Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.144/2004
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1A.144/2004 /col

Arrêt du 6 octobre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Jomini.

A. ________,
recourant,

contre

Office fédéral des transports, Bollwerk 27, 3003 Berne,
Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la
communication,
3003 Berne,
Compagnie du chemin de fer Nyon - St-Cergue - Morez, rue de la Gare 45, 1260
Nyon.

passage à niveau, mesures de sécurité

recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de
l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication du 5 mai
2004.

Faits:

A.
Le 8 juin 1998, la Compagnie du chemin de fer Nyon - St-Cergue - Morez
(ci-après: la Compagnie NStCM) a demandé à l'Office fédéral des transports
(OFT; ci-après: l'Office fédéral) l'autorisation de fermer le passage à
niveau privé situé sur le domaine agricole de Leydefeur, à Givrins. Le chemin
privé qui traverse la voie ferrée à cet endroit relie la route cantonale
Genolier-Trélex aux bâtiments du domaine (bâtiments agricoles et
administratifs) en passant sur les parcelles n° 214 (au sud-est de la voie
ferrée) et n° 213 (au nord-ouest de celle-ci). Ces bâtiments disposent d'un
autre accès à une voie publique, par un chemin d'une centaine de mètres
débouchant directement sur la route cantonale Genolier-Givrins.
Le passage à niveau est signalé par des croix de Saint-André (art. 93 de
l'ordonnance sur la signalisation routière, OSR - RS 741.21); il n'y a ni
barrières, ni signaux lumineux ou acoustiques.

B.
Le 8 juin 1998, la Compagnie NStCM a demandé à l'Office fédéral
l'autorisation de fermer le passage à niveau privé. A.________, propriétaire
du domaine de Leydefeur s'est opposé à cette demande.
L'Office fédéral a statué le 20 avril 1999. Il a rejeté la demande au sens
des considérants (ch. 1 du dispositif) en prévoyant toutefois que l'usage du
passage à niveau serait strictement limité au trafic agricole (ch. 2 du
dispositif), l'extrémité de l'allée sud, côté route cantonale
Genolier-Trélex, devant être condamnée par la pose d'une barrière fixe, aux
frais de A.________ (ch. 3 du dispositif). Après avoir constaté que les
conditions de visibilité étaient limitées à l'endroit litigieux (où passent
deux trains par heure et par direction, à 70 km/h), l'Office fédéral a en
effet considéré que le principe de la proportionnalité imposait le maintien
du passage à niveau pour les véhicules agricoles. En revanche, pour les
autres véhicules - ceux du propriétaire du domaine et de ses locataires, ce
qui représenterait grosso modo 80 passages par jour -, un accès aux bâtiments
du domaine par le nord (route cantonale Genolier-Givrins) constituait un
détour raisonnable.
Dans sa décision, l'Office fédéral a encore évoqué l'installation au passage
à niveau de barrières ou de signaux à feux clignotants mais il a remarqué
qu'aucune subvention ne pouvait être attendue de la Confédération pour un tel
projet. Il n'excluait cependant pas définitivement la possibilité d'un accès
sud à la route cantonale car il était probable que de nouveaux équipements de
sécurité, sensiblement moins chers, seraient disponibles dans un avenir assez
proche. La décision précisait qu'un projet dans ce sens pourrait être soumis
en tout temps à l'Office fédéral.

C.
A. ________ a recouru contre cette décision auprès du Département fédéral de
l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC;
ci-après: le Département fédéral). Il en demandait l'annulation et
sollicitait le réexamen de la situation afin d'étudier le coût réel d'une
installation de sécurité qui serait économiquement supportable pour lui.
Par une décision rendue le 5 mai 2004, le Département fédéral a partiellement
admis le recours et complété ainsi le ch. 3 du dispositif de la décision
attaquée: "L'accès sud-est du domaine de Leydefeur pourra à nouveau être
utilisé lorsque le passage à niveau sera équipé de barrières" (ch. 2 du
dispositif de la décision du Département fédéral). Cette autorité a considéré
qu'il se justifiait, en application du principe de la proportionnalité, de
permettre à nouveau l'utilisation de la route d'accès sud (ou sud-est) mais
uniquement en cas d'assainissement du passage à niveau, lequel serait réalisé
par la pose d'un système de barrières aux frais du recourant.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision du 5 mai 2004 et de renvoyer l'affaire
au Département fédéral pour nouvelle décision. A titre subsidiaire, il
conclut à la modification de la décision attaquée en ce sens que le passage à
niveau puisse être équipé de feux clignotants munis de signaux acoustiques;
les frais d'installation de cet équipement devraient être répartis en parts
égales entre lui-même et la Compagnie NStCM. Le recourant se plaint de
violations du droit fédéral car, selon lui, le Département fédéral le
contraint à équiper le passage à niveau de barrières alors que l'ordonnance
sur la construction et l'exploitation des chemins de fer (ordonnance sur les
chemins de fer, OCF - RS 742.141.1) permet aussi dans certains cas la mise en
place d'une installation de signaux à feux clignotants; la jurisprudence
imposerait la répartition des frais d'un tel équipement entre la compagnie de
chemin de fer et le propriétaire intéressé. Le recourant dénonce également
une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents.
Le Département fédéral et l'Office fédéral concluent au rejet du recours. La
Compagnie NStCM a renoncé à déposer une réponse au recours.
Conformément à la règle de l'art. 110 al. 4 OJ, il n'a pas été ordonné de
second échange d'écritures.

E.
Par ordonnance du 1er septembre 2004, le Président de la Ire Cour de droit
public a rejeté une requête d'effet suspensif présentée par le recourant.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La présente procédure administrative a été ouverte par la Compagnie NStCM,
qui estimait que la fermeture du passage à niveau litigieux s'imposait à
titre de mesure de sécurité au sens de l'art. 19 de la loi fédérale sur les
chemins de fer (LCdF - RS 742.101). Aux termes de cette disposition,
l'entreprise de chemin de fer est tenue de prendre, conformément aux
prescriptions du Conseil fédéral et aux conditions liées à l'approbation des
plans, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de la construction et
de l'exploitation du chemin de fer, ainsi que pour empêcher que des personnes
ou des choses ne soient exposées à des dangers (al. 1). La fermeture d'un
passage à niveau privé peut être ordonnée sur cette base (cf. ATF 113 Ib
327). Si les mesures à prendre donnent lieu à des contestations, il
appartient à l'Office fédéral de statuer (art. 40 al. 1 let. b LCdF). En
l'espèce, la décision de l'Office fédéral a fait l'objet d'un recours
administratif auprès du Département fédéral; le prononcé de cette autorité
peut être déféré au Tribunal fédéral par la voie du recours de droit
administratif  (art. 97 ss OJ, notamment art. 98 let. b OJ). Le propriétaire
de bâtiments desservis par un chemin empruntant le passage à niveau litigieux
a un intérêt évident à obtenir l'annulation de cette décision et il a qualité
pour recourir selon l'art. 103 let. a OJ. Les autres conditions de
recevabilité du recours sont remplies.

2.
Le recourant ne discute pas la nécessité de mesures de sécurité au passage à
niveau litigieux; il invoque toutefois le principe de la proportionnalité à
propos du choix des installations ou équipements.

2.1  L'art. 19 al. 1 LCdF renvoie, à propos des mesures à prendre pour
assurer
la sécurité de l'exploitation des chemins de fer, aux prescriptions du
Conseil fédéral. En ce qui concerne les passages à niveau, l'ordonnance sur
les chemins de fer prévoit expressément que ceux-ci doivent, selon la charge
de trafic et les risques, soit être supprimés, soit être munis de signaux ou
d'installations de sorte qu'on puisse les traverser et les emprunter en toute
sécurité (art. 37b OCF). En principe, des installations de barrières ou de
demi-barrières doivent être mises en place aux passages à niveau (art. 37c
al. 1 OCF) mais des dérogations sont possibles à certaines conditions (art.
37c al. 3 OCF). L'installation de signaux à feux clignotants ou de barrières
à ouverture sur demande est ainsi parfois admissible (art. 37c al. 3 let. a
et b OCF); le recourant soutient précisément qu'une solution de ce genre
pourrait être appliquée en l'espèce.
L'ordonnance permet aussi une dérogation pour l'installation de croix de
Saint-André à titre de signal unique mais il faut alors, si le chemin est
emprunté par des véhicules, que la circulation routière soit faible et le
trafic ferroviaire lent, ou bien qu'il serve exclusivement à l'exploitation
agricole (art. 37c al. 3 let. c OCF). Dans le cas particulier, la décision de
l'Office fédéral, qui prévoit que l'usage du passage à niveau sera
strictement limité au trafic agricole, tient compte de cette réglementation.
Cette clause dérogatoire n'entre pas en considération dans la mesure où
d'autres véhicules (non agricoles) empruntent le chemin litigieux, ce que le
recourant ne conteste pas.

2.2  Dans le cas présent, la fermeture du passage à niveau pour les véhicules
non agricoles ne prive pas les bâtiments du domaine du recourant de toute
voie d'accès adaptée à l'utilisation résidentielle ou commerciale des locaux
puisqu'il existe, au nord, un débouché sur une voie publique (route cantonale
Genolier-Givrins). Le recourant relève que les véhicules empruntant ce
nouveau trajet provoqueraient quelques nuisances supplémentaires, dans le
village de Givrins en particulier. Cet élément est toutefois sans pertinence
pour l'application en l'espèce de l'art. 19 LCdF. Il en va de même de la
prétendue atteinte à l'harmonie des lieux, qui résulterait de la présence
d'une barrière fermée à l'extrémité de l'allée conduisant aux bâtiments du
domaine. En l'état, le passage à niveau en cause n'est pas muni de signaux ou
d'installations permettant de le traverser ou de l'emprunter en toute
sécurité. D'autre part, on ne voit pas de motif de différer la mise en oeuvre
d'une mesure prescrite par l'art. 19 LCdF (en relation avec les art. 37b et
37c OCF). Dès lors, la solution imposée par l'Office fédéral est la seule qui
entre en considération. Elle n'est donc pas contraire au droit fédéral.

2.3  Cela étant, comme l'ont relevé à la fois l'Office et le Département
fédéral, il n'est pas exclu qu'à l'avenir le passage à niveau litigieux soit
équipé de façon à ce qu'il puisse être emprunté en toute sécurité,
conformément à l'art. 37b al. 1 OCF (assainissement du passage à niveau,
selon la terminologie employée par le Département fédéral). Un tel projet
serait soumis à une procédure distincte (procédure d'approbation des plans de
constructions ou d'installations ferroviaires selon les art. 18 ss LCdF et 6
OCF). Il appartiendrait à l'autorité compétente, dans cette hypothèse,
d'examiner s'il faut installer des barrières (ou demi-barrières) conformément
à l'art. 37c al. 1 OCF, ou si la pose de signaux à feux clignotants est
possible à titre dérogatoire, sur la base de l'art. 37c al. 3 OCF. L'Office
fédéral avait d'emblée réservé la possibilité d'une procédure de ce type, en
rappelant qu'un projet d'installation de sécurité pourrait lui être soumis en
tout temps. En se prononçant d'ores et déjà au sujet de l'"assainissement" et
en prévoyant que l'accès sud-est au domaine pourrait à nouveau être utilisé
moyennant la pose d'un système de barrières au frais du recourant, le
Département fédéral a statué de façon prématurée sur une question à résoudre
dans une autre procédure. Comme il s'agit uniquement, en l'espèce, de mettre
en oeuvre des mesures de sécurité compte tenu de l'équipement existant de la
ligne de chemin de fer, il n'est pas admissible de rendre une décision
préjudicielle sur un autre objet soumis à une procédure et des règles
différentes. C'est pourquoi il y a lieu d'annuler partiellement la décision
attaquée, en tant qu'elle complète le point 3 du dispositif de la décision de
l'Office fédéral (condition relative à l'utilisation de l'accès sud-est du
domaine de Leydefeur). Il ne se justifie pas, dans ces conditions, d'examiner
plus avant les griefs du recourant au sujet du type d'installation de
sécurité (barrières ou signaux lumineux), de la répartition des frais et de
la procédure d'adjudication des travaux d'"assainissement" du passage à
niveau.

3.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être partiellement
admis, le ch. 2 du dispositif de la décision attaquée étant annulé. Cette
décision peut être maintenue pour le surplus.
Un émolument judiciaire réduit doit être mis à la charge du recourant (art.
156 al. 1 à 3 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est partiellement admis et le ch. 2 du
dispositif de la décision attaquée est annulé. Le recours est rejeté pour le
surplus.

2.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, à l'Office fédéral des
transports, au Département fédéral de l'environnement, des transports, de
l'énergie et de la communication et à la Compagnie du chemin de fer Nyon -
St-Cergue - Morez.

Lausanne, le 6 octobre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: