Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.412/2004
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1P.412/2004 /col

Arrêt du 18 octobre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président
du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Zimmermann.

X. ________,
recourant,

contre

Juge d'instruction du canton de Fribourg,
place Notre-Dame 4, case postale 156, 1702 Fribourg,
Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg,
Chambre pénale, case postale 56, 1702 Fribourg.

procédure pénale, récusation,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de
Fribourg du 22 juin 2004.

Faits:

A.
Le 21 janvier 2004, A.________, Juge d'instruction domicilié à Belfaux, ainsi
que son épouse, ont déposé auprès du Juge d'instruction spécial du canton de
Fribourg plainte pénale contre X.________, pour violation de domicile,
calomnie, injure, menaces, contrainte et menaces contre les autorités et les
fonctionnaires. Au titre des mesures urgentes, les époux A.________ ont
requis le Juge d'instruction d'ordonner une perquisition au domicile de
X.________, la saisie de lettres destinées aux habitants de Belfaux, un
cautionnement préventif au sens de l'art. 57 CP, ainsi qu'une expertise
psychiatrique du dénoncé.
Le 21 janvier 2004, le Juge d'instruction spécial a ordonné une perquisition
du domicile de X.________, et la saisie de lettres et tracts qui s'y
trouveraient.
Le 24 janvier 2004, le Juge d'instruction spécial a procédé à l'audition de
X.________, en présence de A.________, puis rendu une décision de
cautionnement préventif, imposant à X.________ de s'engager à ne pas
distribuer de courrier attentatoire à l'honneur ou à commettre une quelconque
infraction à l'encontre de la famille A.________, à peine de détention. Il a
astreint en outre X.________ au versement de sûretés d'un montant de 10'000
fr. Cette décision, qui indique la voie du recours au Tribunal cantonal dans
les dix jours, a été notifiée séance tenante à X.________, qui a été placé en
détention du 24 au 27 janvier 2004.
Le 28 janvier 2004, le Juge d'instruction spécial a rendu une décision par
laquelle il a indiqué avoir donné suite, le 24 janvier 2004, à la requête de
visite domiciliaire et de séquestre (ch. 1 du dispositif), ainsi qu'à celle
portant sur le cautionnement préventif (ch. 2). Il a déclaré irrecevable,
faute de compétence pour en connaître, la demande tendant à l'interdiction de
distribution de lettres (ch. 3), renoncé en l'état à l'incarcération de
X.________ (ch. 4) et ordonné la réactualisation de l'expertise psychiatrique
effectuée le 14 avril 2000 (ch. 5). Cette décision, avec l'indication de la
voie et délai de recours, a été notifiée à X.________ le 29 janvier 2004.
Le 2 février 2004, X.________ a recouru auprès du Tribunal cantonal. Le 3
février 2004, le Président de la Chambre pénale lui a signalé que l'acte de
recours était insuffisamment motivé au regard de l'art. 199 CPP/FR, ce qui
entraînerait vraisemblablement son irrecevabilité. Il lui a rappelé le délai
de dix jours selon l'art. 203 CPP/FR. Par acte daté du 5 février 2004, et
remis à la poste le lendemain, X.________ a complété le recours, en remettant
également en cause la décision du 24 janvier 2004, ainsi que les conditions
de son audition ce jour-là. Il a demandé une indemnité et la récusation du
Juge d'instruction spécial.
Le 22 juin 2004, la Chambre d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de
Fribourg a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable (ch. I du
dispositif), ainsi que la demande d'indemnité (ch. II). Elle a transmis la
demande de récusation au Tribunal cantonal (ch. III) et alloué une indemnité
aux époux A.________ (ch. IV). La Chambre d'appel a tenu le recours du 2
février 2004 pour irrecevable au regard de l'art. 199 CPP/FR. Le complément
du 5 février 2004 était recevable, s'agissant de la forme et du délai, en
tant qu'il était dirigé contre la décision du 28 janvier 2004. Pour le
surplus, la Chambre d'appel n'est pas entrée en matière sur les griefs
relatifs aux ch. 1 et 2 du dispositif de la décision du 28 janvier 2004, qui
ne faisaient que répéter celle du 24 janvier 2004 sur ces points précis.

B.
X.________ a formé un recours contre la décision du 22 juin 2004. Il demande
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué, de lui octroyer les "garanties
constitutionnelles" sans réserve, de le libérer de toutes les procédures
engagées contre lui, ainsi que de lui allouer une indemnité de 10'000 fr. ll
invoque les art. 6 et 8 CEDH, les art. 3 et 57 CPP/FR, ainsi que les art. 35,
36, 37, 39, 40, 41, 43, 44 et 47 PPF et 156 CP. Il demande la récusation de
tous les membres du Tribunal fédéral et requiert l'assistance judiciaire.
Il n'a pas été demandé de réponse au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La loi ne prévoit pas la possibilité de récuser en bloc le Tribunal fédéral
ou l'une de ses Cours (ATF 105 Ib 301). Il appartient au demandeur
d'indiquer, de manière précise, pour quels motifs tel ou tel juge serait
empêché d'entendre sa cause. Pour le surplus, le tribunal dont la récusation
est demandée en bloc peut déclarer lui-même la requête irrecevable ou
manifestement mal fondée, alors même que la décision incomberait, selon la
loi de procédure applicable, à une autre autorité (ATF 129 III 445 consid.
4.2.2 p. 464; 122 II 471 consid. 2b p. 476; 114 Ia 278; 105 Ib 301 consid. 1b
p. 303; cf. également les arrêts 1P.359/ 2004 du 14 septembre 2004, consid.
1.1; 1P.553/2001 du 12 novembre 2001 et 1P.396/2001 du 13 juillet 2001).
A l'appui de sa demande, le recourant évoque une plainte pénale déposée le 27
mars 2003 par le Tribunal fédéral. Or, celle-ci a été formée exclusivement
contre Y.________, membre du groupement "Appel au peuple" dont fait aussi
partie le recourant. Le motif est ainsi sans rapport avec lui, de sorte que
la demande est manifestement mal fondée.

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 249 consid. 2 p.
250, 302 consid. 3 p. 303/304, 306 consid. 1.1 p. 308, 321 consid. 1 p. 324,
et les arrêts cités).

2.1 Hormis des exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit
public n'a qu'un effet cassatoire (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 129
consid. 1.2.1 p. 131/132, 173 consid. 1.5 p. 176, et les arrêts cités). Les
conclusions du recours allant au-delà de l'annulation de la décision attaquée
sont ainsi irrecevables.

2.2 Le recourant ne précise pas par quelle voie de droit il agit. Eu égard
toutefois aux griefs invoqués, il faut admettre qu'il forme contre la
décision attaquée un recours de droit public pour la violation des droits
constitutionnels des citoyens, au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ. Dans ce
cadre toutefois, il est exclu de se prévaloir des prescriptions du Code pénal
ou de la PPF, comme le fait le recourant.

2.3 L'acte de recours doit contenir un exposé des droits constitutionnels ou
des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. Le
Tribunal fédéral examine uniquement les griefs soulevés devant lui de manière
claire et détaillée (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31;
129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 II 50 consid. 1c p. 53/54, et les arrêts
cités). En l'occurrence, la démarche du recourant consiste en une critique
globale de tous les aspects de la procédure cantonale, émaillée de références
à des normes diverses, constitutionnelles et légales, sans exposé précis
permettant de distinguer en quoi elles auraient été violées. On peut dès lors
se demander si le recours, qui présente pour une large part un caractère
appellatoire, ne devrait pas être déclaré entièrement irrecevable. Cette
question souffre toutefois de rester indécise.
Comme le recourant ne discute pas la décision attaquée en tant qu'elle
constate l'irrecevabilité partielle du recours cantonal, il n'y a pas lieu de
revenir sur ce point. L'objet du litige se limite ainsi au ch. 5 du
dispositif de la décision du 28 janvier 2004. En effet, le recourant est
forclos pour attaquer la décision du 24 janvier 2004. Il ne dispose d'aucun
intérêt au sens de l'art. 88 OJ, pour contester les ch. 1 à 4 du dispositif
de la décision du 28 janvier 2004.

3.
Le recourant conteste les circonstances de l'audition du 24 janvier 2004. Il
se prévaut de l'art. 6 par. 1 et 3 let. b et d CEDH, en exposant avoir été
privé du droit de s'exprimer et de faire inscrire ses déclarations au
procès-verbal.
La question de savoir si les garanties offertes par l'art. 6 par. 3 CEDH
s'appliquent à la personne à l'égard de laquelle le juge envisage d'ordonner
un cautionnement préventif peut rester indécise, car les règles fondamentales
de la procédure n'ont pas été violées en l'espèce.
L'audition du 24 janvier 2004 visait à préciser les faits soulevés à l'appui
de la plainte du 21 janvier 2004 et à entendre la version de X.________.
Informé préalablement de ses droits, celui-ci s'est comporté de façon
désordonnée, s'énervant, refusant d'écouter le Juge d'instruction,
l'interrompant à maintes reprises, évoquant des faits sans relation avec la
cause, exigeant de dicter lui-même le procès-verbal. En particulier, il a
contrecarré les efforts du Juge d'instruction qui essayait de lui expliquer
le système du cautionnement préventif. Il a refusé de prendre tout engagement
au sens de l'art. 57 al. 2 CP, de signer le procès-verbal et d'en entendre la
lecture. Il s'est ainsi mis lui-même dans la situation qu'il dénonce. Pour le
surplus, il appartenait au Juge d'instruction de circonscrire l'objet de
l'audition, d'inviter le recourant à répondre de manière claire aux questions
posées, et de préciser la portée de la mesure qu'il entendait prendre à son
égard. Le recourant ne saurait prétendre, comme il le fait, disposer du droit
de faire enregistrer au procès-verbal des déclarations qui se rapportent à
d'autres faits que ceux de la plainte, de relater sans frein des
considérations hors de propos, généralement agressives, souvent injurieuses à
l'égard des autorités.

4.
Eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il se justifiait
d'ordonner un complément à l'expertise psychiatrique du recourant, établie en
2000. Cette mesure était indispensable pour décider de la suite à donner à la
procédure, notamment dans la perspective du cautionnement préventif. Au
demeurant, le recourant ne le conteste guère.

5.
Le recours, traité comme recours de droit public, doit ainsi être rejeté dans
la mesure où il est recevable. Le recourant requiert l'assistance judiciaire.
Aux termes de l'art. 152 OJ, celle-ci est accordée à la partie indigente dont
les conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec. Si la première de ces
conditions semble remplie, tel n'est pas le cas de la deuxième, car le
recours était manifestement dénué de toute chance de succès. La demande doit
partant être rejetée, et les frais mis à la charge du recourant (art. 156
OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
La demande de récusation du Tribunal fédéral est rejetée.

2.
Le recours, traité comme recours de droit public, est rejeté dans la mesure
où il est recevable.

3.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

4.
Un émolument judiciaire de 1000 fr. est mis à la charge du recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Juge d'instruction,
ainsi qu'au Ministère public et au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.

Lausanne, le 18 octobre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: