Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.389/2004
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1P.389/2004/col

Arrêt du 3 août 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant, Aeschlimann
et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Robert Fox, avocat,

contre

Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, chemin de Couvaloup 6,
1014 Lausanne,
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal
8, 1014 Lausanne.

détention préventive,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 8 juin 2004.

Faits:

A.
A.  ________, ressortissant français né à Evian le 28 avril 1940, a été
arrêté
le 16 mars 2004 et placé en détention préventive sous l'inculpation
d'assassinat. Il lui est reproché d'avoir, le 18 février 1979, emmené
B.________ à bord de son bateau sur le lac Léman, de l'avoir frappée au moyen
d'une ancre et de l'avoir jetée, encore vivante, par-dessus bord avant de
regagner la rive. Ces accusations reposent essentiellement sur le témoignage
de la compagne de A.________ au moment des faits.
Entendu à plusieurs reprises, A.________ a reconnu avoir frappé B.________ à
la tête avec une chaîne, lors d'une bagarre, ce qui a eu pour effet de la
faire basculer dans l'eau où elle a coulé; il a en revanche nié l'avoir
embarquée sur son bateau avec l'intention de la tuer.
Le 6 mai 2004, A.________ a sollicité sa libération immédiate. Par ordonnance
du 10 mai 2004, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a
refusé de faire droit à cette requête en se prévalant du risque de fuite, des
besoins de l'instruction et du danger pour l'ordre public que présenterait la
relaxation du prévenu. Le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton de Vaud (ci-après: le Tribunal d'accusation) a confirmé cette décision
au terme d'un arrêt rendu le 8 juin 2004 sur recours du prévenu. Il a tenu le
risque de fuite pour établi. Il a en outre estimé que le maintien de la
détention s'imposait pour éviter que A.________ n'interfère dans les
recherches en cours en vue de déterminer son éventuelle implication dans
d'autres disparitions non résolues survenues à l'époque dans la région
lausannoise et pour éviter qu'il n'exerce des pressions sur le seul témoin à
charge. Il s'est enfin prévalu du risque de trouble de l'ordre public que
pourrait provoquer la libération de l'auteur présumé d'un crime dont la
presse s'est fait l'écho, passible de la réclusion à vie et resté impuni
pendant vingt-cinq ans, quelques semaines seulement après son arrestation.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral de déclarer cet arrêt nul et de nul effet et d'ordonner sa
mise en liberté immédiate. Il requiert l'assistance judiciaire.
Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt. Le Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a renoncé à déposer des
observations. Le Ministère public du canton de Vaud conclut au rejet du
recours.

A.  ________ a renoncé à répliquer dans le délai imparti à cet effet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement
protégés, le recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. Par exception
à la nature cassatoire du recours de droit public, la conclusion du recourant
tendant à sa mise en liberté immédiate est recevable (ATF 124 I 327 consid.
4b/aa p. 333).

2.
Une mesure de détention préventive est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour autant
qu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt public et
qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al.
1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). S'agissant d'une restriction
grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces
questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous
l'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271).
Selon l'art. 59 al. 1 du Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.), le
prévenu à l'égard duquel il existe des présomptions suffisantes de
culpabilité peut être mis en détention préventive s'il présente un danger
pour la sécurité ou l'ordre publics (ch. 1), si sa fuite est à craindre (ch.
2) ou si sa liberté offre des inconvénients sérieux pour l'instruction (ch.
3). Dès que les motifs justifiant la détention préventive n'existent plus, le
juge ordonne la mise en liberté (art. 59 al. 2 CPP vaud.).

3.
Le recourant ne conteste ni la base légale de la mesure attaquée, ni
l'existence de présomptions suffisantes de culpabilité à son encontre. Il
conteste en revanche présenter un danger pour l'ordre public et nie tout
risque de collusion et danger de fuite propres à justifier le refus de sa
mise en liberté provisoire.

3.1  Selon la jurisprudence, le risque de fuite ne peut s'apprécier sur la
seule base de la gravité de l'infraction même si, compte tenu de l'ensemble
des circonstances, la perspective d'une longue peine privative de liberté
permet souvent d'en présumer l'existence (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62 et
les arrêts cités); il doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères
tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens
avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font
apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable
(ATF 117 Ia 69 consid. 4 p. 70 et les arrêts cités). Il est sans importance,
pour apprécier le risque de fuite, que l'extradition du prévenu puisse être
obtenue (ATF 123 I 31 consid. 3d p. 36/37).

3.2  En l'occurrence, le recourant est inculpé d'assassinat, soit d'un crime
passible de la réclusion à vie ou de la réclusion pour dix ans au moins. Il a
partiellement reconnu les faits, même s'il conteste toute préméditation.
Ressortissant français, né en 1940, il a quitté Evian en 1956 avec ses
parents pour venir s'installer à Lausanne, où il a toujours vécu depuis lors,
sous réserve du service militaire qu'il a effectué en France de 1959 à 1962.
Actuellement à la retraite, il n'a pas d'autres ressources financières que sa
rente d'assurance vieillesse. Il est divorcé, sans enfants, et n'a plus de
famille proche. Il ne s'est jamais remarié et vit apparemment seul. Il n'a
ainsi aucune attache personnelle ou professionnelle solide en Suisse. On
ignore par ailleurs les liens qu'il entretient avec la France, si ce n'est
qu'à l'époque des faits incriminés, il se rendait régulièrement à Evian en
bateau. Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal d'accusation a à juste
titre considéré que le recourant pourrait préférer regagner son pays
d'origine, plutôt que prendre le risque de rester en Suisse et de devoir
purger une peine privative de liberté de très longue durée. Le danger de
fuite est donc démontré et justifie à lui seul le maintien du recourant en
détention préventive, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si les autres
motifs retenus dans l'arrêt attaqué s'opposent également à sa relaxation
immédiate.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Les conditions d'octroi de
l'assistance judiciaire étant réunies, il y a lieu de statuer sans frais
(art. 152 al. 1 OJ); Me Robert Fox est désigné comme défenseur d'office du
recourant et une indemnité lui sera versée à titre d'honoraires par la caisse
du Tribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le recourant est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Me Robert Fox
est désigné comme défenseur d'office et une indemnité de 1'500 fr. lui est
allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, au Ministère public et au
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 3 août 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  Le greffier: