Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.252/2004
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1P.252/2004/col

Arrêt du 10 juin 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourante,

contre

Commune de Sâles, 1625 Sâles, représentée par
Me Jean-Yves Hauser, avocat,
Préfet du district de la Gruyère, Le Château,
case postale 192, 1630 Bulle,
Président de la IIe Cour administrative du Tribunal administratif du canton
de Fribourg, route André-Piller 21, case postale, 1762 Givisiez.

révision cantonale; droit à un tribunal impartial,

recours de droit public contre la décision du Président de la IIe Cour
administrative du Tribunal administratif du canton de Fribourg du 23 mars
2004.

Faits:

A.
Par arrêt du 1er septembre 1998, la IIe Cour administrative du Tribunal
administratif du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal administratif) a
rejeté le recours interjeté par A.________ contre un arrêté du Préfet du
district de la Gruyère écartant son opposition à l'installation de
collecteurs d'eaux usées et d'eaux claires sur la parcelle dont elle est
propriétaire sur la Commune de Romanens, devenue par la suite la Commune de
Sâles.
Le 11 février 2004, A.________ a introduit une demande de révision de cet
arrêt que le Président de la IIe Cour administrative du Tribunal
administratif a écartée comme étant manifestement irrecevable au terme d'une
décision prise le 23 mars 2004.

B.
Le 26 avril 2004, A.________ a formé un recours de droit public et un pourvoi
en nullité auprès du Tribunal fédéral contre cette décision. Elle conclut
principalement à l'annulation de celle-ci et au renvoi de la cause pour
nouvelle décision à un tribunal indépendant et, à titre subsidiaire, à
l'admission de sa demande en révision. Elle dénonce une violation de son
droit à ce que sa cause soit traitée de manière équitable et de son droit à
un tribunal impartial. Elle requiert l'assistance judiciaire.
Le Président de la IIe Cour administrative du Tribunal administratif et la
Commune de Sâles concluent au rejet du recours, dans la mesure où il est
recevable. Le Préfet du district de la Gruyère s'en remet à justice.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Seul le recours de droit public est ouvert contre une décision prise en
dernière instance cantonale, rejetant une demande de révision fondée, comme
en l'espèce, sur le droit cantonal de procédure. Le pourvoi en nullité est de
ce fait irrecevable. Formé en temps utile contre une décision finale qui
touche la recourante dans ses intérêts juridiquement protégés, le recours est
recevable au regard des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. Les conclusions du
recours qui vont au-delà de l'annulation de la décision attaquée sont en
revanche incompatibles avec la nature cassatoire du recours de droit public
et sont, partant, irrecevables (ATF 129 I 173 consid. 1.5 p. 176).

2.
La recourante prétend que le Président de la IIe Cour administrative du
Tribunal administratif aurait dû se récuser d'office étant donné qu'il avait
fonctionné comme président de la cour ayant rendu l'arrêt dont elle
sollicitait la révision. Elle dénonce à ce propos une violation de son droit
à un tribunal impartial et de son droit à un procès équitable.
En tant qu'elle invoque à ce propos l'art. 6 CEDH, son argumentation est
manifestement mal fondée, cette disposition ne s'appliquant pas à la
procédure de révision (ATF 113 Ia 62 consid. 3b p. 64 et les arrêts cités).
Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la participation d'un même
magistrat au jugement du fond puis à la procédure de révision, telle qu'elle
est prévue à l'art. 105 al. 1 et 2 du Code de procédure et de juridiction
administrative du canton de Fribourg (CPJA), n'est pas contraire à la
garantie du juge impartial (ATF 113 Ia 62 consid. 3b p. 64; 107 Ia 15 consid.
3b p. 19; ZBl 80/1979 p. 534 consid. 2 p. 537). Elle est au surplus conforme
à la pratique du Tribunal fédéral saisi d'une demande de révision fondée sur
les art. 136 ou 137 OJ (cf. Jean-François Poudret, Commentaire de la loi
fédérale d'organisation judiciaire, vol. I, Berne 1990, n. 3.1 et 3.2.1 ad
art. 22, p. 112/113). Le Président de la IIe Cour administrative du Tribunal
administratif n'était donc nullement tenu de se récuser d'office au motif
qu'il se trouvait dans la composition de la cour ayant rendu l'arrêt dont la
révision était requise. En tant que la recourante conclut à l'annulation de
la décision attaquée pour ce motif, son recours est mal fondé, sans qu'il
soit nécessaire d'examiner si elle pouvait de bonne foi recourir pour un tel
motif faute d'avoir demandé la récusation de ce magistrat, à réception de la
lettre du 16 février 2004 indiquant que celui-ci fonctionnait comme juge
délégué (cf. ATF 126 III 249 consid. 3c p. 253/254; 124 I 121 consid. 2 p.
123; 119 Ia 221 consid. 5a p. 228/229).

3.
La recourante ne conteste pas qu'une demande de révision manifestement
irrecevable puisse être écartée par une décision sommairement motivée prise
par le président de la juridiction saisie, conformément à l'art. 100 al. 1
let. a et 2 CPJA. Elle prétend que sa demande répondait en tous points aux
exigences de l'art. 105 al. 1 CPJA et qu'elle était ainsi parfaitement
recevable.
Une demande de révision est irrecevable lorsque les conditions formelles
relatives aux délais, aux conclusions et à la motivation de la demande, ne
sont pas respectées. En revanche, si les motifs justifiant la révision ne
sont pas réalisés, elle doit être rejetée (cf. ATF 96 I 279 consid. 1; 81 II
475 consid. 1 p. 477). En l'espèce, le Président de la IIe Cour
administrative du Tribunal administratif a déclaré la demande de révision de
A.________ manifestement irrecevable non pas parce qu'elle ne respectait pas
les exigences de forme et de délai posées aux art. 106 et 107 al. 1 CPJA,
mais parce que les griefs invoqués ne constituaient pas un cas de révision,
s'agissant des faits nouveaux allégués, respectivement parce qu'ils auraient
pu être soulevés dans le cadre d'un recours formé contre la décision
litigieuse, s'agissant de la violation du droit que le Tribunal administratif
aurait commise (cf. art. 105 al. 3 CPJA); dans ce dernier cas, on peut
hésiter sur le point de savoir si l'autorité doit refuser d'entrer en matière
sur la demande de révision ou la rejeter; quoi qu'il en soit, le magistrat
intimé a considéré que le motif de révision de l'art. 105 al. 1 let. a CPJA
n'était pas réalisé. Sur ce point, la demande aurait donc dû être rejetée et
non pas déclarée irrecevable (cf. arrêt 1P.320/1996 du 24 janvier 1997
consid. 1c). Or, si le président de la juridiction saisie est compétent pour
écarter une demande de révision manifestement mal fondée en vertu de l'art.
100 al. 1 CPJA, applicable par renvoi de l'art. 107 al. 4 CPJA, seule
l'autorité qui a pris la décision contestée peut statuer sur une demande de
révision recevable et, le cas échéant, la rejeter comme manifestement mal
fondée (cf. art. 99 et 105 ss CPJA). Prise par une autorité incompétente, la
décision attaquée doit être déclarée nulle de plein droit (ATF 127 II 32
consid. 3g p. 47/48; 122 I 97 consid. 3a/aa p. 99; 118 Ia 336 consid. 2a p.
340 et les arrêts cités).

4.
Le recours doit par conséquent être admis, dans la mesure où il est
recevable, ce qui rend sans objet la demande d'assistance judiciaire.
Conformément à l'art. 156 al. 2 OJ, il est statué sans frais. Il n'y a pas
lieu d'allouer des dépens à la recourante, qui n'était pas assistée d'un
mandataire professionnel et qui n'a émis aucune prétention à ce titre (ATF
125 II 518 consid. 5b p. 519/520; 113 Ib 353 consid. 6b p. 357).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi en nullité est irrecevable.

2.
Le recours de droit public est admis dans la mesure où il est recevable. Il
est constaté que la décision attaquée est nulle.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, au mandataire de la
Commune de Sâles, au Préfet du district de la Gruyère et au Président de la
IIe Cour administrative du Tribunal administratif du canton de Fribourg.

Lausanne, le 10 juin 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: