Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.236/2004
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1A.236/2004 /ajp

Arrêt du 11 février 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,
Nay et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Peter-René Wyder,
avocat,

contre

Ministère public de la Confédération,
Antenne Lausanne, av. des Bergières 42,
case postale 334, 1000 Lausanne 22.

Entraide judiciaire internationale en matière pénale
avec l'Espagne - B 116328,

recours de droit administratif contre la décision du Ministère public de la
Confédération du 23 septembre 2004.

Faits:

A.
Le 17 juillet 2003, un Juge d'instruction de Madrid a adressé à la Suisse une
demande d'entraide judiciaire, pour les besoins d'une procédure pénale
dirigée notamment contre les frères A. et B. Z.________, soupçonnés de
blanchiment d'argent provenant du trafic de stupéfiants. La demande fait état
de comptes ouverts auprès de banques genevoises, soit l'UBS, le Crédit Suisse
et la Lloyds TBS, dont le magistrat requérant demandait le blocage immédiat.
X.________, employé au Crédit Suisse, aurait géré les comptes des prévenus.
La production de la documentation relative à ces comptes, dès leur ouverture,
était aussi requise. Le 12 novembre 2003, le juge d'instruction madrilène a
complété sa demande en produisant un rapport de la Brigade d'investigation
des délits monétaires du 8 juillet 2003. Il en ressort que les frères
Z.________ récoltaient de l'argent liquide en Colombie et procédaient à son
importation par avion en Espagne, puis notamment en Suisse; l'argent était
déposé sur des comptes bancaires et viré vers Bogota ou Miami. Les sommes
ainsi recyclées étaient estimées à plus de 30 millions d'Euros.

Dans le cadre d'une enquête pénale ouverte le 11 juillet 2003 par le
Ministère public de la Confédération (MPC) contre X.________ et E.________,
pour participation à une organisation criminelle, blanchiment d'argent et
défaut de vigilance en matière d'opérations financières, X.________ a été
entendu en tant que prévenu le 11 juillet 2003, le 17 juillet 2003 (à deux
reprises), le 28 juillet 2003, le 8 août 2003, le 14 août 2003, le 19 août
2003 et le 30 juin 2004. Les interrogatoires portaient essentiellement sur
les opérations effectuées pour les frères Z.________.

B.
Chargé d'exécuter la demande d'entraide, le MPC est partiellement entré en
matière le 27 novembre 2003. Les banques étaient invitées à procéder aux
blocages sollicités, ainsi qu'à produire la documentation, à partir du 1er
janvier 1997.

Le 8 juillet 2004, le magistrat requérant a demandé à être informé au sujet
des comptes bloqués en Suisse, détenus par les frères Z.________, leurs
parents et les autres personnes concernées par l'enquête.

Par lettre du 15 juillet suivant, le MPC releva que lors d'une visite en
Espagne le 12 février 2004, le juge d'instruction madrilène avait fait savoir
au procureur suisse qu'après la saisie en Espagne de documents trouvés en
main des frères Z.________, il considérait la commission rogatoire comme
exécutée. Il s'agissait en réalité d'un malentendu, car les enquêteurs
espagnols avaient fait savoir qu'ils désiraient encore obtenir diverses
pièces de la procédure pénale suisse, soit un tableau des comptes bloqués,
les auditions des prévenus en Suisse ainsi que les rapports de police.

Le 30 août 2004, le MPC est entré en matière, envisageant de transmettre à
l'autorité requérante les huit procès-verbaux d'interrogatoires de
X.________. Celui-ci était invité à faire valoir ses objections dans un délai
de dix jours, et à indiquer s'il acceptait une exécution simplifiée.

Le 9 septembre 2004, X.________ s'est opposé à la transmission des
procès-verbaux; ceux-ci n'avaient fait l'objet que d'une requête orale de la
part des enquêteurs espagnols, et non d'une demande formelle de l'autorité
requérante. La demande d'entraide ne mentionnait pas les personnes
poursuivies; il manquait également une description précise des agissements
poursuivis, ainsi qu'une traduction des dispositions pénales applicables. En
raison de la procédure pénale ouverte en Suisse, et élargie aux frères
Z.________, le principe "ne bis in idem" était violé. Enfin, les
procès-verbaux d'auditions contenaient des renseignements sur des employés et
des clients de la banque, menacés de procédures fiscales. L'accès intégral au
dossier était requis, celui-ci ayant été refusé en février 2004.

Par décision de clôture du 23 septembre 2004, le MPC a ordonné la
transmission des procès-verbaux précités. Le 20 septembre précédent,
l'autorité requérante avait confirmé par télécopie qu'elle restait dans
l'attente de renseignements au sujet des comptes bloqués appartenant aux
frères Z.________ et leurs comparses, ainsi que des déclarations, notamment,
de X.________. La remise de ces procès-verbaux était couverte par la demande,
et ces documents étaient utiles à l'enquête. Les prévenus principaux étaient
clairement désignés, de même que les agissements poursuivis; la procédure
suivie en Espagne était de nature pénale, et le principe de la spécialité
serait rappelé lors de la transmission. L'enquête ouverte en Suisse ne
faisait pas obstacle à l'entraide.

C.
X. ________ forme un recours de droit administratif contre cette dernière
décision. Il en demande l'annulation, ainsi que le rejet de la demande
d'entraide judiciaire. Subsidiairement, il conclut à ce que l'autorité
requérante soit invitée à produire un catalogue de questions, et plus
subsidiairement à ce que les noms de sociétés et de personnes autres que
lui-même ou les frères Z.________ soient caviardés.

Le MPC conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. L'OFJ
conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée étant rédigée en français, il en ira de même du présent
arrêt, quand bien même le recours est formé en allemand (art. 37 al. 3 OJ).

2.
En vertu de l'art. 80g al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide internationale
en matière pénale (EIMP; RS 351.1), le recours de droit administratif est
ouvert contre la décision de clôture rendue par l'autorité fédérale
d'exécution, confirmant la transmission de renseignements à l'Etat requérant
(cf. art. 25 al. 1 EIMP).

2.1 Selon l'art. 80h let. b EIMP, a qualité pour agir quiconque est touché
personnellement et directement par une mesure d'entraide et a un intérêt
digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. La personne visée
par la procédure pénale étrangère peut recourir aux mêmes conditions (art. 21
al. 3 EIMP; ATF 130 II 162 consid. 1.1 p. 163-164 et les exemples de
jurisprudence cités). Outre les personnes mentionnées à l'art. 9a OEIMP, la
personne entendue à titre de témoin a également qualité, au sens de l'art.
80h let. b EIMP, pour s'opposer à la transmission du procès-verbal relatif à
son audition, mais uniquement dans la mesure où les renseignements
communiqués le concernent personnellement ou lorsqu'il se prévaut de son
droit de refuser de témoigner (ATF 126 II 258 consid. 2d/bb p. 261).

2.2 En l'occurrence, le recourant s'est largement exprimé, durant les
interrogatoires, sur sa propre situation (formation, situation familiale et
financière, position au sein de la banque) et sur ses relations avec certains
clients, notamment les opérations qu'il a lui-même effectuées pour les frères
Z.________. En outre, l'argumentation du recourant porte notamment sur la
question de son propre droit de refuser de s'exprimer. La qualité pour agir
doit lui être reconnue.

3.
Se référant à son mémoire d'opposition, le recourant soutient, à l'appui de
ses conclusions principales, que la demande d'entraide ne mentionne pas
précisément l'identité des personnes poursuivies, comme l'exige l'art. 28 al.
2 let. d EIMP. Outre les frères Z.________ et la mention
"Beechcratf/Gemelos", la demande ferait mention d'autres personnes, et il ne
serait pas possible de savoir si le recourant lui-même est aussi poursuivi
dans ce cadre, ce que laisserait toutefois supposer le complément du 8
juillet 2004. Faute d'être formellement inculpé, le recourant ne pourrait se
défendre efficacement. On ignorerait ainsi à l'encontre de qui ses
déclarations pourront être utilisées, et dans le cadre de quelle procédure.

3.1 Selon l'art. 28 al. 2 EIMP, toute demande d'entraide doit indiquer son
auteur, son objet, la qualification juridique des faits et "la désignation
aussi précise et complète que possible de la personne poursuivie" (let. d). A
l'instar de l'exposé des faits exigé par les art. 14 CEEJ et 28 al. 3 EIMP,
ces indications doivent permettre de s'assurer que les faits décrits sont
punissables en droit suisse, qu'il ne s'agit pas de délits (politiques ou
fiscaux) pour lesquels l'entraide est exclue, et que, au regard notamment de
leur importance et de leurs auteurs, le principe de la proportionnalité est
respecté (ATF 118 Ib 122 consid. 5b). Toutefois, selon la jurisprudence, l'on
ne saurait exiger de l'Etat requérant un exposé complet et exempt de toute
lacune. En effet, la procédure d'entraide a précisément pour but d'apporter
aux autorités de l'Etat requérant des renseignements au sujet des points
demeurés obscurs (ATF 117 Ib 88 consid. 5c et les arrêts cités).

3.2 Ces principes valent également pour l'indication des personnes
poursuivies: il n'est pas rare en effet qu'une enquête soit, dans un premier
temps, dirigée contre inconnu, sans que cela ne constitue un motifs de refus
de l'entraide judiciaire. Celle-ci peut aussi être demandée afin de permettre
à l'autorité requérante de juger de l'opportunité d'étendre ou non le cercle
des personnes poursuivies. Par conséquent, la mention des principaux auteurs
des faits décrits, ou de ceux qui sont connus au moment du dépôt de la
demande, constitue en règle générale une indication suffisante.

3.3 En l'espèce, la demande d'entraide initiale est formée pour les besoins
d'une instruction dirigée contre les frères Z.________ et d'autres personnes,
notamment sept ressortissants colombiens arrêtés en Espagne. Cela constitue
une indication suffisante, dans la mesure où les frères Z.________ sont à
l'évidence les principaux inculpés. Dans son complément du 8 juillet 2004,
l'autorité requérante semble indiquer que le recourant serait "concerné par
l'enquête Beechcraft/Gemelos", sans préciser s'il doit ou non être considéré
comme poursuivi. Sur le vu des principes rappelés ci-dessus, une telle
imprécision est sans conséquence du point de vue de l'art. 28 al. 2 EIMP. Le
MPC indique d'ailleurs clairement que le recourant ne fait pas partie des
personnes inculpées en Espagne.

Le recourant craint également à tort une transmission d'informations à
d'autres Etats que l'Etat requérant; celle-ci ne pourrait avoir lieu qu'aux
conditions restrictives de l'art. 67 EIMP, conformément au principe de la
spécialité.

3.4 Selon l'OFJ, la présente espèce poserait problème au regard du droit au
silence - respectivement du droit de ne pas s'incriminer - découlant des art.
6 CEDH et 14 al. 3 let. g du Pacte ONU II: le recourant, qui a accepté de
s'exprimer dans le cadre de la procédure Suisse, devrait pouvoir refuser de
déposer, totalement ou partiellement, s'il était interrogé par les autorités
espagnoles. La transmission des procès-verbaux d'interrogatoires empêcherait
l'exercice de ce droit.

A suivre la thèse de l'OFJ, il serait impossible de remettre des
procès-verbaux d'interrogatoires de témoins ou d'inculpés dans une procédure
nationale, en vue de leur utilisation dans une procédure pénale étrangère.
Dans tous les cas, ces personnes devraient donc être réentendues en vue de
l'exécution de la procédure d'entraide. Cela porterait atteinte à une
utilisation rationnelle des informations recueillies en Suisse, ainsi qu'à la
célérité de la procédure d'entraide (art. 17a EIMP). La personne entendue en
Suisse peut d'ailleurs se prévaloir de son droit de refuser de déposer dans
le cadre de la procédure d'entraide. Il lui est en effet loisible d'expliquer
que certaines déclarations, susceptibles de lui porter préjudice, n'auraient
pas été faites si l'intéressé avait su qu'une autorité étrangère pourrait en
prendre connaissance. Saisie d'une telle objection, l'autorité suisse
d'exécution devrait alors mettre en balance la protection légitime du domaine
privé avec l'intérêt de l'enquête menée à l'étranger, dans le cadre de
l'examen de la proportionnalité; l'intéressé pourrait pour sa part proposer
le caviardage de certaines déclarations particulières, soit qu'elles portent
de manière disproportionnée atteinte à la sphère privée, soit qu'elles sont
sans rapport manifeste avec l'enquête ouverte à l'étranger. De ce point de
vue, la protection des personnes entendues en Suisse apparaît suffisante.

Le recourant a été entendu en Suisse en tant qu'inculpé; il ne s'est pas
prévalu de son droit de se taire. On ne voit pas, par conséquent - et le
recourant ne l'indique d'ailleurs pas - quels motifs particulier de refus il
aurait pu faire valoir s'agissant d'une procédure étrangère dans laquelle il
n'est, en l'état, que simple témoin. La procédure suivie par le MPC n'est, de
ce point de vue, pas critiquable.

4.
Le recourant soutient que la demande d'entraide serait incomplète; outre
qu'elle ne comporte pas de traduction des dispositions applicables du droit
espagnol (en particulier en ce qui concerne le blanchissage d'argent), elle
ne préciserait pas en quoi consistent les faits reprochés aux parents des
frères Z.________, ainsi qu'aux ressortissants colombiens arrêtés en Espagne.

4.1 Comme le relève le MPC, la transmission des dispositions légales
applicables dans l'Etat requérant n'est pas nécessaire pour une demande
d'entraide judiciaire au sens de la troisième partie de l'EIMP. Par ailleurs,
dans l'examen de la condition de la double incrimination, il n'y a pas lieu
de s'interroger sur la punissabilité des faits selon le droit de l'Etat
requérant (ATF 116 Ib 94 consid. 3c/aa et les arrêts cités), ni à rechercher
une quelconque concordance entre les normes pénales des Etats requérant et
requis (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc p. 188). La production d'une traduction
des dispositions du droit pénal espagnol n'aurait dès lors aucun sens.

4.2 Le recourant ne conteste pas que l'exposé des faits satisfait aux
exigences posées, notamment à l'art. 14 CEEJ, en ce qui concerne les frères
Z.________. Ceux-ci se voient en effet reprocher d'avoir blanchi plusieurs
dizaines de millions d'Euros provenant du trafic de cocaïne. Selon le rapport
du 8 juillet 2003 de la Brigade d'investigation des délits monétaires -
rapport qui fait partie des documents produits à l'appui de la demande
d'entraide, selon communication de l'autorité requérante du 12 novembre 2003
-, les frères Z.________ dirigeaient un groupe qui récoltait en Espagne de
l'argent apporté par des agents colombiens travaillant pour des trafiquants
de stupéfiants. A.________ profitait notamment de son statut d'employé d'une
compagnie aérienne. L'argent était ensuite conditionné et déposé sur des
comptes bancaires, puis viré à destination d'établissements de Bogota et de
Miami. Par la suite, l'achat d'un avion aurait permis de transporter des
quantités plus importantes d'argent, soit au total plus de 30 millions
d'Euros. S'agissant de délits de blanchiment, pour lesquels s'applique la
Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la
confiscation du produit du crime (CBl; RS 0.311.53), l'autorité requérante
n'a pas à expliquer dans le détail en quoi consiste l'infraction principale,
en l'occurrence le trafic de drogue (ATF 129 II 97 consid. 3.3).
Contrairement à ce que soutient le recourant, l'autorité requérante n'a pas
non plus à expliquer dans le détail l'activité reprochée à chacune des
personnes poursuivies. Le grief doit par conséquent être rejeté.

5.
Le recourant voit également dans la procédure ouverte en Suisse, et étendue
aux frères Z.________, un obstacle à l'octroi de l'entraide en vertu du
principe "ne bis in idem"; il en irait de même dans la mesure où lui-même
réside en Suisse et se trouve inculpé en Espagne. Ce dernier argument tombe à
faux, dès lors que le recourant n'est pas poursuivi dans l'Etat requérant.
Invoquant à ce propos l'art. 66 al. 1 EIMP, le recourant perd également de
vue que l'entraide peut de toute façon être accordée pour les besoins de la
poursuite dirigée contre les frères Z.________ et les autres personnes
poursuivies en Espagne; ceux-ci ne résident pas en Suisse, de sorte que
l'entraide peut être accordée sur la base de l'art. 66 al. 2 EIMP. L'art. 66
EIMP - de même que l'art. 2 CEEJ et la réserve faite par la Suisse à ce sujet
- constitue une norme potestative, et, dans la mesure où l'enquête suivie en
Espagne doit être considérée comme la procédure pénale principale dirigée
contre les frères Z.________, le MPC n'a pas abusé de son pouvoir
d'appréciation en donnant suite à la demande d'entraide espagnole.

6.
A l'appui de ses conclusions subsidiaires, le recourant soutient que les
renseignements contenus dans ses dépositions, concernant ses propres liens
avec la banque, ses relations personnelles ainsi que ses contacts avec des
clients espagnols, seraient sans rapport avec l'enquête menée en Espagne.
Afin d'éviter la transmission de données inutiles, l'autorité requérante
devrait dresser une liste des questions en rapport avec son enquête. Le
recourant relève en particulier que ses déclarations du 30 juin 2004
concernaient la structure de l'entreprise, ainsi que des transactions avec
des clients non concernés par l'enquête, dont la transmission présenterait
des inconvénients - en particulier d'ordre fiscal - pour la banque et ses
clients, ainsi que le risque d'une procédure pour violation du secret
bancaire contre le recourant. A titre plus subsidiaire, le recourant demande
que soient caviardées les indications portant sur d'autres personnes que
lui-même ou les frères Z.________.

6.1 Le recourant se prévaut en réalité du principe de la proportionnalité,
selon lequel l'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à
la découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat
requérant: d'une part, l'autorité requérante ne peut demander des mesures
inutiles à son enquête et, d'autre part, l'autorité d'exécution ne doit pas
aller au-delà la mission qui lui est confiée (ATF 121 II 241 consid. 3a).
L'autorité suisse requise s'impose une grande retenue lorsqu'elle examine le
respect de ce principe, car elle ne dispose pas des moyens qui lui
permettraient de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des
preuves. Saisi d'un recours contre une décision de transmission, le juge de
l'entraide doit lui aussi se borner à examiner si les renseignements à
transmettre présentent, prima facie, un rapport avec les faits motivant la
demande d'entraide. Il ne doit exclure de la transmission que les documents
n'ayant manifestement aucune utilité possible pour les enquêteurs étrangers
(examen limité à l'utilité "potentielle", ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371).

6.2 Le recourant ne conteste pas que la transmission des procès-verbaux de
ses auditions correspond bien à la volonté de l'autorité requérante: celle-ci
l'a encore confirmé dans sa communication télécopiée du 21 septembre 2004.
Dans le cadre de son enquête pour blanchiment d'argent et participation à une
organisation criminelle, l'autorité requérante est évidemment intéressée par
les déclarations faites, dans la procédure pénale suisse, par le gestionnaire
de certains avoirs des frères Z.________. Même si les interrogatoires ont été
effectués dans un autre contexte, les faits à la base des deux enquêtes sont
voisins et les déclarations du recourant ont, de manière générale, une
pertinence potentielle pour l'enquête menée en Espagne. Dans ces conditions,
il n'était pas nécessaire que l'autorité requérante fournisse une liste
détaillée de questions, dès lors qu'elle désire elle aussi connaître la
manière dont les fonds des frères Z.________ ont été gérés en Suisse.

6.3 Le recourant relève, à juste titre, qu'il convient en principe de
s'assurer de la pertinence de chaque renseignement transmis pour l'enquête
espagnole. En effet, après avoir saisi les documents qu'elle juge utiles pour
l'exécution de la demande, l'autorité d'exécution doit trier les pièces à
remettre en vue du prononcé d'une décision de clôture. A défaut d'un accord
portant sur la remise facilitée (art. 80c EIMP), elle fait établir un
inventaire précis des pièces dont la remise est contestée. Elle impartit au
détenteur un délai pour faire valoir, pièce par pièce, les arguments
s'opposant selon lui à la transmission. Elle rend ensuite une décision de
clôture soigneusement motivée. Que le détenteur néglige de se déterminer ou
ne le fait que d'une manière insatisfaisante ne dispense pas l'autorité
d'exécution d'effectuer le tri commandé par le principe de la
proportionnalité (ATF 130 II 14 consid. 4.3-4.4 p. 16-18).

6.4 En l'occurrence, le recourant a été invité, dans la décision d'entrée en
matière, à se déterminer sur la remise des procès-verbaux. Il lui appartenait
dès lors d'indiquer dans le détail les passages de ces procès-verbaux qui
sont selon lui sans rapport avec l'enquête, ou qui porteraient atteinte de
manière disproportionnée au domaine secret.

Pour sa part, le MPC a estimé que l'ensemble des déclarations faites par le
recourant revêtaient une utilité potentielle. A défaut d'une argumentation
circonstanciée du recourant, il ne lui appartenait pas de se livrer à un
examen approfondi de chaque déclaration: compte tenu des similitudes entre
les deux procédures pénales, le MPC pouvait légitimement considérer que les
huit procès-verbaux pouvaient être "d'une grande utilité et servir de pièce à
conviction dans la procédure pénale menée en Espagne".

Un examen de détail des procès-verbaux ne conduit d'ailleurs pas à une autre
conclusion.

6.5 Le recourant a été interrogé sur sa propre situation personnelle,
professionnelle et familiale (PV des 11 juillet 2003 et 17 juillet 2003),
puis sur ses relations avec les frères Z.________: dans le PV du 11 juillet
2003, il a expliqué les circonstances de ses rencontres avec les frères
Z.________, les montants investis par ces derniers et l'achat d'un avion. Le
17 juillet 2003, il a précisé les raisons invoquées par ses clients pour cet
achat. Le même jour, il a refusé aux enquêteurs l'accès aux données de sa
messagerie électronique. Le 28 juillet 2003, il a précisé la nature des
opérations effectuées pour les frères Z.________, ajoutant que celles-ci ne
lui paraissaient pas suspectes. Il a déclaré ne pas connaître un certain
nombre de personnes. Le 8 août 2003, il a donné des précisions sur ses
voyages en Espagne, ainsi que sur l'achat d'un second avion et certaines
transactions privées. Le 14 août 2003, il s'est expliqué sur le contenu des
conversations téléphoniques avec les frères Z.________. Le 19 août 2003, il a
fourni certains détails sur la gestion des comptes des frères Z.________, et
sur les explications de ces derniers quant à la provenance des fonds. Le 30
juin 2004, il a été à nouveau interrogé sur sa situation au sein de la
banque, sur les comptes ouverts par les frères Z.________, les transactions
effectuées et la provenance des fonds. Il a déclaré connaître certaines
autres personnes.

6.6 Contrairement à ce que soutient le recourant, les informations sur sa
situation personnelle, sa position dans l'établissement bancaire et ses
contacts avec d'autres clients ont pour but de déterminer si les liens entre
les frères Z.________ et le recourant s'inscrivaient dans le cadre d'une
relation habituelle entre gestionnaire et client. Le recourant propose le
caviardage de l'ensemble des noms de personnes et de sociétés autres que
lui-même et les frères Z.________. Les procès-verbaux comportent certes
l'identité de personnes physiques et morales; toutefois, outre que rien ne
permet d'affirmer que ces personnes seraient totalement étrangères à
l'enquête, les déclarations faites par le recourant à leur sujet ne
comportent rien qui pourrait leur porter préjudice. Faute d'explications
précises quant à la nécessité d'un caviardage, le grief doit lui aussi être
écarté.

7.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être
rejeté. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à
la charge du recourant qui succombe.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au
Ministère public de la Confédération ainsi qu'à l'Office fédéral de la
justice, Division des affaires internationales, Section de l'entraide
judiciaire internationale.

Lausanne, le 11 février 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  Le greffier: