Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.165/2004
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1A.165/2004 /col

Arrêt du 27 juillet 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Zimmermann.

A. ________,
recourant, représenté par Me Pierre-Dominique Schupp, avocat,

contre

Ministère public de la Confédération,
Antenne Lausanne, avenue des Bergières 42,
case postale 334, 1000 Lausanne 22.

entraide judiciaire internationale en matière pénale au Portugal,

recours de droit administratif contre l'ordonnance du Ministère public de la
Confédération du 28 mai 2004.

Faits:

A.
Le 28 février 2003, le Procureur de la République auprès du Parquet général
de la République du Portugal a adressé au Ministère public de la
Confédération une demande d'entraide pour les besoins de l'enquête ouverte
notamment contre A.________ pour détournement de fonds, falsification de
documents et blanchiment d'argent. Selon l'exposé des faits joint à la
demande, A.________ dirigeait le club sportif B.________. Dans le cadre de
ses fonctions, il aurait procédé à des transferts de joueurs. Certains
contrats établis à cette fin auraient donné lieu à des détournements de
fonds, une partie du montant de l'indemnité de transfert étant acheminée sur
des comptes détenus ou contrôlés par A.________. Des documents auraient été
falsifiés. La demande tendait à la remise de la documentation concernant
notamment le compte n°xxx ouvert au nom de A.________ et de son épouse auprès
de la banque C.________ à Lausanne.
Le 18 juillet 2003, le Ministère public a rendu une décision de clôture
portant sur la transmission de la documentation concernant le compte n°xxx,
pour la période postérieure au 1er janvier 2000.
Cette décision est entrée en force.

B.
Le 16 janvier 2004, le Procureur de la République auprès du Parquet général
de la République du Portugal a adressé au Ministère public de la
Confédération une demande complémentaire, datée du 8 janvier 2004, tendant
notamment à la remise de la documentation relative au compte n°xxx, pour la
période allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999.
Le 27 janvier 2004, l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office
fédéral) a délégué l'exécution de la demande au Ministère public.
Le 12 février 2004, le Procureur fédéral a rendu une décision d'entrée en
matière.
Le 11 mars 2004, la banque C.________ a remis au Procureur fédéral la
documentation relative au compte n°xxx, pour la période allant de 1996 au 31
décembre 1999; en 1995, le compte n'a pas été utilisé.
Le 1er avril 2004, le Procureur fédéral a averti le mandataire de A.________
qu'il envisageait de transmettre cette documentation à l'Etat requérant, ce à
quoi A.________ s'est opposé, le 16 avril 2004.
Le 28 mai 2004, le Procureur fédéral a rendu une décision de clôture portant
sur la remise de la documentation relative au compte n°xxx, pour la période
allant de 1996 à fin 1999.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision du 28 mai 2004, en tant qu'elle vise
le compte n°xxx. Il allègue que la demande serait abusive et
disproportionnée.
Le Procureur fédéral et l'Office fédéral proposent le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174,
185 consid. 1 p. 188, 337 consid. 1 p. 339, et les arrêts cités).

1.1  La Confédération suisse et la République du Portugal sont toutes deux
parties à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale
(CEEJ; RS 0.351.1), conclue à Strasbourg le 20 avril 1959 et entrée en
vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse et le 26 décembre 1994 pour le
Portugal. Les dispositions de ce traité l'emportent sur le droit interne qui
régit la matière, soit la loi fédérale sur l'entraide internationale en
matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance
d'exécution (OEIMP; RS 351.11), qui sont applicables aux questions non
réglées, explicitement ou implicitement, par le traité, et lorsque le droit
interne est plus favorable à l'entraide que celui-ci (ATF 123 II 134 consid.
1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189
consid. 2a p. 191/192; 118 Ib 269 consid. 1a p. 271, et les arrêts cités). Le
respect des droits fondamentaux est réservé (ATF 123 II 595 consid. 7c p.
617).

1.2  La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la décision
confirmant la transmission de la documentation bancaire à l'Etat requérant
(cf. art. 25 al. 1 EIMP). Le Tribunal fédéral examine librement si les
conditions pour accorder l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la
coopération internationale doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p.
136/137; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275). Il statue avec une cognition libre
sur les griefs soulevés sans être toutefois tenu, comme le serait une
autorité de surveillance, de vérifier d'office la conformité de la décision
attaquée à l'ensemble des dispositions applicables en la matière (ATF 123 II
134 consid. 1d p. 136/137; 119 Ib 56 consid. 1d p. 59).

1.3  En tant que titulaire du compte n°xxx, le recourant a qualité pour
recourir contre la transmission de la documentation y relative (art. 80h let.
b EIMP et art. 9a let. a OEIMP; ATF 130 II 162 consid. 1.1 p. 164; 127 II 198
consid 2d p. 205; 126 II 258 consid. 2d/aa p. 260, et les arrêts cités).
Il y a lieu d'entrer en matière.

2.
Selon le recourant, le Procureur portugais ne disposerait pas de la
compétence d'ordonner la saisie de documents bancaires dans l'Etat requérant;
la demande serait abusive à cet égard.

2.1  Si l'autorité suisse doit s'assurer de la compétence répressive de
l'Etat
requérant, elle s'interdit en revanche d'examiner la compétence de l'autorité
requérante, tant du point de vue matériel que procédural. Ce n'est qu'en cas
d'incompétence manifeste, faisant apparaître la demande comme abusive, que
l'entraide peut être refusée (ATF 122 II 134 consid. 7b p. 137; 116 Ib 89
consid. 2c/aa p. 92; 113 Ib 157 consid. 4 p. 164).

2.2  Dans un premier moyen, le recourant expose qu'au regard de l'art. 181 du
Code de procédure pénale portugais, seul le Juge d'instruction peut ordonner
la saisie de documents bancaires. Le Procureur fédéral devait cependant
prendre en compte la déclaration faite par le Portugal à l'art. 24 CEEJ,
selon laquelle le Ministère public est une autorité judiciaire au sens de
cette disposition. En d'autres termes, le Portugal a admis que le Ministère
public puisse présenter des demandes d'entraide à l'étranger, y compris
lorsqu'elles portent, comme en l'espèce, sur la saisie et la remise de
documents bancaires.
Si le recourant entendait se prévaloir de l'art. 76 let. c EIMP, à teneur
duquel les demandes de saisie et de remise d'objets doivent être accompagnées
d'une attestation de leur licéité dans l'Etat requérant, il faudrait lui
répondre que cette exigence n'est de toute manière pas opposable aux Etats
parties à la CEEJ (arrêts 1A.274/1999 du 25 février 2000, consid. 3b;
1A.215/1998 du 7 décembre 1998, consid. 3b; 1A.64/1996 du 18 avril 1996).

2.3  Dans un deuxième moyen, le recourant se prévaut d'une décision rendue le
11 décembre 2003 par le Juge d'instruction en charge de l'affaire dans l'Etat
requérant.
Il s'agit d'une décision réduisant le montant des sûretés exigées de
A.________ d'un montant initial d'un million d'euros à cinq cent mille euros,
lequel correspondrait approximativement aux détournements reprochés. Le
recourant en conclut que sur le vu de cette décision antérieure à la demande
complémentaire du 8 janvier 2004, il serait impossible de soutenir, comme le
fait le Procureur portugais, que les délits pour la répression desquels
l'entraide est demandée, porteraient sur un montant de l'ordre d'un million
d'euros. Il y voit la preuve du caractère abusif de la demande
complémentaire.
La décision du 11 décembre 2003 vise un aspect particulier de l'affaire, soit
les mesures de sûreté à prendre pour éviter que le recourant ne fuie le
Portugal pour se soustraire à l'action de la justice. L'appréciation portée
dans ce cadre par le juge d'instruction ne présente aucun caractère
définitif. On ne saurait y voir l'abandon des poursuites en relation avec
certains faits déterminés, dont ceux qui ont justifié les investigations
réclamées en Suisse. De toute manière, à supposer qu'une divergence ait surgi
entre les autorités de l'Etat requérant quant à l'importance des délits mis à
la charge du recourant, cela ne signifierait pas pour autant que la procédure
aurait perdu son objet ou relèverait d'une démarche artificielle. Enfin, on
ne voit pas comment l'autorité d'exécution pourrait refuser d'accomplir les
actes d'entraide demandés, au motif que d'autres mesures, tout aussi
appropriées, pourraient être prises dans l'Etat requérant.

3.
Le recourant invoque le principe de la proportionnalité.

3.1  Ne sont admissibles, au regard des art. 3 CEEJ et 64 EIMP, que les
mesures de contrainte conformes au principe de la proportionnalité.
L'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la
découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat
requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont
nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale instruite dans l'Etat
requérant est en principe laissée à l'appréciation des autorités de
poursuite. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens lui
permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves
déterminées au cours de l'instruction menée à l'étranger, il ne saurait sur
ce point substituer sa propre appréciation à celle du magistrat chargé de
l'instruction. La coopération internationale ne peut être refusée que si les
actes requis sont sans rapport avec l'infraction poursuivie et manifestement
impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît
comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122
II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243; 120 Ib 251
consid. 5c p. 255). Le principe de la proportionnalité empêche aussi
l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et
d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241 consid.
3a p. 243; 118 Ib 111 consid. 6 p. 125; 117 Ib 64 consid. 5c p. 68, et les
arrêts cités). Au besoin, il lui appartient d'interpréter la demande selon le
sens que l'on peut raisonnablement lui donner; rien ne s'oppose à une
interprétation large de la requête s'il est établi que toutes les conditions
à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder évite aussi une
éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243). Lorsque
la demande vise à éclaircir le cheminement de fonds d'origine délictueuse, il
convient d'informer l'Etat requérant de toutes les transactions opérées au
nom des sociétés et des comptes impliqués dans l'affaire (ATF 121 II 241
consid. 3c p. 244). Il incombe à la personne touchée de démontrer, de manière
claire et précise, en quoi les documents et informations à transmettre
excéderaient le cadre de la demande ou ne présenteraient aucun intérêt pour
la procédure étrangère (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa p. 260; 122 II 367
consid. 2c p. 371/372).

3.2  Les documents dont le Ministère public a ordonné la transmission
confirment que des montants importants ont été acheminés sur le compte n°xxx
en relation avec des opérations de transferts de joueurs, dont certaines
n'ont pas été évoquées dans la demande. Comme les autorités de poursuite
soupçonnent le recourant d'avoir détourné à son profit une partie des
indemnités de transfert revenant au club sportif  B.________, il se justifie
de transmettre les pièces relatives à tous les transferts. Pour le surplus,
l'autorité de poursuite doit savoir ce qu'il est advenu des fonds qui
auraient été détournés, y compris pour des investissements. Cela justifie de
transmettre l'intégralité de la documentation réunie, afin de retracer le
cheminement exact des fonds, leur emploi et destinataires finals. Au
demeurant, hormis l'affirmation toute générale que certaines pièces ne
présenteraient aucun lien avec les faits poursuivis, le recourant n'apporte
aucune démonstration précise de l'inutilité de telle ou telle pièce pour la
procédure étrangère. Enfin, le fait que le recourant dispose de comptes en
Suisse est déjà connu au Portugal, comme cela ressort de la décision du 11
décembre 2003 citée par le recourant.

4.
Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en sont mis à la charge du
recourant (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public de la Confédération ainsi qu'à l'Office fédéral de la
justice (B 140 071).

Lausanne, le 27 juillet 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: