Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.147/2004
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1A.147/2004 /fzc

Arrêt du 13 septembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Marc Carnicé, avocat,

contre

Office fédéral de la justice, office central USA, Bundesrain 20, 3003 Berne.

entraide judiciaire internationale en matière pénale aux USA - B 138 661 FI,

recours de droit administratif contre la décision
de l'office central USA du 7 mai 2004.

Faits:

A.
Le 21 février 2003, le Département de Justice des Etats-Unis d'Amérique a
présenté à la Suisse une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une
enquête menée par le Procureur fédéral pour le district de l'Idaho contre
B.________, C.________, D.________, soupçonnés de soutien aux activités
terroristes et de blanchiment d'argent. Il est exposé que l'"Islamic Assembly
of North America" (IANA), organisme dont le but officiel est de répandre la
foi islamique, notamment par le biais d'Internet, encouragerait la violence à
l'égard des Etats-Unis et recruterait des individus prêts à commettre des
actes de terrorisme. Informaticien, D.________ aurait créé et géré de
nombreux sites Web dans ce but. Il aurait utilisé six comptes bancaires aux
Etats-Unis pour virer en faveur de IANA ou de ses membres des sommes
importantes. IANA aurait reçu près de 3 millions d'US$ entre mars 1995 et
février 2002, dont un versement de 300'000 US$ effectué le 14 mai 1998 en
provenance de la banque X.________, à Genève. L'autorité requérante désire
connaître la source de ces virements. Elle demande des renseignements
complets sur les comptes et avoirs détenus par les personnes mises en cause
auprès de la banque X.________ et tout autre établissement bancaire. A la
demande de l'office central, l'autorité requérante a fourni des explications
complémentaires le 11 juin 2003, en exposant les activités d'Al Quaida et en
mentionnant des sites Web prônant la guerre sainte ou permettant de faire des
dons. Un article paru en juin 2001 sur l'un de ces sites évoquerait notamment
la possibilité de faire tomber un avion sur un lieu important.

B.
L'office central est entré en matière sur cette requête par décision du 5
septembre 2003, considérant que les actes décrits seraient réprimés, en droit
suisse, en vertu des art. 260bis et 260ter CP. Chargé de l'exécution, le
Ministère public de la Confédération (MPC) était invité à obtenir auprès de
la banque X.________ les documents requis, à partir de 1993. Après avoir reçu
les pièces relatives au versement de 300'000 US$ effectué le 14 mai 1998
depuis un compte détenu par le ressortissant saoudien A.________, le MPC
demanda la production complète des documents relatifs au compte en question.

A.  ________ a formé opposition en soutenant que la demande était lacunaire
et
inexacte, que les faits décrits n'étaient pas suffisamment graves et que la
condition de la double incrimination n'était pas remplie. Les 300'000 US$
versés sur un compte d'IANA correspondaient à une donation à une oeuvre
d'utilité publique. Pour le surplus, le compte était utilisé pour des
activités commerciales sans aucun rapport avec le terrorisme. Aucun tri des
documents n'avait eu lieu. L'avocat de A.________ s'est rendu le 4 février
2004 auprès de l'office central, et a reçu une copie de la documentation
bancaire. Le 12 mars 2004, il a complété l'opposition en relevant que le
compte servait à la gestion d'un hôtel d'Addis Abeba dont A.________ est le
propriétaire. Le transfert litigieux était intervenu trois ans avant
l'apparition des sites mentionnés dans la demande.

L'opposition a été rejetée le 7 mai 2004 par l'office central. Les soupçons
de l'autorité requérante étaient suffisamment exposés. L'art. 260quinquies CP
était également applicable aux actes décrits. Les documents reçus de la
banque correspondaient à la requête et une transmission intégrale se
justifiait.

C.
A. ________ forme un recours de droit administratif contre cette dernière
décision, ainsi que contre la décision d'entrée en matière du 5 septembre
2003 et les décisions d'exécution du MPC. Préalablement, il conclut à ce que
l'OFJ accomplisse certains actes d'instruction; principalement, il demande
l'annulation des décisions rendues en exécution de la demande d'entraide, le
rejet de cette dernière et le refus de toute transmission de documents
concernant son compte; subsidiairement, il invoque sa qualité de tiers non
impliqué et demande que la transmission soit limitée à un dossier "0", les
données concernant le recourant devant être caviardées. L'office central
conclut au rejet du recours.

Le 2 juillet 2004, le recourant a fait valoir qu'un jugement avait été rendu
par un tribunal du District de l'Idaho, le 10 juin précédent, acquittant
D.________ de toutes les infractions en rapport avec des activités
terroristes. Le 6 août 2004, le recourant a produit une traduction de ce
jugement, accompagnée d'un avis de droit; il soutenait que la demande
d'entraide serait devenue sans objet, précisant qu'une demande de
reconsidération avait été adressée à l'office central. Il demandait la
suspension de la procédure en attente de la détermination de cet office.
Celui-ci a pris position le 20 août 2004, en estimant qu'une reconsidération
n'entrait pas en ligne de compte, l'enquête étant toujours en cours à
l'encontre des autres personnes poursuivies.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recourant a demandé la suspension de la procédure jusqu'à ce que l'office
central se soit déterminé sur ses dernières objections ainsi que sur la
demande de reconsidération qui lui a été adressée. Le 20 août 2004, l'office
s'est déterminé en se fondant sur une communication de l'autorité requérante,
précisant qu'une reconsidération était exclue. Dans ces circonstances, il n'y
a pas lieu de suspendre la procédure, la cause étant par ailleurs en état
d'être jugée.

2.
L'entraide judiciaire entre les Etats-Unis d'Amérique et la Confédération
suisse est régie par le Traité conclu dans ce domaine (TEJUS; RS 0.351.933.6)
et la loi y relative (LTEJUS; RS 351.93). La loi fédérale sur l'entraide
internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance
d'exécution (OEIMP; RS 351.11) demeurent réservées pour des questions qui ne
sont pas réglées par le traité et la loi fédérale d'application (ATF 124 II
124 consid. 1a p. 126), dans la mesure où elle ne rendent pas la coopération
internationale plus difficile (ATF 129 II 462 consid. 1.1 p. 464).

2.1  La décision par laquelle l'office central suisse octroie l'entraide
judiciaire en vertu de l'art. 5 let. b LTEJUS et rejette une opposition selon
l'art. 16 de la même loi, peut être attaquée par la voie du recours de droit
administratif prévue à l'art. 17 al. 1 LTEJUS (ATF 124 II 124 consid. 1b p.
126).

2.2  Le recourant a qualité pour recourir, au sens de l'art. 80h let. b EIMP,
mis en relation avec l'art. 9a let. a OEIMP, contre la transmission de la
documentation relative à un compte bancaire dont il est titulaire (ATF 128 II
211 consid. 2.3 et les arrêts cités).

2.3  Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour accorder
l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération internationale
doit être accordée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/ 137), sans avoir
toutefois à se prononcer sur la réalité des faits évoqués dans la demande
(ATF 126 II 495 consid. 5e/aa p. 501; 117 Ib 64 consid. 5c p. 88, et les
arrêts cités).

3.
Le recourant reprend l'intégralité de ses motifs d'opposition. Il estime en
premier lieu que la demande d'entraide et les explications complémentaires
fournies par l'autorité requérante ne seraient pas suffisantes et
contiendraient même des inexactitudes. Le recourant ne s'y voit reprocher
aucun fait criminel. La demande ferait état de la propagation d'une idéologie
islamiste radicale, mais ne contiendrait aucune indication concrète quant au
soutien financier apporté au terrorisme par les personnes poursuivies.

3.1  A teneur de l'art. 29 ch. 1 let. a TEJUS, l'autorité requérante doit
indiquer l'objet et la nature de l'enquête, et fournir une description des
principaux faits allégués ou à établir. Cet exposé doit permettre de vérifier
l'existence d'une "présomption raisonnable" au sens de l'art. 1er ch. 2 du
traité, afin de prévenir les recherches indéterminées de moyens de preuve
(ATF 118 Ib 547 consid. 3a p. 551). La partie requérante n'a en revanche pas
à prouver, ni même à rendre vraisemblables les soupçons dont elle fait état,
mais seulement à les exposer de manière suffisamment compréhensible. Tel est
le sens de l'art. 29 ch. 1 let. a TEJUS, qui exige l'indication des faits
"allégués ou à établir". Pour sa part, l'autorité suisse d'entraide n'a pas à
se prononcer sur la vraisemblance de ces soupçons. Elle ne refusera sa
collaboration qu'en cas de lacunes, d'erreurs ou de contradictions patentes,
faisant apparaître la démarche de l'Etat requérant comme un abus manifeste.

3.2  Tel n'est pas le cas en l'occurrence. L'autorité requérante expose en
effet clairement en quoi consistent ses soupçons. IANA et ses responsables
encourageraient, par des moyens informatiques, la violence à l'égard des
Etats-Unis et recruteraient des personnes susceptibles de commettre des actes
de terrorisme. D.________ aurait créé ou géré des sites Web incitant à la
violence et évoquant la commission d'actes de terrorisme. La demande
mentionne explicitement certains sites qui invitent à la guerre sainte et
mentionnent diverses actions terroristes. Entre 1994 et 2002, de nombreux
déplacements auraient été financés par D.________. L'autorité requérante
désire ainsi savoir si les sommes reçues par IANA ont pu, sous le couvert
d'une action caritative, servir au financement de tels actes. Dans cette
perspective, elle veut connaître l'origine et la destination des fonds versés
à IANA et en particulier le virement de 300'000 US$ opéré le 14 mai 1998 en
provenance de la banque X.________. Le recourant relève que l'autorité
requérante ne mentionne aucune action terroriste concrète qui aurait été
soutenue par les personnes mises en cause. Il méconnaît ainsi que les
soupçons de l'autorité requérante sont, à ce stade, d'ordre général, ce qui
n'empêche pas l'octroi de l'entraide judiciaire. Le recourant perd également
de vue que l'autorité requérante n'a pas à prouver ses accusations, ni même à
les rendre vraisemblables. Les conditions posées à l'art. 29 ch. 1 let. a
TEJUS sont manifestement remplies.

3.3  Le recourant soutient aussi que les infractions poursuivies ne sont pas
mentionnées dans la liste annexée au Traité et que les faits, limités à des
actes de propagande, ne seraient pas suffisamment graves pour permettre
l'application de mesures coercitives sur la base de l'art. 4 al. 3 TEJUS. Le
recourant oublie toutefois (et reproche également à tort à l'office central
de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision sur ce point) que si elles ne
sont formulées qu'à titre de simples soupçons, les accusations vont au-delà
des faits qui ont été constatés, puisqu'il s'agit de déterminer s'il y a eu
soutien ou financement d'une activité terroriste. Il n'y a aucun arbitraire à
considérer que de tels actes sont suffisamment graves pour justifier l'octroi
de l'entraide sur la base de l'art. 4 al. 3 TEJUS.

3.4  L'argumentation développée par le recourant en rapport avec le principe
de la double incrimination se heurte aux mêmes objections. Cette question
s'examine en effet sur la seule base des soupçons à l'encontre des personnes
poursuivies par l'Etat requérant, et non sur le vu des preuves disponibles à
l'encontre des personnes soumises aux mesures d'entraide. Le fait que
l'identité du recourant ne soit pas mentionnée, ni aucune infraction mise à
sa charge, est dès lors sans incidence. Si les soupçons évoqués dans la
demande devaient être confirmés et si une partie de l'argent versé à IANA
devait avoir servi à la commission d'actes de terrorisme, l'infraction prévue
à l'art. 260quinquies CP (financement du terrorisme) serait réalisée. Le
recourant soutient que sa volonté de soutenir le terrorisme ne serait pas
démontrée; outre qu'il s'agit là d'une argumentation à décharge - irrecevable
- au sujet de l'intention (ou d'une application éventuelle de l'art.
260quinquies al. 2 CP), l'argument porte à faux dès lors que les infractions
sont reprochées à IANA et ses responsables, dont la volonté, à l'instar des
éléments constitutifs de l'infraction, fait partie de l'hypothèse avancée par
l'autorité requérante. Cela suffit pour admettre qu'il y a double
incrimination, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner l'état de fait au
regard des art. 260bis et 260ter CP.

3.5  Le recourant soutient enfin, dans un grief voisin, que les libertés
d'expression et de religion seraient violées dans la mesure où les poursuites
se rapportent à la seule propagande idéologique, sans lien avec la commission
d'actes de violence. L'argument doit être rejeté dans la même mesure que les
précédents car l'entraide judiciaire est précisément requise pour vérifier si
de tels actes de violence, dépassant la simple propagande, ont ou non été
favorisés par les agissements de l'IANA. L'argument fondé sur la liberté de
religion part de la prémisse que le versement du recourant était destiné à
satisfaire au devoir de charité imposé par l'Islam. Telle n'est toutefois pas
non plus l'hypothèse que l'autorité requérante désire vérifier.

4.
Le recourant soutient ensuite que la demande d'entraide devrait être déclarée
irrecevable, ou serait devenue sans objet en raison du jugement rendu le 10
juin 2004 par le Tribunal de district des Etats-Unis pour le District de
l'Idaho. Ce jugement serait définitif. En dépit du texte de l'art. 3 TEJUS,
il y aurait lieu, en vertu du principe "ne bis in idem", de tenir compte d'un
tel acquittement rendu dans l'Etat requérant.

4.1  L'office central estime que l'acte déposé par le recourant est
irrecevable. Il ne s'agit toutefois pas d'une écriture spontanée puisque le
recourant a été autorisé à produire le jugement dont il se prévalait, ainsi
que ses observations à ce sujet. L'existence d'un jugement mettant fin à la
poursuite pénale dans l'Etat requérant apparaît comme une donnée de fait
importante, dont il peut être tenu compte à n'importe quel stade de la
procédure d'entraide. En raison du large pouvoir d'examen dont dispose le
Tribunal fédéral dans ce domaine, et du fait que la décision attaquée n'émane
pas d'une autorité judiciaire (art. 105 al. 2 OJ), il peut être tenu compte
du fait nouveau invoqué.

4.2  Selon l'art. 3 al. 1 let. b TEJUS, l'entraide judiciaire peut être
refusée si la demande "vise des faits sur la base desquels la personne a été
définitivement acquittée ou condamnée dans l'Etat requis pour une infraction
correspondant quant à l'essentiel". La possibilité de refuser l'entraide en
cas de jugement dans l'Etat requis constitue un cas d'application du principe
"ne bis in idem", qui interdit de juger deux fois une même personne à raison
des mêmes faits (cf. l'art. 4 du protocole n° 7 à la CEDH, qui précise que
les procédures doivent être poursuivies dans un même Etat, et l'art. 14 al. 7
du Pacte ONU II, qui ne comporte pas cette précision). Selon le texte
conventionnel, la possibilité de refuser l'entraide judiciaire est clairement
limitée aux cas où un jugement d'acquittement ou de condamnation a été rendu
dans l'Etat requis, et non dans l'Etat requérant. Avec raison, le recourant
ne prétend pas que l'entraide pourrait être refusée en application du droit
interne, soit de l'art. 5 al. 1 let. a EIMP. Cette disposition impose en
effet de tenir compte d'un jugement rendu en Suisse ou dans l'Etat où
l'infraction a été commise, et en particulier dans l'Etat requérant. Elle ne
saurait cependant s'appliquer dans la mesure où elle instaure un motif
d'exclusion de la coopération internationale qui n'est pas prévu par le droit
conventionnel. Contrairement à ce que soutient la doctrine (Zimmermann, La
coopération judiciaire internationale en matière pénale, 2ème éd. Berne 2004,
n° 430 in fine et les auteurs cités), une interprétation extensive de l'art.
3 al. 1 let. b TEJUS s'oppose au texte clair de la norme: le respect du
principe "ne bis in idem" incombe en premier lieu à l'Etat dans lequel le
jugement est rendu, cet Etat étant manifestement plus à même d'en apprécier
la portée.

Selon la jurisprudence, la Suisse contreviendrait à ses obligations
internationales en collaborant à une procédure pénale étrangère présentant un
risque de violation des droits de l'homme (ATF 129 II 268 consid. 6.1 p. 271
et les arrêts cités). Point n'est toutefois besoin d'examiner si le principe
"ne bis in idem" fait partie du droit des gens dont la Suisse devrait tenir
compte en dépit du texte clair du traité, ni d'ailleurs si le recourant a
qualité pour invoquer un tel grief (cf. ATF 129 II 268 consid. 6.2 p.
271-272). En effet, comme cela est relevé ci-dessous, le jugement de
libération est limité à la personne de D.________; compte tenu de l'expulsion
à laquelle celui-ci paraît avoir consenti, il n'est guère envisageable qu'il
puisse être rejugé dans l'Etat requérant pour les mêmes faits.

4.3  Le recourant soutient en effet également que, faute d'une procédure
pénale étrangère (art. 1 TEJUS), la coopération judiciaire serait privée de
fondement et la demande d'entraide deviendrait sans objet. La procédure
pénale était dirigée contre IANA, D.________, B.________ et C.________, pour
des infractions de soutien à une organisation terroriste et de blanchiment
d'argent. Le jugement du 10 juin 2004 déclare D.________ non coupable
s'agissant des infractions de soutien au terrorisme, ainsi que des charges
relatives à la police des étrangers. Un "mistrial" aurait été rendu pour les
autres infractions concernant le séjour illégal aux Etats-Unis. Toutes les
autres charges auraient été abandonnées par le Procureur en échange d'un
engagement de D.________ de quitter le territoire des Etats-Unis. Les autres
prévenus mentionnés dans la demande devraient également bénéficier d'un tel
abandon de charges, dès lors que leur intervention, pour autant qu'elle fasse
l'objet d'une description spécifique, n'apparaîtrait qu'accessoire.

4.3.1  La jurisprudence admet, dans certains cas, que la coopération
internationale puisse être refusée par la Suisse lorsqu'un jugement définitif
est rendu dans l'Etat requérant, au motif que l'extinction de l'action
publique rend la demande d'entraide sans objet (cf. ATF 110 Ib 185 consid. 4
publié in SJ 1985 p. 184). Tel ne peut toutefois être le cas que lorsque la
reprise de la procédure pénale est manifestement impossible dans l'Etat
requérant. En cas de doute, il y a lieu de donner suite à la demande, en
laissant aux tribunaux compétents de l'Etat requérant le soin de trancher
définitivement la question (idem, p. 185-186; cf. déjà ATF 44 I 186 consid.
2).

Ces principes valent essentiellement en matière d'extradition (cf. ATF 128 II
355 consid. 5 p. 366). En effet, dans ce cas, la coopération est requise pour
les besoins d'une procédure visant une personne déterminée. Il est alors
possible d'examiner si, et dans quelle mesure cette personne peut bénéficier
de l'abandon de poursuite prononcé dans l'Etat requérant, le cas échéant en
invitant cet Etat à fournir les précisions utiles et à se prononcer sur le
maintien de sa demande. Dans le domaine de l'entraide judiciaire, la
situation est habituellement  moins claire. L'entraide peut être requise pour
les besoins d'une enquête préliminaire, à un stade où il n'y a pas encore eu
d'inculpation et où les auteurs des infractions ne sont pas tous connus (ATF
129 II 268 consid. 3.1 non publié; 123 II 161 consid. 3a p. 165). L'entraide
peut d'ailleurs avoir pour but de découvrir certains d'entre eux, et c'est
seulement sur le vu des renseignements transmis par la Suisse que l'autorité
pénale étrangère pourra décider d'étendre la procédure à ces personnes. Dans
ces circonstances, un jugement d'acquittement ne peut que rarement avoir des
effets sur l'ensemble de la procédure d'entraide judiciaire.

4.3.2  En l'occurrence, la décision de libération concerne uniquement
D.________. Il s'agit certes de la personne principalement visée par
l'enquête, au sujet de laquelle les agissements sont décrits avec le plus de
précision. Il n'en demeure pas moins que l'enquête ouverte aux Etats-Unis
concerne l'ensemble des agissements supposés de IANA et de ses responsables,
notamment B.________ et C.________, à propos desquels l'enquête n'est
manifestement pas terminée. Cela est confirmé par le Département de Justice
de l'Etat requérant qui, à la demande de l'office central, a fait savoir que
les investigations se poursuivaient à propos de IANA; le statut procédural de
D.________ n'affectait pas les autres personnes poursuivies, et l'autorité
requérante affirmait que sa demande conservait toute son actualité. Dans ces
conditions, le jugement prononcé en faveur de D.________ ne saurait
constituer un obstacle à l'octroi de l'entraide judiciaire.

5.
Le recourant se prévaut de l'art. 10 al. 2 TEJUS. Il prétend n'avoir aucun
rapport avec l'infraction mentionnée dans la demande. Il estime que
l'autorité suisse devrait s'écarter des explications fournies par l'autorité
requérante sur ce point. A l'époque du transfert, il n'était pas fait état de
liens entre IANA et Al-Quaida, le recourant n'ayant fait qu'un versement à
une organisation caritative. Son intérêt à ne pas voir son identité révélée
et associée au terrorisme devrait l'emporter sur l'intérêt de l'Etat
requérant à obtenir des renseignements sans pertinence.

5.1  Selon la jurisprudence relative à l'art. 10 al. 2 TEJUS, un rapport
objectif entre la personne et l'infraction suffit pour exclure la qualité de
tiers non impliqué, quand bien même la personne n'a pas sciemment collaboré à
la commission de l'infraction (ATF 120 Ib 251 consid. 5b p. 254/255). Ainsi,
celui dont le compte bancaire a été approvisionné par des montants de
provenance suspecte, ou dont le compte a pu servir à commettre une
infraction, n'est pas un tiers non impliqué (ATF 120 Ib 251 consid. 5b p.
254/255; 107 Ib 252).

5.2  En l'espèce, l'autorité requérante cherche à démontrer que IANA et ses
responsables soutenaient le terrorisme, qu'ils connaissaient la provenance
des revenus versés et contrôlaient la disposition des fonds. Le montant de
300'000 US$ versé en mai 1998 aurait servi à couvrir les dépenses de
fonctionnement d'IANA. Manifestement, le recourant ne saurait se prétendre
non impliqué si l'argent qu'il a versé a pu servir, d'une manière ou d'une
autre, au soutien d'activités terroristes, comme le prétend l'autorité
requérante. Ces soupçons satisfont par ailleurs manifestement aux conditions
posées aux lettres a, b et c de l'art. 10 al. 2 TEJUS, sans qu'il y ait à
interpeller l'Etat requérant à ce sujet.

6.
Le recourant invoque enfin le principe de la proportionnalité. Ayant pu trier
les pièces saisies (plus de 10000), il avait exposé à l'office central ses
objections: son compte bancaire était utilisé pour la gestion de son hôtel en
Ethiopie: paiement des salaires, de l'écolage des enfants d'employés
étrangers, des redevances en faveur du groupe d'hôtels et de billets d'avion.
Il aurait aussi servi à des achats de voitures, et d'autres articles de
grandes marques. On ne verrait pas quel lien, même indirect, il pourrait y
avoir entre ces paiements et les agissements décrits par l'autorité
requérante. L'office central n'aurait pas répondu à ces objections.

6.1  En vertu du principe de la proportionnalité, l'entraide ne peut être
accordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité
recherchée par les autorités pénales de l'Etat requérant. La question de
savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à
la procédure pénale est en principe laissée à l'appréciation des autorités de
poursuite. La coopération internationale ne peut être refusée que si les
actes requis sont manifestement sans rapport avec l'infraction poursuivie et
impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît
comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122
II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243). Le principe de
la proportionnalité empêche aussi l'autorité suisse d'aller au-delà des
requêtes qui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il
n'a demandé (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243). Cela n'empêche pas
d'interpréter la demande selon le sens que l'on peut raisonnablement lui
donner. Le cas échéant, une interprétation large est admissible s'il est
établi que toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce
mode de procéder évite aussi une éventuelle demande complémentaire (ATF 121
II 241 consid, 3a p. 243). Lorsque la demande vise à éclaircir le cheminement
de fonds d'origine délictueuse, il convient d'informer l'Etat requérant de
toutes les transactions opérées au nom des sociétés et des comptes impliqués
dans l'affaire (ATF 121 II 241 consid. 3c p. 244).

6.2  La mission décrite dans la demande est définie très largement: il s'agit
d'obtenir la documentation complète relative aux comptes ayant un rapport
avec les faits à l'origine de la demande, et en particulier avec le virement
de 300'000 US$. La documentation requise consiste dans les documents
d'ouverture, les relevés, les justificatifs et la correspondance, dès 1993
jusqu'au jour de la demande. La banque a ainsi remis plus de 10000 pièces,
soit les documents d'ouverture du compte, les relevés et avis de crédit et de
débit. Le recourant soutient que son versement aurait eu lieu plus de trois
ans avant l'apparition des publications dénoncées sur Internet, avant que
D.________ n'ait rejoint IANA et bien avant la création des sites mentionnés,
à l'exception de l'un d'entre eux. L'autorité requérante connaît toutefois la
date du versement litigieux, dont elle cherche à connaître l'auteur. Elle
indique que IANA a été créée en 1993, et il ne paraît pas abusif de
s'intéresser à l'ensemble de l'activité de cette entité, dès la date de sa
création; si les sites Web ont été principalement créés à partir de 2001, il
n'en demeure pas moins que les mouvements financiers que l'autorité
requérante qualifie de suspects auraient eu lieu en tout cas depuis le mois
de mars 1995. L'étendue des investigations n'apparaît donc pas
disproportionnée.

6.3  Lorsque l'autorité d'exécution est amenée à saisir une certaine quantité
de documents, elle a le devoir de procéder à leur tri avant d'ordonner leur
remise éventuelle. Elle ne saurait se défausser sur l'Etat requérant et lui
remettre les pièces en vrac (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371; 115 Ib 186
consid. 4 p. 192/193). Pour le tri à effectuer, l'autorité d'exécution
s'appuie sur le détenteur des documents: la personne touchée par la
perquisition et la saisie de documents lui appartenant est tenue, à peine de
forclusion, d'indiquer à l'autorité d'exécution quels documents ne devraient
pas, selon elle, être transmis et pour quels motifs (ATF 126 II 258 consid.
9b/aa p. 260; 122 II 367 consid. 2c p. 371/372). L'autorité d'exécution doit
donner au détenteur l'occasion, concrète et effective, de se déterminer, afin
qu'il puisse exercer son droit d'être entendu et satisfaire à son obligation
de coopérer à l'exécution de la demande (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa p.
262). L'autorité d'exécution ne saurait se contenter de transmettre la
documentation saisie dans son intégralité dès l'instant où elle paraît en
rapport avec les faits poursuivis dans l'Etat requérant et que le détenteur
n'a pas exposé de manière précise et détaillée les raisons qui s'opposent à
la transmission de telle ou telle pièce. Une telle pratique équivaut
pratiquement à une remise en vrac de la documentation, incompatible avec le
principe de la proportionnalité.
Le Tribunal fédéral a récemment eu l'occasion de rappeler la procédure à
suivre par l'autorité d'exécution. Après avoir saisi les documents qu'elle
juge utiles pour l'exécution de la demande, celle-ci trie les pièces à
remettre en vue du prononcé d'une décision de clôture. A défaut d'un accord
portant sur la remise facilitée (art. 80c EIMP), elle fait établir un
inventaire précis des pièces dont la remise est contestée. Elle impartit au
détenteur un délai pour faire valoir, pièce par pièce, les arguments
s'opposant selon lui à la transmission. Elle rend ensuite une décision de
clôture soigneusement motivée. Que le détenteur néglige de se déterminer ou
ne le fait que d'une manière insatisfaisante ne dispense pas l'autorité
d'exécution d'effectuer le tri commandé par le principe de la
proportionnalité (ATF 130 II 14 consid. 4.3-4.4 p. 16-18).

6.4  Ces exigences formelles ont été respectées en l'espèce. L'avocat du
recourant a été reçu à l'office central le 4 février 2004. Il a ensuite reçu
une copie de l'ensemble de la documentation bancaire, numérotée, en étant
invité à préciser pour quelles pièces il consentait à une exécution
simplifiée, et à se prononcer pour le surplus sur la pertinence des documents
bancaires. Dans ses observations complémentaires du 12 mars 2004, le
recourant faisait valoir que le compte était "principalement" utilisé pour la
gestion de son hôtel d'Addis Abeba. Il produisait une liste "non exhaustive"
de plus de cent pages indiquant dans le détail le but des paiements: salaire
du personnel, achat de boissons et de nourriture, travaux d'aménagement,
billets d'avion vendus aux clients. Le recourant se livrait en outre au
commerce d'automobiles, et certains paiements étaient destinés à des
constructeurs européens et américains.
L'office central a pour sa part admis qu'il n'existait qu'un lien indirect
entre les soupçons évoqués dans la demande et les transactions relatives à la
gestion de l'hôtel du recourant. Toutefois, le recourant n'avait pas été "à
même de démontrer que les fonds n'avaient pas été transférés à IANA dans le
but de financer le terrorisme". En outre, seul une documentation complète
permettrait une appréciation globale des transactions et une vision
d'ensemble de l'activité du recourant, les autorités américaines ne pouvant
se contenter de simples affirmations de la part de l'office central.

6.5  Ces considérations ne répondent certes pas à l'argumentation de détail
fournie par le recourant. En particulier, le simple fait que la personne
intéressée n'est pas à même de se disculper - ce qui est généralement le cas
dans la procédure d'entraide judiciaire - ne suffit pas pour admettre la
pertinence de l'ensemble de la documentation saisie. L'office central
s'explique pourtant plus précisément en relevant qu'il est nécessaire pour
l'autorité requérante d'obtenir une documentation complète. Lorsqu'un compte
bancaire fait l'objet d'investigations en raison d'un mouvement de fonds
déterminé, il est normal que l'autorité requérante veuille s'assurer
qu'aucune autre transaction du même genre n'ait eu lieu. L'autorité
requérante désire aussi connaître l'origine de l'ensemble des fonds parvenus
sur ce compte. Elle peut enfin vouloir vérifier que les transactions
d'apparence purement commerciales ne cachent pas des opérations suspectes.
Afin de mener à bien ces différentes vérifications, il est nécessaire de
connaître l'ensemble des mouvements ayant affecté le compte. En l'occurrence,
il serait certes envisageable - notamment dans le but de protéger la sphère
privée des différents destinataires qui, apparemment, n'ont rien à voir avec
les infractions soupçonnées - d'indiquer le montant global afférent à chaque
type de dépense; le recourant lui-même n'a pas été capable d'opérer une telle
synthèse, puisque les listes des différents versements ne sont pas
exhaustives. Il est dès lors vraisemblable que l'autorité requérante ne se
satisferait pas d'informations partielles telles que celles qui figurent dans
le dossier "0" remis dans un premier temps par la banque, et limitées aux
documents d'ouverture ainsi qu'au versement litigieux. L'autorité requérante
a d'ores et déjà indiqué qu'il est "indispensable de disposer d'un tableau
financier complet", ce qui n'est pas possible sans consulter toute la
documentation financière disponible. Dans ces circonstances, la décision de
transmission correspond à la mission définie - de manière raisonnable - dans
la demande d'entraide et ne viole pas le principe de la proportionnalité. Ce
dernier grief doit lui aussi être écarté.

7.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il
est recevable, dans ses conclusions principales et subsidiaires. Conformément
à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge du
recourant, qui succombe.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et à
l'Office fédéral de la justice, office central USA.

Lausanne, le 13 septembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: