Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.234/2004
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1A.234/2004
1A.238/2004
1A.269/2004 /col

Arrêt du 1er février 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

1A.234/2004
A.________,
B.________,
C.________,
D.________,
recourants, représentés par Me Philippe Cottier,

1A.238/2004
C.________,
D.________,
recourants, tous deux représentés par Me Cottier,

1A.269/2004
E.________ S.A.,
C.________
D.________,
recourants, tous trois représentés par Me Cottier,

contre

Ministère public de la Confédération,
Antenne Lausanne, avenue des Bergières 42,
case postale 334, 1000 Lausanne 22

Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec l'Espagne,

recours de droit administratif contre les décisions du Ministère public de la
Confédération des 26 août 2004,
7 septembre 2004 et 13 octobre 2004.

Faits:

A.
Le 17 juillet 2003, un Juge d'instruction de Madrid a adressé à la Suisse une
demande d'entraide judiciaire, pour les besoins d'une procédure pénale
dirigée notamment contre les frères jumeaux C.________ et D.________,
soupçonnés de blanchiment d'argent provenant du trafic de stupéfiants. La
demande fait état de comptes ouverts auprès de banques genevoises, soit la
banque F.________, la banque G.________ et la banque H.________. Le magistrat
requérant en demande le blocage immédiat et la production de la documentation
relative à ces comptes, dès leur ouverture. Le 12 novembre 2003, le juge
d'instruction madrilène a complété sa demande en produisant un rapport de la
Brigade d'investigation des délits monétaires du 8 juillet 2003. Il en
ressort que les frères C.________ et D.________ récoltaient l'argent liquide
en Colombie et procédaient à son importation par avion en Espagne, puis
notamment en Suisse; l'argent était déposé sur des comptes bancaires et viré
vers Bogota ou Miami. Les sommes ainsi recyclées étaient estimées à plus de
30 millions d'Euros.

B.
Le Ministère public de la Confédération (MPC), chargé d'exécuter cette
demande, est partiellement entré en matière le 27 novembre 2003. Les banques
étaient invitées à procéder aux blocages sollicités, ainsi qu'à produire la
documentation, à partir du 1er janvier 1997. Le 23 janvier 2004, la demande a
été étendue à un compte détenu par la société I.________.
Le 8 juillet 2004, le magistrat requérant a demandé à être informé au sujet
des comptes bloqués en Suisse, dont les titulaires sont les frères C.________
et D.________, leurs parents et les autres personnes concernées par
l'enquête.
Par lettre du 15 juillet suivant, le MPC répondit qu'à l'occasion d'une
visite en Espagne le 12 février 2004, le juge d'instruction madrilène avait
fait savoir au procureur suisse qu'après la saisie en Espagne de documents
trouvés en main des frères C.________ et D.________, il considérait la
commission rogatoire comme exécutée. Il s'agissait en réalité d'un
malentendu, car les informations requises dans cette commission rogatoire
étaient toujours attendues. La requête serait traitée dans les meilleurs
délais, sous réserve du droit d'opposition des titulaires des comptes. Les
sommes bloquées s'élevaient à 2,3 millions de francs.

C.
Dans le cadre de cette procédure, le MPC a notamment rendu plusieurs
ordonnances de clôture portant sur la transmission à l'autorité requérante de
tableaux récapitulatifs concernant les comptes bancaires bloqués en Suisse.

C.a Le 26 août 2004, il a ordonné la transmission d'un tableau concernant
quatre comptes détenus par la société J.________ auprès de la banque
H.________. Y sont mentionnés, outre le titulaire, les numéros, les dates
d'ouverture, les ayants droit économiques (soit les parents de C.________ et
D.________), les personnes disposant du pouvoir de signature (soit les frères
et les parents de C.________ et D.________) ainsi que les devises et le solde
disponible.

C.b Par décision du 7 septembre 2004, il a ordonné la transmission d'un
tableau concernant 23 comptes et portant les mentions suivantes: titulaires
(soit K.________, I.________, C.________ et D.________), établissements
bancaires (soit les banques H.________, G.________, F.________) numéros,
dates d'ouverture et, éventuellement, de clôture, ayants droit économiques
(dans tous les cas, C.________ ainsi que, pour certains comptes, D.________),
personnes disposant de pouvoirs de signature (soit les frères et les parents
de C.________ et D.________), les devises, ainsi que le solde disponible.
Après avoir communiqué les pièces de la procédure au mandataire des frères
C.________ et D.________, et permis à celui-ci de présenter ses objections,
le MPC a considéré que la remise de ce tableau correspondait à la demande
d'entraide, que la consultation de l'ensemble de la documentation ne
s'imposait pas en l'état, et que l'enquête étrangère avait un caractère
pénal, le principe de la spécialité étant rappelé aux autorités espagnoles.

C.c Le 13 octobre 2004, le MPC a aussi décidé de transmettre un tableau
concernant trois comptes détenus par E.________ auprès de la banque
L.________. Le MPC a rejeté des objections similaires, en relevant que le
compte était contrôlé par les frères C.________ et D.________ et que les
pièces essentielles de la procédure avaient été mises à disposition.

D.
Trois recours de droit administratif ont été formés contre chacune de ces
décisions; le premier par les frères C.________ et D.________ ainsi que par
A.________ et B.________ (cause 1A.234/2004); le second par les frères
C.________ et D.________ (cause 1A.238/2004); le troisième par les frères
C.________ et D.________ et la société E.________ (cause 1A.269/ 2004). Les
recours tendent au rejet de la demande d'entraide et au refus de transmettre
les tableaux récapitulatifs, ainsi qu'à la levée du blocage des comptes
visés, subsidiairement au renvoi de la cause au MPC pour complément
d'instruction et nouvelle décision.

Les recourants ont (avec ou après le dépôt de leur recours) demandé
l'assistance judiciaire, respectivement la dispense de l'avance de frais pour
la société E.________, s'estimant incapables de verser les montants réclamés.

Le MPC conclut au rejet des recours, dans la mesure où ils sont recevables.
L'Office fédéral de la justice conclut à l'irrecevabilité des recours en tant
qu'ils émanent de personnes qui ne sont pas titulaires des comptes visés, et
au rejet des recours pour le surplus.

Les recourants ont eu l'occasion de répliquer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Dirigés contre des décisions de même nature, et comportant des motivations
similaires, les recours peuvent être joints afin qu'il soit statué par un
même arrêt.

2.
En vertu de l'art. 80g de la loi fédérale sur l'entraide internationale en
matière pénale (EIMP; RS 351.1), le recours de droit administratif est ouvert
contre la décision de clôture rendue par l'autorité fédérale d'exécution,
confirmant la transmission de renseignements bancaires à l'Etat requérant
(cf. art. 25 al. 1 EIMP). Les décisions incidentes antérieures sont
attaquables simultanément.

2.1 Selon l'art. 80h let. b EIMP, a qualité pour agir quiconque est touché
personnellement et directement par une mesure d'entraide et a un intérêt
digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. La personne visée
par la procédure pénale étrangère peut recourir aux mêmes conditions (art. 21
al. 3 EIMP). La jurisprudence, fondée sur l'art. 9a OEIMP, reconnaît ainsi la
qualité pour agir au titulaire d'un compte bancaire dont les pièces sont
saisies (ATF 130 II 162 consid. 1.1 p. 164; 127 II 198 consid. 2d p. 205; 126
II 258 consid. 2d/aa p. 260, et les arrêts cités), mais la dénie à l'ayant
droit économique de ce compte (ATF 122 II 130 consid. 2b p. 132/133), même si
la transmission des renseignements demandés entraîne la révélation de son
identité (ATF 130 II 162 consid. 1.1 p. 164). Contrairement à ce que
soutiennent les recourants, le fait que les renseignements puissent être
utilisés à leur détriment dans la procédure pénale étrangère n'est pas
déterminant pour juger de la qualité pour recourir.

2.2 Les décisions de clôture ne portent pas sur la documentation bancaire
proprement dite, mais sur des tableaux comportant une série de données au
sujet des comptes bloqués. Outre l'identité des titulaires, ayants droit et
fondés de procuration, le solde disponible est également mentionné. Même
s'ils ne comprennent aucune indication sur les mouvements de fonds, ces
tableaux contiennent des "informations sur un compte" au sens de l'art. 9a
let. a OEIMP, suffisantes pour justifier la qualité pour agir des titulaires.

2.3 Les tableaux récapitulatifs dont le MPC envisage la transmission portent
sur trois séries de comptes bancaires.
- Le premier tableau (1A.234/2004) concerne deux comptes ouverts au nom de
"J.________". B.________ et A.________ n'y apparaissent que comme ayants
droit économiques, et les frères C.________ et D.________ comme fondés de
procuration. Toutefois, le MPC semble admettre que les deux premiers nommés
sont bien titulaires de la relation bancaire; il y a lieu, dans le doute,
d'entrer en matière dans la mesure où le recours est formé par B.________ et
A.________, à l'exclusion des frères C.________ et D.________.
- Le second tableau (1A.238/2004) concerne des comptes détenus pour partie
par des sociétés, pour partie par les frères C.________ et D.________;
ceux-ci ont qualité pour agir dans cette mesure.
- Le troisième tableau (1A.269/2004) concerne un compte ouvert par la société
E.________. Seule cette dernière a qualité pour agir, à l'exclusion des
frères C.________ et D.________.

2.4 Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision sont
recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 122 II 373 consid. 1c p.
375; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les arrêts
cités). Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour accorder
l'entraide judiciaire sont remplies et dans quelle mesure la coopération
internationale doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib
269 consid. 2e p. 275). Il statue avec une cognition libre sur les griefs
soulevés sans être toutefois tenu, comme le serait une autorité de
surveillance, de vérifier d'office la conformité de la décision attaquée à
l'ensemble des dispositions applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid.
1d p. 136/137; 119 Ib 56 consid. 1d p. 59).

3.
Les recourants (causes 1A.234/2004 et 1A238/2004) se plaignent d'une
violation du droit d'être entendus, grief d'ordre formel qu'il y a lieu
d'examiner en premier lieu. Ils reprochent au MPC d'avoir, dans un premier
temps, rendu une ordonnance d'entrée en matière portant sur le blocage des
comptes visés. En dépit d'une constitution d'avocat pour l'ensemble de cette
procédure, le MPC a rendu plusieurs décisions de clôture, omettant de
notifier au mandataire l'ordonnance concernant A.________ et B.________
(cause 1A. 234/2004). La consultation du dossier n'aurait pu avoir lieu
qu'après le prononcé de la décision de clôture (cause 1A.238/2004).

3.1 L'avocat des recourants s'est constitué le 12 janvier 2004, pour les
frères C.________ et D.________. La procuration produite n'est signée que par
ces deux personnes. Le MPC pouvait donc considérer à juste titre que la
constitution ne s'étendait pas à l'ensemble des titulaires des comptes
concernés par l'ordonnance d'entrée en matière. De la même façon, il pouvait
se dispenser de notifier en Suisse les décisions concernant des personnes qui
n'y avaient pas élu domicile (art. 80m al. 1 let. b EIMP). La notification à
l'établissement bancaire était à cet égard suffisante (ATF 130 II 505 consid.
2.3). Elle n'a d'ailleurs pas privé les recourants du droit d'intervenir dans
la procédure, puisque leur recours a pu être formé en temps utile.

3.2 Les recourants se plaignent aussi de n'avoir pu accéder au dossier que le
27 septembre 2004, soit après la décision de clôture, ce qui les aurait
privés de leur droit de participer à la procédure. Il ressort toutefois du
dossier que l'avocat des recourants s'est vu remettre, le 26 août 2004, les
pièces essentielles de la procédure, soit la demande d'entraide et ses
compléments, la décision d'entrée en matière, le rapport du 14 juillet 2004
et la lettre du 15 juillet suivant, ainsi que le tableau des comptes
bancaires bloqués. Un délai de dix jours était accordé à l'avocat des
recourants afin qu'il se détermine sur la transmission de ce tableau,
éventuellement par voie simplifiée. Cette manière de procéder apparaît
conforme au droit d'être entendu. Les recourants n'ont d'ailleurs pas réagi
dans le délai imparti pour réclamer l'accès à des documents supplémentaires,
pour consulter l'ensemble du dossier ou pour obtenir une prolongation de
délai. Le grief doit être écarté.

4.
Sur le fond, les recourants soutiennent que la demande d'entraide serait
insuffisamment motivée. La première demande avait fait l'objet d'un
complément, sollicité par les autorités suisses, sous la forme d'un rapport
du fisc espagnol. Une demande d'entraide adressée aux Etats-Unis d'Amérique
avait déjà été rejetée, faute de preuves suffisantes quant à un comportement
criminel. En 1994, les frères C.________ et D.________ avaient été acquittés
du chef de trafic de drogue, au Venezuela. Par jugement du 16 février 2000,
le Tribunal de Bourg-en-Bresse avait également acquitté C.________ de
l'accusation de défaut de déclaration d'une somme d'argent. L'enquête menée
en Espagne depuis sept ans n'avait pas permis de démontrer l'existence d'un
trafic de drogue ou de blanchiment d'argent. La demande aurait un but
purement fiscal, comme en attesterait la production du rapport du 7 décembre
2001 de la Brigade d'investigation des délits monétaires, qui fait état, pour
chaque compte bancaire, d'avoirs non déclarés. La procédure pour blanchiment
d'argent se fonderait sur les mêmes faits que la procédure fiscale.

4.1 Selon l'art. 14 CEEJ, la demande d'entraide doit notamment indiquer son
objet et son but (ch. 1 let. b), ainsi que l'inculpation et un exposé
sommaire des faits (ch. 2). Ces indications doivent permettre à l'autorité
requise de s'assurer que l'acte pour lequel l'entraide est demandée est
punissable selon le droit des Parties requérante et requise (art. 5 ch. 1
let. a CEEJ), qu'il ne constitue pas un délit politique ou fiscal (art. 2 al.
1 let. a CEEJ), que l'exécution de la demande n'est pas de nature à porter
atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres
intérêts essentiels du pays (art. 2 let. b CEEJ), et que le principe de la
proportionnalité est respecté (ATF 118 Ib 111 consid. 4b et les arrêts
cités). Le droit interne (art. 28 EIMP) pose des exigences équivalentes, que
l'OEIMP précise par l'indication du lieu, de la date et du mode de commission
des infractions (art. 10 OEIMP).

4.2 Les recourants argumentent comme si l'autorité suisse appelée à statuer
sur une demande d'entraide avait à exiger des preuves de la part de
l'autorité requérante. Tel n'est toutefois pas le cas: l'autorité suisse
saisie d'une requête d'entraide, de nature administrative, ne se prononce pas
sur la culpabilité des personnes mises en cause. La présomption d'innocence,
invoquée en réplique par les recourants, ne s'applique pas dans ce contexte.
L'autorité d'entraide n'a donc pas à se prononcer sur la vraisemblance des
soupçons, pour autant que ceux-ci soient exposés de manière suffisamment
claire.
Tel est le cas en l'espèce: selon la demande d'entraide et ses compléments,
les frères C.________ et D.________ sont soupçonnés d'avoir blanchi plusieurs
dizaines de millions de dollars provenant du trafic de cocaïne. Selon le
rapport du 8 juillet 2003 de la Brigade d'investigation des délits monétaires
- rapport qui fait partie des documents produits à l'appui de la demande
d'entraide, selon communication de l'autorité requérante du 12 novembre 2003
-, les frères C.________ et D.________ dirigeaient un groupe qui récoltait en
Espagne de l'argent apporté par des agents colombiens travaillant pour des
trafiquants de stupéfiants. C.________ profitait notamment de son statut
d'employé d'une compagnie aérienne. L'argent était ensuite conditionné et
déposé sur des comptes bancaires, puis viré à destination d'établissements de
Bogota et de Miami. Par la suite, l'achat d'un avion aurait permis de
transporter des quantités plus importantes d'argent, soit au total plus de 30
millions d'Euros. Ces indications sont suffisantes au regard des exigences de
l'art. 14 CEEJ. S'agissant de délits de blanchiment, pour lesquels s'applique
la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la
confiscation du produit du crime (CBl; RS 0.311.53), l'autorité requérante
n'a pas à expliquer dans le détail en quoi consiste l'infraction principale,
en l'occurrence le trafic de drogue (ATF 129 II 97 consid. 3.3).
Les recourants ne contestent d'ailleurs pas s'être livrés à des opérations de
compensation entre la Colombie et l'Espagne; ils affirment qu'il s'agissait
d'opérations licites, mais cette argumentation à décharge n'est pas
recevable. Il est également indifférent que l'entraide ait été refusée
précédemment par les Etats-Unis, en raison semble-t-il de preuves
insuffisantes; pour sa part, la Suisse n'exige pas de telles preuves, comme
cela est relevé ci-dessus. Pour les mêmes raisons, l'acquittement prononcé en
France n'est pas non plus un élément pertinent. Le MPC relève d'ailleurs à ce
sujet que ce jugement a été réformé en appel, C.________ ayant été condamné à
50'000 Euros d'amende, la somme de 22 millions de pesetas ayant en outre été
confisquée.
La découverte de flux financiers suspects dans l'Etat requérant peut certes
avoir des conséquences d'ordre fiscal. Cela ne suffit pas pour affirmer que
la demande d'entraide ne serait qu'un prétexte, dans la mesure où les
infractions pénales sont décrites avec suffisamment de précision. Selon les
indications du MPC, la Brigade d'investigation des délits monétaires n'est
pas rattachée au fisc, mais à la police judiciaire, comme cela ressort
notamment de l'en-tête du rapport établi le 11 juin 2004 par cette autorité.
Les griefs tirés du défaut de motivation de la requête, de son prétendu
caractère fiscal et de l'absence de double incrimination doivent par
conséquent être rejetés.

5.
Invoquant le principe de la proportionnalité, les recourants estiment que le
MPC serait allé au-delà de l'entraide requise, car la demande d'entraide -
considérée dans un premier temps comme exécutée - ne tendait pas à la
transmission de tableaux récapitulatifs. Ceux-ci ne seraient d'ailleurs
d'aucune utilité en Espagne, car les mouvements de fonds n'y figurent pas.
Enfin, A.________, B.________ et la société E.________ ne seraient pas visés
par l'enquête espagnole.

5.1 Le principe de la proportionnalité empêche d'une part l'autorité
requérante de demander des mesures inutiles à son enquête et, d'autre part,
l'autorité d'exécution d'aller au-delà de la mission qui lui est confiée (ATF
121 II 241 consid. 3a). L'autorité suisse requise s'impose une grande retenue
lorsqu'elle examine le respect de ce principe, car elle ne dispose pas des
moyens qui lui permettraient de se prononcer sur l'opportunité de
l'administration des preuves. Saisi d'un recours contre une décision de
transmission, le juge de l'entraide doit lui aussi se borner à examiner si
les renseignements à transmettre présentent, prima facie, un rapport avec les
faits motivant la demande d'entraide. Il ne doit exclure de la transmission
que les documents n'ayant manifestement aucune utilité possible pour les
enquêteurs étrangers (examen limité à l'utilité "potentielle", ATF 122 II 367
consid. 2c p. 371). La jurisprudence admet qu'on peut interpréter une
commission rogatoire de manière extensive, s'il apparaît que cela correspond
à la volonté de son auteur et permet de prévenir une éventuelle demande
complémentaire (ATF 121 II 241 consid. 3a in fine). Il faut toutefois
qu'ainsi comprise, la mission que se reconnaît l'autorité d'exécution
satisfasse aux conditions posées à l'entraide judiciaire (même arrêt).

5.2 La demande d'entraide initiale tendait au blocage et à la production de
toute la documentation relative à des comptes déterminés, qui auraient pu
être utilisés par les frères C.________ et D.________. Par la suite, selon le
rapport du 11 juin 2004 (dont les recourants tentent en vain de contester la
teneur), les frères C.________ et D.________ auraient profité d'une mise en
liberté provisoire pour tenter de récupérer et de mettre en lieu sûr des
documents cachés; ils auraient pu être interceptés à cette occasion en
possession de nombreuses pièces, parmi lesquelles des documents bancaires
relatifs aux comptes ouverts en Suisse. La saisie de ces pièces avait
apparemment rendu sans objet la demande visant à la transmission de toute la
documentation bancaire. Toutefois, l'autorité requérante a ensuite précisé,
le 8 juillet 2004, qu'elle demandait la production d'un "rapport complet" sur
les comptes bloqués en Suisse dont les titulaires sont les frères C.________
et D.________, leurs parents et les autres personnes visées par l'enquête.
Cela a encore été confirmé par télécopie du 20 décembre 2004.
Compte tenu des demandes expresses de l'autorité requérante, point n'est
besoin d'interpréter la demande d'entraide: les tableaux récapitulatifs sont
couverts par la demande, et leur utilité potentielle est indéniable, ne
serait-ce que pour permettre au magistrat étranger de connaître les montants
bloqués en Suisse. Dans la mesure où la demande initiale tend à l'octroi
d'une documentation complète, la transmission de tableaux résumant les
informations les plus importantes, sans indications quant aux mouvements de
fonds, ne va pas au-delà de l'entraide requise.
Il ressort enfin de la demande et de ses annexes que la société E.________,
bijouterie dont les recourants sont les administrateurs, servait de
couverture à leurs activités. Le compte ouvert au nom de cette société a pu
être utilisé par les frères C.________ et D.________, de même d'ailleurs que
les comptes détenus par leurs parents, dont ils ont la disposition. Dans ces
conditions, le principe de la proportionnalité est respecté.

6.
Sur le vu de ce qui précède, les recours de droit administratif doivent être
rejetés, dans la mesure où ils sont recevables. Les recourants ont demandé
l'assistance judiciaire, en exposant que D.________ et C.________ seraient au
chômage, et que leurs parents, retraités, disposeraient d'un modeste revenu.
Si les recourants font grand cas de leurs faibles revenus imposables, ils ne
disent rien en revanche de leur fortune. Or il ne paraît guère crédible
qu'ils puissent détenir plusieurs millions de francs sur des comptes bloqués
en Suisse, sans disposer d'aucun avoir, notamment dans leur pays de
résidence. La société E.________ a également demandé l'assistance judiciaire,
mais celle-ci n'est pas accordée aux personnes morales (ATF 119 Ia 337) Les
demandes d'assistance judiciaire doivent donc être rejetées, et un émolument
judiciaire global est mis à la charge solidaire des recourants.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les recours de droit administratif sont rejetés, dans la mesure où ils sont
recevables.

2.
Les demandes d'assistance judiciaire sont rejetées.

3.
Un émolument judiciaire de 6000 fr. est mis à la charge solidaire des
recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants et au
Ministère public de la Confédération ainsi qu'à l'Office fédéral de la
justice (B 116 328).

Lausanne, le 1er février 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: