Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.205/2004
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1P.205/2004 /fzc

Arrêt du 11 juin 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Zimmermann.

X. ________,
recourante,
représentée par Me Aba Neeman, avocat,

contre

Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Commission de révision pénale du Tribunal cantonal vaudois,
route du Signal 8, 1014 Lausanne.

procédure pénale; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la Commission de révision pénale du
Tribunal cantonal vaudois du 2 mars 2004.

Faits:

A.
X. ________ a travaillé comme réceptionniste à l'Hôtel Z.________ (ci-après
le Z.________) à Montreux de 1992 à 1998. Le 8 mai 1998, la direction de cet
établissement a déposé plainte pénale contre son employée qu'elle soupçonnait
d'avoir détourné un montant de plus de 55'0000 fr. dans la gestion de la
caisse de la réception de l'hôtel. Le 25 juin 1998, A.________, comptable, a
établi un rapport selon lequel X.________ aurait, entre décembre 1996 et mars
1998, prélevé un montant total de 69'702,30 fr.

Les employés et les clients du Z.________ avaient la possibilité de retirer
des montants en espèce à la réception de l'établissement, sur présentation
d'une carte postale ou bancaire. L'employé de la réception portait chaque
opération au débit d'un compte particulier géré par un logiciel spécial
(dénommé «Fidelio»). Un récépissé justificatif était déposé dans un casier,
d'où il était extrait pour classement dès que la pièce postale ou bancaire
attestant le débit du compte de l'employé ou du client parvenait au
Z.________. X.________ aurait relevé un montant déterminé (de l'ordre de 100
fr. à 300 fr.) de la caisse de la réception, puis aurait effectué une
opération de débit fictive pour un montant identique. Pour cacher la
malversation, une opération de crédit (également fictive) était faite à
double. Ce système n'avait pu fonctionner qu'en raison des failles du système
Fidelio et d'un retard (de l'ordre de six mois) dans la saisie et le contrôle
des pièces comptables. Entendue le 25 mai 1998 par la police cantonale, puis
par le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, X.________ a
reconnu les faits et décrit le mode opératoire utilisé. Par la suite, elle a
contesté le montant des malversations reprochées.

Le 6 juin 2002, après que B.________, désigné comme expert, a confirmé les
conclusions du rapport établi par A.________, le Tribunal correctionnel du
district de Vevey a reconnu X.________ coupable d'abus de confiance et de
faux dans les titres; il l'a condamnée à la peine de neuf mois
d'emprisonnement avec un délai d'épreuve de deux ans.

X. ________ a recouru auprès de la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal du canton de Vaud, qui l'a déboutée le 10 septembre 2002.
Par arrêt du 3 juillet 2003, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit
public formé par X.________ contre cet arrêt (cause 1P.205/2003).

B.
Le 17 février 2004, X.________ a présenté une demande de révision de l'arrêt
du 20 septembre 2002, que la Commission de révision pénale du Tribunal
cantonal a écartée, par arrêt du 2 mars 2004.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 2 mars 2004 et de renvoyer la cause à
l'autorité cantonale pour décision au sens des considérants. Elle invoque
l'art. 9 Cst. prohibant l'arbitraire.

La Commission de révision pénale se réfère à son arrêt. Le Ministère public
propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'art. 397 CP exige des cantons qu'ils prévoient un recours en révision en
faveur du condamné contre les jugements rendus en vertu du code pénal ou
d'une autre loi fédérale, quand des faits ou des moyens de preuve sérieux et
dont le juge n'avait pas eu connaissance lors du premier procès viennent à
être invoqués. Le législateur vaudois s'est plié à cette injonction en
adoptant l'art. 455 al. 1 CPP/VD, aux termes duquel la révision d'un jugement
ou d'une ordonnance de condamnation, ainsi que celle d'un arrêt de la Cour de
cassation, peut être demandée lorsque des faits ou des moyens de preuve
sérieux et dont le juge n'avait pas connaissance lors du premier procès
viennent à être invoqués. La violation de l'art. 397 CP peut en principe
faire l'objet d'un pourvoi en nullité auprès de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral pour violation du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF); la
voie du recours de droit public est dès lors exclue (art. 84 al. 2 OJ, 269
al. 2 PPF). L'appréciation de la force probante de nouveaux moyens de preuve
ne relève toutefois pas de l'art. 397 CP et ne peut pas faire l'objet d'un
pourvoi en nullité (ATF 125 IV 298 consid. 2b p. 301/302, et les arrêts
cités). C'est par la voie du recours de droit public, empruntée en
l'occurrence, qu'il faut agir.

Constituent des faits ou des moyens de preuve nouveaux au sens de l'art. 397
CP, ceux dont le tribunal n'avait pas connaissance au moment du jugement,
parce qu'ils ne lui ont pas été soumis, sous quelque forme que ce soit (ATF
122 IV 66 consid. 2a p. 67, et les arrêts cités). Pour être sérieux, ils
doivent être propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se
fonde le verdict de condamnation, de sorte que l'état de fait ainsi modifié
rende possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 122
IV 66 consid. 2a p. 67, et les arrêts cités).

2.
A l'appui de sa demande de révision, la recourante a fait valoir qu'elle
avait eu connaissance, dans le cadre d'une autre procédure pénale, d'un
rapport établi le 11 février 2000 par le Contrôle des finances du canton de
Vaud (ci-après: CCF), concernant la gestion de la Résidence C.________,
établissement médico-social (ci-après: EMS) intégré au Z.________. Ce rapport
a relevé que la comptabilité de l'hôtel n'était pas complète et n'était pas
distincte de celle de l'EMS. Pour la recourante, ces lacunes remettaient en
cause les bases sur lesquelles avaient été établis les rapports des experts
A.________ et B.________. Elle en voulait pour preuve que D.________,
directeur de la fiduciaire dont B.________ était l'employé, lui avait
indiqué, le 5 novembre 2003, que la mission d'expertise aurait dû être
redéfinie si les lacunes de la comptabilité du Z.________ avaient été
connues. Tout en admettant que ces faits sont nouveaux, la Commission de
révision pénale a considéré qu'ils n'étaient pas de nature à ébranler les
constatations de fait sur lesquelles reposait le jugement de condamnation. La
recourante tient cette appréciation pour arbitraire.

2.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un
principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité; à cet égard, le Tribunal
fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de
dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en
violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la
décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière
soit arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid.
3.1 p. 178; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275, et les
arrêts cités).

2.2 Du rapport établi par le CCF, on peut tout au plus déduire que la
comptabilité du Z.________ n'était pas complète et ne se distinguait pas de
celle de l'EMS. Il est possible que sachant cela, les experts A.________ et
B.________ auraient conduit leurs recherches de manière différente. Mais les
conclusions auxquelles ils ont abouti, pièces à l'appui, n'en auraient pas
été différentes. En tout cas, la recourante, qui s'évertue à critiquer les
rapports d'expertise eux-mêmes, comme elle l'avait déjà  fait aux stades
antérieurs de la procédure, ne le démontre pas. Comme le relève la Commission
de révision pénale, A.________ et B.________ ont procédé à l'examen des
pièces justificatives et des relevés qui se rapportent aux opérations
délictueuses dont la recourante a été reconnue coupable. Un examen plus
général de la comptabilité de l'hôtel, en lien avec celle de l'EMS, ne serait
de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges que si des
éléments déterminants pour celle-ci auraient été établis de manière fausse ou
incomplète. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. La prise de position de
D.________ n'est pas déterminante à cet égard. Elle indique tout au plus que
le cadre de l'expertise aurait dû être redéfini pour tenir compte du rapport
du CCF. Cela ne signifie pas encore que les conclusions de B.________ s'en
seraient trouvées nécessairement modifiées. A cela s'ajoute que le verdict de
condamnation repose sur d'autres éléments que les rapports d'expertise,
notamment le fait que sans les explications fournies par la recourante
elle-même, le mode opératoire n'aurait pu être mis à jour.

2.3 Le grief doit ainsi être rejeté. Tous les autres arguments que soulève la
recourante en relation avec l'appréciation des faits, la violation de son
droit d'être entendue et la présomption d'innocence, se rapportent au fond de
la cause, déjà tranché, et non aux motifs pour lesquels la Commission de
révision pénale a écarté la demande de révision. Tous ces points ont déjà été
évoqués précédemment, notamment dans l'arrêt du 3 juillet 2003. Il n'y a pas
lieu d'y revenir.

3.
La recourante demande l'assistance judiciaire, laquelle est accordée à la
double condition que le demandeur soit démuni et que ses conclusions ne
paraissent pas vouées à l'échec (art. 152 OJ). Cette deuxième condition n'est
pas réalisée en l'occurrence, puisque le sort du recours était scellé
d'emblée. La demande doit être rejetée et les frais mis à la charge de la
recourante (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
Procureur général du canton de Vaud et à la Commission de révision pénale du
Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 11 juin 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: