Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.156/2004
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1A.156/2004 /col

Arrêt du 5 novembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Zimmermann.

Office fédéral du développement territorial,
3003 Berne,
recourant,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Yves Hofstetter, avocat,
Municipalité d'Essertines-sur-Rolle, 1186 Essertines-sur-Rolle, représentée
par Me Olivier Freymond, avocat,
Département de la sécurité et de l'environnement
du canton de Vaud, Service de l'aménagement du territoire, 1014 Lausanne,
représenté par Me Edmond C.M. de Braun, avocat,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

refus d'autoriser divers travaux en zone agricole,
remise en état,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Vaud du 14 avril 2004.

Faits:

A.
A. ________ est propriétaire de la parcelle n°747 du Registre foncier
d'Essertines-sur-Rolle. Ce bien-fonds est classé dans la zone agricole régie
par les art. 46ss du Règlement communal sur le plan d'affectation et la
police des constructions (RPA), adopté le 29 novembre 1988 par le Conseil
général communal et approuvé le 21 septembre 1990 par le Conseil d'Etat du
canton de Vaud. Sur la parcelle n°747 sont érigés deux bâtiments, autrefois à
vocation agricole, qui abritent au total trois logements occupés par des
locataires sans lien avec l'agriculture.

B.
Entre 1999 et 2000, A.________ a effectué divers travaux sur ces deux
bâtiments. Certains d'entre eux ont été autorisés par la Municipalité,
d'autres non. Le Département cantonal des infrastructures n'a pas été
consulté.
Le 30 octobre 2001, le Service cantonal de l'aménagement du territoire
(ci-après: le Service cantonal) a établi une liste de ces travaux. La
Municipalité a invité A.________ à demander les autorisations de construire
nécessaire. Par arrêt du 15 août 2002, le Tribunal administratif du canton de
Vaud a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision, qu'il a
confirmée.

C.
Après que A.________ se soit plié aux injonctions du Service cantonal et de
la Municipalité, la Centrale des autorisations en matière d'autorisations de
construire du Département cantonal (ci-après: CAMAC) a, le 9 juillet 2003,
communiqué à la Municipalité le refus du Service cantonal de délivrer les
autorisations spéciales requises pour la création d'une sellerie, d'un local
sanitaire et d'un local de rangement annexé, dans l'un des bâtiments
existants, ainsi que pour les aménagements extérieurs suivants:
-création d'une aire de stationnement asphaltée et d'un mur de soutènement;
- construction de balustrades préfabriquées de part et d'autre d'escaliers;
- construction d'une balustrade préfabriquée sur un pont de grange;
- construction de deux colonnes en pierre à l'entrée du jardin;
- réaménagement des jardins et de la cour;
- création d'une terrasse pour l'un des logements;
- création d'une aire de sortie en plein air;
- construction d'une aire de sortie pour chevaux, d'une surface de 800 m2.
Le Service cantonal a délivré les autorisations requises pour les autres
travaux.
Le 18 juillet 2003, la Municipalité a refusé le permis de construire, en se
référant à la décision de la CAMAC.
Par arrêt du 14 avril 2004, le Tribunal administratif, après avoir effectué
une inspection des lieux, a admis partiellement le recours formé par
A.________ contre les décisions des 9 et 18 juillet 2003, qu'il a annulées en
renvoyant la cause aux autorités inférieures pour nouvelles décisions au sens
des considérants. Il a considéré que l'autorisation spéciale requise devait
être accordée pour la création de la sellerie, du local sanitaire et du local
de rangement, ainsi que pour tous les aménagements extérieurs, à l'exception
de la réalisation de l'aire de stationnement et du mur de soutènement, ainsi
que la création de l'aire de sortie pour chevaux. Il a renvoyé la cause au
Service cantonal et à la Municipalité pour nouvelle décision au sens des
considérants. Selon le Tribunal administratif, les travaux litigieux ne
pouvaient être autorisés au regard de l'art. 22 let. a LAT, car ils n'étaient
pas conformes à l'affectation agricole de la zone. Pour une partie d'entre
eux toutefois, ils devaient être admis sous l'angle des art. 24d LAT et 42
OAT.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Office fédéral du
développement territorial (ci-après: l'Office fédéral) demande au Tribunal
fédéral d'annuler l'arrêt du 14 avril 2004. Il invoque les art. 24 et 24d
LAT, ainsi que les art. 42 et 42a OAT.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. La Municipalité s'en remet à
justice. A.________ conclut au rejet du recours. Le Service cantonal propose
l'admission du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit à
l'autorité compétente pour les recevoir, soit à son adresse (art. 32 al. 3
OJ). En l'occurrence, le délai de réponse au recours a été fixé au 23 août
2004, selon l'ordonnance du 22 juin 2004. Les observations du Service
cantonal, datées du 23 août 2004, n'ont été remises à l'office postal que le
lendemain, comme l'atteste le timbre apposé sur l'enveloppe qui les
contenait. Il n'y a dès lors pas lieu de tenir compte de la réponse tardive
du Service cantonal.

2.
2.1 Aux termes de l'art. 34 al. 1 LAT, la voie du recours de droit
administratif est ouverte contre les décisions prises par l'autorité
cantonale de dernière instance à propos de la reconnaissance de la conformité
à l'affectation de la zone de constructions et d'installations sises hors de
la zone à bâtir et sur des demandes de dérogation selon les art. 24 à 24d
LAT. L'Office fédéral a qualité pour agir sous cet aspect (art. 34 al. 1 LAT,
mise en relation avec les art. 48 al. 4 OAT; cf. ATF 113 Ib 219 consid. 1b p.
221).

2.2 Un arrêt de renvoi qui contient des instructions impératives destinées à
l'autorité inférieure et met fin à la procédure sur les points tranchés dans
les considérants, comme c'est le cas en l'occurrence, est une décision finale
et non une décision incidente au sens de l'art. 101 let. a OJ (ATF 120 Ib 97
consid. 1b p. 99; 118 Ib 196 consid. 1b p. 198/199; 117 Ib 325 consid. 1b p.
327, et les arrêts cités).

2.3 La décision attaquée émanant d'une autorité judiciaire, le Tribunal
fédéral est lié par les faits constatés, sauf s'ils sont manifestement
inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris des règles
essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).

3.
Il est constant que les travaux litigieux ne sont pas conformes à
l'affectation de la zone agricole. Une autorisation selon l'art. 22 al. 2
let. a LAT n'entrant pas en ligne de compte, seule est envisageable une
dérogation au sens des art. 24 à 24d LAT. Le Tribunal administratif a admis
la dérogation sous l'angle de l'art. 24d LAT, mis en relation avec l'art. 42
OAT. L'Office fédéral conteste cette appréciation.

3.1 Le droit cantonal peut autoriser l'utilisation de bâtiments agricoles
conservés dans leur substance à des fins d'habitation sans rapport avec
l'agriculture (art. 24d al. 1 LAT). Le canton de Vaud a fait usage de cette
possibilité en insérant, à l'art. 81 al. 4 de la loi cantonale sur
l'aménagement du territoire et des constructions, du 4 décembre 1985 (LATC),
une disposition équivalente. Aux termes de l'art. 24d al. 3 LAT, une telle
autorisation ne peut être accordée que si les conditions cumulatives
suivantes sont remplies: la construction ou l'installation ne doit plus être
nécessaire à son usage antérieur, se prêter à l'utilisation envisagée et ne
pas impliquer de construction de remplacement que n'imposerait aucune
nécessité (let. a); l'aspect extérieur et la structure architecturale du
bâtiment doivent demeurer pour l'essentiel inchangés (let. b); une tout au
plus légère extension des équipements existants est tolérée, tous les coûts
supplémentaires d'infrastructure occasionnés par le changement complet
d'affectation de la construction ou de l'installation étant à la charge du
propriétaire (let. c); l'exploitation agricole des terrains environnants ne
doit pas être menacée (let. d) et aucun intérêt prépondérant ne s'opposer aux
travaux (let. e). L'art. 42a OAT précise qu'un agrandissement au sens de
l'art. 24d al. 1 et 3 LAT ne peut être admis que s'il est indispensable pour
un usage d'habitation répondant aux normes usuelles (al. 1); pour des
bâtiments d'habitation agricoles édifiés légalement avant l'attribution du
bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral, des
agrandissements peuvent être admis à l'intérieur du volume bâti existant dans
les limites fixées à l'art. 42 al. 3 let. a et b OAT (al. 2).

3.2 Selon la synthèse établie par la CAMAC le 9 juillet 2003, le Service
cantonal a autorisé la création, dans une étable existante, de six stalles
destinées à abriter les chevaux appartenant au propriétaire et aux
locataires; en revanche, il a refusé la création de la sellerie, d'un local
sanitaire comportant trois toilettes et du local de rangement. Il a considéré
que cette extension des activités équestres du domaine allait au-delà de ce
qui était nécessaire pour l'hébergement de six chevaux. Le Tribunal
administratif s'est écarté de cette appréciation. Il a estimé que les
aménagements litigieux consistaient à affecter différemment des locaux
existants, par subdivision; il ne s'agissait pas d'un agrandissement. De
toute manière, une telle extension serait compatible avec l'art. 42 al. 3
OAT, applicable par renvoi de l'art. 42a OAT.
La création de la sellerie et de locaux annexes est liée à l'installation de
six stalles pour chevaux. De telles installations ne peuvent être considérées
comme destinées à l'habitation au sens de l'art. 24d LAT. Tout au plus
peuvent-elles être admises dans la mesure où elles sont la conséquence
nécessaire d'un usage d'habitation conforme à l'affectation agricole de la
zone. En l'occurrence, ce besoin a été reconnu pour l'hébergement de six
chevaux réservés à l'usage du propriétaire et des locataires. Dans ce
contexte, la création des locaux supplémentaires envisagés ne peut être
tolérée que si elle est indispensable à la réalisation d'un besoin reconnu.
Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. La création d'une sellerie, d'un local
sanitaire équipé de trois toilettes et d'un local de rangement (dont le
Tribunal administratif envisage qu'il puisse être utilisé comme chambre
supplémentaire) est sans rapport avec ce qui est nécessaire pour
l'hébergement de six chevaux. En admettant le contraire, le Tribunal
administratif a violé l'art. 24d al. 1 et 1 LAT, mis en relation avec l'art.
42a OAT.

3.3 Les aménagements extérieurs litigieux (création de balustrades
préfabriquées, de colonnes en pierre, d'une terrasse, ainsi que le
réaménagement des jardins et de la cour) sont des installations dont la
construction est soumise à autorisation selon l'art. 22 LAT. Hors de la zone
à bâtir, de tels aménagements ne sont admis, à teneur de l'art. 24 LAT, que
si leur implantation est imposée par la destination de la zone (let. a) et
qu'aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (let. b).
Ces conditions ne sont manifestement pas remplies en l'espèce. Comme le
relève le Tribunal administratif, les aménagements prévus constituent des
éléments décoratifs, qui ne présentent aucun rapport avec l'affectation
agricole de la zone. Pour ce motif déjà, la condition de l'art. 24 let. a LAT
n'est pas remplie. Au demeurant, l'intérêt public lié à la sauvegarde de
l'aspect traditionnel des bâtiments agricoles, s'oppose à la création de ces
éléments, lesquels modifient l'aspect extérieur du bâtiment en lui conférant
un caractère résidentiel incompatible avec la destination de la zone. Même à
supposer l'art. 24d LAT applicable, comme le fait le Tribunal administratif,
la condition de l'al. 3 let. b de cette disposition ne pourrait être tenue
pour remplie.

4.
En conclusion, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la
décision du 9 juillet 2003 rétablie. Les frais sont mis à la charge de
l'intimé (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et les décisions des 9 et 18
juillet 2003 confirmées.

2.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge de l'intimé
A.________.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à la Municipalité
d'Essertines-sur-Rolle, au Département de la sécurité et de l'environnement,
Service de l'aménagement du territoire, et au Tribunal administratif du
canton de Vaud.

Lausanne, le 5 novembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: