Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.18/2004
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1P.18/2004/svc

Arrêt du 9 mars 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Parmelin.

S. ________,
recourant, représenté par Me Laurent Maire, avocat,

contre

Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud,
Cour de cassation pénale, route du Signal 8,
1014 Lausanne.

procédure pénale; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
du canton de Vaud du 10 septembre 2003.

Faits:

A.
Au terme d'un jugement rendu le 2 mai 2003, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne a condamné S.________ pour vol et recel à la
peine de six mois d'emprisonnement, sous déduction de la détention préventive
subie, et a ordonné son expulsion du territoire suisse pour une durée de
trois ans. Les juges ont admis que dans la matinée du 29 novembre 1999,
S.________ avait, de concert avec U.________, forcé la porte de l'appartement
de G.________ et emporté un coffre-fort qu'ils ont déposé dans la voiture
louée par ses soins, sans toutefois avoir eu le temps de l'ouvrir. Ils ont
également retenu que S.________ s'était rendu coupable du recel de vêtements
achetés le même jour, entre 10h30 et 10h50, par U.________, au moyen d'une
carte de crédit trouvée la nuit précédente dans une discothèque.
Statuant par arrêt du 10 septembre 2003, la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour de cassation pénale ou
la cour cantonale) a rejeté le recours en réforme et en nullité formé contre
ce jugement par S.________.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, S.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause à la cour
cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il dénonce
une violation du principe "in dubio pro reo", consacré à l'art. 6 § 2 CEDH,
et de son droit de faire interroger les témoins à charge, garanti à l'art. 6
§ 3 let. d CEDH.
La Cour de cassation pénale se réfère aux considérants de son arrêt. Le
Procureur général du canton de Vaud conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de droit
public en raison des griefs invoqués (cf. ATF 120 Ia 31 consid. 2b p. 36) et
qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés, le recours
est recevable au regard des art. 84 ss OJ. Aucune des exceptions à la nature
cassatoire du recours de droit public n'étant réunies, les conclusions qui
vont au-delà de la simple annulation de l'arrêt attaqué sont en revanche
inadmissibles (ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132, 173 consid. 1.5 p.
176).

2.
Invoquant l'art. 6 § 2 CEDH, le recourant prétend que l'arrêt attaqué viole
le principe "in dubio pro reo" tant sous l'angle de la répartition du fardeau
de la preuve que celui de l'appréciation des preuves; selon lui, une
appréciation objective des faits aurait dû amener les premiers juges à
concevoir un doute fondé sur sa culpabilité des chefs de vol et de recel.

2.1 En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la maxime "in dubio pro
reo", découlant de la présomption d'innocence consacrée aux art. 32 al. 1
Cst. et 6 § 2 CEDH, signifie qu'il appartient à l'accusation d'établir la
culpabilité du prévenu et non à ce dernier de démontrer son innocence. Cette
garantie est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul
motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence ou lorsqu'il résulte à tout
le moins de la motivation du jugement que le juge s'est inspiré d'une
répartition erronée du fardeau de la preuve pour condamner (ATF 127 I 38
consid. 2a p. 40; 120 Ia 31 consid. 2d p. 38).
En l'occurrence, les premiers juges se sont fondés sur un faisceau d'indices,
qu'ils ont clairement indiqués, pour conclure à la culpabilité du recourant
des chefs d'accusation de vol et de recel; on cherche en vain dans les
considérants du jugement de première instance une quelconque motivation qui
permettrait d'admettre que S.________ aurait été condamné uniquement parce
qu'il n'aurait pas prouvé son innocence. Pour autant qu'il soit motivé sur ce
point conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le recours est
manifestement mal fondé dans la mesure où il porte sur une violation de la
maxime "in dubio pro reo" comme règle de répartition du fardeau de la preuve.

2.2 En tant qu'elle s'applique à la constatation des faits et à
l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence interdit au juge de
prononcer une condamnation s'il éprouve des doutes quant à la culpabilité de
l'accusé. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne
suffisent cependant pas à exclure une condamnation; la présomption
d'innocence n'est donc invoquée avec succès que s'il apparaît, à l'issue
d'une appréciation des preuves exempte d'arbitraire, que le juge aurait dû
éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur la culpabilité de
l'intéressé (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120
Ia 31 consid. 2c p. 37).
Saisi d'un recours de droit public mettant en cause l'appréciation des
preuves, le Tribunal fédéral examine seulement si le juge cantonal a
outrepassé son pouvoir d'appréciation et établi les faits de manière
arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4 p. 211; 120 Ia
31 consid. 2d p. 37/38; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30 et les arrêts cités). Une
constatation de fait n'est pas arbitraire pour la seule raison que la version
retenue par le juge ne coïncide pas avec celle de l'accusé ou du plaignant;
encore faut-il que l'appréciation des preuves soit manifestement
insoutenable, en contradiction flagrante avec la situation effective, qu'elle
constitue la violation d'une règle de droit ou d'un principe juridique clair
et indiscuté, ou encore qu'elle heurte de façon grossière le sentiment de la
justice et de l'équité (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58, 173 consid. 3.1 p. 178;
128 I 81 consid. 2 p. 86), ce qu'il appartient au recourant d'établir (ATF
125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).
En l'espèce, les premiers juges se sont déclarés convaincus de la
participation du recourant au vol du coffre-fort commis le 29 novembre 1999
au détriment de G.________ en se fondant sur les déclarations de L.________,
qui accompagnait S.________ et U.________ sur les lieux du crime, sur les
empreintes digitales des trois hommes découvertes sur les montants de la
voiture, à l'intérieur de celle-ci et sur des déchets de victuailles déposés
dans le véhicule, ainsi que sur les aveux de U.________, qui a admis avoir
commis ce vol, même s'il a soutenu avoir agi seul. Cette appréciation échappe
au grief d'arbitraire. L.________ a été constant dans ses déclarations et
parfaitement clair s'agissant du but de la venue au Tessin et de la
participation de chacun des protagonistes dans le vol du coffre-fort. Comme
l'a pertinemment relevé la Cour de cassation pénale, il n'avait aucune raison
de se charger lui-même et d'en vouloir au recourant, qu'il ne connaissait pas
et qu'il a identifié sur photo. Le fait que S.________ n'a pas pu interroger
ou faire interroger L.________ n'emporte aucune violation de l'art. 6 § 3
let. d CEDH puisqu'il a finalement renoncé à l'audition de ce témoin lors de
l'audience de jugement (cf. ATF 125 I 127 consid. 6c/bb p. 134); une telle
renonciation ne rend pas nulles les dépositions recueillies durant l'enquête
et n'est pas de nature à susciter un doute sérieux sur les déclarations de
L.________. Du reste, ces dernières sont corroborées par les aveux de
U.________, qui a reconnu sa participation au vol, et par la présence
d'empreintes digitales des différents protagonistes tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur du véhicule loué par le recourant et sur des papiers ayant servi
à emballer des victuailles trouvés dans le coffre de la voiture. Le fait que
U.________ a déclaré avoir agi seul n'est pas de nature à jeter un doute
fondé sur la participation du recourant au vol perpétré le 29 novembre 1999
puisque, confronté à L.________, il avait déclaré mensongèrement que ce
dernier ne se trouvait pas au Tessin ce jour-là, alors même qu'il avait fait
le voyage de Lausanne à Lugano avec lui. S.________ a d'ailleurs lui-même
menti en prétendant s'être rendu au Tessin en la seule compagnie de son amie.
S'agissant du recel, les premiers juges ont estimé invraisemblable la version
des faits de U.________ suivant laquelle il aurait déposé les habits acquis
de manière illicite dans la chambre d'hôtel de S.________ pendant que
celui-ci dormait, pour lui faire une surprise, alors qu'ils avaient tous deux
participé au vol du coffre-fort en début de matinée. Dès lors que
l'implication du recourant dans cette infraction pouvait être tenue pour
établie sans violer la présomption d'innocence, cette considération échappe
au grief d'arbitraire. Enfin, pour les raisons pertinentes évoquées par la
Cour de cassation pénale, auxquelles il suffit de renvoyer (art. 36a al. 3
OJ), S.________ ne pouvait ignorer la provenance délictueuse des vêtements
remis par U.________.

2.3 En définitive, le recourant ne parvient pas à démontrer que le jugement
de première instance reposerait sur une appréciation arbitraire des preuves,
ni qu'un examen objectif de l'ensemble des éléments de la cause aurait dû
inciter les premiers juges, puis la Cour de cassation pénale à concevoir des
doutes sur sa culpabilité, au point que sa condamnation serait contraire à la
présomption d'innocence.

3.
Manifestement mal fondé, le recours doit par conséquent être rejeté, dans la
mesure où il est recevable, aux frais du recourant qui succombe (art. 156 al.
1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, ainsi
qu'au Procureur général et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
du canton de Vaud.

Lausanne, le 9 mars 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: