351 du cadastre de Vaumarcus.
Ce bien-fonds de 22'592 mètres carrés était classé en zone rurale, viticole
et forestière en vertu du plan d'aménagement communal sanctionné par le
Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel le 28 juin 1974. Pour permettre la
construction de la route nationale N5 et l'exécution du tronçon CFF Rail
2000, A.________ a, par acte notarié du 3 juillet 1996, convenu avec l'Etat
de Neuchâtel de lui transférer une surface d'environ 8'000 mètres carrés à
détacher de la parcelle no 352 et deux surfaces de respectivement 4'200 et
3'555 mètres carrés à détacher de la parcelle no 351. Il lui concédait en
outre la jouissance de la totalité des parcelles nos 333 et 351 pendant la
durée du chantier, sous réserve du hangar situé au nord-est de la parcelle no
333 et de la route d'accès à ce bâtiment. En compensation du préjudice subi
et des cessions de terrains envisagées, l'Etat de Neuchâtel transférait à
A.________ toute la surface viticole de la parcelle no 593, soit 20'096
mètres carrés. Il lui vendait le solde de la parcelle équivalent à la surface
agricole de 18'104 mètres carrés au prix de 7 fr. le mètre carré. Il
s'engageait enfin à procéder à une parfaite remise en état des lieux et à
réparer tous les dégâts et dommages pouvant résulter de l'exécution des
travaux, à l'exception des dommages aux pieds de vigne et aux arbres
fruitiers.
Du 6 au 26 septembre 1996, la Commune de Vaumarcus a mis à l'enquête publique
un nouveau plan d'aménagement qui colloquait la parcelle no 351 en zone
agricole, à l'exception d'une surface de 1'344 mètres carrés classée en zone
mixte, réservée à l'habitation ainsi qu'aux petites et moyennes entreprises
des secteurs primaire, secondaire et tertiaire, suivant le nouveau règlement
d'aménagement communal. A.________ a fait opposition à ce projet au motif
qu'il ne correspondait pas aux indications fournies par le Service cantonal
de l'aménagement du territoire selon lesquelles la parcelle no 351 serait
classée en zone d'attente. Dans une lettre du 20 décembre 1996, le Conseil
communal de Vaumarcus s'est dit prêt à rediscuter l'affectation des terrains
en question au terme du chantier de la route nationale, en accord avec le
Service cantonal de la viticulture. Fort de ces assurances, A.________ a levé
son opposition le 12 mai 1997. Le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel a
sanctionné, le 22 octobre 1997, le nouveau plan d'aménagement de la Commune
de Vaumarcus sans autre modification s'agissant de la parcelle no 351.

B.
Par lettre du 30 juin 1999, le Service cantonal de l'aménagement du
territoire a informé A.________ que le transfert d'une surface de 750 mètres
carrés de la parcelle no 351 en zone d'urbanisation était réputé avantage
majeur constituant une plus-value, au sens de l'art. 33 de la loi cantonale
sur l'aménagement du territoire, du 2 octobre 1991 (LCAT), et qu'il devait
ainsi à l'Etat une contribution de 14'700 fr. équivalant au 20% de la
plus-value, calculée sur la base d'un prix de 100 fr. le mètre carré et
déduction faite d'un prix moyen du terrain agricole estimé à 2 fr. le mètre
carré.
Le 14 juillet 1999, A.________ a contesté être redevable, en l'état actuel,
d'une quelconque indemnité au motif qu'il avait déjà consenti d'importants
sacrifices en faveur de l'Etat de Neuchâtel en lui cédant notamment une
surface de 4'200 mètres carrés de la parcelle no 351 et en lui accordant la
jouissance de la totalité de celle-ci durant le chantier de la route
nationale.
Par décision du 22 octobre 2002, le chef du Département de la gestion du
territoire du canton de Neuchâtel a fixé à 14'700 fr. la contribution de
plus-value due à la suite du transfert d'une surface de 750 mètres carrés de
la parcelle no 351 en zone d'urbanisation et fixé un délai de perception au
maximum à dix ans, sous réserve d'une vente ou d'une construction préalable.
Il a écarté l'objection de A.________ au motif que celui-ci avait été
dédommagé pour la perte de jouissance de ses terrains par l'octroi d'une
parcelle de vigne appartenant à l'Etat de Neuchâtel. Le Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel (ci-après: le Tribunal administratif ou
la cour cantonale) a rejeté le recours formé par A.________ contre cette
décision au terme d'un arrêt rendu le 2 juin 2004.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt qu'il tient pour arbitraire et contraire
au principe de la bonne foi. Il requiert une inspection locale.
Le Tribunal administratif et le Département de la gestion du territoire du
canton de Neuchâtel concluent au rejet du recours.

D.
Par ordonnance du 7 octobre 2004, le Président de la Ire Cour de droit public
a admis la demande d'effet suspensif présentée par A.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 130 II 321 consid. 1 p. 324, 388 consid. 1 p. 389 et
la jurisprudence citée).
Le recours de droit administratif n'entre pas en considération, étant donné
que le litige ne porte pas sur une demande d'indemnisation résultant d'une
restriction apportée au droit de propriété, au sens des art. 5 al. 1 et 34
al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700), et
que le recourant ne prétend pas que la contribution de plus-value qui lui est
réclamée, fondée sur le droit cantonal, violerait l'art. 5 al. 1 LAT; seul le
recours de droit public pour violation des droits constitutionnels des
citoyens selon l'art. 84 al. 1 let. a OJ est ouvert (cf. arrêt 2P.283/1999 du
13 juin 2000, consid. 2b/aa non publié sur ce point à la Revue fiscale
55/2000 p. 561; arrêt 1P.168/2002 du 1er mai 2002).
Déposé au surplus en temps utile contre une décision finale, prise en
dernière instance cantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts
juridiquement protégés, le présent recours répond aux exigences des art. 84
ss OJ.

2.
A.________ a sollicité la mise en oeuvre d'une vision locale. Cette mesure
d'instruction ne se justifie cependant pas vu l'issue du recours.

3.
Invoquant l'art. 9 Cst., le recourant reproche à la Commune de Vaumarcus
d'avoir adopté un comportement contradictoire et contraire aux règles de la
bonne foi en lui réclamant une contribution de plus-value ensuite du
classement en zone à bâtir d'une partie de la parcelle no 351 alors qu'elle
s'était engagée à revoir l'affectation de cette parcelle à la fin des travaux
du chantier de la route nationale.
Ce faisant, il perd de vue que la décision attaquée a été rendue non pas par
la Commune de Vaumarcus, mais par le Département de la gestion du territoire
du canton de Neuchâtel. Or, ce dernier n'a fait qu'exercer les prérogatives
que lui confèrent les art. 33 ss LCAT en réclamant au recourant une
contribution de plus-value à la suite du transfert d'une partie de la
parcelle no 351 en zone d'urbanisation, dans la mesure où ce transfert
résultait d'un plan d'aménagement définitif et exécutoire qui ne pouvait être
remis en cause dans la présente procédure. Le grief tiré de la violation des
règles de la bonne foi est donc manifestement mal fondé.

4.
Le recourant conteste l'existence d'un avantage majeur propre à justifier la
perception d'une contribution de plus-value au sens de l'art. 33 LCAT. Il se
plaint à ce propos d'une application arbitraire du droit cantonal.

4.1 Une décision est arbitraire et, partant, contraire à l'art. 9 Cst.,
lorsqu'elle méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la
justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue en dernière instance cantonale que si elle est insoutenable ou en
contradiction manifeste avec la situation effective, voire si elle a été
adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit
pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il
qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 173 consid. 3 p. 178),
ce qu'il appartient au recourant de démontrer (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF
124 I 247 consid. 5 p. 250).

4.2 Selon l'art. 33 LCAT, les avantages et les inconvénients résultant de
mesures d'aménagement du territoire font l'objet d'une compensation s'ils
sont majeurs. Aux termes de l'art. 34 LCAT, l'augmentation de valeur d'un
bien-fonds consécutive à son affectation à la zone d'urbanisation (art. 47
LCAT) ou à une zone spécifique (art. 53 LCAT) est réputée avantage majeur
constituant une plus-value (al. 1). Celle-ci est la différence présumée entre
la valeur d'un bien-fonds avant et après la mesure d'aménagement (al. 2).
L'art. 35 al. 1 LCAT prévoit qu'en cas de plus-value, une contribution
correspondant à 20% de celle-ci est due à l'Etat par le propriétaire du
bien-fonds. En vertu de l'art. 36 LCAT, le Département de la gestion du
territoire arrête le montant de la plus-value et celui de la contribution au
moment où la mesure d'aménagement entre en vigueur. Selon l'art. 37 LCAT,
après consultation de la commune, le département fixe le délai de perception
en tenant compte des besoins en terrain à bâtir et de la possibilité
d'utiliser le bien-fonds (al. 1); la perception peut être différée ou
échelonnée à la demande d'un propriétaire qui justifie de circonstances
particulières (al. 2); elle intervient cependant au plus tard lors de
l'aliénation du bien-fonds (al. 3). L'art. 37 al. 4 LCAT réserve au surplus
l'art. 48 al. 4 LCAT aux termes duquel la perception de la plus-value est
différée aussi longtemps que dure l'assimilation à la zone agricole ou
viticole.
Selon la jurisprudence cantonale, le caractère majeur de l'avantage procuré
par la mesure d'aménagement doit être apprécié au regard de la variation
réelle et concrète de la valeur de l'immeuble en cause et non dans
l'abstrait. Est déterminante la possibilité effective d'utiliser la parcelle
pour la construction d'une manière conforme à la zone dont elle fait
désormais partie (cf. arrêt du 24 février 2003 paru à la RJN 2003 p. 360).
Ainsi, dans un arrêt paru à la RJN 1998, p. 271, la cour cantonale a admis,
s'agissant d'une parcelle jouxtant une forêt, que seule la surface comprise
entre la limite des constructions de trente mètres par rapport à la forêt et
l'ancien périmètre de la zone à bâtir avait subi une plus-value justifiant le
prélèvement d'une contribution. Dans un arrêt non publié du 25 février 2002,
elle a estimé que le transfert en zone d'urbanisation d'un terrain, dont la
configuration empêchait l'édification d'un immeuble suivant les règles
applicables à la zone à bâtir dans laquelle il était désormais affecté, à
moins de le  réunir avec le fonds voisin, était propre à faire obstacle au
prélèvement d'une contribution de plus-value.

4.3 Le recourant soutient que la surface sujette à contribution serait
inférieure à celle retenue en raison de sa proximité immédiate avec une zone
de terrain en nature de vigne, qui imposerait le respect d'une distance aux
limites de dix mètres selon l'art. 8 de la loi cantonale sur la viticulture,
du 30 juin 1976. Il ne s'est toutefois pas prévalu de cet argument devant le
Tribunal administratif. Il ne prétend pas qu'il aurait été empêché de
l'invoquer au cours de la procédure cantonale ni que la cour cantonale aurait
négligé de le traiter ou qu'elle aurait dû examiner d'office cette question.
Soulevé pour la première fois devant le Tribunal fédéral, le grief est
irrecevable au regard de la règle de l'épuisement des instances cantonales
posée à l'art. 86 al. 1 OJ (cf. ATF 129 I 74 consid. 4.6 p. 80; 123 I 87
consid. 2b p. 89).
Le recourant fait en outre valoir que la surface litigieuse serait devenue
inconstructible à la suite du nouvel accès aménagé par l'Office de la RN5 au
travers de celle-ci pour desservir les parcelles voisines nos 691, 692, 693
et 695. Le Tribunal administratif a considéré que la présence de ce chemin
n'avait pas d'incidence sur la plus-value de la surface de la parcelle du
recourant affectée en zone d'urbanisation étant donné que l'Etat de Neuchâtel
s'est engagé, par acte notarié du 3 juillet 1996, à procéder à une parfaite
remise en état des lieux et à réparer tous les dégâts et dommages pouvant
résulter de l'exécution des travaux, en ajoutant que cette remise en état
interviendrait avant l'échéance du délai de dix ans imparti pour la
perception de la contribution de plus-value. Cette argumentation échapperait
au grief d'arbitraire si le recourant avait effectivement la possibilité
d'exiger la suppression du chemin au terme des travaux de construction de la
route nationale N5. Or, la cour cantonale ne pouvait tenir ce fait pour
établi sur la base des documents fournis par A.________ ou des autres pièces
du dossier. Elle aurait au contraire dû vérifier si le nouvel accès réalisé
par le maître d'oeuvre sur la parcelle no 351 revêtait un caractère
définitif, comme cela semble être le cas, et s'il rendait caduque la
convention passée avec l'Etat de Neuchâtel le 3 juillet 1996. En statuant
sans avoir éclairci ce point, elle a versé dans l'arbitraire. Au surplus, la
motivation retenue omet de prendre en compte le fait que l'assiette du chemin
paraît reprendre celle d'une desserte viticole, dont le recourant pourrait
exiger la restitution en exécution de la convention précitée, l'influence
éventuelle de cet élément devant aussi être examinée par la cour cantonale
dans l'appréciation de la constructibilité et, partant, le calcul de la
plus-value de la parcelle.
Vu ce qui précède, le Tribunal administratif ne pouvait écarter le grief du
recourant tiré de la présence d'un chemin pour les raisons invoquées. Les
conditions d'une substitution de motifs n'étant pas réalisées, il y a lieu
d'annuler la décision attaquée et de renvoyer la cause à la cour cantonale
pour instruction complémentaire et pour nouvelle décision au sens du
considérant qui précède.

5.
Le recours doit par conséquent être admis, dans la mesure ou il est
recevable. L'Etat de Neuchâtel, qui succombe, est dispensé des frais
judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). Il versera en revanche une indemnité de
dépens au recourant qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un
mandataire professionnel (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
L'Etat de Neuchâtel versera une indemnité de 2'000 fr. au recourant à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Département de la gestion du territoire et au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 26 novembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: