Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.29/2004
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1A.29/2004 /col

Arrêt du 21 septembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

WWF Suisse, représenté par Serge Ansermet,
secrétaire régional du WWF Vaud, case postale,
1800 Vevey 1,
recourant,

contre

A.________, B.________ et C.________,
intimés, représentés par la Société rurale d'assurance
de protection juridique FRV,
Municipalité de Chavannes-le-Chêne,
1464 Chavannes-le-Chêne,
Département de la sécurité et de l'environnement du canton de Vaud, Service
de l'aménagement du territoire, 1014 Lausanne, représenté par Me Edmond C.M.
de Braun, avocat,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014
Lausanne.

construction d'une halle d'élevage de poulets,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Vaud du 8 janvier 2004.
Faits:

A.
Le 10 janvier 2002, le Département des infrastructures du canton de Vaud, par
son Service de l'aménagement du territoire (SAT), a accordé l'autorisation
spéciale requise pour la construction en zone agricole, sur la parcelle n°
349 du cadastre de Chavannes-le-Chêne, propriété de A.________, d'une halle
d'élevage de poulets d'une capacité de 12'000 places. La construction, de
59,24 m par 15,74 m, serait située au nord-est du village, à 80 m de
l'habitation la plus proche. Le domaine agricole, de 41,5 ha était exploité
par A.________, avec l'aide de ses fils C.________ et B.________ - ce dernier
à temps partiel; il devait être repris par ceux-ci en 2003. L'exploitation se
diversifiait et paraissait viable. L'élevage de poulets devait permettre à
plus long terme de subvenir aux besoins de deux familles. Après la
réalisation du projet, la production de matière sèche du domaine
correspondrait à 88,3% de la consommation. L'étude d'impact avait démontré
qu'aucun intérêt public prépondérant ne s'opposait au projet. Au sujet des
oppositions du WWF (Suisse et Vaud) et d'un propriétaire voisin, le
département cantonal a considéré que le projet entrait dans le cadre du
développement interne de l'exploitation, et ne nécessitait pas de
planification spécifique. Les distances minimales étaient respectées. Cette
autorisation spéciale contient la "décision finale" prise au terme de la
procédure d'étude de l'impact sur l'environnement.
Le 16 janvier 2002, la Municipalité de Chavannes-le-Chêne a décidé de lever
les oppositions, en se référant aux motifs exposés par le département
cantonal.

B.
Par arrêt du 8 janvier 2004, le Tribunal administratif vaudois a rejeté le
recours formé par le WWF (Suisse et Vaud) contre cette dernière décision. Le
projet n'était pas soumis à l'obligation de planifier. La décision du
département cantonal était insuffisamment motivée s'agissant de savoir si le
projet pouvait être autorisé au titre du développement interne. L'instruction
a toutefois été complétée sur ce point et le Service de l'agriculture s'était
prononcé le 14 juillet 2003 en se fondant sur une analyse établie par
l'Office de crédit agricole de l'organisation Prométerre le 6 juin précédent:
l'excédent annuel sur opérations courantes, augmenté des revenus accessoires,
permettait la couverture des besoins des exploitants et laissait un solde
positif de 1959 fr. Sans la halle, il faudrait compter avec une perte
annuelle de 11'570 fr. qui ne permettrait pas la survie de l'exploitation à
long terme. Les conditions fixées à l'art. 36 OAT étaient ainsi remplies. La
future halle d'élevage ne pouvait être regroupée avec les autres bâtiments de
l'exploitation, en raison des odeurs susceptibles d'être dégagées.

C.
Le WWF Suisse forme un recours de droit administratif par lequel il demande
l'annulation de ce dernier arrêt, ainsi que du permis de construire.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt et conclut au rejet du
recours. Le SAT, au nom du département cantonal compétent, conclut au rejet
du recours, de même que la Municipalité de Chavannes-le-Chêne. Les intimés
A.________, B.________ et C.________ concluent à l'irrecevabilité du recours,
subsidiairement à son rejet. Le Service cantonal de l'agriculture a déposé
des déterminations.
Egalement invité à répondre, l'Office fédéral du développement territorial
(ODT) conclut à l'admission du recours. Les parties ont pu présenter des
observations complémentaires après la communication de la réponse de l'ODT.
Par ordonnance du 8 mars 2004, l'effet suspensif a été accordé.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 130 II 321 consid. 1 p. 324 et les arrêts cités).

1.1  Selon les art. 97 et 98 let. g OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie
du recours de droit administratif est ouverte contre les décisions des
autorités cantonales de dernière instance et qui sont fondées sur le droit
public fédéral - ou qui auraient dû l'être - pour autant qu'aucune des
exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne
soit réalisée.
En l'occurrence, le recourant prétend que l'autorité intimée aurait violé le
droit fédéral en considérant que la halle litigieuse était conforme à la
destination de la zone agricole et qu'elle pouvait être autorisée en
application des art. 22 al. 2 let. b LAT et 36 OAT.

1.2  Le WWF Suisse a qualité pour recourir selon les art. 103 let. c OJ et 55
al. 1 et 2 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE; RS
814.01): elle fait partie des organisations habilitées à recourir, désignées
par le Conseil fédéral (ch. 3 annexe ODOP; RS 814.076); les installations
destinées à l'élevage d'animaux de rente, comprenant plus de six mille places
pour poulets à l'engrais, sont soumises à l'étude de l'impact sur
l'environnement (ch. 80.4 annexe OEIE; RS 814.011).

1.3  Le recourant soutient que l'exploitation actuelle serait déjà viable à
long terme pour une seule famille, sans qu'il soit nécessaire d'ajouter un
revenu complémentaire. L'argumentation est ainsi différente de celle qui
était soumise à la cour cantonale, devant laquelle le recourant faisait
valoir au contraire que la survie de l'exploitation n'était pas démontrée.
Les intimés en déduisent à tort que le grief serait irrecevable: l'objet du
litige, limité à l'application des art. 16a al. 2 LAT et 36 OAT, ne s'en
trouve pas modifié, et rien n'empêche le recourant d'adapter son
argumentation à l'état de fait qui a été finalement retenu en dernière
instance cantonale après instruction complémentaire.

1.4  Le Tribunal fédéral applique d'office le droit fédéral sans être lié par
les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions des
parties (art. 114 al. 1 OJ). Il peut ainsi admettre le recours pour d'autres
raisons que celles invoquées par les recourants ou, au contraire, confirmer
la décision attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité
intimée (ATF 128 II 34 consid. 1c p. 37). Le Tribunal fédéral est cependant
lié par les faits tels qu'ils ont été constatés par le Tribunal
administratif, à moins qu'ils ne soient manifestement inexacts ou incomplets
(art. 105 al. 2 OJ).

2.
Le recourant estime que l'entreprise agricole, actuellement gérée par
A.________, offrirait "un revenu très confortable" à celui-ci. Il serait
contraire au droit fédéral de vouloir faire vivre deux familles, soit celles
des deux fils de l'exploitant qui ont déclaré vouloir reprendre en commun
l'entreprise de leur père. Selon la loi fédérale sur le droit foncier rural
(LDFR, RS 211.412.11 - dont il y aurait lieu d'assurer une application
cohérente avec la LAT), l'entreprise agricole ne devrait être transmise qu'à
un seul exploitant, y compris en cas de succession en ligne directe. Tolérer
la reprise de l'exploitation par plusieurs personnes permettrait toutes
sortes d'abus. L'ODT partage en substance ce point de vue. Il relève en
premier lieu que l'activité accessoire de dépannages agricoles, poursuivie
jusque-là par B.________, devrait être prise en compte dans les revenus de la
future exploitation en commun. Par ailleurs, la nécessité d'un développement
interne devrait s'apprécier sur la base de critères objectifs; à l'instar des
art. 7, 16 et 60 LDFR, la LAT viserait une entreprise agricole destinée à une
famille moyenne, soit deux parents et trois enfants, soit 3,2 à 3,5 unités de
consommation selon les normes élaborées par la Station fédérale de recherches
d'économie d'entreprise et de génie rural de Tänikon (normes FAT). La reprise
de l'exploitation par les deux fils ne correspondrait pas à cette notion
standardisée de famille unique.

2.1  Selon l'art. 16a al. 1, 1ère phrase LAT, sont conformes à l'affectation
de la zone agricole les constructions ou installations qui sont nécessaires à
l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice. Cette définition
correspond à celle que la jurisprudence avait élaborée sur la base de
l'ancien art. 16 LAT: seules les constructions dont la destination correspond
à la vocation agricole du sol peuvent donner lieu à une autorisation
ordinaire au sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT. Le sol doit être le facteur
de production primaire et indispensable et les modes d'exploitation dans
lesquels le sol ne joue pas un rôle essentiel ne sont pas agricoles (cf. ATF
125 II 278 consid. 3a p. 281 et les arrêts cités). Ainsi, les constructions
et installations pour l'élevage d'animaux de rente ne sont conformes à
l'affectation de la zone agricole que si une part prépondérante des fourrages
provient de la production propre à l'exploitation (ATF 117 Ib 270 consid. 3a
p. 279, 502 consid. 4a p. 504, s'agissant d'une halle d'engraissement de
volaille). La conformité d'un projet ou d'une installation à la zone agricole
dépend ainsi d'une appréciation globale à long terme du système
d'exploitation et des moyens mis en oeuvre pour sa réalisation (ATF 117 Ib
502 consid. 4a p. 504).
La conformité à l'affectation de la zone agricole est admise non seulement
pour les constructions et installations répondant à la définition de l'art.
16a al. 1, 1ère phrase LAT, mais également, aux termes de l'art. 16a al. 2
LAT, pour celles qui servent au développement interne d'une exploitation
agricole ou d'une exploitation pratiquant l'horticulture productrice. Il y a
"développement interne" lorsqu'un secteur de production non tributaire du sol
- garde d'animaux de rente (art. 36 OAT), cultures maraîchères ou horticoles
indépendantes du sol (art. 37 OAT) - est adjoint à une exploitation
tributaire de façon prépondérante du sol afin que la viabilité de cette
exploitation soit assurée. La loi fédérale définit aujourd'hui plus largement
la conformité à la zone agricole car, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'art.
16a al. 2 LAT, la jurisprudence n'admettait les constructions ou les
installations servant au développement interne qu'aux conditions restrictives
de l'art. 24 LAT (arrêt 1A.86/2001 du 21 mai 2002, publié in SJ 2002, consid.

3.3  p. 543).
Sous l'empire de l'ancien droit, le Tribunal fédéral admettait que
l'adjonction ou l'accroissement d'une production animale indépendante du sol
puisse éventuellement être nécessaire aux besoins du développement interne de
l'exploitation agricole concernée, et que l'implantation hors de la zone à
bâtir des constructions ou installations servant à cette production soit
alors imposée par la destination de celles-ci. Chaque cas devait être examiné
d'après la nature et l'importance de la production agricole traditionnelle de
l'exploitation, de la production indépendante du sol que l'on veut
entreprendre ou développer, et des circonstances locales. Le revenu
supplémentaire à attendre de la production indépendante du sol devait
apparaître nécessaire pour assurer à long terme la survie de l'exploitation
(ATF 117 Ib 270 consid. 4b p. 281, 279 consid. 3 p. 383, 502 consid. 5a p.
505 et les références citées).

2.2  L'art. 36 al. 1 OAT reprend ces principes, en prévoyant qu'une
construction ou installation destinée à l'élevage ou à la garde d'animaux de
rente non tributaire du sol et qui n'est pas située dans une zone
spécialement désignée à cet effet par le canton au sens de l'art. 16a al. 3
LAT peut être autorisée au titre de développement interne s'il est prévisible
que l'exploitation ne pourra subsister à long terme que grâce au revenu
complémentaire ainsi obtenu. Le développement interne doit être indispensable
au maintien de l'exploitation; il doit également être apte à atteindre ce
but. Cette aptitude ne pourra être reconnue s'il est prévisible que
l'entreprise ne pourra subsister à long terme, même après avoir tiré parti de
tout son potentiel de développement interne. Ces questions doivent être
examinées en fonction de l'évolution des conditions-cadres de la politique
agricole (Message du Conseil fédéral du 22 mai 1996 relatif à une révision
partielle de la LAT, FF 1996 III 490, chiffre 112). Par ailleurs, l'art. 36
al. 1 OAT suppose que la marge brute du secteur de production indépendante du
sol soit inférieure à celle de la production dépendante du sol (let. a) ou
que le potentiel en matières sèches de la culture végétale représente au
moins 70% des besoins en matières sèches des animaux de rente (let. b). La
marge brute provenant du secteur de production agricole non tributaire du sol
doit impérativement constituer moins de 50% de la marge brute totale.

2.3  En l'occurrence, le WWF ne conteste plus la viabilité de l'exploitation
agricole après la réalisation de la halle litigieuse; il ne conteste pas non
plus que les limites fixées à l'art. 36 al. 1 OAT, s'agissant du rapport
entre les marges brutes des activités dépendantes et indépendantes du sol et
de l'utilisation des matières sèches, seraient respectées. Seule est
litigieuse la question de savoir s'il faut tenir compte des besoins résultant
de la reprise de l'exploitation par les deux fils du précédent exploitant.

2.4  Contrairement à ce que soutient le recourant, aucune règle du droit
fédéral sur l'aménagement du territoire n'impose la reprise d'une
exploitation familiale par un seul des descendants de l'exploitant. Les
règles sur le développement interne ont été essentiellement développées, dans
l'optique d'une utilisation rationnelle du sol (art. 1 al. 1 LAT), afin
d'éviter que des autorisations de construire en zone agricole ne soient
délivrées de manière inconsidérée et que les constructions et installations
autorisées ne soient rapidement mises hors service, à la suite de l'abandon
de l'exploitation agricole (FF 1996 III 503).
Le recourant soutient que les règles de la LDFR devraient trouver à
s'appliquer, qu'il s'agisse du logement de l'exploitant ou de la survie
économique de l'entreprise. Toutefois, l'application coordonnée des deux lois
ne se justifie que pour autant que les buts poursuivis sont identiques, ou du
moins conciliables entre eux (ATF 121 II 307 consid. 5c p. 313). La LDFR a
notamment pour but le maintien des entreprises familiales et le renforcement
de la position de l'exploitant à titre personnel (art. 1 al. 1 LDFR). Elle
pose, dans cette perspective, des règles sur le partage des entreprises
agricoles, notamment en cas de succession. S'il est vrai que l'exigence d'un
successeur sérieux (art. 11 al. 1 LDFR) va dans le même sens que l'exigence
de viabilité à long terme posée à l'art. 36 al. 1 OAT, aucune des deux
réglementations n'impose de manière absolue un successeur unique. Avant
l'abrogation de l'art. 16 LDFR (en raison du peu d'importance pratique et des
difficultés liées au critère des "bons moyens d'existence"; RO 2003 4121; cf.
FF 2002 4611, 4615), la loi autorisait le partage d'une entreprise agricole
en deux ou plusieurs entreprises pour autant qu'elles offrent à chaque
famille paysanne de bons moyens d'existence. Les héritiers devaient être
capables d'exploiter eux-mêmes l'entreprise agricole (al. 2). Cela implique a
fortiori la possibilité d'une gestion commune du domaine par plusieurs
héritiers, pour autant qu'ils en remplissent chacun les conditions
(Commentaire LDFR, Brugg 1998, n° 12 ad art. 11 et n° 5 ad art. 19). Dans le
contexte actuel qui voit l'agriculture soumise à une forte pression, en
particulier en raison de la concurrence accrue résultant de l'ouverture des
marchés (cf. Message du Conseil fédéral concernant l'évolution future de la
politique agricole, FF 2002 4431 ss; ODT, Nouveau droit de l'aménagement du
territoire, explications relatives à l'OAT et recommandations pour sa mise en
oeuvre, 2000, p. 11; Donzallaz, Traité de droit agraire suisse: droit public
et droit privé, tome 1, Berne 2004 p. 241 ss), la reprise en commun de
l'activité agricole par les deux fils de A.________ s'inscrit dans la
continuité d'une organisation professionnelle existante. Elle n'apparaît pas
contraire aux objectifs de la LDFR, soit le maintien de l'exploitation de
type familial.
Comme cela est relevé ci-dessus, la possibilité de construire de nouveaux
bâtiments doit être réservée aux domaines agricoles dont le maintien semble
assuré à long terme d'après le concept de gestion présenté. La réalisation de
cette condition doit faire l'objet d'un examen concret et précis dans chaque
cas particulier, en tenant compte de la structure et de l'importance de
l'exploitation ainsi que des circonstances locales. S'il y a lieu, pour
déterminer la viabilité de l'exploitation, de s'en tenir à des critères
objectifs, ceux-ci n'en doivent pas pour autant être schématiques, puisque
c'est la situation concrète qui est déterminante. Ainsi, le critère,
préconisé par l'ODT, d'une famille "standardisée" composée de deux parents et
de trois enfants, ne trouve aucun fondement direct dans la loi et il ne
saurait être le seul applicable.

2.5  Le recourant évoque la possibilité d'abus consistant pour un exploitant
à
s'associer avec un ou plusieurs tiers afin de réduire artificiellement le
niveau de revenus de l'exploitation et de favoriser des modes de production
indépendants du sol. Un tel cas d'abus, qu'il y aurait certes lieu de
réserver, n'est manifestement pas réalisé en l'occurrence. Les enfants de
A.________, actuellement célibataires et âgés de 37 et 40 ans, exploitent le
domaine avec leur père depuis 1994, en se livrant à des activités accessoires
(dépannages agricoles, pose d'affiches). La reprise en propriété du domaine,
depuis 2003, procède ainsi d'un mode usuel de succession, et non d'une
manoeuvre destinée à accroître artificiellement les besoins de
l'exploitation.
Dans l'élaboration de son analyse financière, l'Office de crédit agricole de
Prométerre s'est fondé sur un budget d'exploitation établi le 17 octobre
2001. Celui-ci tient compte d'une consommation annuelle de 50'000 fr. pour
deux adultes. Ce chiffre n'est pas éloigné du montant correspondant aux 3,2 à
3,6 unités de consommation, tel que préconisé par l'ODT: selon l'évaluation
fournie en réponse par le service cantonal de l'agriculture, la "consommation
normée", sur cette base, se situe en effet entre 45'800 fr. (minimum sans la
construction de la halle) et 53'300 fr. (maximum avec construction de la
halle; chiffres arrondis). Par ailleurs, la perte annuelle sans
l'installation litigieuse est estimée entre 16'000 et 22'000 fr., alors qu'il
resterait théoriquement un solde disponible de 9'600 fr., respectivement
3'700 fr. en cas de réalisation du projet. Selon le budget d'exploitation du
17 octobre 2001, ces chiffres sont de 11'500 fr. (perte annuelle sans la
halle à poulets) et de 1'959 fr. (solde disponible en cas de réalisation du
projet). Dans les deux cas, les conditions posées à l'admission d'un cas de
développement interne sont réalisées.
L'ODT estime également qu'il existerait une incertitude sur la poursuite des
activités accessoires de dépannages agricoles. L'arrêt attaqué retient à ce
sujet que cette activité accessoire a été définitivement abandonnée; en
revanche, il a été tenu compte de l'activité complémentaire de B.________ en
tant que poseur d'affiches. Cela correspond aux intentions exprimées par les
intimés, et confirmées dans le cadre de la présente procédure. On ne saurait
reprocher à la cour cantonale d'avoir, sur ce point, établi les faits de
manière manifestement inexacte ou incomplète.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être
rejeté. Selon une jurisprudence constante, les organisations de protection de
la nature, du paysage ou de l'environnement sont normalement dispensées du
paiement des frais judiciaires lorsqu'elles succombent dans la procédure de
recours de droit administratif (cf. ATF 123 II 337 consid. 10a p. 357). Les
intimés sont représentés par une assurance de protection juridique qui n'a
elle-même pas recouru aux services d'un avocat; ils n'ont donc pas droit à
des dépens. Il en va de même des autorités cantonales (art. 159 al. 1 et 2
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à l'organisation recourante, à la
représentante des intimés, à la Municipalité de Chavannes-le-Chêne, au
Département de la sécurité et de l'environnement (Service de l'aménagement du
territoire), au Service de l'agriculture (autorité intéressée) et au Tribunal
administratif du canton de Vaud ainsi qu'à l'Office fédéral du développement
territorial.

Lausanne, le 21 septembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: