Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.292/2004
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004


1P.292/2004 /col

Arrêt du 29 juillet 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

X. ________ et consorts,
recourants, tous représentés par Me Georges Derron, avocat, et Me Raymond
Didisheim, avocat,

contre

la société Y.________,
intimée, représentée par Me Benoît Bovay, avocat,
case postale 3673, 1002 Lausanne,
Municipalité de Belmont-sur-Lausanne,
1092 Belmont-sur-Lausanne, représentée par
Me Philippe Jaton, avocat,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014
Lausanne.

autorisation de construire,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de
Vaud du 30 mars 2004.

Faits:

A.
Le 30 août 2000, La Municipalité de Belmont-sur-Lausanne a autorisé la
construction, sur les parcelles n° 238 et 720 propriétés de la société
Y.________, de sept bâtiments comprenant trois logements chacun. Les
biens-fonds sont situés en zone de villas, entre le chemin des Pralets et un
cordon boisé. Une autorisation de défricher a été accordée le 7 septembre
2000.
Par arrêt du 15 avril 2002, le Tribunal administratif du canton de Vaud a
partiellement admis un recours formé par les opposants au projet. Compte tenu
de la surface habitable, chaque bâtiment devait disposer de six places de
stationnement au lieu des cinq prévues. Le permis de construire a été annulé
et le dossier renvoyé à la municipalité afin que soit examinée l'opportunité
d'une dérogation, et, le cas échéant, que soit fixé le montant de la
contribution compensatoire. Les autres griefs soulevés par les opposants ont
été rejetés: les conditions annexées au permis de construire garantissaient
la stabilité du terrain. Certaines parcelles (E et F) présentaient au sud un
prolongement singulier, mais cela permettait d'implanter le bâtiment de la
parcelle G suffisamment en retrait des maisons situées à l'ouest. Ce
découpage n'avait pas pour but d'éluder la disposition réglementaire selon
laquelle chaque bâtiment devait disposer de 1000 m2 de terrain au moins. Les
bâtiments formaient une unité architecturale; il ne s'agissait pas de villas
contiguës.

B.
Un nouveau projet, comportant sept places de stationnement supplémentaires, a
fait l'objet d'une enquête complémentaire du 11 juin au 1er juillet 2002. Les
oppositions ont été levées le 22 juillet 2002.
Par arrêt du 30 mars 2004, le Tribunal administratif a rejeté le recours
formé par X.________ et divers consorts. Le découpage des parcelles
n'impliquait pas une organisation déraisonnable du milieu bâti. Selon une
esquisse produite en audience par la constructrice, le prolongement de la
parcelle F pouvait être supprimé, ce qui impliquerait la réduction de la
taille du bâtiment sur la parcelle G, compensée par un agrandissement de
celui situé sur la parcelle F. Ce résultat était moins harmonieux et plus
gênant pour les voisins. Il n'existait aucune obligation de mettre à
l'enquête le plan de fractionnement; l'absence de ce plan lors de l'enquête
complémentaire ne viciait pas cette dernière. Les problèmes de circulation
sur le chemin de Pralets étaient dus au détournement du trafic de la commune
de Lutry; les nouvelles constructions n'aggraveraient pas la situation. Les
places de stationnement devaient en principe être aménagées en dehors des
alignements, et sur le même bien-fonds que la construction à laquelle elles
se rapportent; la dérogation exceptionnelle accordée par la municipalité sur
ce point ne procédait pas de l'abus du pouvoir d'appréciation.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ et consorts
demandent au Tribunal fédéral d'annuler ce dernier arrêt.
Le Tribunal administratif se réfère aux considérants de son arrêt. La société
Y.________ conclut au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.
La Municipalité de Belmont-sur-Lausanne conclut à l'irrecevabilité du
recours, subsidiairement à son rejet.
Les recourants ont par la suite requis l'effet suspensif, qui a été refusé
par ordonnance du 15 juillet 2004.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt rendu en
dernière instance cantonale. La recevabilité de chacun des griefs soulevés
doit être examinée séparément, sous l'angle des art. 87 et 88 OJ.

1.1  Les recourants se plaignent en premier lieu d'une violation de leur
droit
d'être entendus; ils soutiennent que l'ouverture d'une seconde enquête
publique complémentaire ne serait pas possible, et que la procédure suivie ne
permettait pas aux tiers de se faire une idée claire de l'objet du permis; la
cour cantonale aurait omis de statuer sur ce grief. Les recourants ont
qualité pour soulever ce grief, d'ordre formel.

1.2  Les recourants se plaignent ensuite d'une violation des dispositions
réglementaires (art. 11 et 12 RCA) prévoyant une surface minimum de 1000 m2
par bâtiment, ainsi qu'un indice d'occupation du sol de 1/7. Les parcelles E
et F auraient fait l'objet d'un découpage totalement artificiel afin de
satisfaire à ces exigences. Les recourants paraissent avoir qualité, au sens
de l'art. 88 OJ, pour soulever un tel grief, puisque les règles relatives à
la densité des constructions sont destinées également à la protection des
habitants voisins (ATF 118 Ia 232 consid. 1b p. 235).
Toutefois, l'argument avait déjà été examiné et rejeté, sous l'angle de
l'art. 11 RCA, dans l'arrêt du 15 avril 2002 (consid. 4). Le Tribunal
administratif a considéré à cette occasion que les parcelles présentaient
certes des "excroissances singulières", mais que cela était justifié pour
permettre d'implanter le bâtiment de la parcelle G suffisamment en retrait de
la parcelle n° 157, à l'ouest du secteur. Le Tribunal administratif a aussi
considéré que les parcelles E et F auraient pu être réduites puisqu'elles
présentaient une surface de 1126 m2. Il apparaît ainsi que si le premier
recours cantonal a été admis en raison de l'insuffisance du nombre de places
de stationnement, la question du fractionnement des parcelles a été
définitivement tranchée dans l'arrêt du 15 avril 2002. Le renvoi à la
municipalité n'avait ainsi qu'une portée très limitée, l'autorité inférieure
ne conservant sa liberté d'appréciation que dans le cadre de l'application de
l'art. 59 al. 5 RCA (dérogation et contribution compensatoire). Les
recourants auraient par conséquent dû agir contre l'arrêt du 15 avril 2002
s'ils entendaient contester l'application faite par la cour cantonale de
l'art. 11 RCA (ATF 129 II 384 consid. 2.3 p. 385). Même fondé sur l'art. 12
RCA, l'argument consiste à remettre en cause le découpage des parcelles et
n'a pas de portée différente. Les recourants doivent donc, sur ce point, se
voir opposer la force de chose jugée de l'arrêt cantonal précédent.

1.3  Les recourants invoquent aussi l'art. 59 al. 4 RCA, selon lequel les
places de stationnement doivent être aménagées en dehors des alignements, et
sur le même bien-fonds que le bâtiment auquel elles se rapportent. Selon eux,
les 56 places prévues ne seraient réalisables qu'au prix de trop nombreuses
dérogations.
A l'encontre d'une autorisation de construire, les propriétaires voisins ne
peuvent recourir que lorsqu'ils invoquent des normes qui tendent, au moins
dans une certaine mesure, à la protection de leurs propres intérêts (ATF 127
I 44 consid. 2c p. 46). Ils doivent en outre se trouver dans le champ de
protection des dispositions dont ils allèguent la violation, et être touchés
par les effets prétendument illicites de la construction ou de l'installation
litigieuse (ATF 121 I 267 consid. 2 p. 268 et les arrêts cités).
Les recourants soutiennent que les 56 places de stationnement prévues par le
projet dépasseraient la capacité d'accueil des parcelles, et engendreraient
un surcroît de nuisances ainsi qu'un engorgement du trafic sur le chemin
exigu des Pralets. L'attitude des recourants sur ce point n'est pas exempte
d'ambiguïté, car, dans leur premier recours cantonal, ceux-ci exigeaient la
réalisation de places de stationnement supplémentaires. De toute façon, les
normes imposant au constructeur la création d'un nombre déterminé de places
de stationnement n'ont pas vocation à protéger les propriétaires voisins mais
poursuivent uniquement un but d'intérêt public, à savoir la question du
trafic (ATF 112 Ia 90; 107 Ia 72 consid. 2b p. 74/75; arrêt 1A.172/1998 du 22
décembre 1998). Il en va de même, a fortiori, des dispositions relatives à la
répartition des places de stationnement à l'intérieur du périmètre faisant
l'objet de l'autorisation de construire. Le grief est, lui aussi,
irrecevable.

2.
Il y a lieu, par conséquent, de n'entrer en matière que sur le grief tiré
d'une violation du droit d'être entendu. Les recourants expliquent à cet
égard que, selon l'art. 72b du règlement communal sur l'aménagement du
territoire et les constructions, seule est autorisée une enquête
complémentaire dans le prolongement d'une enquête principale. En
l'occurrence, il y aurait eu trois enquêtes successives, sans délivrance de
permis de construire, ce qui aurait empêché les tiers de se faire une idée
précise de l'objet du permis sollicité. Or, la cour cantonale aurait
totalement méconnu ce moyen, alors que l'admission de celui-ci pouvait
conduire à l'annulation du permis de construire.

2.1  Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. comporte le droit
pour les parties d'obtenir une décision motivée (ATF 129 I 232 consid. 3.2 p.
236 et les arrêts cités). L'autorité n'est cependant pas tenue de prendre
position sur tous les arguments qui lui sont soumis; elle doit statuer sur
les griefs soulevés mais, dans ce cadre, elle peut se limiter aux questions
décisives (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 17; 124 II 146 consid. 2a p. 149 et
les arrêts cités). Par ailleurs, selon le principe de la bonne foi, les actes
de procédure doivent être interprétés dans le sens qu'on peut raisonnablement
leur attribuer; l'autorité n'est dès lors tenue de statuer que sur les griefs
formellement soulevés, et non sur des reproches d'ordre général, ou des
réserves sans portée juridique.

2.2  Dans leur recours au Tribunal administratif, les recourants admettaient
qu'ils n'avaient "pas de critique majeure à formuler quant à la procédure
suivie par la Municipalité", et ajoutaient: "Tout au plus peut-on se demander
s'il est conforme à l'art. 72b RATC qu'une enquête principale puisse, dans le
délai de quatre ans, être suivie de plusieurs enquêtes complémentaires, du
moins lorsqu'aucune des enquêtes précédant la dernière n'a débouché sur
l'octroi d'un permis de construire définitif et exécutoire".... Ces remarques
étaient formulées dans les moyens de droit du recours, sous le titre "l'objet
de la décision attaquée et l'étendue du droit de recours". Elles étaient
manifestement destinées à faire admettre la recevabilité de l'ensemble des
moyens soulevés, sans pour autant constituer un motif d'annulation de la
décision attaquée. Cela est encore confirmé au paragraphe suivant du recours
("Quoiqu'il en soit sur ce point," ...). Par leur intervention dans la
procédure, les recourants avaient apparemment compris sur quels points
devaient porter les compléments d'enquête qu'ils avaient eux-mêmes contribué
à ordonner. Ils ne prétendaient pas non plus que des pièces importantes leur
auraient échappé, ou qu'ils auraient été privés de faire valoir leurs
objections sur un point ou un autre. Dans ces conditions, le Tribunal
administratif pouvait considérer que les réserves des recourants quant à la
procédure d'enquête publique ne constituaient pas des griefs formels et
n'appelaient par conséquent pas de prise de position dans l'arrêt attaqué. Il
n'y a donc pas de violation du droit d'être entendu.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où
il est recevable. Un émolument judiciaire est mis à la charge des recourants,
de même qu'une indemnité de dépens allouée à l'intimée Y.________ et à la
Municipalité de Belmont-sur-Lausanne.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 4000 fr. est mis à la charge solidaire des
recourants.

3.
Une indemnité de dépens de 2000 fr. est allouée à l'intimée Y.________, à la
charge solidaire des recourants.

4.
Une indemnité de dépens de 2000 fr. est allouée à la Municipalité de
Belmont-sur-Lausanne, à la charge solidaire des recourants.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et de la
Municipalité de Belmont-sur-Lausanne ainsi qu'au Tribunal administratif du
canton de Vaud.

Lausanne, le 29 juillet 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: