Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.128/2004
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1P.128/2004/col

Arrêt du 16 mars 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

K. ________,
recourant, représenté par Me Jämes Dällenbach, avocat,

contre

Juge d'instruction de Neuchâtel, rue des Tunnels 2, case postale 120, 2006
Neuchâtel,
Ministère public du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3, case postale 2672,
2001 Neuchâtel 1,
Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, rue du
Pommier 1, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

détention préventive,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'accusation du Tribunal
cantonal du canton de Neuchâtel du 18 février 2004.

Faits:

A.
K. ________ fait l'objet d'une information pénale ouverte contre lui le 1er
octobre 2002 des chefs d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants,
éventuellement de blanchiment d'argent. Il a été arrêté le 6 janvier 2004 et
placé en détention préventive le lendemain. Il est mis en cause par une
douzaine de toxicomanes ou d'anciens toxicomanes de la région neuchâteloise
pour avoir vendu plusieurs centaines de grammes de cocaïne, entre l'été 2001
et la fin de l'automne 2002.
Le 3 février 2004, le Juge d'instruction de Neuchâtel en charge du dossier a
rejeté une demande de mise en liberté provisoire émanant de K.________ en
raison d'un danger de récidive et d'un risque de collusion, tenant au fait
que l'accusation reposait sur des déclarations à charge de diverses personnes
qu'il devait entendre prochainement sans que le prévenu ne puisse intervenir.
Au terme d'un arrêt rendu le 18 février 2004, la Chambre d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (ci-après: la Chambre d'accusation)
a rejeté le recours formé contre cette décision par  K.________. Elle a tenu
le risque de collusion pour avéré, estimant qu'au stade actuel de l'enquête,
il convenait d'éviter que ce dernier ne tente de contacter les nombreuses
personnes le mettant en cause avant les confrontations envisagées par le juge
d'instruction.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, K.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'ordonner sa mise en liberté
provisoire. Il conteste l'existence d'un risque concret de collusion et se
plaint de l'inaction du juge d'instruction qui n'a procédé à aucune des
confrontations mises en avant pour justifier le maintien de la détention
préventive. Il requiert l'assistance judiciaire.
La Chambre d'accusation s'en remet aux considérants de son arrêt. Le
Ministère public du canton de Neuchâtel conclut au rejet du recours. Le Juge
d'instruction de Neuchâtel n'a pas déposé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recourant est personnellement touché par l'arrêt attaqué, qui confirme une
décision refusant sa mise en liberté provisoire; il a un intérêt personnel,
actuel et juridiquement protégé à ce que cet arrêt soit annulé et a, partant,
qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en temps utile contre une
décision prise en dernière instance cantonale, le recours répond aux
exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer
en matière. La conclusion du recourant tendant à ce que le Tribunal fédéral
ordonne sa libération immédiate est par ailleurs recevable (ATF 124 I 327
consid. 4b/aa p. 333).

2.
Une mesure de détention préventive est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour autant
qu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt public et
qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al.
1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). S'agissant d'une restriction
grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces
questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous
l'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271).
A teneur de l'art. 117 al. 1 du Code de procédure pénale neuchâtelois (CPP
neuch.), le juge d'instruction peut arrêter tout prévenu contre lequel il
existe des présomptions sérieuses de culpabilité, si les circonstances font
craindre qu'il n'abuse de sa liberté pour prendre la fuite, ou pour
compromettre le résultat de l'information, ou pour poursuivre son activité
délictueuse. En vertu de l'art. 119 CPP neuch., le juge d'instruction
maintient l'arrestation, si les conditions prévues à l'article 117 sont
remplies et s'il a été requis par le ministère public d'ouvrir une
information contre le prévenu, dans les trois jours qui ont suivi
l'arrestation provisoire. Selon l'art. 120 al. 1 CPP neuch., le prévenu mis
en détention préventive est relâché, si les motifs qui avaient nécessité son
arrestation ont cessé d'exister et si la libération est justifiée par les
circonstances.

3.
Le recourant ne conteste ni la base légale de la mesure attaquée, ni
l'existence de présomptions suffisantes de culpabilité à son encontre. Il nie
en revanche tout risque de collusion propre à justifier le refus de sa mise
en liberté provisoire. Il voit également une violation du principe de la
célérité dans le fait que le juge d'instruction n'a procédé à aucun des actes
d'instruction qui justifiaient, selon lui, de le maintenir en détention
préventive.

3.1 Selon la jurisprudence, le maintien du prévenu en détention peut être
justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours, par
exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit
pour faire disparaître ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec
des témoins ou d'autres prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations.
On ne saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion abstrait, car
ce risque est inhérent à toute procédure pénale en cours et doit, pour
permettre à lui seul le maintien en détention préventive, présenter une
certaine vraisemblance (ATF 128 I 149 consid. 2.1 p. 151; 123 I 31 consid. 3c
p. 36; 117 Ia 257 consid. 4c p. 261). L'autorité qui entend justifier le
maintien de la détention par ce motif doit ainsi indiquer, au moins dans les
grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels
actes d'instruction elle doit encore effectuer, et en quoi la libération du
prévenu en compromettrait l'accomplissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p.
33/ 34; 116 Ia 149 consid. 5 p. 152).

3.2 En l'espèce, la Chambre d'accusation a estimé qu'au stade actuel de
l'enquête, il existait un risque évident que le recourant, une fois remis en
liberté, ne tente de contacter les personnes qui le mettent en cause pour
avoir vendu de la cocaïne et ne compromette le résultat des confrontations
que le juge d'instruction entend organiser. Elle n'a certes pas donné
d'éléments en ce sens permettant d'étayer concrètement un tel risque. Il
ressort toutefois du dossier que K.________ n'a pas hésité à s'approcher de
l'un des témoins pour se concerter sur les déclarations qu'il devait faire à
la police en vue de sa convocation du 3 septembre 2003, profitant de
l'occasion pour proférer des menaces de mort à son encontre. Une autre
personne entendue à titre de renseignement a fait également part des craintes
qu'il nourrissait pour lui-même et sa famille s'il témoignait à charge. Dans
ces conditions, il était justifié de craindre que le recourant ne mette à
profit sa libération provisoire pour prendre contact avec les personnes qui
le mettent en cause et exercer des pressions sur eux pour qu'ils se
rétractent ou modifient leurs déclarations lors de leur confrontation. Le
recourant prétend, il est vrai, qu'il savait faire l'objet d'une enquête
pénale depuis plus d'une année de sorte qu'il aurait pu exercer une influence
sur les témoins et ses éventuels complices durant ce laps de temps. Il perd
toutefois de vue que les charges se sont considérablement aggravées dans
l'intervalle, avec les déclarations à charge recueillies auprès d'une
douzaine de témoins entre le 10 octobre et le 3 décembre 2003, ce qui rend le
risque collusion d'autant plus important.
Cela étant, les besoins de l'instruction ne peuvent constituer un motif
valable de détention que si les opérations d'enquête, dont le bon déroulement
ne doit pas être compromis par la libération provisoire du prévenu, se
poursuivent sans désemparer. Le juge d'instruction n'est certes pas resté
inactif depuis le dépôt de la demande de mise en liberté provisoire. Il ne
ressort cependant pas du dossier qu'il aurait entrepris à ce jour les
démarches nécessaires aux fins de confronter le recourant aux personnes qui
le mettent en cause. Dans ces conditions, il convient de procéder à ces
mesures d'instruction dans les meilleurs délais, à défaut de quoi le maintien
de la détention préventive ne pourra plus se justifier pour le motif retenu,
sans violer les règles du principe de célérité.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté au sens des considérants. Les
conditions d'octroi de l'assistance judiciaire étant réunies, il y a lieu de
statuer sans frais; Me Jämes Dällenbach est désigné comme défenseur d'office
du recourant et une indemnité lui sera versée à titre d'honoraires par la
caisse du Tribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté au sens des considérants.

2.
Le recourant est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Me Jämes
Dällenbach est désigné comme défenseur d'office et une indemnité de 1'500 fr.
lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la Caisse du Tribunal
fédéral.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge
d'instruction de Neuchâtel, ainsi qu'au Ministère public et à la Chambre
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 16 mars 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: