Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.141/2004
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1P.141/2004/dxc

Arrêt du 10 mai 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

X. ________,
recourant, représenté par Me Y.________, avocat,

contre

Service des automobiles et de la navigation du canton de Genève, route de
Veyrier 86,
case postale 1556, 1227 Carouge,
Tribunal administratif du canton de Genève,
case postale 1956, 1211 Genève 1.

art. 29 al. 1 et 2 Cst.; droit d'être entendu; formalisme excessif,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de
Genève du 13 janvier 2004.

Faits:

A.
Par décision du 18 novembre 2003, le Service des automobiles et de la
navigation du canton de Genève a retiré le permis de conduire de X.________
pour une durée de trois mois.
Par acte du 18 décembre 2003 adressé au Tribunal administratif du canton de
Genève (ci-après: le Tribunal administratif), X.________ a déclaré avoir
consulté un avocat en la personne de Me Y.________ et requis une restitution
de délai pour que celui-ci puisse "prendre en main le dossier".
Dans un courrier du 23 décembre 2003, Me Y.________ a informé le Tribunal
administratif avoir été consulté par X.________. Il demandait que la lettre
de son mandant soit considérée comme un recours contre la décision du Service
des automobiles et de la navigation du 18 novembre 2003. Il sollicitait en
outre un délai pour compléter le recours.
Le 6 janvier 2004, le juge délégué a répondu qu'aucun délai ne serait octroyé
et que la cause était gardée à juger en l'état.
Statuant par arrêt du 13 janvier 2004, le Tribunal administratif a déclaré le
recours irrecevable, sans instruction préalable, au motif qu'il ne
satisfaisait pas aux conditions de forme posées par l'art. 65 de la loi
genevoise sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA gen.).

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Invoquant l'art. 29 Cst., il se plaint
d'une violation de son droit d'être entendu et de formalisme excessif.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Service cantonal des
automobiles et de la navigation n'a pas déposé d'observations.

C.
Par ordonnance du 30 mars 2004, le Président de la Ire Cour de droit public a
accordé l'effet suspensif au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 337 consid. 1 p. 339; 129 II 453 consid. 2 p.
456). Il vérifie en particulier la voie de droit ouverte, sans être lié par
la dénomination de l'acte de recours (ATF 121 I 173 consid. 3a p. 175). Vu
son caractère subsidiaire, le recours de droit public n'est pas recevable si
la violation alléguée peut être soumise au Tribunal fédéral ou à une autre
autorité fédérale, par une action ou un autre moyen de droit quelconque (art.
84 al. 2 OJ; ATF 126 I 97 consid. 1c p. 101; 126 V 252 consid. 1a p. 253 et
les arrêts cités).
En principe, seul le recours de droit administratif est ouvert contre une
décision cantonale de dernière instance en matière de retrait du permis de
conduire (art. 24 al. 2 LCR). C'est également par cette voie que doit être
attaquée la décision d'irrecevabilité prise en l'occurrence par le Tribunal
administratif, alors même qu'elle se fonde sur le droit cantonal de procédure
et que le recourant ne se plaint pas d'une violation du droit fédéral, mais
fait uniquement valoir une atteinte à son droit d'être entendu (ATF 127 II
264 consid. 1a p. 267; 123 I 275 consid. 2c p. 277; 121 II 190 consid. 3a p.
192 et les arrêts cités). Le recours de droit public, irrecevable, peut
cependant être traité comme un recours de droit administratif, car il
satisfait aux conditions de recevabilité de ce moyen de droit (ATF 126 II 506
consid. 1b p. 509 et les arrêts cités). Enfin, dans la mesure où la décision
attaquée ne mentionnait pas la voie du recours de droit administratif (ATF
123 II 231 consid. 8a p. 237/238; 98 Ib 333 consid. 2a p. 337), on ne saurait
reprocher au conseil du recourant d'avoir déposé un recours de droit public
(cf. ATF 120 II 270 consid. 2 p. 272).

2.
A teneur de l'art. 63 al. 1 let. a et 4 LPA gen., le recours doit être
interjeté auprès du Tribunal administratif dans les 30 jours dès la
notification de la décision contestée. Selon l'art. 65 LPA gen., l'acte de
recours doit contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la
décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient
également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve.
Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. A défaut, la
juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces
exigences, sous peine d'irrecevabilité (al. 2). Sur demande motivée du
recourant dont le recours répond aux exigences des alinéas 1 et 2, la
juridiction saisie peut l'autoriser à compléter l'acte de recours et lui
impartir à cet effet un délai supplémentaire convenable (al. 3).
L'écriture du 18 décembre 2003 ne respectait manifestement pas les conditions
de forme requises par l'art. 65 al. 1 et 2 LPA gen. en tant qu'elle ne
comportait ni motivation ni conclusions. Le recourant ne le conteste
d'ailleurs pas, mais il prétend que ces exigences auraient dû être appliquées
avec souplesse, dans la mesure où l'acte litigieux émanait d'un particulier.
De plus, le Tribunal administratif aurait dû lui donner la possibilité de
s'exprimer lors d'une audience ou, à tout le moins, permettre à son avocat de
compléter son recours, de manière à respecter son droit d'être entendu. Il ne
se plaint pas à cet égard d'une violation des normes de procédure cantonale,
de sorte que son grief doit être examiné librement au regard des garanties
minimales déduites de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 128 II 311 consid. 2.1 p.
315; 127 III 193 consid. 3 p. 194 et les arrêts cités).
Le Tribunal administratif n'a pas violé le droit d'être entendu du recourant
en statuant sans lui avoir donné la possibilité de s'exprimer en audience
publique. Selon l'art. 72 LPA gen., l'autorité de recours peut, sans
instruction préalable, par une décision sommairement motivée, écarter un
recours manifestement irrecevable ou rejeter un recours manifestement mal
fondé. Cette règle, qui correspond à celle prévue à l'art. 36a al. 3 OJ, ne
saurait être tenue pour contraire à l'art. 29 al. 2 Cst.; elle répond à des
motifs tirés de l'économie de la procédure, en évitant de mettre en oeuvre
des mesures d'instruction qui apparaissent d'emblée inutiles; au surplus,
c'est à juste titre que le Tribunal administratif a considéré le recours
comme manifestement irrecevable, en tant qu'il ne répondait pas aux exigences
de forme de l'art. 65 al. 1 et 2 LPA gen.
De même, le Tribunal administratif n'a pas davantage porté atteinte au droit
d'être entendu du recourant en ne permettant pas à son avocat de compléter
son recours. Selon le texte clair de l'art. 65 al. 3 LPA gen., une telle
possibilité n'est accordée que si le recours répond aux exigences de forme
minimales posées à l'art. 65 al. 1 et 2 LPA gen. Tel n'était pas le cas de
l'acte déposé le 18 novembre 2003, qui ne comportait ni motivation ni
conclusions. Il n'est par ailleurs nullement formaliste à l'excès de
n'octroyer la possibilité de compléter le recours que si celui-ci contient un
début de motivation. Cette condition est d'ailleurs conforme à la pratique du
Tribunal fédéral développée en application de l'art. 93 al. 2 OJ, qui
n'autorise le recourant à déposer un mémoire complétif que dans le cas où la
motivation de la décision attaquée apparaît la première fois dans la réponse
au recours de l'autorité intimée; toute autre interprétation aurait pour
effet de prolonger le délai de recours légal, au gré du recourant, ce qui
n'est pas admissible (ATF 119 Ia 123 consid. 3d in fine p. 131; 118 Ia 305
consid. 1c p. 308).
Le recourant reproche au Tribunal administratif d'avoir appliqué avec une
rigueur excessive les règles de forme posées à l'art. 65 al. 1 et 2 LPA gen.
Il perd toutefois de vue que les exigences liées à la motivation du recours
valent en principe aussi lorsque celui-ci est intenté par un particulier qui
ne dispose pas d'une formation juridique; certes, dans l'application faite de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ, dont le texte s'apparente à celui de l'art. 65 LPA
gen., le Tribunal fédéral admet que ces exigences puissent être assouplies en
pareil cas, pour autant que l'atteinte à un droit ou à un principe
constitutionnel se déduise de la motivation, même brève et maladroite, de
l'acte de recours (ATF 115 Ia 12 consid. 2b p. 14). En revanche, il n'entre
pas en matière lorsque, comme en l'espèce, l'acte de recours ne contient
aucune motivation ou conclusion, la seule volonté de recourir étant à cet
égard insuffisante.
L'irrecevabilité sanctionnant le recours qui ne comporte ni motivation ni
conclusions ne consacre aucun formalisme excessif, s'agissant d'éléments
indispensables pour que l'autorité de recours puisse savoir ce que le
recourant reproche à la décision attaquée et ce qu'il veut (cf. Jean-François
Egli, La protection de la bonne foi dans le procès, quelques applications
dans la jurisprudence, in Juridiction constitutionnelle et Juridiction
administrative, Recueil de travaux publié sous l'égide de la Ire Cour de
droit public du Tribunal fédéral suisse, Zurich 1992, p. 233/234). Bien
qu'aisément reconnaissables, les vices de forme entachant l'acte de recours
du 18 décembre 2003 ne pouvaient pas être redressés à temps, dès lors que le
recourant a déposé son mémoire le dernier jour du délai de trente jours fixé
à l'art. 63 al. 1 let. a LPA gen.; partant, l'on ne saurait reprocher au
Tribunal administratif de ne pas lui avoir retourné l'acte pour le compléter
(ATF 125 I 166 consid. 3a p. 170). Pour le surplus, le recourant ne prétend
pas qu'un bref délai aurait dû lui être imparti pour corriger les
irrégularités altérant son mémoire de recours, en vertu de l'art. 65 al. 2 in
fine LPA gen. L'octroi d'un tel délai suppose que l'acte de recours ait été
affecté d'un vice de forme réparable, ce qui n'est pas le cas d'un mémoire de
recours dépourvu de toutes conclusions selon le texte clair de l'art. 65 al.
1 LPA gen. Pareille mesure ne s'imposait pas davantage en vertu de l'art. 29
al. 2 Cst. ou de l'interdiction du formalisme excessif déduit de l'art. 29
al. 1 Cst. Certes, l'absence de toute motivation ou de conclusion peut être
réparée dans le cadre d'un recours administratif; tel n'est pas le cas en
revanche pour le recours en réforme et le recours de droit administratif (ATF
112 Ib 634 consid. 2a et b p. 635; voir aussi arrêt P.3255/1985 du 13
décembre 1985, reproduit à la SJ 1986 p. 335). L'octroi d'un bref délai pour
régulariser un mémoire de recours non motivé et dépourvu de toutes
conclusions ne s'impose donc pas comme un principe général du droit (cf.
arrêt 1P.661/1995 du 3 mai 1996, consid. 3b paru à la ZBl 98/1997 p. 311).
Enfin, s'il n'est pas nécessaire du point de vue de l'art. 29 al. 2 Cst.
d'accorder systématiquement au plaideur qui a déposé un recours non motivé un
bref délai pour remédier à son omission, la sanction de l'irrecevabilité
serait excessive si l'intéressé s'est trouvé sans sa faute dans
l'impossibilité d'agir à temps, même en l'absence de norme cantonale sur ce
point (ATF 125 V 262 consid. 5d p. 26; 117 Ia 297 consid. 3c p. 301; cf. art.
16 al. 3 LPA gen., s'agissant de la restitution non pas du délai de recours,
mais d'un délai imparti par l'autorité; arrêt P.1120/1987 du 5 novembre 1987,
consid. 1c paru à la SJ 1988 p. 97). Or, si le recourant a effectivement
demandé la restitution du délai de recours, il n'établit cependant pas s'être
trouvé sans sa faute dans l'impossibilité d'agir en temps utile; le seul fait
qu'il ait consulté un avocat le dernier jour du délai de recours ne constitue
en effet pas un empêchement excusable propre à justifier la restitution du
délai de recours.
En définitive, la sanction de l'irrecevabilité du recours formé devant le
Tribunal administratif ne viole pas le droit d'être entendu du recourant et
ne procède pas d'un formalisme excessif.

3.
Manifestement mal fondé, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il
est recevable, selon la procédure simplifiée prévue à l'art. 36a OJ, aux
frais du recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours, traité comme recours de droit administratif, est rejeté dans la
mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, ainsi
qu'au Service des automobiles et de la navigation et au Tribunal
administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 10 mai 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: