Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.153/2004
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1P.153/2004 /svc

Arrêt du 26 mars 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

N. ________,
recourant,

contre

R.________,
intimée, représentée par Me Etienne Laffely, avocat,
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

Procédure pénale, non-lieu,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal du canton de Vaud
du 20 octobre 2003.

Faits:

A.
Par ordonnance du 23 septembre 2003, le Juge d'instruction de
l'arrondissement de Lausanne a clos par un non-lieu une enquête pénale
ouverte contre R.________, sur plainte de N.________. Le plaignant reprochait
à R.________, conseillère en placement, des propos de nature raciste. Le juge
d'instruction a considéré que l'enquête n'avait pas permis d'établir
l'existence d'une infraction pénale. Les frais ont été laissés à la charge de
l'Etat,

B.
Par arrêt du 20 octobre 2003, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté le recours formé par N.________ contre l'ordonnance de
non-lieu; R.________ avait refusé un cours au plaignant, en déclarant
notamment qu'il serait "toujours arabe"; elle avait expliqué répondre ainsi à
l'affirmation du plaignant selon lequel les emplois lui étaient refusés en
raison de son âge et de son origine, et contestait avoir voulu le rabaisser.
La prévention n'était pas établie. En revanche, l'ordonnance de non-lieu a
été réformée en ce sens que les frais d'enquête, par 540 fr., ont été mis à
la charge du plaignant, dont la démarche a été considérée comme une mesure de
rétorsion abusive à l'endroit de R.________.

C.
N.________ forme un recours auprès du Tribunal fédéral. Il demande
l'annulation de l'arrêt cantonal, et conclut à la reconnaissance de son droit
de porter plainte et de demander une indemnité pour tort moral à l'Etat de
Vaud. Le recourant a par la suite demandé l'assistance judiciaire.

Le Tribunal d'accusation et le Ministère public se réfèrent aux considérants
de l'arrêt attaqué. R.________ s'en rapporte à justice.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.Le Tribunal fédéral examine d'office la qualification juridique et la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 337 consid. 1 p. 339
et les arrêts cités).

1.1 Le recourant ne précise pas par quelle voie de droit il entend s'adresser
au Tribunal fédéral. A l'encontre d'un non-lieu confirmé en dernière instance
cantonale, la voie du pourvoi en nullité est ouverte (art. 268 al. 2 de la
loi fédérale sur la procédure pénale - PPF; RS 312.0 -, sous réserve de la
qualité pour agir définie à l'art. 270 let. e PPF), mais uniquement pour
violation du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF). En l'occurrence, le
recourant met en cause le prononcé sur le fond, essentiellement en raison de
l'appréciation des preuves. Seul  serait par conséquent ouvert le recours de
droit public pour violation des droits constitutionnels (art. 84 al. 1 let. a
de la loi fédérale d'organisation judiciaire - OJ; RS 173.110). Le recourant
ne peut toutefois conclure, dans ce cadre, qu'à l'annulation de l'arrêt
attaqué: les conclusions en constatation, voire en condamnation, sont
d'emblée irrecevables.

1.2 Selon l'art. 88 OJ, la qualité pour agir par la voie du recours de droit
public n'appartient qu'à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses
intérêts personnels et juridiquement protégés. De jurisprudence constante,
celui qui se prétend lésé par un acte délictueux n'a pas qualité pour
recourir sur le fond contre une décision de classement, de non-lieu ou
d'acquittement parce que c'est uniquement l'Etat qui est titulaire de
l'action pénale (ATF 69 I 17, 128 I 218 consid. 1.1 p. 219 et les arrêts
cités). Il n'en va différemment que dans les cas où le plaignant a la qualité
de victime au sens de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions
(LAVI; RS 312.5), à condition que la sentence touche ses prétentions civiles
ou puisse avoir des effets sur le jugement de ces dernières (art. 8 al. 1
let. c LAVI).

1.3 En l'occurrence, le recourant, qui se plaignait d'infractions contre
l'honneur et de discrimination raciale, n'est pas touché dans son intégrité
physique par les faits dénoncés; ceux-ci ne sont pas d'une gravité telle
qu'on puisse supposer une atteinte à l'intégrité psychique (cf. ATF 128 I 218
consid. 1.2-1.6 p. 220 ss). Le recourant n'est donc pas une victime au sens
de l'art. 2 al. 1 LAVI, et ne saurait remettre en cause l'arrêt attaqué sur
le fond.

1.4 Celui qui n'a pas qualité pour recourir sur le fond peut cependant se
plaindre d'un déni de justice formel, ou en d'autres termes de la violation
des garanties formelles offertes aux parties par le droit cantonal de
procédure ou par le droit constitutionnel, notamment le droit d'être entendu
(art. 29 al. 2 Cst.). L'intérêt juridiquement protégé découle alors du droit
de participer, comme plaignant ou partie civile, à la procédure cantonale. La
partie recourante ne saurait toutefois, par ce biais, remettre en cause la
décision attaquée sur le fond, en critiquant l'appréciation des preuves ou en
faisant valoir que la motivation retenue serait matériellement fausse (ATF
126 I 81 consid. 3b p. 86; 125 II 86 consid. 3b p. 94; 121 IV 317 consid. 3b
p. 324 et les arrêts cités). Le recourant a par conséquent qualité pour agir
dans la mesure où il conteste la partie de l'arrêt attaqué qui met à sa
charge les frais d'enquête. Les griefs soulevés à cet égard doivent cependant
encore satisfaire à l'exigence de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

1.5 Selon cette disposition, le recours doit indiquer, d'une part, quels sont
les droits et principes constitutionnels violés par la décision attaquée, et
préciser, d'autre part, en quoi consiste cette violation. Le Tribunal fédéral
n'examine que les griefs soulevés de manière claire et explicite (ATF 129 I
113 consid. 2.1 p. 120). Le recourant conteste avoir agi par témérité ou
légèreté, et se plaint d'arbitraire. Son argumentation consiste à réfuter les
considérations de la cour cantonale, en insistant sur l'atteinte subie à sa
dignité et à son honneur. Une plainte pénale ne peut certes pas être
qualifiée d'abusive pour la seule raison qu'elle aboutit à un non-lieu faute
de preuves. On ne discerne toutefois pas en quoi serait arbitraire le fait de
retenir, comme l'a fait la cour cantonale, que la démarche du recourant
constituait une mesure de rétorsion à l'égard de la conseillère en placement
qui lui avait refusé un cours auquel il pensait avoir droit. Le grief du
recourant se limite à une pure contestation, irrecevable.

2.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être déclaré
irrecevable. L'assistance judiciaire a été demandée par le recourant. Elle
peut lui être accordée, sous la forme d'une dispense du paiement de
l'émolument judiciaire. Il n'est pas alloué de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral, vu l'art. 36a OJ, prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Le recourant est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire; il n'est pas
perçu d'émolument judiciaire.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Ministère public du
canton de Vaud et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de
Vaud.

Lausanne, le 26 mars 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: