Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.25/2004
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1A.25/2004 /svc

Arrêt du 26 avril 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

Office des juges d'instruction fédéraux,
Rue du Mont-Blanc 4, case postale 1795,
1211 Genève 1, requérant,

contre

X.________,
opposant, représenté par Me Y.________, Fürsprecher.

Entraide judiciaire internationale en matière pénale
avec la France; levée de scellés,

requête de levée de scellés du Juge d'instruction fédéral du 3 février 2004.

Faits:

A.
Le 1er octobre 2002, un Juge d'instruction auprès du Tribunal de grande
instance de Marseille a adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire
pour les besoins d'une information pénale ouverte contre inconnu du chef de
blanchiment commis à titre habituel, en relation avec l'acquisition de
plusieurs propriétés immobilières de très grande valeur sur la Côte d'Azur.
La demande, complétée le 14 novembre 2002, tend en particulier à l'obtention
de tous documents au sujet des ressources et dépenses des sociétés
O.________, gérée par l'avocat bernois X.________, et R.________ Ldt. Une
perquisition des bureaux d'O.________ et du domicile de X.________  était
requise.
L'exécution de ces requêtes a été déléguée dans un premier temps par l'Office
fédéral de la justice (OFJ) au Ministère public de la Confédération (MPC),
étant donné leur connexité avec l'enquête de police judiciaire fédérale
ouverte en Suisse le 31 janvier 2002. Le MPC est entré en matière le 28
novembre 2002. Le 2 avril 2003, la Police judiciaire fédérale a procédé à des
perquisitions aux domiciles professionnel et privé de Me Y.________, ainsi
qu'en l'étude de Me X.________. Ces deux avocats - le premier agissant comme
défenseur du second - se sont vu restituer un certain nombre de pièces; les
autres ont été placées dans deux cartons scellés.

Le 22 juillet 2003, le Juge d'instruction fédéral (JIF) a ouvert une
instruction préparatoire contre X.________, des chefs de complicité de
gestion déloyale, blanchiment d'argent et participation à une organisation
criminelle. Le 13 août 2003, l'OFJ a délégué au JIF l'exécution des demandes
d'entraide françaises encore en cours, compte tenu de leur connexité avec
l'instruction ouverte en Suisse. Les documents sous scellés lui ont été remis
par la police judiciaire fédérale le 21 octobre 2003, et ceux-ci ont été
versés à la procédure d'entraide judiciaire le 20 janvier 2004.

B.
Le 3 février 2004, le JIF a adressé au Tribunal fédéral une requête tendant à
la levée des scellés, en vue de l'exécution de la demande d'entraide
judiciaire. Une utilisation dans le cadre de la procédure pénale n'est
toutefois "pas exclue". Le Tribunal fédéral est invité à examiner les pièces
et à déterminer lesquelles sont couvertes par le secret professionnel.
L'OFJ conclut à l'admission de la requête, en relevant que la levée des
scellés devrait se faire simultanément pour les besoins de la procédure
pénale et de la procédure d'entraide. L'OFJ soulève en outre la question des
frais.
Me Y.________ s'oppose à la levée des scellés en ce qui concerne ses propres
documents.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité de la
requête dont il est saisi (ATF 129 I 337 consid. 1 p. 339; 129 II 453 consid.
2 p. 456), sans être lié par la dénomination de l'acte ou par l'autorité
désignée comme compétente dans celui-ci; il transmet, le cas échéant,
d'office le recours ou la requête mal adressée à l'autorité compétente (art.
32 al. 5 OJ; cf. ATF 121 I 173 consid. 3a p. 175).

1.1 Selon l'art. 69 PPF - applicable tant à l'instruction pénale qu'à la
procédure d'entraide judiciaire, en vertu du renvoi opéré par l'art. 9 EIMP
-, la perquisition doit ménager les secrets privés ou professionnels qui
pourraient lui être opposés (al. 1). Si le détenteur s'oppose à la
perquisition, en tout ou partie, parce que les documents ou supports visés
renferment un secret à protéger, ceux-ci sont mis sous scellés; il appartient
alors au juge de décider du caractère admissible de la perquisition et de la
levée des scellés (al. 3; cf. ATF 120 Ib 179 consid. 3c p. 182; 114 Ib 357
consid. 4 p. 360).

Jusqu'à l'entrée en fonction du Tribunal pénal fédéral, le 1er avril 2004, la
Chambre d'accusation du Tribunal fédéral statuait sur la levée des scellés
durant l'instruction de la cause, lorsque la perquisition  avait été ordonnée
par le MPC comme autorité de poursuite pénale  (ATF 107 IV 208 consid. 1 p.
209; 101 IV 364 consid. 1 p. 365/366). La Chambre d'accusation décidait,
après avoir entendu les parties, si les documents étaient nécessaires pour
l'enquête; dans l'affirmative, elle renvoyait la cause au MPC pour qu'il lève
les scellés (ATF 101 IV 364 consid. 2 p. 366/367). En revanche, lorsque la
perquisition ayant donné lieu à la saisie de documents mis sous scellés avait
été ordonnée par le MPC en exécution d'une requête d'entraide judiciaire
internationale, la compétence pour statuer sur la levée des scellés était
dévolue à la Ière Cour de droit public (ATF 127 II 151 consid. 4d/bb p. 158;
122 IV 188 consid. 1b/dd p. 192).

1.2 Le Tribunal fédéral n'a jamais eu l'occasion de préciser quelle était
l'autorité judiciaire compétente pour lever les scellés apposés sur des
documents saisis lors d'une perquisition opérée à la fois en exécution d'une
demande d'entraide judiciaire et pour les besoins d'une procédure pénale
nationale fédérale. Dans ces circonstances, il convient d'admettre que la
demande de levée de scellés vaut pour les deux procédures. Le JIF motive sa
requête essentiellement en fonction des besoins de l'entraide judiciaire,
mais il n'exclut pas que les documents auxquels il aura accès puissent aussi
être utilisés dans le cadre de l'instruction pénale dont il a parallèlement
la charge. L'OFJ relève également qu'il serait souhaitable que la levée des
scellés soit prononcée pour les besoins des deux procédures.
L'étroite connexité des deux procédures et les besoins d'économie justifient
de désigner une seule autorité judiciaire pour statuer, dans cette situation,
sur la requête tendant à la levée des scellés. L'existence d'une procédure
pénale pendante en Suisse et le fait que les conditions pour la levée des
scellés relèvent exclusivement de la procédure pénale fédérale, même en cas
d'entraide judiciaire (art. 69 PPF, par renvoi de l'art. 9 EIMP), sont des
éléments déterminants pour confier cette tâche à la Cour des plaintes du
Tribunal pénal fédéral qui est en principe compétente dans ce domaine (art.
69 al. 3 PPF et 28 al. 1 let. b LTPF). Cette solution évite au demeurant de
charger le Tribunal fédéral de tâches d'exécution qui ne lui incombent en
principe pas (cf. ATF 127 II 151 consid. 4c/cc p. 157) au profit de
l'autorité de surveillance sur les recherches de la police judiciaire et sur
l'instruction préparatoire dans les affaires pénales relevant de la
juridiction fédérale (art. 28 al. 2 LTPF; arrêt 1A.278/2003 du 20 avril 2004,
destiné à la publication).

2.
Il y a donc lieu de transmettre la demande de levée de scellés à la Cour des
plaintes du Tribunal pénal fédéral comme objet de sa compétence.

La décision que prendra la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral ne
préjuge en rien de celle que le Juge d'instruction fédéral sera amené ensuite
à rendre au sujet des pièces non couvertes par le secret professionnel de
l'avocat à transmettre, le cas échéant, à l'autorité requérante en exécution
de sa demande d'entraide judiciaire.
Compte tenu de l'issue de la procédure, il n'est pas perçu d'émolument
judiciaire, ni alloué de dépens.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Il n'est pas entré en matière sur la demande de levée des scellés présentée
par le Juge d'instruction fédéral le 3 février 2004; celle-ci est transmise
d'office à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, comme objet de sa
compétence.

2.
Il est statué sans frais ni dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Tribunal pénal
fédéral ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice, Section de l'entraide
judiciaire internationale.

Lausanne, le 26 avril 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: