Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.42/2004
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1A.42/2004/col

Arrêt du 16 août 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président
du Tribunal fédéral, Reeb, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

X. ________,
recourant, représenté par Me François Bolsterli, avocat, quai des Bergues 23,
1201 Genève,

contre

Département de l'aménagement, de l'équipement
et du logement du canton de Genève,
rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève 8,
Tribunal administratif du canton de Genève,
case postale 1956, 1211 Genève 1.

rénovation et agrandissement d'un bâtiment d'habitation sis en zone agricole,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Genève du 20 janvier 2004.

Faits:

A.
X.  ________ est propriétaire de la parcelle n° 2213 de la commune de
Choulex,
à proximité du hameau de Chevrier. Cette parcelle de 3'004 mètres carrés,
sise en zone agricole, a été détachée de la parcelle voisine lors de son
acquisition par le père de X.________, au début des années septante. Elle
accueille une ancienne dépendance en bois de 56 mètres carrés ainsi qu'un
poulailler désaffecté de 8 mètres carrés. Selon les indications fournies par
la commune de Choulex le 2 avril 2003, l'ancienne dépendance a été rendue
habitable par le précédent propriétaire, Y.________, qui y logeait ses
ouvriers agricoles dans les années cinquante déjà, alors qu'il était
maraîcher. Elle a été utilisée comme résidence secondaire par Z.________,
puis par son fils, X.________; elle comporte actuellement une chambre, une
cuisine, des sanitaires, un séjour et une terrasse couverte. Elle est
alimentée en électricité et raccordée au réseau d'évacuation des eaux claires
et des eaux usées.
Le 21 janvier 2002, X.________ a requis l'autorisation de rénover et
d'agrandir l'ancienne dépendance par l'adjonction d'une chambre de 14,5
mètres carrés, dans l'intention d'y établir son domicile principal. Par
décision du 26 juin 2002, le Département de l'aménagement, de l'équipement et
du logement du canton de Genève (ci-après: le Département) a refusé de
délivrer l'autorisation de construire sollicitée au motif que la
transformation et l'agrandissement projetés n'étaient pas conformes à
l'affectation agricole de la zone et que l'octroi d'une autorisation
dérogatoire fondée sur les art. 24 et 24c de la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) n'entrait pas en ligne de compte,
la destination du bâtiment en cause en habitation n'ayant jamais été
autorisée et l'agrandissement envisagé n'étant pas imposé par sa destination.
Statuant le 3 juillet 2003 sur recours du propriétaire, la Commission
cantonale de recours en matière de constructions a annulé cette décision et a
invité le Département à délivrer l'autorisation sollicitée. Elle a estimé que
le bâtiment litigieux était voué à l'habitation depuis plus de cinquante ans
et qu'il pouvait de ce fait être agrandi dans les limites prévues par l'art.
24c LAT.
Au terme d'un arrêt rendu le 20 janvier 2004, le Tribunal administratif du
canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale) a
admis le recours formé par le Département contre cette décision qu'il a
annulée. Il a considéré que l'ancienne dépendance n'était pas conforme à
l'affectation agricole de la zone, en tant qu'elle servait à l'habitation
d'un non-agriculteur, et que son implantation hors de la zone à bâtir n'était
pas imposée par sa destination, de sorte qu'une autorisation de construire à
titre dérogatoire au sens de l'art. 24 LAT n'entrait pas en ligne de compte.
Il a estimé que le logement de personnes n'ayant aucun rapport avec
l'agriculture constituait un changement d'affectation qui n'aurait pas été
autorisé dans les années cinquante, ce qui excluait l'application de l'art.
24c LAT. Il a encore relevé que la prescription trentenaire n'avait pas pour
effet de légaliser la situation, mais qu'elle s'opposait tout au plus au
rétablissement de l'état conforme au droit.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, d'inviter le Département à lui délivrer
l'autorisation de construire sollicitée et de condamner l'Etat de Genève aux
dépens de la procédure de recours tant devant le Tribunal fédéral que devant
le Tribunal administratif; à titre subsidiaire, il conclut au renvoi du
dossier à cette dernière autorité pour qu'elle confirme la décision de la
Commission cantonale de recours en matière de constructions, le cas échéant,
pour instruction complémentaire dans le sens des considérants. Il se plaint
d'une mauvaise application des art. 24a et 24c LAT, d'une constatation
inexacte et incomplète des faits pertinents et d'une violation de l'art. 26
Cst.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Département et l'Office
fédéral du développement territorial concluent au rejet du recours.

X. ________ a répliqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Aux termes de l'art. 34 al. 1 LAT, la voie du recours de droit administratif
est ouverte contre les décisions prises, comme en l'espèce, par l'autorité
cantonale de dernière instance à propos de la reconnaissance de la conformité
à l'affectation de la zone de constructions et d'installations sises hors de
la zone à bâtir et sur des demandes de dérogation selon les art. 24 à 24d
LAT. C'est également par cette voie que le recourant doit faire valoir la
violation de ses droits constitutionnels, tels que la garantie de la
propriété privée ou le droit d'être entendu (ATF 125 II 1 consid. 2a p. 5;
122 IV 8 consid. 1b p. 11 et les arrêts cités). En tant que propriétaire de
la parcelle litigieuse et requérant débouté de l'autorisation de transformer
et d'agrandir le bâtiment d'habitation qui y est érigé, X.________ a un
intérêt digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué au sens de
l'art. 103 let. a OJ. Les autres exigences de recevabilité du recours de
droit administratif sont au surplus remplies, de sorte qu'il y a lieu
d'entrer en matière.

2.
Le Tribunal fédéral applique d'office le droit fédéral sans être lié par les
motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(art. 114 al. 1 OJ). Il peut ainsi admettre le recours pour d'autres raisons
que celles invoquées par le recourant ou, au contraire, confirmer la décision
attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (ATF
128 II 34 consid. 1c p. 37). Il est cependant lié par les faits tels qu'ils
ont été constatés par le Tribunal administratif, à moins qu'ils ne soient
manifestement inexacts ou incomplets (art. 105 al. 2 OJ).

3.
Le recourant ne conteste pas à juste titre que la construction litigieuse
n'est pas conforme à la destination de la zone agricole et qu'une
autorisation de construire ne pouvait lui être accordée sur la base de l'art.
22 al. 2 LAT (cf. ATF 112 Ib 404 consid. 3 p. 406; arrêt A.421/1985 du 25
février 1986 consid. 2 paru à la RDAF 1986 p. 287). Il prétend en revanche
que les conditions posées à l'octroi d'une autorisation dérogatoire fondée
sur l'art. 24c LAT étaient réalisées. Il soutient que l'affectation de
l'ancienne dépendance à l'habitation est intervenue de manière licite, de
sorte qu'il devrait bénéficier des possibilités d'agrandissement offertes par
cette disposition, et se plaint sur ce point d'une constatation inexacte et
incomplète des faits. Il affirme en outre qu'en raison de la prescription,
l'usage de l'ancienne dépendance comme habitation devrait être considéré
comme licite et que l'art. 24c LAT serait applicable.

3.1  Selon cette disposition, les constructions et installations sises hors
de
la zone à bâtir, qui peuvent être utilisées conformément à leur destination
mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone, bénéficient en
principe de la garantie de la situation acquise (al. 1). L'autorité
compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et
installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou
leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou
transformés légalement. Dans tous les cas, les exigences majeures de
l'aménagement du territoire doivent être satisfaites (al. 2).
Le champ d'application de l'art. 24c LAT est restreint aux constructions et
aux installations sises hors de la zone à bâtir, qui ne sont plus conformes à
l'affectation de la zone à la suite d'un changement de réglementation. La
garantie de la situation acquise ne profite ainsi qu'aux constructions
érigées ou transformées de manière conforme au droit matériel en vigueur à
l'époque (art. 41 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire [OAT; RS
700.1]; ATF 127 II 209 consid. 2c p. 212), soit avant le 1er juillet 1972,
date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la
protection des eaux contre la pollution qui a introduit expressément le
principe de la séparation du territoire bâti et non bâti (ATF 129 II 396
consid. 4.2.1 p. 398, confirmé en dernier lieu dans un arrêt 1A.17/2004 du 18
mai 2004, consid. 2).

3.2  En l'espèce, le bâtiment litigieux était à l'origine inscrit au cadastre
comme dépendance en bois et n'était pas affecté à l'habitation. Selon une
lettre de la commune de Choulex du 2 avril 2003, qui se fonde sur le
témoignage d'anciens du village, il s'agissait d'un pavillon que son
précédent propriétaire a rendu habitable dans les années cinquante aux fins
d'y loger ses ouvriers agricoles, sans que l'on sache si ce changement
d'affectation a ou non été autorisé. Cette question pouvait demeurer
indécise. A supposer que tel soit le cas, il est établi que Y.________ avait
cessé son activité de maraîcher et qu'il ne logeait plus d'employés dans
l'ancienne dépendance lorsque le père du recourant, Z.________, en a fait
l'acquisition en 1971 pour en faire sa maison de week-end, avant de la céder
à son fils pour le même usage en 1983. La question de savoir si le précédent
propriétaire avait déjà utilisé l'ancienne dépendance pour son habitation
personnelle, avant de la vendre au père du recourant peut rester ouverte, car
dans tous les cas, cette nouvelle affectation est intervenue avant le 1er
juillet 1972, date tenue pour déterminante pour l'application de l'art. 24c
LAT. Or, une telle affectation n'était pas conforme à la destination de la
cinquième zone agricole (5è zone B), destinée aux exploitations et
habitations rurales et aux grands domaines de plaisance, en vertu de l'art.
11 al. 6 de la loi genevoise sur les constructions et installations diverses
du 25 mars 1961 (LCI), alors en vigueur, et ne pouvait être admise qu'au
bénéfice d'une autorisation dérogatoire fondée sur l'art. 180A LCI, dont rien
n'indique qu'elle ait été requise et délivrée (cf. arrêt A.421/1985 du 25
février 1986 consid. 2 paru à la RDAF 1986 p. 287). En l'absence d'une telle
autorisation, dont il appartenait au recourant d'établir la réalité, dès lors
qu'il entendait en tirer argument (cf. arrêt 1A.163/1994 du 16 février 1995
consid. 4a), la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en admettant
que l'ancienne dépendance avait été si ce n'est construite, du moins
transformée illégalement et en tenant l'art. 24c LAT pour inapplicable, étant
précisé que la notion de transformation visée par cette disposition s'entend
également d'un changement d'affectation (ATF 113 Ib 303 consid. 3b p.
305/306; arrêt 1A.247/1997 du 15 janvier 1998 consid. 2a publié in RDAF 1998
I p. 158 et les références citées). Le fait qu'une telle affectation perdure
depuis plus de trente ans sans intervention des autorités communales et
cantonales n'a pas pour effet de la rendre licite et de permettre
l'application de l'art. 24c LAT, mais s'oppose tout au plus à une remise en
état des lieux (ATF 107 Ia 121 consid. 1a p. 123; 105 Ib 265 consid. 6a p.
270). Sur ce point, le recours est mal fondé.

4.
Le recourant prétend enfin que son projet pourrait être autorisé par une
application combinée des art. 24a et 24c LAT.
Comme le relève le Département dans ses observations, l'application de l'art.
24a LAT n'entre pas en considération en l'espèce, puisque la demande
d'autorisation litigieuse concerne non pas un changement d'affectation, mais
une rénovation et un agrandissement d'un bâtiment existant nécessitant des
travaux de transformation au sens de l'art. 22 al. 1 LAT. De plus,
l'affectation de l'ancienne dépendance utilisée pour loger des ouvriers
agricoles à l'habitation de personnes sans lien avec l'agriculture est
intervenue avant l'entrée en vigueur de l'art. 24a LAT. Au surplus, à
supposer que ce changement d'affectation puisse être tenu pour conforme à
cette disposition, il est douteux que celle-ci permette un agrandissement
ultérieur du bâtiment fondé sur l'art. 24c LAT. Suivant le message du Conseil
fédéral du 26 mai 1996 relatif à une révision partielle de la loi fédérale
sur l'aménagement du territoire, la transformation d'un logement agricole en
une habitation sans rapport avec l'agriculture doit être considéré comme un
changement complet d'affectation qui exclut tout agrandissement ultérieur (FF
1996 III 512). Si cette argumentation, développée dans le cadre de l'art. 24d
LAT, devait également valoir pour les changements d'affectation autorisés en
application de l'art. 24a LAT (cf. en ce sens, Office fédéral du
développement territorial, Nouveau droit de l'aménagement du territoire,
Explications relatives à l'OAT, Berne 2001, ch. 2.4.3 ad art. 41, p. 43), le
bâtiment litigieux ne pourrait plus être agrandi parce que le changement
d'affectation survenu à la fin des années soixante ou, au plus tard, au début
des années septante a épuisé les possibilités de transformation offertes par
l'art. 24c LAT. Dans la mesure où l'art. 24a LAT n'entre pas en
considération, cette question peut toutefois demeurer indécise.

5.
Le résultat auquel aboutit l'arrêt attaqué n'est pas contraire à la garantie
constitutionnelle de la propriété, étant donné qu'elle ne protège que
l'exercice légal de la propriété (ATF 111 Ib 213 consid. 6c p. 225 et les
références citées). Le grief tiré de la violation de l'art. 26 al. 1 Cst. est
ainsi mal fondé.

6.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant, qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu à d'allouer des dépens aux
autorités concernées.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et au Tribunal
administratif du canton de Genève ainsi qu'à l'Office fédéral du
développement territorial.

Lausanne, le 16 août 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: