Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.276/2004
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1P.276/2004 /dxc

Arrêt du 14 juin 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral,
Nay, Vice-président du Tribunal fédéral et Reeb.
Greffier: M. Zimmermann.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Y.________,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève,
case postale 3344, 1211 Genève 3,
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale
3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9, 10 al. 2, 29 et 31 Cst., art. 5 CEDH (procédure pénale),

recours de droit public contre l'ordonnance de la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre d'accusation, du 24 mars 2004.

Faits:

A.
Le Juge d'instruction du canton de Genève conduit une procédure pénale contre
Y.________, inculpé de faux dans les titres, d'escroquerie, d'abus de
confiance, de gestion déloyale et de banqueroute frauduleuse. En bref,
Y.________ est soupçonné d'avoir détourné le montant de loyers, falsifié des
baux et utilisé à des fins personnelles des prêts consentis à une société
qu'il gérait.

Le 12 août 2003, la société A.________ S.A., partie civile à la procédure, a
informé le Juge d'instruction que la société X.________ S.A., dont Y.________
est l'administrateur, était propriétaire d'une part de copropriété afférente
à un logement d'habitation à Montreux-Territet. Le 3 septembre 2003,
A.________ S.A. a indiqué au Juge d'instruction que Y.________ était l'ayant
droit de l'immeuble; c'était à lui que la banque avait octroyé le prêt
hypothécaire nécessaire à l'acquisition de la part de copropriété.

Le 21 octobre 2003, le Juge d'instruction a invité le Conservateur du
Registre foncier de Vevey à lui transmettre les documents relatifs à
l'acquisition du logement en question. Les 10 et 22 décembre 2003, le Juge
d'instruction a ordonné que soit restreint le droit d'aliéner.

Y.  ________ et X.________ S.A. ont entrepris devant la Chambre d'accusation
du canton de Genève cette décision, insuffisamment motivée à leurs yeux.

La Chambre d'accusation les a déboutés le 24 mars 2004. Elle a considéré
qu'il ressortait clairement des décisions des 21 octobre, 10 et 22 décembre
2003, que la mesure contestée avait été ordonnée parce que le Juge
d'instruction soupçonnait que l'acquisition du logement de Territet pourrait
avoir été financée par des fonds détournés, en relation avec les faits pour
lesquels Y.________ avait été inculpé. Même à supposer défectueuse la
motivation de la décision du 22 décembre 2003, ce défaut aurait de toute
manière été guéri dans la procédure de recours.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, la société X.________ S.A.
demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 24 mars 2004 et de lever
le séquestre. Elle invoque les art. 9, 10 et 29 Cst., ainsi que les art. 5 et
6 CEDH.
La Chambre d'accusation se réfère à sa décision. Le Juge d'instruction et le
Ministère public proposent le rejet du recours dans la mesure de sa
recevabilité.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public n'est recevable que contre les décisions prises en
dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Cette règle a pour
conséquence que seuls sont recevables devant le Tribunal fédéral les moyens
qui, pouvant l'être, ont été présentés à l'autorité cantonale de dernière
instance. La jurisprudence n'admet la recevabilité de moyens de droit
nouveaux que si l'autorité cantonale de dernière instance disposait d'un
pouvoir d'examen libre et devait appliquer le droit d'office. En revanche,
cette exception ne vaut pas pour le grief d'arbitraire et pour tous les
griefs qui se confondent avec l'arbitraire, et notamment pour celui tiré de
la violation du droit à un procès équitable. Celui qui veut invoquer un tel
grief doit donc épuiser les instances cantonales, à peine d'irrecevabilité
(ATF 119 Ia 88 consid. 1a p. 90/91 et les arrêts cités).

En l'occurrence, le seul moyen soulevé devant la Chambre d'accusation portait
sur le prétendu défaut de motivation de la décision du 22 décembre 2003. Le
litige se limite à cet objet. Tous les autres griefs soulevés par la
recourante, qui ont trait à la validité du séquestre, sont ainsi
irrecevables, faute d'épuisement des instances cantonales.

2.
Les parties ont le droit d'être entendues (art. 29 al. 2 Cst.). Cela implique
pour l'autorité d'indiquer dans son prononcé les motifs de sa décision (ATF
129 I 232 consid. 3.2 p. 236; 123 I 31 consid 2c p. 34; 112 Ia 107 consid. 2b
p. 109). Elle n'est pas tenue de discuter de manière détaillée tous les
arguments soulevés par les parties; elle n'est pas davantage astreinte à
statuer séparément sur chacune des conclusions qui lui sont présentées. Elle
peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige; il
suffit que le justiciable puisse apprécier correctement la portée de la
décision et l'attaquer à bon escient (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 17; 125
II 369 consid. 2c p. 372; 124 II 146 consid. 2a p. 149, et les arrêts cités).
La Chambre d'accusation a relevé qu'entendu par le Juge d'instruction le 10
novembre 2003, Y.________ a expliqué que X.________ S.A. avait versé un
montant de 400'000 USD à la société B.________ qu'il dominait; une part
aurait servi de fonds propres pour l'acquisition du logement. Dès l'instant
où le recourant, désigné comme le bénéficiaire du prêt hypothécaire, était
soupçonné de détournements commis notamment au détriment de B.________, il
existait, selon la Chambre d'accusation, des éléments suffisants pour
suspecter que le logement avait été acquis pour le compte de Y.________, par
le moyen de fonds appartenant à B.________. Cette motivation ressort
clairement de la décision attaquée.

L'argument selon lequel le Juge d'instruction, puis la Chambre d'accusation
n'auraient pas indiqué le lien entre l'immeuble litigieux et les infractions
reprochées, est ainsi mal fondé.

3.
La recourante demande l'assistance judiciaire, laquelle est accordée à la
double condition que le demandeur soit démuni et que ses conclusions ne
paraissent pas vouées à l'échec (art. 152 OJ). Cette deuxième condition n'est
pas réalisée en l'occurrence, puisque le sort du recours était scellé
d'emblée. La demande doit être rejetée et les frais mis à la charge de la
recourante (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument de 1'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, au Juge
d'instruction, au Procureur général et à la Cour de justice du canton de
Genève, Chambre d'accusation.

Lausanne, le 14 juin 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: