Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.216/2004
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1P.216/2004 /col

Arrêt du 26 juillet 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Jomini.

François Bonnet, Les Eplatures-Jaune 99,
2304 La Chaux-de-Fonds,
Laurent Debrot, La Ferme, 2019 Chambrelien,
recourants,

contre

Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel, Service juridique de
l'Etat, 2001 Neuchâtel 1,

construction d'une route cantonale

recours de droit public

Faits:

A.
Le 28 mars 1995, le Grand Conseil de la République et canton de Neuchâtel a
adopté un décret portant octroi d'un crédit de 47,8 millions de francs pour
la dixième étape de restauration et d'aménagement des routes cantonales et
ouvrages pour piétons et cyclistes. Plusieurs projets routiers étaient
concernés, notamment une amélioration d'un tronçon de la route principale
"J20" (aujourd'hui: "H20") entre Le Locle et La Chaux-de-Fonds. D'après le
rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil du 15 février 1995, à l'appui du
projet de décret, il était proposé de réaliser dans une première étape "une
chaussée neuve de 7,50 m de largeur entre le Haut-du-Crêt et le giratoire [de
la Combe-à-l'Ours à La Chaux-de-Fonds], avec une banquette de 1,50 m au sud
et un chemin pour piétons et cyclistes de 3 m au nord séparé de la route
[...]". Ce rapport réservait la réalisation, dans une deuxième étape, de la
"solution de 4 voies de la J20". Il estimait le coût global de ce projet
"Haut-du-Crêt - La Chaux-de-Fonds, 1ère étape" à 26'500'000 fr., avec des
subventions fédérales escomptées de 19'500'000 fr. (soit en définitive
7'000'000 fr. à la charge du canton).
Le décret du 28 mars 1995 a été accepté en votation populaire les 24 et 25
juin 1995.

B.
Le Conseil d'Etat, dans son rapport du 29 septembre 2003 au Grand Conseil
relatif au budget de l'Etat pour l'exercice 2004, a évoqué une demande de
crédit complémentaire de 8'000'000 fr. pour la dixième étape de restauration
et d'aménagement des routes cantonales, à cause de la "modification des taux
de la contribution fédérale". Ce crédit n'a pas, en l'état, fait l'objet d'un
projet de décret à soumettre au Grand Conseil.

C.
Un plan routier, pour le projet "Haut-du-Crêt - La Chaux-de-Fonds", a été
élaboré par le Département cantonal de la gestion du territoire. Une
procédure administrative a eu lieu, avec étude de l'impact sur
l'environnement. Des démarches ont été accomplies pour l'acquisition du
terrain et pour l'adjudication des travaux.
Le 16 mars 2004, le Département de la gestion du territoire a adressé à
différentes personnes une invitation à une cérémonie organisée le 15 avril
2004, destinée à marquer le coup d'envoi officiel des travaux de la 1ère
étape de l'évitement de La Chaux-de-Fonds par la route "H20".

D.
Agissant le 7 avril 2004 par la voie du recours de droit public, les députés
au Grand Conseil François Bonnet et Laurent Debrot demandent au Tribunal
fédéral de constater que "le Conseil d'Etat n'a pas le droit d'entreprendre
les travaux prévus sur la route H20 au Crêt-du-Locle dans le cadre du crédit
voté par le peuple neuchâtelois le 26 juin 1995, ceci tant et aussi longtemps
que le crédit complémentaire nécessaire n'aura pas été voté par le Grand
Conseil".
Le Conseil d'Etat conclut à titre principal à l'irrecevabilité du recours de
droit public, et à titre subsidiaire à son rejet.
Les recourants ont pu déposer un mémoire complétif. Ils n'ont pas modifié
leurs conclusions.

E.
Par ordonnance du 23 avril 2004, le Président de la Ire Cour de droit public
a rejeté la requête des recourants tendant à ce que l'exécution des travaux
routiers litigieux soit interdite par voie de mesures provisionnelles.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227, 453 consid. 2 p. 456 et
les arrêts cités).

1.1  Les recourants font l'un et l'autre état de leur qualité de députés mais
ils invoquent également leurs droits de citoyens. Ils mentionnent les
compétences du peuple selon la Constitution cantonale (Constitution de la
République et canton de Neuchâtel du 24 septembre 2000, Cst./NE - RS 131.233)
et se réfèrent dans leur mémoire complétif à l'art. 34 Cst. qui garantit les
droits politiques. Il y a donc lieu d'examiner si le présent recours de droit
public est un recours concernant le droit de vote des citoyens au sens de
l'art. 85 let. a OJ.
Un tel recours est soumis à la règle générale de l'art. 90 al. 1 OJ, selon
laquelle l'acte de recours doit contenir la désignation de l'arrêté ou de la
décision attaqués, les conclusions du recourant ainsi qu'un exposé des faits
essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes
juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation (ATF 129 I 185
consid. 1.6 p. 189 et les arrêts cités). En l'occurrence, les recourants ne
donnent pas d'indication claire au sujet de l'acte étatique qu'ils entendent
attaquer. Quoi qu'il en soit, même s'il fallait déduire de leurs écritures
qu'ils reprochent au Conseil d'Etat d'avoir soustrait une dépense au vote du
peuple, violant ainsi les dispositions constitutionnelles sur le référendum
financier (référendum facultatif selon l'art. 42 al. 2 let. b Cst./NE), on ne
voit pas quelle nouvelle dépense aurait été décidée et publiée dans les
trente jours précédant le dépôt du recours (cf. art. 89 al. 1 OJ), en
relation avec les travaux du tronçon "Haut-du-Crêt - La Chaux-de-Fonds". Le
premier crédit d'engagement pour ce projet routier a au demeurant été soumis
au vote populaire en 1995 et, d'après les explications du Conseil d'Etat, un
crédit complémentaire sera demandé en temps voulu, selon la procédure
prescrite par le droit cantonal (cf. art. 40 de la loi cantonale sur les
finances) qui, en cas d'adoption d'un décret par le Grand Conseil, ouvre la
voie du référendum facultatif.
Dépourvu à ce propos de conclusions et d'une motivation conformes aux
exigences de l'art. 90 al. 1 OJ, le recours est donc manifestement
irrecevable en tant que recours de droit public pour violation des droits
politiques, au sens de l'art. 85 let. a OJ.

1.2  Les recourants invoquent par ailleurs, de manière très imprécise,  des
droits constitutionnels des citoyens au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ.
Ils font en effet référence aux droits fondamentaux mentionnés à l'art. 35
Cst. et à la compétence du Tribunal fédéral, selon l'art. 189 al. 1 let. a
Cst., pour connaître des réclamations (ou recours) pour violation de droits
constitutionnels.
Le recours de droit public pour violation de ces droits constitutionnels, ou
droits fondamentaux, est soumis à diverses conditions de recevabilité (art.
86 ss OJ). En particulier, la qualité pour former un tel recours est définie,
de manière restrictive, à l'art. 88 OJ. Ce recours est ouvert uniquement à
celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et
juridiquement protégés; le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général,
ou visant à préserver de simples intérêts de fait, est dès lors irrecevable
(ATF 129 I 113 consid. 1.2 p. 117; 129 II 297 consid. 2.1 p. 300; 126 I 43
consid. 1a p. 44 et les arrêts cités). En l'espèce, les recourants paraissent
se prévaloir de règles du droit cantonal définissant les compétences des
différentes autorités dans le cadre de l'élaboration d'un projet routier;
peut-être invoquent-ils implicitement le principe de la séparation des
pouvoirs. Ils voient des défauts ou des lacunes dans les procédures ayant
abouti à l'ouverture du chantier litigieux, et déplorent ainsi des atteintes
à des intérêts publics qu'ils défendent en tant que députés et citoyens du
canton. Ils ne dénoncent toutefois pas un acte étatique qui aurait violé,
voire supprimé, une règle tendant au moins accessoirement à la protection de
leurs intérêts personnels. Ils n'ont donc pas qualité pour recourir au sens
de l'art. 88 OJ. Pour ce motif déjà, le recours de droit public selon l'art.
84 al. 1 let. a OJ est lui aussi manifestement irrecevable.
Les autres cas de recours de droit public (art. 84 al. 1 let. b à d OJ, art.
85 let. b et c OJ) n'entrent à l'évidence pas en considération.

2.
L'irrecevabilité du recours doit être prononcée selon la procédure simplifiée
de l'art. 36a al. 1 OJ.
Les recourants, qui succombent, doivent payer un émolument judiciaire (art.
153, 153a et 156 al. 1 OJ). Le canton n'a pas droit à des dépens (art. 159
al. 2 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des recourants.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux recourants et au Conseil d'Etat
de la République et canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 26 juillet 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: