Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.87/2004
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1A.87/2004 /col

Arrêt du 3 juin 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Zimmermann.

T. ________,
recourant, représenté par Mes Andreas Güngerich
et Christian Witschi, avocats,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

entraide judiciaire internationale en matière pénale à la Fédération de
Russie,

recours de droit administratif contre l'ordonnance du Ministère public de la
Confédération du 25 mars 2004.

Faits:

A.
Le 17 septembre 2003, le Parquet général de la Fédération de Russie a remis
aux autorités suisses une demande d'entraide établie le 15 août 2003 par le
juge d'instruction chargé des affaires de grande importance auprès du Parquet
général, Salavat Kounakbaéivitch Karimov. Fondée sur la Convention européenne
d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; RS 0.351.1), conclue à
Strasbourg le 20 avril 1959 et entrée en vigueur le 20 mars 1967 pour la
Suisse et le 9 mars 2000 pour la Russie, la demande était présentée pour les
besoins de la procédure pénale ouverte contre le ressortissant russe
G.________, des chefs d'escroquerie, d'abus de confiance et d'insoumission à
une décision judiciaire, commis dans le cadre d'un groupe organisé. En tant
que dirigeant de la banque Menatep (ci-après: Menatep), G.________ se serait,
avec l'aide de Platon Leonidovitch Lebedev, approprié frauduleusement un lot
d'actions du capital de la société A.________. Entre 1994 et 2002, il aurait
organisé avec ses comparses la vente, par A.________ et des intermédiaires,
de grandes quantités de concentré d'apatite (phosphate de calcium utilisé
comme engrais) à des sociétés suisses, à un prix inférieur à celui du marché.
Ces sociétés auraient revendu l'apatite à l'étranger, au prix du marché (de
l'ordre de 40 à 78 USD par tonne métrique). Les autorités requérantes
soupçonnaient que les fonds ainsi détournés avaient été blanchis en Suisse.
La demande tendait à la remise de la documentation concernant les sociétés
impliquées, à l'audition de leurs dirigeants, à la saisie et à la remise de
la documentation bancaire relative aux opérations décrites, ainsi qu'à la
détermination du sort des fonds.
Le 31 octobre 2003, l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office
fédéral) a délégué au Ministère public de la Confédération l'exécution de la
demande, laquelle a été complétée à plusieurs reprises.
Le 14 novembre 2003, le Parquet général de la Fédération de Russie a précisé
qu'était aussi impliqué dans le blanchiment des fonds Mikhail Borissovitch
Khodorkovski, fondateur du groupe Menatep.
Selon le complément du 18 novembre 2003, Khodorkovski avait été inculpé, dans
le même contexte de faits, pour escroquerie, abus de confiance, insoumission
à une décision judiciaire, appropriation, soustraction d'impôt et faux dans
les titres, commis dans le cadre d'un groupe organisé. Dans l'opération de
blanchiment des fonds provenant des opérations délictueuses mises à la charge
des prévenus, était impliqué notamment le ressortissant russe T.________. La
demande tendait à la saisie de la documentation relative à plusieurs comptes
détenus notamment par celui-ci.
Le 12 mars 2004, l'autorité requérante a demandé qu'un représentant du
Parquet général soit autorisé à participer à l'exécution des actes
d'entraide. Elle a également produit une ordonnance rendue le 12 mars 2004
par le juge pour le district de Basmany de la ville de Moscou, portant sur la
saisie des fonds déposés sur tous les comptes détenus par les personnes
morales et physiques impliquées, dont T.________.
Dans le cadre de l'exécution de cette demande, le Ministère public a, le 25
mars 2004, rendu une décision d'entrée en matière ordonnant le séquestre du
compte n°ccc ouvert au nom de X.________ et Y.________ auprès de la banque
U.________ (ch. 2 du dispositif). Le Ministère public a levé les autres
séquestres ordonnés au titre des mesures provisoires, tout en invitant la
banque U.________ à l'avertir de tout virement pour un montant supérieur à
10'000 USD qui viendrait à être effectué sur le compte n°ddd ouvert au nom de
T.________ (ch. 3 du dispositif).

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, T.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler les ch. 2 et 3 du dispositif de la décision du 25
mars 2004. Il invoque les art. 9 et 74a de la loi fédérale sur l'entraide
internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1), ainsi que
les normes du droit russe régissant le secret professionnel de l'avocat.
Le Ministère public et l'Office fédéral proposent de déclarer le recours
irrecevable, subsidiairement de le rejeter dans la mesure où il est
recevable.
Invité à répliquer, le recourant a retiré sa conclusion tendant à
l'annulation du ch. 3 du dispositif de la décision attaquée et maintenu celle
concernant le ch. 2 de ce dispositif.

C.
Le 27 mai 2004, le Ministère public a levé le séquestre pour un montant de
77'453 CHF.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Au regard de l'art. 37 al. 3 OJ, l'arrêt devrait en principe être rédigé dans
la langue de la décision attaquée, soit l'allemand. Il se justifie toutefois
de déroger à cette règle et de statuer en français, car la plupart des actes
relatifs à la demande sont rédigés dans cette langue. Des raisons d'économie
et de cohérence plaident pour cette solution. Au demeurant, le recourant,
russe, n'en subit aucun dommage. Quant aux avocats suisses, ils sont censés
connaître les langues officielles de la Confédération (cf. consid. 1a non
publié de l'ATF 126 II 258).

2.
L'objet du litige se limite à la saisie du compte n°ccc, ouvert au nom de
X.________ et Y.________, soit les parents du recourant. Celui-ci ne détient
sur ce compte qu'une procuration. Or, selon une jurisprudence dont il n'y a
pas lieu de se départir, seul le titulaire du compte est habilité à recourir
au sens de l'art. 80h EIMP, à l'exclusion de l'ayant droit économique ou du
détenteur d'une procuration (ATF 123 II 153 consid. 2a p. 156/157; 122 II 130
consid. 2b p. 132/133).

3.
Le recours est ainsi irrecevable. Les frais en sont mis à la charge du
recourant (art. 156 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires du recourant et au
Ministère public de la Confédération ainsi qu'à l'Office fédéral de la
justice (B 144 708).

Lausanne, le 3 juin 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: