Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.233/2004
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004


1P.233/2004 /col

Arrêt du 22 juillet 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Thélin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Philippe Leuba,

contre

Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
Tribunal cantonal du canton de Fribourg,
Cour d'appel pénal, case postale 56, 1702 Fribourg.

procédure pénale; appréciation des preuves

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 30 janvier
2004.

Faits:

A.
Par jugement du 21 novembre 2002, le Tribunal pénal de l'arrondissement de la
Broye a reconnu A.________ coupable d'avoir commis diverses infractions, en
particulier d'avoir vendu deux fois 500 grammes d'héroïne et une fois 500
grammes d'un produit de coupage. Il l'a condamné à six ans de réclusion et il
a attribué à l'Etat, contre lui, une créance compensatrice de 22'000 fr.
Statuant le 30 janvier 2004 sur l'appel du condamné, la Cour d'appel pénal du
Tribunal cantonal a réformé ce prononcé. Elle a acquitté l'appelant de l'une
des préventions retenues contre lui mais elle a confirmé toutes les autres,
en particulier celle concernant le trafic des stupéfiants. Elle a fixé la
peine à quatre ans de réclusion et a confirmé la créance compensatrice.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ requiert le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal. Il conteste le
verdict de culpabilité concernant le trafic des stupéfiants, qu'il tient pour
arbitraire et contraire à la présomption d'innocence. Sans reconnaître les
autres infractions en cause, il renonce expressément à mettre en doute la
validité des constatations correspondantes.
Une demande d'assistance judiciaire est jointe au recours.
Invités à répondre, le Ministère public cantonal propose le rejet du recours;
la juridiction intimée a renoncé à déposer des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, selon l'adage in dubio
pro reo, la présomption d'innocence interdit au juge de prononcer une
condamnation alors qu'il éprouve des doutes sur la culpabilité de l'accusé.
Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent
cependant pas à exclure une condamnation. Pour invoquer utilement la
présomption d'innocence, le condamné doit donc démontrer que le juge de la
cause pénale, au regard de l'ensemble des preuves à sa disposition, aurait dû
éprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la culpabilité (ATF
127 I 38 consid. 2 p. 40; 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e
p. 38, consid. 4b p. 40).
L'appréciation des preuves est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst.,
lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et
de l'équité. Le Tribunal fédéral n'invalide l'appréciation retenue par le
juge de la cause que si elle apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste avec la situation effective ou adoptée sans motifs objectifs. Il ne
suffit pas que les motifs du verdict soient insoutenables; il faut en outre
que l'appréciation soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit pas non
plus qu'une solution différente puisse être tenue pour également concevable,
ou apparaisse même préférable (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58; 127 I 38 consid.
2 p. 40, 126 I 168 consid. 3a p. 170; voir aussi ATF 129 I 8 consid. 2.1 in
fine p. 9).
L'art. 90 al. 1 let. b OJ exige que l'acte de recours contienne un exposé des
faits essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou des
principes juridiques tenus pour violés, précisant en quoi consiste la
violation. Lorsqu'il se plaint d'arbitraire, le recourant doit donc préciser
de façon détaillée en quoi la juridiction ou l'autorité intimée s'est
gravement trompée et est parvenue à une décision manifestement erronée ou
injuste; une argumentation qui ne satisfait pas à cette exigence est
irrecevable (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495, 117 Ia 10 consid. 4b p. 11/12,
110 Ia 1 consid. 2a p. 3).

2.
Le verdict litigieux est surtout fondé sur les déclarations de la personne
qui a acheté au recourant l'héroïne et le produit de coupage, déclarations
rapportées dans le jugement du Tribunal pénal. Les précédents juges ont
notamment retenu, à titre d'indices propres à confirmer ces déclarations, les
communications téléphoniques du recourant avec cette personne, ses contacts
avec d'autres trafiquants et les traces d'héroïne et de cocaïne découvertes
dans le véhicule qu'il utilisait pour ses déplacements. A tout cela, le
recourant oppose de simples dénégations. Au sujet de ses rencontres avec
l'acheteur, pour lesquelles il se rendait chaque fois d'Estavayer-le-lac à
Genève, il persiste dans des explications que les premiers juges ont écartées
mais il ne précise pas en quoi les motifs de leur appréciation, consignés
dans le jugement, seraient dépourvus de pertinence. Parmi de nombreux
arguments qui ont été, eux aussi, déjà réfutés, il fait valoir que d'autres
personnes ont pu utiliser le véhicule en cause et, peut-être, s'en servir
pour transporter des stupéfiants. Or, aucun de tous ces moyens n'est apte à
révéler une violation des garanties invoquées; à l'appui du grief
d'arbitraire, ils sont irrecevables au regard des exigences précitées
concernant l'art. 90 al. 1 let. b OJ.
Le recourant critique très sommairement la traduction des conversations
téléphoniques en langue albanaise, apparemment dépourvues de sens, que la
police a écoutées et enregistrées. Il n'a cependant pas expliqué l'objet de
ces conversations; il s'est borné à contester l'usage d'un langage codé
relatif à un trafic de stupéfiants. Invoquant de la présomption d'innocence,
il tient pour inadmissible de retenir à sa charge le fait qu'il n'a pas
expliqué ces mystérieuses communications. Sur ce point, l'argumentation
présentée méconnaît que dans des situations appelant assurément une
explication de la part du prévenu, son silence peut être pris en
considération pour apprécier la force de persuasion des éléments à charge,
sans que cela ne constitue une atteinte à son droit de se taire et de ne pas
témoigner contre soi-même, ni une atteinte à la présomption d'innocence
(arrêt 1P.641/ 2000 du 24 avril 2001, consid. 3, RUDH 2001 p. 115). Une
situation de ce genre était réalisée en l'espèce. Pour le surplus, il
n'apparaît pas que le recourant soit condamné parce qu'il n'est pas parvenu à
prouver son innocence; les affirmations qu'il développe dans ce sens sont
purement gratuites.
Le recours se révèle donc mal fondé, dans la mesure où il est recevable.

3.
Selon l'art. 152 OJ, le Tribunal fédéral peut accorder l'assistance
judiciaire à une partie à condition que celle-ci soit dans le besoin et que
ses conclusions ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec. Il est constant
que le recourant est dépourvu de ressources; en revanche, la procédure
entreprise devant le Tribunal fédéral n'avait manifestement aucune chance de
succès. La demande d'assistance judiciaire doit, par conséquent, être
rejetée.
A titre de partie qui succombe, le recourant doit acquitter l'émolument
judiciaire (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 2'000 fr.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public et au Tribunal cantonal du canton de Fribourg.

Lausanne, le 22 juillet 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: