Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.435/2004
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1P.435/2004 /col

Arrêt du 21 décembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Zimmermann.

H. ________,
recourante, représentée par Me Kathrin Gruber, avocate,

contre

Juge d'instruction du canton de Vaud,
rue du Valentin 34, 1014 Lausanne,
Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

indemnité pour détention injustifiée,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 18 mars 2004.

Faits:

A.
Le 12 juillet 1998, le Juge d'instruction du canton de Vaud a inculpé
H.________ d'escroquerie et d'infraction à la LSEE. Il a ordonné son
placement immédiat en détention préventive.

Le 6 août 1998, le Juge d'instruction a rejeté la demande de libération
provisoire présentée par H.________. Par arrêt du 27 août 1998, le Tribunal
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis le recours formé
contre cette décision, qu'il a jugé disproportionnée. La prévenue a été
libérée immédiatement.

Par jugement du 7 mars 2003, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de
la Broye et du Nord vaudois a libéré H.________ des chefs d'accusation de
soustraction sans dessein d'enrichissement, d'abus de confiance, de dommages
à la propriété, d'escroquerie et d'infraction à la LSEE (ch. I du
dispositif). Il l'a reconnue coupable d'appropriation illégitime et la
condamnée de ce fait à une amende de 200 fr. (ch. II du dispositif). Le
Tribunal correctionnel a homologué pour valoir jugement les reconnaissances
de dette souscrites en faveur de certains plaignants par l'accusée (ch. III à
IX du dispositif), à la charge de laquelle il a mis les frais de la cause
(ch. X du dispositif).

Le 16 juin 2003, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton
de Vaud a admis partiellement le recours contre ce jugement, dont elle a
réformé le ch. X du dispositif en ce sens que les frais ne devaient être mis
à la charge de H.________ que dans la proportion des deux tiers.

Le 27 juin 2003, H.________ a formé une demande d'indemnisation pour son
incarcération. Elle a conclu à ce que l'Etat de Vaud lui verse le montant de
20'700 fr., requête que le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal a
rejetée, le 18 mars 2004.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, H.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 18 mars 2004 et de renvoyer la cause au
Tribunal d'accusation pour nouvelle décision au sens des considérants. Elle
invoque l'art. 9 Cst. qui prohibe l'arbitraire. Elle requiert l'assistance
judiciaire.
Le Tribunal d'accusation et le Ministère public se réfèrent à l'arrêt
attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Hormis des exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public
n'a qu'un effet cassatoire (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 129 consid.
1.2.1 p. 131/132, 173 consid. 1.5 p. 176, et les arrêts cités). La conclusion
du recours tendant au renvoi de la cause au Tribunal d'accusation pour
nouvelle décision au sens des considérants est partant irrecevable.

2.
La recourante se plaint d'une application arbitraire de l'art. 67 CPP/VD. A
teneur de cette norme, celui qui a été détenu et a bénéficié par la suite
d'un non-lieu ou d'un acquittement, peut obtenir de l'Etat une indemnité à
raison du préjudice que lui a causé son incarcération. Selon la jurisprudence
cantonale rappelée dans l'arrêt attaqué, cette disposition doit être
interprétée dans le même sens que l'art. 163a CPP/VD, octroyant au prévenu
libéré le droit à une indemnité à raison de la poursuite pénale qu'il n'a ni
provoquée ni compliquée fautivement. L'indemnité peut cependant être refusée,
en tout ou partie, si le prévenu a clairement violé une norme de
comportement, écrite ou non écrite, résultant de l'ordre juridique suisse
pris dans son ensemble - dans le sens d'une application par analogie des
principes qui découlent de l'art. 41 CO - et qu'il a ainsi occasionné la
procédure pénale ou qu'il en ait entravé le cours; le comportement fautif
doit être déterminant et se trouver en relation de causalité avec les frais
imputés (ATF 119 Ia 332 consid. 1b p. 334; 116 Ia 162). Le juge doit se
référer aux principes généraux de la responsabilité délictuelle (ATF 116 Ia
162 consid. 2c p. 168) et fonder son prononcé sur des faits incontestés ou
déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a in fine p. 374).

3.
Le Tribunal d'accusation a considéré que malgré la libération de la
recourante de tous les chefs d'accusation portés contre elle (sous la seule
réserve, mineure au demeurant, de l'appropriation illégitime), celle-ci
n'avait droit à aucune indemnité au sens de l'art. 67 CPP/VD, car elle avait
contracté de nombreuses dettes sans les rembourser, comportement critiquable
sur le plan civil. La recourante rétorque à cela que les comportements
fautifs sur lesquels se fonde le Tribunal d'accusation seraient sans rapport
avec sa détention.
Le 12 juillet 1998, le Juge d'instruction a inculpé la recourante et ordonné
sa détention à raison des plaintes déposées par A.________, B.________ et la
société C.________, ainsi que par D.________. A.________, B.________ et
C.________ avaient fait des clichés de mode pour la recourante, qui ne les
avait jamais payés. De même, D.________ avait dû supporter les factures de
raccordements téléphoniques utilisés par la recourante. Les montants en jeu,
et pour lesquels la recourante a reconnu sa dette, sont sans doute
relativement modestes (de l'ordre de 7000 fr. au total). En tant que tels,
ils ne justifiaient sans doute pas une détention qui a duré quarante-huit
jours.

Cela étant, il ne faut pas perdre de vue que le 30 juillet 1998, la poursuite
a été étendue à la plainte déposée notamment par Jacques E.________, dont la
recourante s'est reconnue la débitrice pour un montant de 25'000 fr. (ch. III
du dispositif du jugement du 7 mars 2003). Quoi qu'en dise la recourante, cet
élément pouvait être pris en compte pour le maintien de sa détention.

Si la recourante a été libérée de la prévention d'escroquerie, elle a
néanmoins reconnu devoir aux plaignants des sommes d'un montant total
d'environ 40'000 fr., à raison de l'inexécution d'obligations contractuelles
qui lui incombaient. C'est à la suite de ce comportement contraire au droit
civil que les plaintes pour escroquerie ont été déposées, ce qui a conduit à
l'incarcération de la recourante. Sur le vu de ces faits et eu égard à la
jurisprudence qui vient d'être rappelée, le Tribunal d'accusation pouvait
sans arbitraire lui refuser toute indemnité au sens de l'art. 67 CPP/VD.

4.
Le recours doit partant être rejeté. La recourante demande l'assistance
judiciaire, laquelle est accordée à la double condition que le demandeur soit
indigent et que ses conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec (art. 152
OJ). Si la première condition semble remplie, tel n'est pas le cas de la
deuxième, car le sort du recours était scellé d'emblée. Les frais sont
partant mis à la charge de la recourante (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer des dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire de la recourante,
ainsi qu'au Juge d'instruction, au Procureur général et au Tribunal
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 21 décembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: