Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.253/2004
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1A.253/2004/col

Arrêt du 15 juin 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

Association Sports Motorisés, 1920 Martigny,
Société à responsabilité limitée Sports Motorisés Martigny Sàrl, 1920
Martigny,
recourantes, représentées par Me Jacques Philippoz, avocat,

contre

Pro Natura - Ligue suisse pour la protection de la nature, 4000 Bâle,
WWF Suisse, Hohlstrasse 110, 8004 Zurich,
Benoît Dorsaz,
Pascal et Monique Dorsaz,
intimés, tous représentés par Me Raphaël Dallèves, avocat,
Commune de Martigny,
Administration communale, 1920 Martigny,
Conseil d'Etat du canton du Valais,
Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Cour de droit public, Palais de Justice,
avenue Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2.

Modification partielle du plan d'affectation de zones et du règlement de
constructions et de zones de la commune de Martigny dans le secteur du
Verney,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
du Valais du 10 septembre 2004.

Faits:

A.
La société à responsabilité limitée "Sports Motorisés Martigny Sàrl" est
propriétaire des parcelles nos 8477 et 8479 du cadastre de la commune de
Martigny, au lieu-dit "Le Verney". Ces parcelles de 35'404 mètres carrés
accueillent une piste de motocross aménagée en 1980 sur le site d'une
ancienne décharge à assainir et exploitée par l'Association Sports Motorisés
jusqu'en février 2002. Elles sont contiguës à la zone humide d'importance
régionale du Verney. Elles ont été classées en zone à aménager de protection
de la nature, dans le plan d'affectation des zones communal homologué le 24
avril 1996 par le Conseil d'Etat du canton du Valais, alors que la piste de
motocross devait prendre place sur la parcelle voisine n° 8475 classée en
zone d'intérêt général B. Selon le cahier des charges n° 19 annexé au
règlement communal de constructions et de zones (RCCZ), la zone de protection
de la nature du secteur du Verney nécessite l'établissement d'un plan
d'aménagement détaillé avec règlement de protection approprié pour l'ensemble
du secteur réglant les problèmes d'utilisation, de rapport à l'environnement
et de remise en état.
Le 20 août 2000, la Commune de Martigny a engagé une procédure de
modification partielle du plan d'affectation de zones dans le secteur du
Verney visant à classer les parcelles nos 8477 et 8479 en zone d'intérêt
général B pour assurer la pratique du motocross à son emplacement actuel; à
la demande du Service cantonal de l'aménagement du territoire, elle a
complété l'art. 132 RCCZ par l'adjonction d'une lettre e visant à affecter
les terrains classés en zone agricole protégée au sud de la zone de
protection de la nature du Verney en terrains de compensation écologique
considérés comme surface d'assolement. Ce projet, soumis à l'enquête publique
le 22 mars 2002, a notamment suscité les oppositions de Bernard Dorsaz, de
Pascal et Monique Dorsaz, ainsi que de Pro Natura - Ligue Suisse pour la
protection de la nature et du WWF Suisse, agissant par leurs sections
cantonales. Le 15 mai 2002, le Conseil communal de Martigny a rejeté les
oppositions. Par décision du 19 juin 2002, le Conseil général de Martigny a
adopté la modification partielle du plan d'affectation de zones et du
règlement communal de constructions et de zones.
Statuant le 11 février 2004, le Conseil d'Etat du canton du Valais a déclaré
irrecevable le recours formés par le WWF Suisse contre cette décision et
rejeté les recours des autres opposants. Par décision du même jour, il a
homologué les modifications partielles du plan d'affectation de zones et du
règlement de constructions et de zones, telles qu'approuvées par le Conseil
général de Martigny le 19 juin 2002.
Au terme d'un arrêt rendu le 10 septembre 2004 sur recours de Benoît Dorsaz,
de Pascal et Monique Dorsaz, du WWF Suisse et de Pro Natura- Ligue Suisse
pour la protection de la nature, la Cour de droit public du Tribunal cantonal
du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal ou la cour cantonale) a
annulé ces décisions et renvoyé l'affaire à la Commune de Martigny pour
qu'elle statue à nouveau, en prenant notamment en compte l'art. 18b de la loi
fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN; RS 451), l'art.
14 de son ordonnance d'application (OPN; RS 451.1) et l'art. 47 de
l'ordonnance sur l'aménagement du territoire (OAT; RS 700.1). Elle a en outre
invité l'autorité communale à examiner si un rapport d'impact est nécessaire
à ce stade de la procédure selon l'art. 5 du règlement cantonal d'application
de l'ordonnance fédérale relative à l'étude de l'impact sur l'environnement
(RcOEIE). Elle a estimé par ailleurs que la Société Sports motorisés Sàrl ne
pouvait se prévaloir de l'art. 24c de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire (LAT; RS 700) pour prétendre obtenir une autorisation dérogatoire
et utiliser à nouveau la piste de motocross fermée en 2002 en raison du
classement des parcelles litigieuses en zone de protection de la nature.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, à titre principal, et
du recours de droit public, à titre subsidiaire, l'Association Sports
Motorisés et la Société Sports motorisés Sàrl demandent au Tribunal fédéral
d'annuler cet arrêt et de les mettre au bénéfice de l'art. 24c LAT, leur
permettant d'exploiter la piste de motocross sur les parcelles nos 8477 et
8479. Elles se plaignent d'une constatation inexacte et incomplète des faits
et d'une application erronée des art. 18b LPN et 24c LAT.
Le Tribunal cantonal et le Conseil d'Etat valaisan ont renoncé à présenter
des observations. Les intimés concluent à l'irrecevabilité du recours,
subsidiairement à son rejet. L'Office fédéral du développement territorial et
l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage proposent de le
rejeter.
Les recourantes ont répliqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
dont il est saisi (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59; 131 II 58 consid. 1 p. 60 et
les arrêts cités). En vertu de la règle de la subsidiarité du recours de
droit public énoncée à l'art. 84 al. 2 OJ, il convient de vérifier en premier
lieu la recevabilité du recours de droit administratif (ATF 128 II 13 consid.
1a p. 16; 126 I 97 consid. 1c p. 101).

1.1 Selon l'art. 34 al. 1 et 3 LAT, le recours de droit administratif est
recevable contre les décisions prises en dernière instance cantonale sur la
reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone de constructions
et d'installations sises hors de la zone à bâtir ou encore sur des demandes
de dérogation en vertu des art. 24 à 24d LAT. Les autres décisions sont
définitives, sous réserve du recours de droit public. Cette dernière voie de
droit est en principe seule ouverte contre les décisions cantonales relatives
à l'adoption, à la révision ou à la modification d'un plan d'affectation. La
jurisprudence admet cependant que pareilles décisions puissent faire l'objet
d'un recours de droit administratif lorsque l'application du droit fédéral de
la protection de l'environnement ou d'autres prescriptions fédérales
spéciales en matière de protection des biotopes ou des forêts est en jeu (ATF
125 II 10 consid. 2a p. 13; 123 II 88 consid. 1a p. 91, 231 consid. 2 p. 233;
121 II 72 consid. 1b p. 75 et les arrêts cités).
En l'espèce, la cour cantonale a considéré que les modifications du plan
d'affectation des zones de Martigny et de son règlement d'application ne
prenaient pas suffisamment en compte les exigences posées aux art. 18b LPN,
14 OPN et 47 OAT. Elle a également renvoyé la cause à l'autorité communale
pour que celle-ci examine si une étude de l'impact sur l'environnement était
nécessaire à ce stade de la procédure au regard de l'art. 5 RcOEIE, compte
tenu de la procédure en deux temps prévue par le règlement communal de
constructions et de zones pour les zones à aménager. L'arrêt attaqué est donc
partiellement fondé sur le droit public fédéral. Les recourantes n'invoquent
aucun grief en relation avec l'art. 47 OAT ou la nécessité d'une éventuelle
étude d'impact à ce stade de la procédure en vertu du droit cantonal. Elles
contestent en revanche l'application faite en l'espèce de l'art 18b LPN et
prétendent bénéficier de la garantie de la situation acquise en application
de l'art. 24c LAT pour le motif qu'elles exploitent une piste de motocross
depuis plus de vingt ans sur les parcelles litigieuses. Au vu des arguments
soulevés, seul le recours de droit administratif est ouvert, à l'exclusion du
recours de droit public.

1.2 En leur qualité respective de propriétaire et d'exploitante de la piste
de motocross aménagée sur les parcelles nos 8477 et 8479, la société Sports
Motorisés Sàrl et l'Association Sports Motorisés ont un intérêt digne de
protection au sens de l'art. 103 let. a OJ à obtenir l'annulation de l'arrêt
attaqué qui refuse, en l'état, le transfert de ces terrains en zone d'intérêt
général B et renvoie la cause à la Commune de Martigny pour nouvelle décision
au sens des considérants. Elles ont en principe également un intérêt digne de
protection à faire constater une application incorrecte de l'art. 24c LAT.

1.3 L'arrêt du Tribunal cantonal est une décision de cassation avec renvoi à
l'autorité communale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des
considérants. Une telle décision est tenue pour finale, lorsqu'elle tranche
de manière définitive des questions de principe relatives à l'application du
droit public fédéral et qu'elle contient des instructions impératives
destinées aux autorités inférieures. Dans les autres cas, elle ne peut être
attaquée immédiatement que si elle expose son destinataire à un préjudice
irréparable (ATF 130 II 321 consid. 1 p. 324; 129 II 286 consid. 4.2 p. 291,
384 consid. 2.3 p. 385 et les arrêts cités).
En l'occurrence, le Tribunal cantonal a annulé les décisions attaquées et a
renvoyé la cause à la Commune de Martigny pour qu'elle statue à nouveau en
prenant notamment en considération les art. 18b LPN, 14 OPN et 47 OAT et
qu'elle examine la nécessité d'établir un rapport d'impact à ce stade de la
procédure au regard de l'art. 5 RcOEIE. Les recourantes s'en prennent aux
considérations émises en relation avec l'art. 18b LPN, en contestant
notamment la valeur écologique attribuée à la zone humide du Verney et à
leurs parcelles. Or, sur ce point, le Tribunal cantonal s'est borné à
renvoyer l'affaire à l'autorité communale pour qu'elle prenne une nouvelle
décision qui tienne compte des exigences de protection des biotopes découlant
des art. 18b LPN et 14 OPN. Il n'indique pas les mesures qui doivent être
prises pour se conformer à ces exigences, mais il laisse à la Commune de
Martigny le soin d'examiner si, au terme des mesures d'instruction
complémentaires requises, les parcelles litigieuses doivent être maintenues
en zone de protection de la nature ou si elles peuvent être transférées en
zone d'intérêt général B, moyennant l'adoption de mesures d'aménagement et de
compensation adéquates. Sur ce point, on ne voit ni de décision de principe
sur la portée des art. 18b LPN et 14 OPN ni de restriction du pouvoir
d'appréciation de l'autorité inférieure. Pour le surplus, le renvoi de la
cause n'entraîne pour les recourantes aucun préjudice irréparable. Le recours
de droit administratif est dès lors irrecevable en tant qu'il porte sur
l'application des art. 18b LPN et 14 OPN (cf. arrêt 1A.19/2003 du 24 novembre
2003 consid. 1.3.3 non publié sur ce point aux ATF 130 II 18).

1.4 Le Tribunal cantonal a retenu que la Société Sports motorisés Sàrl ne
pouvait se prévaloir de l'art. 24c LAT pour prétendre obtenir une
autorisation dérogatoire et utiliser à nouveau la piste de motocross fermée
en 2002, étant donné qu'elle a acquis les parcelles litigieuses
postérieurement à leur classement en zone de protection de la nature. Les
recourantes lui reprochent d'avoir examiné cette question par rapport à la
propriétaire des lieux uniquement, alors que l'Association Sports Motorisés
exploite l'installation en cause depuis plus de vingt ans; elles se plaignent
à ce propos d'une constatation inexacte des faits pertinents. La recevabilité
du recours sur ce point, mise en doute par les intimés, peut demeurer
indécise, car il est de toute manière mal fondé. La cour cantonale a estimé
que la piste de motocross ne pouvait continuer à être exploitée sur les
parcelles en cause aussi longtemps que la question de la protection du
biotope d'importance régionale du Verney n'avait pas été résolue à
satisfaction de droit. La pesée des intérêts en présence ne saurait être
conduite de manière adéquate dans le cadre de la procédure d'autorisation
exceptionnelle de construire, compte tenu des incidences d'une telle
installation sur l'environnement et la planification (cf. ATF 114 Ib 180
consid. 3ca p. 187). Aussi, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral
en estimant qu'une autorisation dérogatoire fondée sur l'art. 24c LAT
n'entrait pas en considération en l'état, que ce soit en faveur de la Société
Sports motorisés Sàrl ou de l'Association Sports Motorisés.

2.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable, aux frais des recourantes, qui succombent (art. 156 al. 1 OJ).
Celles-ci verseront en outre une indemnité de dépens aux intimés qui
obtiennent gain de cause avec l'aide d'un mandataire professionnel (art. 159
al. 1 et 7 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des recourantes.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à titre de dépens aux intimés,
créanciers solidaires, à la charge des recourantes, solidairement entre
elles.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, à la
Commune de Martigny, au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du
Valais, ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial et à
l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage.

Lausanne, le 15 juin 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: