Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.86/2004
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1A.86/2004 /col

Arrêt du 8 juin 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Reeb, Féraud,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Zimmermann.

la société E.________,
recourante, représentée par Mes Andreas Erb et Philippe Neyroud, avocats,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

entraide judiciaire internationale en matière pénale à la Fédération de
Russie,

recours de droit administratif contre l'ordonnance du Ministère public de la
Confédération du 25 mars 2004.

Faits:

A.
Le 17 septembre 2003, le Parquet général de la Fédération de Russie a remis
aux autorités suisses une demande d'entraide établie le 15 août 2003 par le
juge d'instruction chargé des affaires de grande importance auprès du Parquet
général, Salavat Kounakbaéivitch Karimov. Fondée sur la Convention européenne
d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; RS 0.351.1), conclue à
Strasbourg le 20 avril 1959 et entrée en vigueur le 20 mars 1967 pour la
Suisse et le 9 mars 2000 pour la Russie, la demande était présentée pour les
besoins de la procédure pénale ouverte contre le ressortissant russe
G.________, des chefs d'escroquerie, d'abus de confiance et d'insoumission à
une décision judiciaire, commis dans le cadre d'un groupe organisé. En tant
que dirigeant de la banque Menatep (ci-après: Menatep), G.________ se serait,
avec l'aide de Platon Leonidovitch Lebedev, approprié frauduleusement un lot
d'actions du capital de la société A.________, au détriment de l'Etat, afin
de prendre le contrôle de la société. G.________ aurait refusé de se
soumettre à l'injonction judiciaire de restituer le lot d'actions en
question. Entre 1994 et 2002, il aurait organisé avec ses comparses la vente,
par A.________ et des intermédiaires, de grandes quantités de concentré
d'apatite (phosphate de calcium utilisé comme engrais) aux sociétés suisses
F.________ et O.________, à un prix inférieur à celui du marché (de l'ordre
de 30 USD par tonne métrique). F.________ et O.________ auraient revendu
l'apatite à l'étranger, au prix du marché (de l'ordre de 40 à 78 USD par
tonne métrique). Les autorités requérantes soupçonnaient que les fonds ainsi
détournés avaient été blanchis en Suisse. La demande tendait à la remise de
la documentation concernant F.________ et O.________, à l'audition de leurs
dirigeants, à la saisie et à la remise de la documentation bancaire relative
aux opérations décrites, ainsi qu'à la détermination du sort des fonds.
Le 31 octobre 2003, l'Office fédéral a délégué au Ministère public de la
Confédération l'exécution de la demande, laquelle a été complétée à plusieurs
reprises.
Le 14 novembre 2003, le Parquet général de la Fédération de Russie a précisé
qu'était aussi impliqué dans le blanchiment des fonds Mikhail Borissovitch
Khodorkovski, fondateur du groupe Menatep. Celui-ci détenait la totalité du
capital-actions de plusieurs sociétés mêlées à l'affaire, dont E.________. Il
était signalé également que Menatep était titulaire de différents comptes
bancaires, à Genève et Zurich.
Selon le complément du 18 novembre 2003, Khodorkovski avait été inculpé, dans
le même contexte de faits, pour escroquerie, abus de confiance, insoumission
à une décision judiciaire, appropriation, soustraction d'impôt et faux dans
les titres, commis dans le cadre d'un groupe organisé. Khodorkovski aurait
dirigé l'opération consistant à mettre la main sur le capital de A.________,
ainsi que les ventes à F.________ et O.________. Avec Lebedev, Khodorkovski
aurait obtenu frauduleusement des subventions pour un montant total de
407'120'540,28 RUR. Pour le blanchiment des fonds provenant des opérations
délictueuses mises à la charge des prévenus, ceux-ci se seraient servis de
sociétés dépendant de Menatep, parmi lesquelles Yukos Universal Ltd
(ci-après: Yukos), active dans la production et le commerce du pétrole. La
demande tendait à la saisie de la documentation relative à plusieurs comptes
détenus par les différentes sociétés contrôlées par Menatep et Yukos, dont
E.________, ainsi que par les personnes physiques associées aux affaires de
Khodorkovski.
Le 12 mars 2004, l'autorité requérante a demandé qu'un représentant du
Parquet général soit autorisé à participer à l'exécution des actes
d'entraide. Elle a également produit une ordonnance rendue le 12 mars 2004
par le juge pour le district de Basmany de la ville de Moscou. Des actions
civiles avaient été formées devant ce tribunal pour obtenir de Khodorkovski
et consorts le paiement d'un montant total de 127'000'000'000 RUR, en
relation avec l'appropriation des actions de A.________. A titre de
garanties, le juge a ordonné la saisie des fonds déposés sur tous les comptes
détenus par les prévenus et les sociétés impliquées, dont E.________, ainsi
que par plusieurs tiers, auprès de divers établissements bancaires en Suisse.
Selon le complément du 19 mars 2004, Yukos aurait vendu à des sociétés
qu'elle contrôlait du pétrole et des produits dérivés à des prix inférieurs à
celui du marché. Les destinataires auraient revendu ces produits à leur
véritable prix. Le butin, correspondant à la différence de prix, aurait été
blanchi en Suisse. Au complément était jointe une décision rendue le 18 mars
2004 par le juge pour le district de Basmany, ordonnant le séquestre de
comptes ouverts en Suisse, pour les besoins de la procédure pénale en cours.
Ce complément mentionne que E.________ aurait servi au blanchiment du produit
des délits mis à la charge de Khodorkovski et de ses comparses.
Le 25 mars 2004, le Ministère public a rendu une décision d'entrée en matière
ordonnant le séquestre d'un montant équivalent à 2'244'179'505,14 CHF déposé
sur le compte n°ggg ouvert au nom de E.________ auprès de la banque
U.________.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, E.________  demande
au Tribunal fédéral d'ordonner la levée du séquestre. Elle invoque l'art. 80e
de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20
mars 1981 (EIMP; RS 351.1), ainsi que le principe de la proportionnalité.
Le Ministère public conclut principalement au rejet du recours,
subsidiairement à son rejet dans la mesure de sa recevabilité. L'Office
fédéral propose de rejeter le recours dans la mesure où il est recevable.
Invitée à répliquer, la recourante a maintenu ses conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La Confédération suisse et la Fédération de Russie sont toutes deux parties à
la CEEJ. Peut également s'appliquer en l'occurrence la Convention européenne
relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des
produits du crime (CBl; RS 0.311.53), entrée en vigueur le 1er septembre 1993
pour la Suisse et le 1er décembre 2001 pour la Russie. Les dispositions de
ces traités l'emportent sur le droit interne régissant la matière, soit
l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11), qui sont applicables
aux questions non réglées, explicitement ou implicitement, par le droit
conventionnel, et lorsque le droit interne est plus favorable à l'entraide
que le traité (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p. 142;
120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2a p. 191/192; 118 Ib 269
consid. 1a p. 271, et les arrêts cités). Est réservé le respect des droits
fondamentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617).

2.
Aux termes de l'art. 80e let. b ch. 1 EIMP, peuvent faire l'objet d'un
recours de droit administratif les décisions incidentes antérieures à la
décision de clôture, en cas de préjudice immédiat et irréparable découlant de
la saisie d'objets ou de valeurs. Il incombe au recourant d'indiquer, dans
l'acte de recours, en quoi consiste le dommage et de démontrer que celui-ci
ne serait pas réparé par un prononcé annulant, le cas échéant, la décision de
clôture à rendre ultérieurement. Quant au préjudice à prendre en
considération, il peut s'agir de l'impossibilité de satisfaire à des
obligations contractuelles échues (paiement de salaires, intérêts, impôts,
prétentions exigibles, etc.), du fait d'être exposé à des actes de poursuite
ou de faillite, ou la révocation d'une autorisation administrative, ou de
l'impossibilité de conclure des affaires sur le point d'aboutir. La seule
nécessité de faire face à des dépenses courantes ne suffit pas, en règle
générale, à rendre vraisemblable un préjudice immédiat et irréparable au sens
de l'art. 80e let. b ch. 1 EIMP (ATF 128 II 353 consid. 3 p. 354).
La recourante est une filiale de Menatep. Elle est titulaire du compte n°ggg,
ouvert le 29 novembre 2002, et dont notamment Khodorkovski et Lebedev sont
les ayants droit. En 2003, Yukos a envisagé une fusion avec la société russe
J.________. Pour le financement de cette opération, Yukos a emprunté à la
banque Q.________ à Paris un montant de 1'600'000'000 USD, aux termes d'un
contrat passé le 30 septembre 2003 (ch. 2.1 du contrat). Le 3 octobre 2003,
la recourante a confié à la banque U.________ le mandat de fournir à la
banque Q.________ un montant "collatéral" équivalent à celui du prêt accordé
(art. 2 let. c du contrat). L'exécution de ce mandat a fait l'objet de trois
accords entre la banque Q.________ et la banque U.________ ("Risk
Participation Agreement"; "Deed of Indemnity" et "Charge Over Deposit
Accounts"), sur la base desquels la banque U.________ a remis à la banque
Q.________ le montant convenu de 1'600'000'000 USD. Comme garantie, la
recourante a versé sur le compte n°ggg un montant total de 1'757'350'000 USD
(art. 3 let. b du contrat), qui correspond à celui faisant l'objet de la
saisie contestée.
Au titre du dommage immédiat et irréparable, la recourante expose que
l'immobilisation du montant saisi l'oblige à payer à la banque U.________,
selon l'art. 26 let. b du contrat du 3 octobre 2003, une rémunération
annuelle de 26'121'657,50 USD qu'au demeurant le séquestre l'empêcherait
d'honorer. A cela s'ajouterait que l'impossibilité de mettre à disposition le
montant saisi pourrait amener la banque U.________ et la banque Q.________ à
réaliser les droits de gage qu'elles détiennent, selon les accords passés
entre elles (cf. art. 2 du Risk Participation Agreement et 9 du Charge Over
Deposit Accounts). Le Ministère public et l'Office fédéral objectent qu'il
s'agit là d'une simple hypothèse, de sorte que le danger redouté ne serait
pas immédiat. Cet argument n'est pas déterminant. Le préjudice au sens de
l'art. 80e let. b EIMP ne doit pas nécessairement être réalisé pour être
immédiat. Si de simples conjectures ou hypothèses ne démontrent pas ce
caractère, une perspective sérieuse et rapprochée peut suffire. En
l'occurrence, sur le vu des accords passés entre la recourante, la banque
Q.________ et la banque U.________, il existe un risque concret et sérieux
que la recourante ne puisse récupérer le montant saisi, si le séquestre
devait perdurer. A ce propos, le Ministère public semble considérer la
possibilité d'une remise ultérieure des fonds, en vue de leur confiscation ou
restitution dans l'Etat requérant (cf. art. 74a EIMP). Or, une telle
perspective n'est pas envisageable à bref délai. Compte tenu de cette
circonstance particulière, la condition du préjudice immédiat et irréparable
au sens de l'art. 80e let. b ch. 1 EIMP doit être tenue pour remplie.

3.
Lorsqu'il entre en matière exceptionnellement sur un recours dirigé contre
une décision incidente, le Tribunal fédéral se borne à examiner le bien-fondé
de la mesure contestée. Il ne lui appartient pas de vérifier si la demande
d'entraide doit être admise, point qui ne peut être résolu qu'avec le
prononcé de la décision de clôture (arrêt 1A.195/ 1999 du 29 septembre 1999,
consid. 2e). Lorsque la décision attaquée autorise la présence d'agents
étrangers lors de l'exécution de la demande d'entraide (art. 80e let. b ch. 2
EIMP), l'intérêt à prendre en compte est lié à la protection du principe de
spécialité et à la sauvegarde de la procédure d'entraide. Il s'agit d'éviter
que l'autorité étrangère ne prenne connaissance d'informations ou de
renseignements avant l'entrée en force de la décision de clôture, ou que ces
informations ou renseignements ne parviennent à une autorité étrangère non
autorisée ou conduisant une enquête pour les besoins de laquelle l'entraide
ne peut être accordée. Lorsque la décision attaquée porte, comme en l'espèce,
sur la saisie d'avoirs déposés sur un compte bancaire (art. 80e let. b ch. 1
EIMP), l'intérêt à prendre en compte est lié au respect du principe de la
proportionnalité. Il s'agit d'éviter que le séquestre ne porte sur des fonds
étrangers à l'objet de la demande ou hors de proportion avec celui-ci. En
d'autres termes, l'autorité qui entre en matière sur la demande et, en
exécution de celle-ci, ordonne un séquestre, doit vérifier que cette mesure
de contrainte est réclamée par l'Etat requérant, qu'elle se trouve dans un
rapport suffisamment étroit avec les faits exposés dans la demande et qu'elle
n'est pas manifestement disproportionnée par rapport à l'objet de celle-ci.
Elle rend à ce propos une décision sommairement motivée (art. 80a EIMP).

4.
Selon le complément du 18 novembre 2003, les autorités requérantes ont
expressément demandé la remise des documents relatifs aux mouvements opérés
sur le compte n°ggg. Elles ont communiqué au Ministère public une décision
rendue le 12 mars 2004 par le juge du district de Basmany de la ville de
Moscou, ordonnant la saisie du compte litigieux. En rendant la décision
attaquée, le Ministère public s'est conformé à la mission confiée par l'Etat
requérant.

5.
A l'instar de ce qui prévaut pour les mesures provisoires, le prononcé d'une
décision incidente portant sur la saisie de fonds est possible même si, à ce
stade de la procédure, toutes les conditions d'octroi de l'entraide ne sont
pas encore remplies; une mesure de contrainte, tel qu'un séquestre, n'est
refusée que si les prétentions de l'Etat requérant sont manifestement mal
fondées (cf. ATF 123 II 268 consid. 4b/dd p. 276/277, et 116 Ib 96 consid. 3a
p. 99-101, concernant l'art. 18 EIMP).

5.1 De la demande et de ses compléments, il ne ressort pas que la recourante
aurait joué un rôle quelconque dans les opérations qui sont à l'origine de la
demande - soit l'acquisition frauduleuse du capital-actions de A.________,
ainsi que la vente d'engrais et de pétrole à des sociétés suisses dominées
par Menatep, à un prix trop bas. Les autorités russes demandent la remise de
la documentation relative au compte litigieux et la saisie des fonds déposés
sur celui-ci, parce qu'elles soupçonnent la recourante, filiale du groupe
Menatep, d'avoir servi au blanchiment du produit des infractions mises à la
charge de Khodorkovski et consorts (cf. notamment le complément du 18
novembre 2003 et l'ordonnance de saisie du 12 mars 2004).
A cet égard, la recourante expose que les fonds saisis avaient été réunis et
transférés auprès d'elle afin de garantir le financement de l'opération de
fusion de Yukos et J.________. Elle fait valoir, pièces à l'appui, que ces
fonds proviendraient de la vente d'actions de Yukos et de dividendes. Cette
affirmation mérite d'être vérifiée. Il conviendra notamment d'éclaircir le
cheminement des fonds entre les différentes sociétés du groupe Menatep. En
l'état, les conditions d'une remise de la documentation relative au compte
n°ggg ne sont manifestement pas réunies. Faute d'indications à ce propos,
l'autorité requise se trouve en effet dans l'impossibilité de déterminer,
même de la manière la plus ténue, en quoi les fonds saisis représenteraient
le produit des opérations liées à l'acquisition de A.________ ou à la vente
d'engrais et de pétrole. Or, si la demande étrangère présentée pour les
besoins de la répression de faits de blanchiment ne doit pas nécessairement
contenir la preuve de la commission de ce délit ou de l'infraction
principale, et souffre de se limiter à faire état de transactions suspectes
(ATF 129 II 97), l'Etat requérant ne peut cependant se contenter de produire
une simple liste de personnes recherchées et des montants détournés; il lui
faut joindre des éléments propres à démontrer, au moins à première vue, que
les comptes dont le séquestre est demandé ont effectivement servi au
transfert des fonds dont on soupçonne l'origine délictueuse (ATF 126 II 258,
consid. 3a non publié; 125 II 356 consid. 6a non publié; cf. par exemple
l'arrêt 1A.267/2003 du 14 janvier 2004). Le dossier ne contient aucun élément
suffisant à ce propos. Il appartiendra au Ministère public d'inviter l'Etat
requérant à remédier au défaut qui affecte la demande. La question de savoir
si le séquestre pourrait être maintenu dans l'intervalle ne se pose pas en
l'occurrence, car la mesure contestée doit de toute manière être levée au
regard du principe de la proportionnalité (consid. 6 ci-dessous).

5.2 Dans ses observations du 29 avril 2004, le Ministère public semble
défendre le point de vue que les fonds litigieux pourraient être confisqués
ultérieurement au titre de la créance compensatrice au sens de l'art. 59 ch.
3 CP. Cette affirmation - dont il n'y a pas lieu d'examiner le bien-fondé -
suscite toutefois un certain doute quant au fait que le compte de la
recourante ait pu servir au blanchiment du produit des délits pour lesquels
l'entraide est demandée. Quant à l'Office fédéral, il émet l'avis que les
dispositions de la CBl imposeraient le maintien du séquestre. Dans ses
observations du 27 avril 2004, il fait valoir que selon l'art. 11 par. 1 CBl,
l'Etat requis est tenu de prendre les mesures provisoires qui s'imposent,
notamment la saisie, pour prévenir toute opération, transfert ou aliénation
relativement à un bien qui pourrait faire l'objet par la suite d'une
confiscation. Il convient de relever toutefois que les mesures au sens de
l'art. 11 CBl sont exécutées selon le droit de l'Etat requis (art. 12 par. 1
CBl) soit, en l'occurrence, les principes développés dans la jurisprudence et
rappelés ci-dessus. Au demeurant, la CBl n'a pas pour effet que des décisions
de saisie, ordonnées dans l'Etat requérant à l'appui d'une demande d'entraide
fondée sur cette Convention, s'appliqueraient en Suisse automatiquement et
sans contrôle de la conformité au droit interne de la mesure réclamée.

6.
En vertu du principe de la proportionnalité qui s'applique à tous les stades
de la procédure d'entraide, l'étendue du séquestre doit rester en rapport
avec le produit de l'infraction poursuivie. Cette exigence résulte également
de l'art. 27 par. 2 CBl, à teneur duquel lorsqu'une demande de mesures
provisoires vise la saisie d'un bien qui pourrait faire l'objet d'une
décision de confiscation consistant en l'obligation de payer une somme
d'argent, cette demande doit aussi indiquer la somme maximale que l'on
cherche à récupérer sur ce bien.
La décision de saisie rendue le 12 mars 2004 par le juge du district de
Basmany indique que le dommage subi à raison des manoeuvres frauduleuses
entourant l'acquisition du capital de A.________ auraient causé un dommage de
283'142'000 USD. Dans le même contexte de fait, des plaignants auraient émis
des prétentions civiles pour un montant total de 127'000'000'000 RUR, qui se
rapproche du montant total des séquestres ordonnés en Suisse par le Ministère
public, soit 6'200'000'000 CHF environ. La demande et ses compléments ne
contiennent toutefois aucun élément permettant de déterminer, même de manière
minimale, la cause, la nature et l'étendue d'un dommage aussi considérable,
qui serait de nature à justifier le prononcé du séquestre contesté.
Bien fondé à cet égard, le recours doit être admis et la décision attaquée
annulée. Il n'est pas exclu, de prime abord, que le Ministère public puisse
prendre ultérieurement une autre mesure de contrainte. Cela présupposerait
toutefois que les incertitudes relatives à l'exposé des faits poursuivis
soient dissipées.

7.
Il est statué sans frais (art. 156 OJ). Le Ministère public versera à la
recourante une indemnité de 5000 fr. à titre de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée annulée.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le Ministère public de la Confédération versera à la recourante une indemnité
de 5000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la recourante et
au Ministère public de la Confédération, ainsi qu'à l'Office fédéral de la
justice (B 144 708).

Lausanne, le 8 juin 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: