Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.133/2004
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1A.133/2004 /col

Arrêt du 22 septembre 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président
du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Jomini.

A. ________,
recourant, représenté par Me Albert J. Graf, avocat,

contre

Municipalité de la commune de Trélex, 1270 Trélex,  autorité intimée,
représentée par Me Alain Thévenaz, avocat, case postale 3633, 1002 Lausanne,
Département de la sécurité et de l'environnement
du canton de Vaud, autorité intéressée, par son Service de l'aménagement du
territoire, 1014 Lausanne, représenté par Me Edmond C.M. de Braun, avocat,
rue Bellefontaine 2, 1003 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014
Lausanne.

installation en zone agricole, ordre de remise en état,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Vaud du 27 avril 2004.

Faits:

A.
A.  ________ exerce la profession de jardinier paysagiste. Il possède une
entreprise qui accomplit essentiellement des travaux d'entretien de jardins,
de taille et de plantation, ainsi que des petits aménagements tels que des
terrasses et des clôtures. Ses machines, véhicules et stocks se trouvent à
Gingins ou à Genolier.

A.  ________ est propriétaire, sur le territoire de la commune de Trélex, de
la parcelle n° 43 du registre foncier, d'une surface d'environ 1,3 ha. Cette
parcelle est longée par un chemin bétonné et se trouve en bordure d'une
forêt. En vertu du plan d'affectation communal entré en vigueur en 1984, elle
est classée en zone agricole protégée (zone destinée, d'après l'art. 2.8 du
règlement de ce plan, à ménager certains espaces agricoles ayant valeur de
sites caractéristiques ou de dégagements). A.________ a acheté ce bien-fonds
en 1995 ou 1996; il en a confié l'exploitation de la plus grande partie à son
oncle agriculteur, qui la laisse en prairie. Il utilise cependant lui-même
une bande de 10 à 20 m de large, le long du chemin bétonné, dans le cadre de
son activité de jardinier paysagiste. Il y a déposé divers objets et
matériaux. En été 2003, on pouvait constater notamment la présence de
monticules recouverts par la végétation de la prairie - anciens tas de terre,
déchets végétaux broyés amenés là par le propriétaire -, d'un tas de déchets
végétaux broyés, d'un tas de branchages, d'un amoncellement de dalles de
jardin, d'une remorque et de quelques autres déchets.
La Municipalité de la commune de Trélex (ci-après: la municipalité)  est
intervenue à plusieurs reprises pour exiger de A.________ qu'il débarrasse sa
parcelle des déchets, matériaux, engins et véhicules qui y étaient
entreposés.
Le 14 août 2003, la municipalité a adressé à A.________ une décision le
sommant "une dernière fois" d'exécuter les travaux suivants sur sa parcelle
avant le 30 septembre 2003, "ultime délai imparti": enlever tous les déchets
de jardin, toutes les branches d'arbres, une vieille remorque, les déchets
encombrants en plastique et sacs poubelles; remettre en état son terrain,
dans le sens indiqué dans une précédente lettre du 17 avril 2000. Se référant
à l'art. 130 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les
constructions (LATC), la municipalité menaçait A.________ d'une exécution par
équivalent, à ses frais, d'une amende et d'une application de l'art. 292 CP.

B.
Le 29 août 2003, A.________ a recouru auprès du Tribunal administratif du
canton de Vaud contre la décision municipale du 14 août 2003. Lors d'une
inspection locale le 21 avril 2004, il a été constaté que certains matériaux
avaient été évacués, mais qu'il subsistait des dépôts de déchets végétaux,
destinés à être broyés sur place (au moyen d'une défibreuse) puis emmenés par
des agriculteurs, ainsi que des cailloux et des plots de ciment; le recourant
entreposait en outre sur la bande de terrain litigieuse des plantes mises "en
jauge" (hortensias, charmilles, buissons épineux).
Par un arrêt rendu le 27 avril 2004, le Tribunal administratif a rejeté le
recours et a confirmé la décision municipale. En substance, il a considéré
que les dépôts de matériaux, même végétaux, n'étaient pas conformes à
l'affectation de la zone agricole telle qu'elle est définie aux art. 16 et
16a de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700); comme
aucune autorisation dérogatoire ne pouvait être délivrée, la municipalité
était fondée à ordonner la remise en état.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et de renvoyer
l'affaire à cette juridiction pour nouvelle décision. Il invoque la garantie
de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.), violée en raison de restrictions
disproportionnées, dépourvues d'intérêt public et contraires à l'égalité de
traitement. Il se plaint encore d'arbitraire (art. 9 Cst.) et d'une
constatation incomplète des faits pertinents.
La municipalité conclut au rejet du recours de droit administratif.
Des autorités cantonales ont été invitées à répondre en tant que parties
intéressées. Le Service de l'aménagement du territoire (du Département de la
sécurité et de l'environnement) propose le rejet du recours, traité comme un
recours de droit public. La section Conservation de la nature, du Service des
forêts, de la faune et de la nature (rattachée au même département), propose
également le rejet des conclusions du recourant. Il en va de même du Tribunal
administratif.
L'Office fédéral du développement territorial a renoncé à présenter des
observations.

D.
L'effet suspensif a été accordé au recours de droit administratif par
ordonnance présidentielle du 25 juin 2004.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 130 II 321 consid. 1 p. 324 et les arrêts cités).
Le recourant s'oppose à un ordre de remise en état d'un terrain utilisé comme
place de dépôt de matériaux. Il soutient, en substance, que la décision
municipale à ce propos est contraire au droit (constitutionnel) fédéral et au
droit cantonal car cette utilisation du sol devrait être admise. Il ressort
de l'arrêt attaqué que, pour le Tribunal administratif, l'octroi d'une
autorisation ordinaire - pour un projet conforme à l'affectation de la zone
agricole (art. 16 et 16a LAT, en relation avec l'art. 22 al. 2 let. a LAT) -
ou dérogatoire - aux conditions du droit fédéral pour les exceptions prévues
hors de la zone à bâtir (art. 24 ss LAT) - n'entrait pas en considération. La
contestation porte donc à la fois sur le principe de l'autorisation, dans la
zone agricole, et sur la remise en état des lieux après un aménagement
effectué sans autorisation. Dans ces conditions, la voie du recours de droit
administratif est ouverte contre la décision prise en dernière instance
cantonale (art. 34 al. 1 LAT en relation avec les art. 97 ss OJ; ATF 129 II
321 consid. 1.1 p. 324 et les arrêts cités).
Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit
fédéral (art. 104 let. b OJ), par quoi on entend non seulement le droit
administratif mais également le droit constitutionnel (cf. ATF 125 II 508
consid. 3a p. 509; 124 II 132 consid. 2a p. 137 et les arrêts cités). Le
recourant peut aussi se plaindre d'une constatation manifestement inexacte ou
incomplète des faits pertinents (art. 104 let. b et 105 al. 2 OJ). Cela
étant, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs que les parties
invoquent (art. 114 al. 1 OJ).
Dans le cas particulier, c'est donc à bon escient que la voie du recours de
droit administratif a été choisie. Le propriétaire du bien-fonds concerné a
qualité pour recourir (art. 103 let. a OJ) et les autres conditions de
recevabilité des art. 97 ss OJ sont réalisées. Il y a donc lieu d'entrer en
matière.

2.
Le recourant se plaint d'arbitraire en faisant valoir qu'il n'a pas pu se
déterminer en connaissance de cause, en raison du caractère vague et imprécis
des griefs formulés à l'encontre des travaux litigieux.
La place de dépôt, utilisée par un jardinier-paysagiste dans le cadre des
activités de son entreprise, et qui a été conçue et exploitée depuis
plusieurs années de façon à permettre l'entreposage de différents matériaux
et déchets ainsi que le traitement ou la transformation de certains déchets
(broyage de branches coupées, utilisées ensuite par des tiers), doit être
qualifiée d'installation au sens de l'art. 22 al. 1 LAT. Il est vrai - comme
le relève le recourant - que sa superficie n'a pas été estimée par le
Tribunal administratif mais cette donnée n'est pas indispensable; partant, on
ne saurait retenir qu'à cause de cette omission, les faits pertinents
auraient été constatés de manière manifestement incomplète. Il ressort en
effet du dossier, notamment des photographies, que cette place occupe une
surface importante, de plusieurs ares (selon le recourant: 750 m2), et que
des travaux effectués par une entreprise (entreposage, broyage, etc.) s'y
déroulent régulièrement. Cet aménagement répondant à la définition de
l'installation, sa création nécessitait une autorisation de construire
conformément à l'art. 22 al. 1 LAT (cf. ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259; 119
Ib 222 consid. 3a p. 226 et les arrêts cités).
Comme le recourant a créé sa place de dépôt sans demander préalablement une
telle autorisation, l'autorité communale était fondée, pour ce motif formel
déjà, à lui notifier un ordre de démolition ou de remise en état. La
municipalité était déjà intervenue auparavant et l'objet du litige était
d'emblée bien défini. En d'autres termes, le recourant pouvait se rendre
compte de la portée de la mesure prise à son égard et recourir contre elle en
connaissance de cause, les garanties déduites du droit d'être entendu selon
l'art. 29 al. 2 Cst. étant ainsi satisfaites (cf. ATF 129 I 232 consid. 3.2
p. 236; 126 I 15 consid. 2a/aa p. 17, 97 consid. 2b p. 102 et les arrêts
cités). Le recourant a pu contester cet ordre devant une juridiction
cantonale, qui a examiné la cause librement, en se prononçant notamment sur
les conditions matérielles d'une autorisation. On ne voit pas en quoi les
garanties de procédure n'auraient pas été respectées à son égard. Le grief
d'arbitraire est, sur ce point, manifestement mal fondé.

3.
Le recourant, qui subit une restriction de son droit de propriété, critique
la décision attaquée en se prévalant de l'exigence d'un intérêt public
suffisant, du principe de la proportionnalité et du droit à l'égalité de
traitement. Il affirme que son activité est conforme à l'affectation de la
zone agricole puisque les branches taillées qu'il entrepose et traite par
broyage sur sa parcelle sont ensuite épandues par des agriculteurs sur des
terrains cultivés. Il invoque une prétendue pratique communale admettant les
dépôts pendant trois mois en zone agricole.

3.1  La garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.), invoquée par le
recourant, ne protège en principe qu'une utilisation licite d'un immeuble
(cf. notamment ATF 111 Ib 213 consid. 6c p. 225). Il faut donc d'abord
déterminer si la place de dépôt devait être autorisée. L'arrêt attaqué cite
les règles du droit fédéral et la jurisprudence au sujet des constructions et
installations pouvant être jugées conformes à l'affectation de la zone
agricole. En vertu de l'art. 16a al. 1 LAT, il faut en principe qu'elles
soient nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice
(exploitation tributaire du sol, lequel est le facteur de production primaire
et indispensable - cf. art. 34 de l'ordonnance sur l'aménagement du
territoire [OAT; RS 700.1]; ATF 129 II 413 consid. 3.2 p. 415), la loi
réservant le cas particulier du développement interne, voire d'un
développement supplémentaire, de certaines entreprises agricoles (art. 16a
al. 2 et 3 LAT). L'entreprise du recourant n'est à l'évidence pas une
entreprise agricole; par ailleurs, l'entreposage et le traitement de
matériaux ou de déchets sur la parcelle litigieuse n'est manifestement pas
une activité agricole. L'usage des déchets végétaux transformés sur place
importe peu de ce point de vue. L'installation n'est pas conforme à
l'affectation de la zone agricole et le recourant ne prétend pas, à juste
titre, qu'une dérogation selon les art. 24 ss LAT aurait pu entrer en
considération (voir notamment l'art. 24 let. a LAT qui, en exigeant une
implantation imposée par la destination de l'installation, a dans ce contexte
pratiquement la même portée que l'art. 16a LAT; cf. ATF 125 II 278 consid. 3a
p. 281; 122 II 160 consid. 3a p. 162). La municipalité était donc fondée à
exclure l'hypothèse de l'octroi d'une autorisation de construire a
posteriori.

3.2  Il existe un intérêt public évident à préserver le caractère
inconstructible d'une zone agricole protégée. Il ressort du dossier que le
recourant a déjà partiellement exécuté l'ordre de remise en état. La
suppression des dépôts qui subsistent encore n'est pas une tâche
particulièrement coûteuse ni compliquée. Le recourant ne pouvait en outre pas
de bonne foi se croire autorisé à aménager son installation. Il s'ensuit que
le principe de la proportionnalité n'a manifestement pas été violé (cf. ATF
123 II 248 consid. 4 p. 255; 111 Ib 213 consid. 6b p. 224). En outre, au cas
où la municipalité admettrait des dépôts provisoires (de trois mois au
maximum) en zone agricole, le recourant ne saurait s'en prévaloir, en
invoquant l'égalité de traitement, pour obtenir le droit d'entreposer des
matériaux de son entreprise sans limite de durée et pour plusieurs années; il
s'agit de situations clairement différentes. Enfin, il ressort de l'arrêt
attaqué que l'Etat exploiterait un dépôt analogue - vraisemblablement
permanent - dans les environs; or ces indications, que le recourant n'a pas
tenté de préciser, sont trop vagues pour établir une éventuelle pratique
dérogatoire des autorités. Les griefs du recourant sont ainsi entièrement mal
fondés.

4.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être rejeté.
Le recourant, qui succombe, doit payer l'émolument judiciaire (art. 153, 153a
et 156 al. 1 OJ). Les autorités communales et cantonales n'ont pas droit à
des dépens dans la procédure de recours de droit administratif (art. 159 al.
2 OJ).

H      H      H

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires du recourant, de la
commune intimée et du Département de la sécurité et de l'environnement du
canton de Vaud (en deux exemplaires, à l'intention du Service de
l'aménagement du territoire et du Service des forêts, de la faune et de la
nature), au Tribunal administratif du canton de Vaud ainsi qu'à l'Office
fédéral du développement territorial.

Lausanne, le 22 septembre 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: