Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.314/2004
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1P.314/2004 /BMH

Arrêt du 7 septembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Thélin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Thierry de Haller, avocat,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Dominique-Anne Kirchhofer, avocate,
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case postale,
1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, route du
Signal 8, 1014 Lausanne.

procédure pénale; imputation des frais

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 28 janvier
2004.

Faits:

A.
A.  ________, B.________ et C.________ habitent tous trois un bâtiment
locatif
de Morges. Le 23 octobre 2002, B.________ a saisi les autorités judiciaires
d'une plainte pénale dirigée contre A.________, à qui il reprochait de
l'avoir injurié en l'apostrophant avec les termes de "salopard" et de "sale
étranger". Le 7 suivant, C.________ a lui aussi déposé une plainte contre
A.________, pour des invectives semblables. Entendus par le Juge
d'instruction de l'arrondissement de la Côte, trois témoins proposés par
B.________ ont confirmé les faits allégués par ce dernier. Informé de leurs
déclarations, A.________ a maintenu qu'il contestait ces faits; il a affirmé
que "les étrangers" organisaient un complot contre lui. Le Juge d'instruction
a entendu chaque personne séparément et à huis clos; il a établi un
procès-verbal de leurs déclarations.
Par ordonnance du 20 octobre 2003, ce magistrat a clos l'enquête et renvoyé
A.________, accusé d'injure, devant le Tribunal de police compétent.

B.
Avec le concours du Juge d'instruction, une conciliation est intervenue le 10
novembre 2003 entre A.________ et C.________; celui-ci a alors retiré sa
plainte contre paiement de 300 fr. B.________ a lui aussi retiré sa plainte,
par une lettre du 26 novembre 2003, sans commentaires ni explications. Par un
prononcé du lendemain 27 novembre, pris à huis clos et communiqué par écrit,
la Présidente du Tribunal de police a pris acte des retraits de plaintes et a
ordonné la cessation de la poursuite pénale. Elle n'a pas alloué de dépens à
l'accusé; au contraire, elle lui a imputé les frais de la cause par 1'100 fr.
au motif qu'il avait provoqué la poursuite par un comportement répréhensible
au regard du droit civil.
Sans succès, A.________ a contesté la décision concernant les frais et dépens
devant la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal, qui l'a débouté le
28 janvier 2004. Cette juridiction a considéré, notamment, que le
comportement répréhensible du recourant, à l'origine de la poursuite pénale,
était suffisamment établi par les dépositions des témoins.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ requiert le
Tribunal fédéral d'annuler ce dernier prononcé. Invoquant la garantie d'un
procès équitable conférée par l'art. 6 par. 1 CEDH, il fait valoir que les
faits déterminants ont été constatés sur la base de témoignages recueillis
par le Juge d'instruction seulement; il se plaint de n'avoir pas eu
l'occasion de contester ces témoignages lors de débats publics.
Une demande d'assistance judiciaire est jointe au recours.
Invités à répondre, B.________ et le Ministère public cantonal proposent le
rejet du recours; la Cour de cassation pénale a renoncé à présenter des
observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Aux termes de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est recevable
qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale. Selon la
jurisprudence concernant cette disposition, les critiques que le plaideur n'a
pas soumises à l'autorité cantonale de dernière instance, dirigées contre le
prononcé d'une autorité inférieure, sont en principe irrecevables devant le
Tribunal fédéral (ATF 129 I 49 consid. 3 p. 57; 128 I 354 consid. 6c p. 357).
Par ailleurs, l'art. 90 al. 1 let. b OJ exige que l'acte de recours contienne
un exposé des faits essentiels et un exposé succinct des droits
constitutionnels ou des principes juridiques tenus pour violés, précisant en
quoi consiste la violation.
En l'occurrence, devant la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal, le
recourant s'est surtout plaint d'une violation de la présomption d'innocence
(art. 30 al. 1 Cst., 6 par. 2 CEDH), garantie constitutionnelle qui est
violée lorsque la décision imputant les frais judiciaires au prévenu libéré
des fins de la poursuite pénale laisse entendre que celui-ci semble néanmoins
coupable de l'infraction en cause (ATF 116 Ia 162; voir aussi ATF 119 Ia 332;
114 Ia 299; CourEDH Leutscher c. Pays-Bas du 26 mars 1996, Rec. 1996 p. 427,
ch. 29 et ss; Ringvold c. Norvège du 11 février 2003, ch. 38). Le recourant
tenait pour "paradoxal et parfaitement contraire au principe de la
présomption d'innocence de statuer avant jugement en contradictoire que
l'accusé a eu un comportement répréhensible au point de vue du droit civil".
L'argumentation présentée ne comportait pas d'autre allusion à la garantie
d'une procédure judiciaire contradictoire conférée par les 30 al. 3 Cst. et 6
par. 1 CEDH. Le recourant ne tentait pas de démontrer que la décision
concernant les frais et dépens eût pour objet des "droits et obligations de
caractère civil" ou "une accusation en matière pénale" aux termes de cette
disposition conventionnelle. Il ne tente d'ailleurs pas non plus cette
démonstration à l'appui du recours de droit public.
A titre exceptionnel, un moyen de droit nouveau peut être soumis au Tribunal
fédéral si l'autorité cantonale de dernière instance exerçait un pouvoir
d'examen complet et devait appliquer le droit d'office, sans être liée par
les motifs invoqués devant elle (ATF 128 I 354 consid. 6c in fine p.
357/358). Au regard des art. 415 al. 2 et 447 al. 1 CPP vaud., cette
situation était formellement réalisée en ce qui concerne la Cour de cassation
pénale. Toutefois, le recourant ne contestait aucunement la compétence de la
Présidente du Tribunal de police de statuer hors débats sur les frais et
dépens, conformément à l'art. 312 CPP vaud. Dans ces conditions, il ne
pouvait pas attendre de la Cour de cassation pénale qu'elle examinât d'office
une question délicate concernant la compatibilité de cette procédure, dans le
cas d'espèce, avec des règles de rang supérieur au droit cantonal. Enfin, le
recourant ne met pas sérieusement en doute les motifs qui ont conduit cette
juridiction à rejeter le grief qu'il tirait de l'art. 30 al. 1 Cst.
concernant la présomption d'innocence. Le recours de droit public est donc
irrecevable au regard des art. 86 al. 1 et 90 al. 1 let. b OJ.

2.
Selon l'art. 152 OJ, le Tribunal fédéral peut accorder l'assistance
judiciaire à une partie à condition que celle-ci soit dans le besoin et que
ses conclusions ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec. En l'occurrence,
la procédure entreprise devant le Tribunal fédéral n'avait manifestement
aucune chance de succès, de sorte que l'une de ces deux conditions, au moins,
n'est pas satisfaite. La demande d'assistance judiciaire sera donc rejetée.

3.
A titre de partie qui succombe, le recourant doit acquitter l'émolument
judiciaire et les dépens à allouer à l'adverse partie.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Le recourant acquittera les sommes suivantes:
3.1 Un émolument judiciaire de 1'000 fr.;
3.2 Une indemnité de 1'000 fr. à verser à l'intimé à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Procureur général et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 7 septembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: