Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.109/2004
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1P.109/2004 /viz

Arrêt du 10 mars 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Jacques Philippoz, avocat,

contre

Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale II, Palais de Justice,
1950 Sion 2.

procédure pénale,

recours de droit public contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du
Valais, du 16 janvier 2004.

Faits:

A.
Par jugement contumacial du 10 novembre 2003, le Tribunal du IIème
arrondissement pour le district de Sion a condamné A.________, citoyen
français né en 1955, à 30 mois d'emprisonnement - sous déduction de 92 jours
de détention préventive - pour actes d'ordre sexuel avec des enfants, ou sur
des personnes incapables de discernement ou de résistance. Le tribunal a en
outre prononcé l'expulsion de Suisse pour 10 ans, l'interdiction d'exploiter
un établissement public pendant 5 ans, et soumis le condamné à un traitement
ambulatoire.

Par lettre du 11 décembre 2003, l'avocat de A.________ a déposé un "appel
général". Il contestait une partie des délits et la quotité de la peine, et
invoquait une capacité restreinte. Il précisait que A.________ n'avait pas pu
être atteint, et que l'appel serait motivé dès qu'une entrevue ou un
entretien téléphonique pourrait avoir lieu. Le tribunal avait aussi omis
d'allouer l'indemnité d'avocat d'office.

B.
Par jugement du 16 janvier 2004, la Cour pénale II du Tribunal cantonal
valaisan a déclaré l'appel irrecevable, pour défaut de motivation et de
conclusions. Rien n'indiquait que les difficultés de communication entre
l'avocat et l'appelant n'étaient pas imputables à ce dernier; il ressortait
du courrier échangé le 6 novembre 2003 entre l'avocat et le Président du
tribunal que l'accusé avait librement rompu le contact avec son mandataire.
Enfin, une décision sur la rémunération de l'avocat d'office n'avait pas à
être prise, le dossier ne faisant état ni de l'octroi de l'assistance
judiciaire, ni de la désignation d'un défenseur d'office.

C.
A.________ forme un recours de droit public. Il conclut à l'annulation du
jugement cantonal et au renvoi de la cause à la Cour pénale afin qu'elle
statue sur la validité de l'appel. Il demande l'assistance judiciaire.

La cour cantonale se réfère aux considérants de son jugement.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours est formé en temps utile contre un jugement rendu en dernière
instance cantonale.

1.1 Le jugement contumacial peut, selon l'art. 164 du code de procédure
pénale valaisan (CPP/VS), faire l'objet d'une demande de relief, à la
condition toutefois que le condamné soit appréhendé ou se présente. En
l'état, le jugement attaqué présente un caractère final, puisque la
condamnation devient exécutoire (art. 194 CPP/VS). Le recourant a qualité
pour agir au sens de l'art. 88 OJ.

1.2 Le recours de droit public n'a, sauf exception non réalisée en l'espèce,
qu'un effet cassatoire (ATF 129 I 173 consid. 1.5 p. 176). La conclusion
tendant au renvoi de la cause afin qu'il soit statué sur la recevabilité de
l'appel est par conséquent irrecevable.

1.3 Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le recourant doit indiquer quels sont
les droits ou principes constitutionnels violés par la décision attaquée, et
préciser en quoi consiste la violation. Lorsque l'arrêt attaqué comporte
plusieurs motivations indépendantes, le recourant doit, à peine
d'irrecevabilité, fournir une motivation à l'encontre de chacun des motifs
retenus (ATF 121 IV 94 consid. 1b p. 95; 119 Ia 13 consid. 2 p. 16; 107 Ib
264 consid. 3b p. 268).

2.
Le recourant invoque les art. 9, 29 et 32 Cst., ainsi que l'interdiction du
formalisme excessif. Il ressortait clairement de sa déclaration d'appel qu'il
contestait une partie des infractions retenues à son encontre, sans toutefois
pouvoir en donner le détail, faute pour l'avocat d'avoir pu contacter son
client. La cour cantonale aurait par ailleurs dû inviter l'appelant à
compléter sa déclaration.

2.1 L'excès de formalisme, aspect particulier du déni de justice, est prohibé
par l'art. 29 al. 1 Cst.: lorsque l'autorité applique une règle de procédure
avec une rigueur exagérée ou impose des exigences excessives à l'égard des
actes juridiques, elle prive indûment le citoyen d'une voie de droit. Cette
garantie constitutionnelle est violée lorsque le strict respect d'une
exigence de forme ne se justifie par aucun intérêt digne de protection,
devient une fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable la
réalisation du droit matériel (ATF 128 II 139 consid. 2a p. 142; 127 I 31
consid. 2a/bb p. 34; 125 I 166 consid. 3a p. 170; 121 I 177 consid. 2b/aa p.
179 et les arrêts cités). Cette règle est complétée par l'obligation qu'a
l'Etat d'agir de bonne foi à l'égard du justiciable (art. 5 et 9 Cst.). Le
Tribunal fédéral examine librement si l'on se trouve en présence d'un excès
de formalisme (ATF 128 II 139 consid. 2a p. 142; 127 I 31 consid. 2a/bb p.
34; 125 I 166 consid. 3a p. 170 et les arrêts cités). Il n'examine cependant
que sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application
du droit cantonal déterminant (ATF 113 Ia 84 consid. 1 p. 87; 108 Ia 289
consid. 1 p. 290).

2.2 Le recourant soutient qu'une simple déclaration d'appel ne devrait pas
contenir de précisions quant aux différents griefs invoqués. La cour
cantonale s'est toutefois fondé sur la nouvelle teneur de l'art. 185 ch. 2
CPP/VS, dont le texte est mentionné en bas du jugement de première instance
(et dont le recourant ne conteste pas l'application), selon lequel la
déclaration d'appel doit être intitulée comme telle, indiquer en une brève
motivation sur quels points la décision attaquée est contestée et renfermer
des conclusions. Selon le recourant, le dépôt d'un simple appel sans
adjonction particulière aurait toujours été admis; cette affirmation,
nullement étayée, est au demeurant contredite par le texte même de la
disposition précitée. Il est indéniable que l'"appel général" formé par
l'avocat du recourant ne comportait ni conclusions, ni motivation. Sur ce
point, la décision attaquée ne souffre d'aucun excès de formalisme.

2.3 Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas lui avoir donné
l'occasion de compléter sa déclaration d'appel.

2.3.1 La jurisprudence impose dans certains cas à l'autorité d'attirer
l'attention du plaideur lorsqu'il apparaît que celui-ci s'apprête à commettre
une erreur de procédure. Il faut toutefois pour cela que le vice soit
reconnaissable, et qu'il puisse encore être réparé en temps utile (ATF 114 Ia
20 consid. 2 p. 22). En l'occurrence, le jugement de première instance a été
notifié le 12 novembre 2003 à l'avocat du recourant. La déclaration d'appel a
été déposée le 11 décembre 2003, soit la veille de l'échéance du délai de
trente jours (art. 186 CPP/VS). Dans ces conditions, pour autant que
l'insuffisance de la déclaration d'appel ait pu être décelée à temps, il
n'était guère possible de la compléter avant l'échéance du délai.

2.3.2 Le caractère insuffisant de la déclaration d'appel n'a pas échappé au
mandataire du recourant, puisque celui-ci, faisant état des difficultés de
communication avec son client, se réservait de motiver plus avant sa
démarche. Une telle réserve, qui aurait pour effet de prolonger
unilatéralement le délai de recours, n'est pas admissible. En revanche, pour
autant que les difficultés évoquées ne soient pas fautives, le recourant
pouvait demander une restitution de délai au sens de l'art. 32 ch. 2 CPP/VS.
Cette possibilité est évoquée par la cour cantonale; le recourant ne conteste
pas qu'elle aurait pu permettre de sauvegarder efficacement ses droits, et il
n'explique d'aucune manière les raisons pour lesquelles il s'est abstenu
d'agir dans ce sens. Dans ces conditions, le jugement attaqué ne consacre
aucun formalisme excessif.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être rejeté,
dans la mesure où il est recevable. Cette issue était d'emblée prévisible, ce
qui conduit au rejet de la demande d'assistance judiciaire (art. 152 al. 1
OJ). Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la
charge du recourant. Il n'est pas alloué de dépens.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale II.

Lausanne, le 10 mars 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: