Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1E.1/2004
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1E.1/2004 /col

Arrêt du 15 décembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Aeschlimann, Reeb,
Féraud et Eusebio.
Greffier: M. Jomini.

Etat de Genève,
expropriant, recourant principal, représenté par Me David Lachat, avocat,

contre

A.________,
B.________,
C.________,
expropriés, recourants par voie de jonction,
tous représentés par Me Jean-Daniel Borgeaud,
avocat,
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement, p.a. M. Jean-Marc
Strubin, Président suppléant, Tribunal de 1re Instance, case postale 3736,
1211 Genève 3.

expropriation formelle, droits de voisinage,

recours de droit administratif et recours joint contre la décision de la
Commission fédérale d'estimation du
1er arrondissement du 28 novembre 2003.

Faits:

A.
Par acte authentique du 6 avril 1961, des terrains détachés de trois
parcelles sises sur le territoire de la commune de Vernier ont été vendus,
par leurs propriétaires respectifs, à D.________ et E.________ (en
copropriété, chacune pour une moitié). Il s'agit des terrains suivants (selon
un tableau de mutation dressé par le géomètre du registre foncier le 27
octobre 1960):
- parcelle n° 5023B, de 1'030 m2, provenant de la division de la parcelle n°
5023 appartenant à F.________, G.________ et H.________;
- parcelle n° 5806B, de 540 m2, provenant de la division de la parcelle n°
5023 appartenant à I.________;
-  parcelle n° 5031B, de 132 m2, provenant de la division de la parcelle n°
5031 appartenant à la commune de Vernier; préalablement, par une délibération
du 8 novembre 1960 approuvée le 2 décembre 1960 par le gouvernement cantonal,
le conseil municipal de cette commune en avait autorisé la vente, au prix de
14 fr./m2.
Les trois biens-fonds vendus ont été réunis en une seule parcelle, portant le
numéro 1809.
En 1960, soit avant d'être propriétaires de la parcelle n° 1809, D.________
et E.________ avaient mandaté un architecte en vue d'étudier la construction
de deux villas jumelées sur ce terrain. Une demande préalable d'autorisation
de construire avait été déposée en été 1960 puis une demande d'autorisation
définitive le 16 mai 1961. Cette autorisation a été délivrée le 17 juillet
1961 et les deux maisons ont ensuite été bâties.
En 1996, la parcelle n° 1809 a été divisée en deux nouvelles parcelles, n°
4101 et n° 4102. La première parcelle (1'205 m2, avec une villa) a été vendue
par A.________ - héritier de D.________, décédée en 1994 - et E.________ aux
époux J.________, la seconde (512 m2, avec une villa) aux époux K.________.

B.
Le 30 août 1992, D.________ et E.________ ont écrit au département des
travaux publics de la République et canton de Genève (actuellement:
département de l'aménagement, de l'équipement et du logement) pour demander
une indemnité d'expropriation de 630'000 fr., y compris le coût
d'insonorisation des fenêtres de leurs bâtiments. Cette demande avait un
double fondement: d'une part le classement de leur parcelle dans la zone B du
plan des zones de bruit de l'aéroport de Genève, entré en vigueur le 2
septembre 1987 (expropriation matérielle); d'autre part la compensation de
l'impossibilité d'exercer les droits de voisinage à l'encontre de
l'exploitant de l'aéroport (expropriation formelle). Le terrain concerné
(ancienne parcelle n° 1809), classé dans la 5e zone du plan d'affectation
cantonal (zone de villas), se trouve en effet à environ 1,3 km de l'extrémité
sud-ouest de la piste de l'Aéroport International de Genève, et à environ 200
m au sud de l'axe de celle-ci.
Le 11 décembre 1992, le département cantonal a proposé à D.________ et
E.________ de suspendre l'instruction de cette affaire, ce qu'elles ont
accepté.
Le 23 décembre 1999, l'Etat de Genève (ci-après: l'expropriant) a communiqué
la demande à la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement
(ci-après: la Commission fédérale) en l'invitant à constater que les
expropriées n'avaient droit à aucune indemnité.
Le Président de la Commission fédérale a entendu les parties les 29 février
et 28 juin 2000 (audience de conciliation avec inspection des lieux). Les
expropriés - en l'occurrence A.________, héritier de D.________, ainsi que
les membres de l'hoirie de E.________, décédée en 1999, soit A.________,
C.________ et B.________ - et l'expropriant ont ensuite précisé leurs
argumentation et conclusions par écrit. Les expropriés demandaient en
définitive, selon leur mémoire du 16 octobre 2000, le paiement de 293'029 fr.
à titre d'indemnité pour l'expropriation formelle des droits de voisinage,
avec intérêts compensatoires et moratoires, en raison des immissions de bruit
et du survol. Ils faisaient en effet valoir qu'au décollage, certains avions
passaient au-dessus des terrains litigieux à 210 m du sol.
Dans son mémoire du 15 septembre 2000, l'expropriant a conclu au rejet des
prétentions des expropriés.

C.
La Commission fédérale a rendu sa décision le 28 novembre 2003. Elle a
condamné l'expropriant à verser aux expropriés une indemnité de 251'167 fr.
50, pour expropriation formelle des droits de voisinage en raison de
l'exploitation de l'Aéroport International de Genève, cette somme portant
intérêts, au taux usuel, dès le 1er janvier 1985 (ch. 1 du dispositif). Les
frais de la procédure ainsi que des dépens à verser aux expropriés, par 8'000
fr., ont été mis à la charge de l'expropriant (ch. 2 du dispositif).
La Commission fédérale a considéré, en substance, qu'étaient satisfaites les
conditions de l'imprévisibilité, de la spécialité et de la gravité,
auxquelles la jurisprudence subordonne l'octroi d'une indemnité pour
l'expropriation des droits de voisinage à cause des immissions de bruit de
l'aéroport. Elle a en revanche refusé d'allouer une indemnité supplémentaire
en raison du survol.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'expropriant demande
au Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Commission fédérale et de
rejeter la demande d'indemnité pour expropriation formelle des droits de
voisinage. Il reproche à cette autorité d'avoir retenu à tort que la
condition de l'imprévisibilité était réalisée.
Les expropriés concluent au rejet du recours de droit administratif.
La Commission fédérale a renoncé à répondre au recours.

E.
Après la communication du recours de l'expropriant, les expropriés ont déposé
un recours joint en prenant les conclusions suivantes:
- annuler la décision de la Commission fédérale dans la mesure où elle
déboute les expropriés de leurs conclusions visant à une indemnité
d'expropriation pour le survol des parcelles n° 4101 et n° 4102;
- condamner l'expropriant à verser aux expropriés une indemnité pour
expropriation formelle des droits de voisinage et pour le survol des
parcelles n° 4101 et 4102, en raison de l'exploitation de l'Aéroport
International de Genève, de 251'167 fr. 50, avec intérêts au taux usuel dès
le 1er janvier 1985.
Les expropriés admettent, en se référant à un rapport de la direction de
l'Aéroport figurant au dossier, que l'emplacement litigieux n'est pas survolé
à l'atterrissage (en cas d'utilisation de la piste 05, orientée
sud-ouest/nord-est) car il ne se trouve pas dans le plan d'alignement des
avions, défini en fonction des écarts latéraux admis par rapport à l'axe de
la piste. Ils font toutefois valoir qu'au décollage (soit en cas
d'utilisation de la piste 23, orientée nord-est/sud-ouest), si l'altitude
moyenne de survol est de 530 m au-dessus du sol, les parcelles n° 4101 et
4102 seraient pourtant survolées par certains avions à une altitude d'environ
210 m. Dans cette situation, le propriétaire concerné aurait un intérêt digne
de protection à empêcher pareille ingérence dans l'espace aérien du
bien-fonds. Une indemnité d'expropriation leur serait donc due - en tant que
successeurs des propriétaires lors de l'ouverture de la procédure - au titre
du survol.
L'expropriant s'en remet à justice quant à la recevabilité du recours joint
et conclut au rejet de la demande d'indemnité pour survol.
La Commission fédérale a renoncé à répondre au recours joint.

F.
Une délégation du Tribunal fédéral a procédé à une inspection locale le 7
septembre 2004. Elle s'est rendue sur les terrains litigieux ainsi qu'à
Genthod, à un endroit situé approximativement à la même distance du milieu de
la piste de l'aéroport et de l'axe de cette piste, mais à l'opposé (ceci pour
constater les effets du survol car, le jour de l'inspection locale, les
décollages s'effectuaient en direction du nord-est, sur la piste 05). Le
mandataire de l'expropriant était accompagné d'un responsable de la direction
de l'Aéroport International de Genève, qui a donné des explications relatives
aux procédures d'approche et de décollage et qui a déposé diverses pièces
contenant des données statistiques à ce sujet. Ultérieurement, l'expropriant
a encore produit un relevé des trajectoires des cinq avions ayant survolé
Genthod au décollage lorsque la délégation se trouvait à cet endroit durant
l'inspection locale.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227, 453 consid. 2 p. 456 et
les arrêts cités).

1.1 Le recours de droit administratif est recevable contre une décision prise
par une commission fédérale d'estimation (art. 77 al. 1 LEx, art. 115 al. 1
OJ). Les parties principales à la procédure ont qualité pour recourir (art.
78 al. 1 LEx). Le recours (principal) formé par l'expropriant satisfait
manifestement aux conditions légales de recevabilité et il y a lieu d'entrer
en matière.

1.2 Aux termes de l'art. 78 al. 2 LEx, la partie adverse peut, dans le délai
de dix jours dès la réception du recours (principal), se joindre à celui-ci
et prendre des conclusions comme si elle avait formé un recours indépendant.
Le législateur a institué ce recours joint en s'inspirant de la procédure
civile (ATF 101 Ib 217 consid. 1 p. 218; Heinz Hess/Heinrich Weibel, Das
Enteignungsrecht des Bundes, vol. I, Berne 1986, n. 6 ad art. 78 LEx). Cette
possibilité est en effet également offerte, en droit fédéral, à l'intimé
après le dépôt d'un recours en réforme (art. 59 OJ). Par définition, le
recours joint doit nécessairement tendre à une modification du jugement au
détriment du recourant principal et ne peut comporter des conclusions
identiques à celles prises par celui-ci, ni conclure simplement à la
confirmation de la décision attaquée (cf. Jean-François Poudret/Suzette
Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol.
II, Berne 1990, p. 474).
En l'espèce, les expropriés demandent au Tribunal fédéral, par la voie du
recours joint, de leur allouer une indemnité d'expropriation d'un montant
identique à celui fixé dans la décision attaquée. Leurs conclusions diffèrent
sur un seul point du dispositif de cette décision: la Commission fédérale a
condamné l'expropriant à verser une "indemnité pour expropriation formelle
des droits de voisinage en raison de l'exploitation de l'Aéroport
International de Genève" (ch. 1 du dispositif), tandis que les expropriés
demandent une "indemnité pour expropriation formelle des droits de voisinage
et pour le survol des parcelles n° 4101 et n° 4102 [...] en raison de
l'exploitation de l'Aéroport International de Genève". La différence porte
ainsi sur la qualification juridique ou le fondement de l'indemnité, les
expropriés demandant que le jugement mentionne dans son dispositif non
seulement l'expropriation des droits de voisinage (conséquence indirecte de
l'exercice de la propriété sur un fonds voisin), mais également le survol des
terrains litigieux (ingérence directe dans l'espace aérien d'un fonds).
Dans les considérants de sa décision, la Commission fédérale a exposé que les
expropriés n'avaient pas droit à une "indemnité supplémentaire en raison du
survol". Les expropriés contestent cette argumentation. Dans la procédure de
recours de droit administratif, le Tribunal fédéral est lié par les
conclusions des parties - il ne saurait, en d'autres termes, statuer ultra
petita - mais non par les motifs qu'elles invoquent (art. 114 al. 1 OJ, art.
77 al. 2 LEx). Il pourrait donc confirmer le montant de l'indemnité
d'expropriation fixé en première instance tout en adoptant une autre
argumentation, prenant en considération non pas les immissions de bruit mais
le survol du terrain litigieux. Lorsqu'un propriétaire foncier demande à être
indemnisé pour l'"expropriation des droits de voisinage", il soumet en
réalité au juge de l'expropriation des prétentions de droit public résultant
de la privation des moyens de défense que le droit privé offrirait aussi bien
contre les immissions excessives, en particulier le bruit, que le cas échéant
contre le survol, ingérence directe dans l'espace aérien du fonds. Si les
conditions, prévues par la jurisprudence, pour indemniser le propriétaire
d'un terrain survolé sont réalisées (cf. infra, consid. 3), l'indemnité
d'expropriation due au titre du survol doit être fixée de manière à réparer
entièrement le dommage subi du fait de l'exploitation de l'aéroport dans le
voisinage, y compris à cause du bruit du trafic aérien (ATF 129 II 72 consid.
4 p. 81). Dans une telle situation, il n'y aurait pas deux indemnités
distinctes, en dépit des fondements juridiques différents (ATF 129 II 72
consid. 2.6 p. 78; arrêt non publié 1E.8/2000 du 12 décembre 2002 dans la
cause Etat de Genève c. B., consid. 2.2.2 et 2.3). Il s'ensuit que les
conclusions du recours joint ne tendent pas à autre chose qu'à la
confirmation de la décision attaquée. Ce recours est partant irrecevable.
L'argumentation des expropriés au sujet du survol sera toutefois examinée
dans le cadre du recours principal, comme les autres moyens qu'ils ont fait
valoir dans leur réponse.

2.
L'expropriant conteste l'octroi d'une indemnité fondée sur les immissions de
bruit excessives de l'aéroport car, selon lui, la condition de
l'imprévisibilité n'est pas réalisée. Il se plaint dans cette mesure d'une
violation du droit fédéral, à savoir des règles fixées par la jurisprudence
sur la base de l'art. 5 LEx.

2.1 D'après la jurisprudence, la collectivité publique, en sa qualité
d'expropriante, peut être tenue d'indemniser le propriétaire foncier voisin
d'une route nationale, d'une voie de chemin de fer ou d'un aéroport s'il
subit, à cause des immissions de bruit, un dommage spécial, imprévisible et
grave. S'agissant du bruit du trafic aérien dans le voisinage d'un des
aéroports nationaux, le Tribunal fédéral a posé en 1995 la règle selon
laquelle on ne tient pas compte de la condition de l'imprévisibilité quand le
bien-fonds exposé au bruit a été acquis par l'exproprié avant le 1er janvier
1961; en revanche, si l'exproprié a acquis son bien-fonds à partir du 1er
janvier 1961, on doit considérer que les effets de l'exploitation de
l'aéroport, avec le développement du trafic aérien, étaient prévisibles voire
connus, ce qui exclut l'octroi d'une indemnité d'expropriation fondée sur
l'art. 5 LEx (ATF 121 II 317 consid. 6b-c p. 334 ss; cf. ATF 129 II 72
consid. 2.1 p. 74; 128 II 231 consid. 2.2 p. 234, 329 consid. 2.1 p. 331).
Dans certaines situations particulières, le propriétaire d'un bien-fonds
acquis après le 1er janvier 1961 peut néanmoins se prévaloir de
l'imprévisibilité des immissions de l'aéroport. Ainsi, d'après la
jurisprudence, la date d'acquisition (avant 1961) de l'immeuble par le
précédent propriétaire est déterminante quand la demande d'indemnité
d'expropriation est présentée par son héritier, actuel propriétaire - à
savoir lorsque celui-ci a acquis l'immeuble plus récemment par la dévolution
de la succession -, ou encore lorsque le transfert de propriété à celui qui
prétend à une indemnité d'expropriation résulte d'une libéralité entre vifs
faite à titre d'avancement d'hoirie (ATF 128 II 231 consid. 2.3 p. 234, 329
consid. 2.2 p. 331 et les arrêts cités).

2.2 La Commission fédérale a rappelé cette jurisprudence dans sa décision.
Elle a considéré que la date déterminante, de ce point de vue, était celle de
l'acquisition de la parcelle n° 1809 (provenant de la réunion des parcelles
n° 5023B, n° 5031B et n° 5806B) par D.________ et E.________.
Pour la Commission fédérale, il faut alors tenir compte non pas de la date de
la conclusion du contrat de vente immobilière, mais de celle de la décision
de D.________ et de E.________ d'acquérir l'immeuble; or cette décision est
antérieure au 1er janvier 1961. L'expropriant soutient que sur ce point, la
Commission fédérale a fait une mauvaise application des critères
jurisprudentiels au sujet de l'imprévisibilité (cf. infra, consid. 2.3). Il
ne conteste en revanche pas qu'une indemnité pourrait être allouée, le cas
échéant (si la condition de l'imprévisibilité était réalisée), aux héritiers
de D.________ et E.________, soit A.________, C.________ et B.________,
auxquels la qualité d'expropriés a été reconnue par la Commission fédérale
nonobstant un transfert de propriété postérieur à 1961. Les actuels
propriétaires du terrain litigieux (divisé en 1996 en deux nouvelles
parcelles), qui l'ont acquis plusieurs années après l'annonce des prétentions
des expropriés le 30 août 1992 - acte ayant provoqué l'ouverture de la
procédure d'expropriation -, n'ont pas eux-mêmes demandé une indemnité; il
n'a pas été question de reconnaître à ces derniers la qualité d'expropriés et
l'expropriant ne s'oppose pas à ce que les précédents propriétaires
continuent à agir dans la présente procédure (arrêt non publié 1E.8/2000 du
12 décembre 2002 dans la cause Etat de Genève c. B., consid. 2.1). Dès lors,
pour résoudre la question de l'imprévisibilité, la Commission fédérale était
fondée à examiner les circonstances de l'acquisition du terrain par
D.________ et E.________.

2.3 Dans la décision attaquée, la Commission fédérale fait une distinction
entre d'une part la conclusion du contrat de vente, par acte notarié du 6
avril 1961, et d'autre part les démarches et décisions relatives à cette
vente - la détermination des parties au contrat, le prix de vente au mètre
carré, la surface vendue, l'établissement d'un tableau de mutation foncière
et cadastrale, la formulation d'une offre ferme acceptée par l'ensemble des
vendeurs, l'étude d'un projet de construction concret avec le dépôt d'une
demande préalable d'autorisation de construire -, datant toutes de l'année
1960. Comme l'acquisition de l'immeuble avait été décidée et convenue avant
le 1er janvier 1961, puis simplement concrétisée par un acte authentique
quelques mois plus tard, la condition de l'imprévisibilité était réalisée.
L'expropriant fait valoir que la Commission fédérale ne pouvait pas, sur la
base des faits constatés et sans compléter l'instruction de l'affaire,
retenir que toutes les conditions de la vente avaient été convenues entre les
futurs cocontractants en 1960 déjà. A titre subsidiaire, il soutient que
seule la date de la signature de l'acte de vente, voire celle de la
réquisition d'inscription au registre foncier, est déterminante sous l'angle
de la condition de l'imprévisibilité.
En décidant que l'on ne tient pas compte de la condition de l'imprévisibilité
quand le bien-fonds exposé au bruit a été acquis avant le 1er janvier 1961,
les effets de l'exploitation de l'aéroport étant en revanche prévisibles pour
celui qui a acquis son bien-fonds à partir de cette date (cf. supra, consid.
2.1), le Tribunal fédéral a fixé une règle générale, qui doit être appliquée
dans toutes les procédures d'expropriation des droits de voisinage en
relation avec l'exploitation des aéroports nationaux. La solution
jurisprudentielle est rigoureuse: cette règle ne doit en effet pas être
adaptée de cas en cas, ni faire l'objet de dérogations, en fonction des
caractéristiques concrètes de la localité voire de circonstances subjectives,
telles les connaissances des propriétaires fonciers concernés à propos de
l'évolution des nuisances du trafic aérien  (ATF 121 II 317 consid. 6b/bb p.
337; cf. également ATF 123 II 481 consid. 7b p. 491). Ce dernier élément a
été pris en compte dans la fixation de la règle, puisqu'il s'agissait de
déterminer le moment à partir duquel on pouvait, selon toute vraisemblance,
attendre de chacun en Suisse - en d'autres termes du "citoyen moyen", et non
seulement du spécialiste de l'aviation ou de la personne habitant dans le
voisinage d'un aéroport - qu'il connaisse l'importance des nuisances
provoquées par le trafic aérien (ATF 121 II 317 consid. 6a p. 333 et consid.
6b/bb p. 337). A fortiori, le dommage était déjà prévisible avant le 1er
janvier 1961 pour certaines catégories de personnes mais, d'après la
jurisprudence, cela ne devait pas influencer le droit à une indemnité
d'expropriation.
Dès lors, le moment décisif est soit celui de l'engagement formel, selon les
règles du droit civil, et définitif des parties au contrat de vente de
transférer la propriété de l'immeuble, soit éventuellement celui du transfert
de propriété. L'observation de la forme authentique est une condition de
validité du contrat (art. 657 CC et art. 216 al. 1 CO, en relation avec
l'art. 11 CO; cf. ATF 127 II 248 consid. 3c p. 254). Dans le cas particulier,
c'est ainsi en présence du notaire, le 6 avril 1961, que les cocontractants
ont manifesté valablement leur volonté de transférer la propriété de
l'immeuble. L'acquisition est intervenue ultérieurement, également après le
1er janvier 1961, lors de l'inscription au registre foncier (cf. art. 656 al.
1 CC). La conclusion du contrat et l'inscription étant toutes deux
postérieures à la date déterminante, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant,
en l'espèce, lequel de ces deux actes doit en définitive être retenu pour
l'application de la condition de l'imprévisibilité. En revanche, les
opérations préalables et les pourparlers, sans promesse formelle de
contracter au sens de l'art. 22 CO (promesse également soumise à la forme
authentique dans les cas de vente immobilière, en vertu de l'art. 216 al. 2
CO), ne sont pas déterminants à ce propos. La Commission fédérale ne pouvait
donc pas considérer, sur la base des diverses démarches accomplies en 1960,
que le moment décisif pour l'acquisition de l'immeuble litigieux était
antérieur au 1er janvier 1961. Sur ce point, les griefs de l'expropriant au
sujet de la condition de l'imprévisibilité sont fondés.
Il apparaît donc que l'une des conditions (cumulatives) auxquelles la
jurisprudence subordonne l'octroi d'une indemnité d'expropriation, en raison
des immissions de bruit de l'aéroport, n'est pas réalisée. Cela n'entraîne
cependant pas nécessairement l'admission du recours de droit administratif de
l'expropriant car il faut encore examiner si la décision de la Commission
fédérale peut être maintenue après une substitution de motifs, concernant le
fondement de l'indemnité.

3.
Selon les expropriés, l'indemnité fixée par la décision attaquée devrait leur
être allouée en raison du survol régulier, au décollage, des deux parcelles
litigieuses. Ils invoquent donc un autre fondement juridique pour cette
indemnité (cf. supra, consid. 1.2). Cette question n'a pas été examinée en
détail par la Commission fédérale, qui a rejeté les prétentions des
expropriés à ce sujet parce que le dossier ne contenait aucun élément
permettant de retenir un survol des parcelles concernées à une "altitude
proche de celle des cas où le Tribunal fédéral [avait] admis l'existence
d'une atteinte directe" à l'espace aérien des biens-fonds.

3.1 Dans quatre arrêts rendus à partir de 1996, le Tribunal fédéral a reconnu
à des propriétaires fonciers voisins de l'Aéroport International de Genève le
droit à une indemnité d'expropriation formelle en raison du survol de leur
bien-fonds à l'atterrissage (ATF 122 II 349; ATF 129 II 72; arrêt non publié
1E.8/2000 du 12 décembre 2002 dans la cause Etat de Genève c. B.; arrêt non
publié E.22/1992 du 24 juin 1996 dans la cause Etat de Genève c. hoirie
S.-H.). Dans ce cadre jurisprudentiel, la notion de survol a été définie de
manière relativement précise (survol stricto sensu - ATF 129 II 72 consid.
2.3 p. 75).

3.1.1 Il faut d'abord, selon cette jurisprudence, que le terrain se trouve
dans l'axe de la piste, plus précisément dans le "couloir d'approche" ("Glide
Path") correspondant au "plan d'alignement" des avions à l'atterrissage (ou:
"zone survolée à l'atterrissage"). Cet espace est délimité - en plan, au
niveau du sol - en fonction des contraintes de l'exploitation de l'aéroport,
les approches s'effectuant selon les règles de vol aux instruments. Les
avions se posant à Genève doivent, dans la phase finale d'atterrissage
(notamment au-dessus de Vernier, en cas d'utilisation de la piste 05 orientée
vers le nord-est), suivre l'axe de la piste; d'après un rapport de l'Aéroport
figurant au dossier, l'écart latéral admissible est au maximum de 1,25° par
rapport à l'origine de l'axe (origine qui se trouve vers le seuil de piste ou
la "zone de touché des roues") mais les procédures fixées par les compagnies
aériennes prévoient généralement des écarts maxima plus faibles (+/- 0,5° par
rapport à l'origine de l'axe).

3.1.2 Il faut ensuite que, dans cette phase d'approche, les avions traversent
l'espace aérien du bien-fonds survolé. Les avions en vol se trouvent
généralement au-delà de cette limite et une ingérence dans l'espace aérien
d'un fonds ne se produit que lorsque le passage s'effectue à faible altitude.
Le droit civil n'a pas fixé une fois pour toutes cette altitude car, d'après
l'art. 667 al. 1 CC, c'est l'intérêt que présente l'exercice du droit de
propriété - notamment l'intérêt à s'opposer aux ingérences de tiers, en
fonction de la situation de l'immeuble et d'autres circonstances concrètes -
qui définit dans chaque cas l'extension verticale de la propriété foncière.
La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'expropriation n'a pas
davantage arrêté une hauteur limite, mais a néanmoins considéré qu'à une
altitude de vol de 600 m, l'espace aérien des biens-fonds n'était plus touché
(ATF 123 II 481 consid. 8 p. 495). Le droit à une indemnité a cependant été
reconnu, dans les environs de l'aéroport de Genève, dans des cas où
l'altitude de survol à l'atterrissage était inférieure ou égale à 125 m
au-dessus du niveau du sol (75 m, 108 m et 125 m, pour des biens-fonds situés
respectivement à environ 1 km, 1,5 km et 2,5 km de l'extrémité de la piste  -
cf. ATF 129 II 72 consid. 3 p. 80; 122 II 349 consid. 4a/cc p. 355; arrêt non
publié 1E.8/2000 du 12 décembre 2002 dans la cause Etat de Genève c. B.,
consid. 5; arrêt non publié E.22/1992 du 24 juin 1996 dans la cause Etat de
Genève c. hoirie S.-H., consid. 9c). L'altitude de survol est déterminée en
fonction de la pente de descente fixée pour l'approche de l'aéroport (angle
de 3°, avec une légère variation admise, jusqu'au seuil de piste).

3.1.3 Il ressort des considérants précédents que le périmètre dans lequel les
propriétaires fonciers peuvent prétendre à une indemnité d'expropriation en
raison du survol stricto sensu à l'atterrissage est défini selon des critères
relativement précis. Il s'agit des terrains qui, de part et d'autre de
l'aéroport, se trouvent dans le plan d'alignement (délimité en fonction des
variations latérales admises par rapport à l'axe de la piste) et qui sont
suffisamment proches de l'aéroport de telle sorte que, suivant la pente de
descente imposée, le passage des avions s'effectue déjà à l'intérieur de
l'espace aérien des bien-fonds et non pas au-delà (un passage à altitude
supérieure n'étant en effet plus une intrusion ou ingérence directe). Si des
critères relativement précis peuvent être appliqués à ce propos, c'est parce
que le tracé dans la phase finale d'atterrissage est bien déterminé, en vertu
des règles de vol aux instruments qui, en quelque sorte, placent chaque avion
sur un "rail" le dirigeant vers le tronçon de la piste où il doit se poser
(zone de touché des roues). La jurisprudence assimile le dédommagement pour
le survol stricto sensu à l'indemnité due pour la constitution forcée d'une
servitude, de passage ou de survol, par voie d'expropriation (ATF 129 II 72
consid. 2.8 p. 80). A cause des contraintes aéronautiques pour la phase
finale d'atterrissage, l'assiette de cette "servitude" peut être clairement
délimitée et elle représente une bande de terrain relativement étroite (moins
de 100 m de largeur à 1 km du seuil de piste, moins de 150 m de largeur à 2
km du seuil de piste). Dans des conditions d'exploitation normale, toutes les
trajectoires de survol (vol aux instruments) se situent à l'intérieur de
cette bande.

3.1.4 A propos du fondement de l'indemnité d'expropriation en cas de survol
stricto sensu à l'atterrissage, le Tribunal fédéral a rappelé que, selon le
régime du droit civil - qui serait en principe applicable dans le voisinage
d'un aérodrome privé -, un propriétaire foncier peut toujours s'opposer à ce
que son bien-fonds soit survolé à faible altitude par des aéronefs. Si ce
survol est nécessaire au regard de la situation ou des conditions
d'exploitation de l'aérodrome, il incombe au propriétaire de cette
installation d'acquérir préalablement le droit de passer dans l'espace aérien
du bien-fonds voisin (droit de survol). A défaut d'un tel droit, l'usurpation
que représente le survol peut être repoussée sur la base de l'art. 641 al. 2
CC. Demeure éventuellement réservé le passage nécessaire, que le voisin
pourrait être tenu de céder au propriétaire de l'aéroport "moyennant pleine
indemnité", conformément aux conditions de l'art. 694 al. 1 CC (ATF 129 II 72
consid. 2.3 p. 75 et les arrêts cités).
Les moyens de défense du droit privé ne sont cependant plus disponibles si
les atteintes aux biens-fonds du voisinage - survol stricto sensu ou
immissions - proviennent de l'utilisation, conforme à sa destination, d'un
aéroport public pour la réalisation et l'exploitation duquel le droit fédéral
prévoit l'octroi au concessionnaire du droit d'expropriation. La prétention
au versement d'une indemnité d'expropriation se substitue aux actions du
droit privé mais les conditions de l'indemnisation ne sont pas identiques
lorsque le fonds concerné est uniquement exposé au bruit - les immissions
étant une conséquence indirecte que l'exercice de la propriété sur un fonds
peut avoir sur les fonds voisins -, d'une part, ou lorsqu'il y a survol
stricto sensu, soit une intrusion ou une ingérence directe dans l'espace
aérien d'une parcelle, d'autre part.

3.1.5 Sur plusieurs points, le même régime juridique s'applique à
l'expropriation des droits de voisinage en raison des immissions de bruit et
en raison du survol (notamment à propos de la prescription des prétentions -
ATF 129 II 72 consid. 2.9 p. 80). Néanmoins, selon la jurisprudence, la
condition de l'imprévisibilité (cf. supra, consid. 2.1) n'entre pas en
considération en matière d'indemnisation pour le survol stricto sensu. Il
s'ensuit qu'une indemnité à ce titre peut être allouée au propriétaire d'un
bien-fonds situé dans l'axe de la piste, même si ce bien-fonds a été acheté à
une époque où il était déjà survolé par les avions dans la phase d'approche.
L'antériorité de l'exploitation de l'aéroport peut toutefois être prise en
compte lors de la fixation de l'indemnité, pour des motifs d'équité (ATF 129
II 72 consid. 2.6-2.7 p. 78).
Il est par ailleurs admissible d'allouer cette indemnité à l'ancien
propriétaire du bien-fonds survolé qui a été revendu en cours de procédure,
lorsque ce propriétaire maintient ses prétentions et que le nouveau
propriétaire n'intervient pas dans cette procédure (cf. supra, consid. 2.2).
L'indemnité pour survol ne peut cependant être allouée qu'une seule fois et
un nouveau propriétaire ne saurait, ensuite, demander lui aussi une
compensation de la moins-value subie par l'immeuble (ATF 129 II 72 consid.
2.8 p. 80).

3.2 Dans le cas particulier, il n'est pas contesté que le terrain litigieux
ne se trouve pas dans la zone survolée à l'atterrissage, définie selon les
critères précités. Les expropriés demandent cependant une indemnité en raison
du survol au décollage car les écarts latéraux, par rapport à l'axe de la
piste, sont alors nettement plus importants; il arriverait donc régulièrement
que des avions passent à la verticale des parcelles n° 4101 et 4102.

3.2.1 Dans la jurisprudence en matière d'expropriation, le Tribunal fédéral
n'a jamais traité de manière spécifique la question du survol, au décollage,
des terrains voisins de l'aéroport. Or la situation est différente de celle
du survol à l'atterrissage. L'axe de la piste doit certes également être
suivi, en principe, mais des écarts latéraux beaucoup plus importants sont
admissibles. L'angle de la trajectoire, par rapport au sol, est en outre
nettement supérieur à 3°. Par ailleurs, le point de départ de cette
trajectoire est situé normalement au milieu de la piste, dont la longueur
totale est de 3,9 km; dans des circonstances ordinaires, au moment de quitter
le périmètre de l'aéroport, les avions ont donc déjà parcouru en vol une
distance de l'ordre de 2 km et ont déjà pris de l'altitude. Les pilotes s'en
tiennent au cap fixé et aux règles de décollage prescrites par l'aéroport
mais, pour la sécurité du vol, les variations n'ont pas de véritables
conséquences. En outre, la pente et la direction du vol au décollage peuvent
être influencées par différents facteurs physiques ou climatiques (régime des
vents, température, etc.), qu'il n'y a pas lieu d'analyser plus précisément
ici. En résumé, les trajectoires - en plan (dispersion horizontale) et en
altitude (dispersion verticale) - des avions au décollage sont sensiblement
différentes de celles suivies dans la phase finale d'atterrissage (où le
système de vol aux instruments place quasiment les avions sur un rail - cf.
supra, consid. 3.1.3).
3.2.2 Les données statistiques produites par l'expropriant dans la présente
procédure montrent clairement l'importance de la dispersion horizontale et de
la dispersion verticale au décollage. Il ressort de ces documents que la
majorité des trajectoires des grands avions sont proches de l'axe de la piste
(c'est-à-dire, à Vernier, à moins de 100 m de part et d'autre dudit axe) mais
que les deux parcelles litigieuses sont aussi survolées occasionnellement car
elles se trouvent dans la zone des écarts latéraux usuels. L'altitude de ces
survols occasionnels par des grands avions (quelques pour-cents du total des
vols) est généralement, selon ces statistiques, supérieure à 400 m au dessus
du niveau du sol. Il est évident qu'à cette altitude, on ne saurait retenir
une ingérence dans l'espace aérien des biens-fonds. Il n'est cependant pas
exclu que certains passages s'effectuent à une altitude inférieure,
éventuellement à 220 ou 250 m. Il ressort néanmoins des documents précités
que les avions à réaction ou à turbopropulseurs du trafic commercial ou de
lignes passent généralement à une altitude nettement supérieure à celle des
petits aéronefs, dont les trajectoires sont plus dispersées mais dont les
nuisances sont sans comparaison avec celles des grands avions.

3.2.3 Dans la jurisprudence en matière civile relative à l'exigence de la
constitution d'un "droit de survol" en cas d'ingérence dans l'espace aérien
d'un fonds (cf. supra, consid. 3.1.4), le Tribunal fédéral ne fait pas la
distinction entre le survol des terrains voisins d'un aérodrome privé à
l'atterrissage et au décollage. Les contestations qui lui ont été soumises se
rapportaient toutefois à des terrains attenants à ces aérodromes, survolés à
basse altitude par de petits avions tant à l'atterrissage qu'au décollage
(cf. ATF 95 II 397 consid. 4a p. 404, survol à "une altitude si basse que les
hommes et les choses soient mis en danger"; ATF 103 II 96 consid. 3 p. 100, à
propos de l'obstacle que pouvait constituer un bâtiment de 12,45 m de haut,
vu la proximité de la piste; ATF 104 II 86, survol à une altitude de 50 m).
Dans la présente affaire concernant l'octroi d'une indemnité d'expropriation,
il se justifie de traiter différemment le survol à l'atterrissage, d'une
part, et le survol au décollage, d'autre part. A l'emplacement litigieux,
malgré la production par l'expropriant de données statistiques fondées sur
des relevés de trajectoires durant plusieurs semaines, l'instruction n'a pas
permis d'établir l'existence ni la fréquence de cas de survol stricto sensu
au décollage, c'est-à-dire d'ingérences dans l'espace aérien des parcelles.
En raison de la dispersion horizontale, le passage des avions à la verticale
de ces biens-fonds est aléatoire et il se produit en définitive rarement.
Contrairement à la situation dans la phase finale d'atterrissage, l'espace
survolé ne peut pas être comparé à l'assiette d'une servitude de passage bien
délimitée, où sont concentrés tous les mouvements d'avion (cf. supra, consid.
3.1.3). Le cas échéant, l'altitude de survol usuelle (au moins 400 m, par
rapport au niveau du sol) est à l'évidence nettement supérieure à la limite
de l'espace aérien des biens-fonds - limite qu'il n'y a pas non plus lieu,
dans cet arrêt, de définir plus exactement (cf. supra, consid. 3.1.2).
Dans ces conditions, le survol stricto sensu au décollage, s'il se produit
effectivement, est une atteinte trop occasionnelle pour fonder, en tant que
tel, un droit à une indemnité d'expropriation. Ce risque, dû à la proximité
de l'aéroport, est un inconvénient que l'on ne peut pas distinguer, de ce
point de vue, de l'ensemble des immissions provoquées par le trafic aérien
(cf. art. 684 CC), qui peuvent justifier une indemnisation des voisins aux
conditions prévues par la jurisprudence rendue en application de l'art. 5 LEx
(spécialité, imprévisibilité, gravité - cf. supra, 2.1). Comme cela a déjà
été exposé, une telle indemnisation est en l'espèce exclue, la condition de
l'imprévisibilité n'étant pas satisfaite (supra, consid. 2.3). Les expropriés
ne sont donc pas fondés à prétendre à une indemnité en raison du survol. Sur
ce point, la décision de la Commission fédérale n'est pas critiquable dans
son résultat, en tant qu'elle refuse d'entrer en matière sur les prétentions
des expropriés à ce sujet.

4.
Il s'ensuit, pour les motifs exposés au considérant 2 ci-dessus, que le
recours de droit administratif de l'expropriant doit être admis et que la
décision attaquée doit être entièrement annulée.
Les frais et dépens de la procédure de recours de droit administratif sont
mis à la charge de l'expropriant (art. 116 al. 1, 1re phrase LEx). Vu
l'annulation de la décision attaquée, il y a lieu de statuer également sur
les frais et dépens de la procédure de première instance, qui doivent eux
aussi être supportés par l'expropriant, en vertu des art. 114 al. 1 et 115
al. 1 LEx.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif formé par l'expropriant est admis et la
décision prise le 28 novembre 2003 par la Commission fédérale d'estimation du
1er arrondissement est annulée. Les prétentions des expropriés sont rejetées.

2.
Le recours joint formé par les expropriés est irrecevable.

3.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr., pour la procédure de recours de droit
administratif, est mis à la charge de l'expropriant.

4.
Les frais de la procédure devant la Commission fédérale d'estimation sont mis
à la charge de l'expropriant.

5.
Une indemnité globale de 10'000 fr., à payer aux expropriés à titre de dépens
pour la procédure devant la Commission fédérale d'estimation et pour la
procédure de recours de droit administratif, est mise à la charge de
l'expropriant.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement.

Lausanne, le 15 décembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: