Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.132/2004
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004


1A.132/2004 /col

Arrêt du 5 août 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président
du Tribunal fédéral, Reeb, Féraud et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section
de l'entraide judiciaire internationale, 3003 Berne,
recourant,

contre

Ministère public de la Confédération, Antenne Lausanne, avenue des Bergières
42, case postale 334,
1000 Lausanne 22.

Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la République des
Philippines; notification des décisions,

recours de droit administratif contre l'ordonnance du Ministère public de la
Confédération du 3 mai 2004.

Faits:

A.
Le 9 mars 2004, le Ministère public de la Confédération (MPC) est entré en
matière sur une demande d'entraide judiciaire formée par la République des
Philippines, pour les besoins d'une procédure dirigée contre les dénommés
P.________, E.________, A.________ et d'autres, soupçonnés d'actes de
corruption. Le MPC a admis partiellement la demande dans la mesure où elle
tendait à la production d'informations relatives à des comptes détenus auprès
de la banque X.________, à Genève; il a estimé la demande investigatoire, et
donc irrecevable, dans la mesure où les recherches devaient s'étendre à
l'ensemble des établissements bancaires de Suisse, et s'est déclaré
incompétent pour ordonner des recherches auprès d'un établissement de
Guernsey.
Par ordonnance de clôture du 3 mai 2004, le MPC a décidé de transmettre à
l'autorité requérante les documents d'ouverture et les relevés et avis
relatifs à un compte détenu du 5 mars au 31 octobre 2001 notamment par
A.________ auprès de la banque X.________, ainsi qu'une lettre de cette
banque du 10 janvier 2003. Les documents figuraient dans le dossier d'une
procédure nationale et pouvaient sans autre être versés au dossier
d'entraide. Cette ordonnance a été notifiée au seul Office fédéral de la
justice (OFJ), car les titulaires du compte étaient domiciliés à l'étranger,
et le compte avait été clôturé.

B.
L'OFJ forme un recours de droit administratif contre les décisions d'entrée
en matière et de clôture précitées. Il conclut à leur annulation, en tant
qu'elles n'ont pas été notifiées à la banque.
Le MPC conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours est interjeté dans le délai et les formes utiles contre une
décision de clôture prise par l'autorité fédérale d'exécution (art. 80g al. 1
et 80k EIMP). L'OFJ a qualité pour recourir, en tant qu'autorité de
surveillance (art. 80h al. 1 EIMP). A ce titre, il peut exiger une
application correcte de l'EIMP et des conventions applicables dans ce
domaine, quand bien même son intervention peut aussi servir les intérêts de
tierces personnes. Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral dispose d'un
large pouvoir d'examen et de décision; il n'est pas lié par la conclusion
tendant à l'annulation pure et simple des décisions attaquées (art. 25 al. 6
EIMP; cf. consid. 3 ci-dessous).

2.
Le MPC a omis de notifier ses décisions à l'établissement bancaire en
considérant qu'il disposait déjà des documents requis, que les titulaires du
compte étaient domiciliés à l'étranger (art. 80m al. 1 EIMP) et que le compte
bancaire avait été clôturé, ce qui le dispensait d'agir sur la base de l'art.
80n al. 1 EIMP.

2.1  L'OFJ relève que selon l'art. 80n al. 1 EIMP, le détenteur de documents
-
soit en l'occurrence la banque - a le droit d'informer son mandant de
l'existence de la demande, sous réserve d'une interdiction stipulée par
l'autorité compétente. Ce droit d'information serait le corollaire des
obligations de renseigner découlant du contrat de mandat, et le mandataire
pourrait en faire usage même après la fin des relations contractuelles. Dans
le cas où les documents requis doivent être saisis en mains de la banque, la
décision doit lui être notifiée, et il n'y aurait pas lieu de procéder
différemment au motif que les documents bancaires ont déjà été saisis à un
autre titre.
Pour le MPC, il n'existerait plus aucun devoir de diligence de la banque à
l'égard de son ancien client, après la clôture du compte. On ne saurait
permettre à la banque d'informer son client alors qu'il n'existe aucun
pouvoir de représentation. Le droit d'être entendu de la personne poursuivie
pourrait s'exercer dans la procédure pénale à l'étranger, et le secret
bancaire ne saurait justifier une obligation de notification.

2.2  Selon l'art. 80m EIMP, les décisions de l'autorité d'exécution sont
notifiées à l'ayant droit, domicilié ou ayant élu domicile en Suisse. Par
ailleurs, le détenteur d'informations a le droit, selon l'art. 80n EIMP,
d'informer son mandant de l'existence de la demande d'entraide, à moins d'une
interdiction faite à titre exceptionnel par l'autorité compétente. La
décision de clôture entrée en force ne peut plus être attaquée (art. 80n al.
2 EIMP).

2.3  Lorsque l'autorité compétente s'adresse à une banque pour obtenir les
documents nécessaires à l'exécution d'une requête d'entraide judiciaire, elle
doit évidemment notifier à l'établissement bancaire sa décision d'entrée en
matière, puis sa décision de clôture, quel que soit le domicile du titulaire
du compte visé. Lorsque le titulaire est domicilié à l'étranger, c'est à la
banque qu'il appartient d'informer son client afin de permettre à celui-ci
d'élire domicile (art. 9 OEIMP) et d'exercer en temps utile le droit de
recours qui lui est reconnu selon les art. 80h let. b EIMP et 9a let. a
OEIMP. Lorsque le compte bancaire a été clôturé, on ignore en principe si le
titulaire a conservé des relations avec la banque, et s'il existe encore un
devoir de renseigner. Il n'en demeure pas moins que les décisions doivent
être notifiées à l'établissement bancaire, détenteur des documents, à charge
pour ce dernier de décider s'il entend faire usage de la faculté que lui
reconnaît l'art. 80n EIMP. Dans certaines circonstances, la banque dispose
d'ailleurs d'un droit de recours propre (ATF 128 II 211) dont elle ne peut,
elle aussi, faire usage qu'après notification des décisions. Aussi la
pratique considère-t-elle que la transmission de pièces remises par une
banque ne peut avoir lieu qu'après notification de la décision de clôture à
l'établissement bancaire. Les arrêts relatifs au dies a quo du délai de
recours, lorsque le titulaire est domicilié à l'étranger (ATF 124 II 124
s'agissant d'un compte avec convention de banque restante; arrêt 1A.221/2002
du 25 novembre 2002 s'agissant d'un compte clôturé) sont eux aussi fondés sur
la prémisse d'une notification obligatoire à l'établissement bancaire.
Le MPC considère que dès le moment où les pièces remises par la banque sont
incorporées dans le dossier de la procédure pénale nationale, ni la banque,
ni le titulaire du compte ne pourraient s'opposer à leur transmission à
l'étranger. Ce point de vue ne saurait être suivi: les deux procédures ont
des objets distincts, et des incidences différentes sur les droits des
personnes touchées, dès lors que l'octroi de l'entraide a pour conséquence la
divulgation des informations à un Etat étranger. Le MPC ne s'y est d'ailleurs
pas trompé, puisqu'il a reconnu la nécessité de rendre une décision de
clôture formelle pour les besoins de la procédure d'entraide. En effet,
lorsque l'autorité suisse décide de remettre, en exécution d'une demande
d'entraide judiciaire, des pièces qu'elle détient déjà à un autre titre, elle
ne peut le faire qu'en vertu d'une décision de clôture dûment notifiée. La
notification doit donc en tout cas être adressée à la banque, de la même
manière que si les documents étaient saisis directement en ses mains, afin de
permettre à cette dernière de réagir, soit en recourant dans les cas où elle
a qualité pour le faire, soit en informant le titulaire du compte visé.
Au demeurant, la solution préconisée par le MPC ne lève pas l'incertitude qui
découle de la possibilité d'une intervention de l'ancien titulaire du compte,
après avoir été informé par sa banque: l'ayant droit domicilié à l'étranger
peut en effet prendre connaissance de tout autre manière des mesures
d'exécution prises à propos de son compte bancaire, et manifester son
opposition en élisant domicile en Suisse, tant que la décision de clôture
n'est pas définitivement entrée en force.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être
admis. Cela ne signifie pas que les décisions (d'entrée en matière et de
clôture) doivent être annulées, mais seulement que le MPC devra procéder à
leur notification à la banque, avant toute transmission à l'Etat requérant.
Selon l'art. 156 al. 2 OJ, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le Ministère public de la Confédération est invité à
notifier ses décisions d'entrée en matière et de clôture à la banque
X.________, à Genève, avant toute transmission de renseignements à l'autorité
requérante.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à l'Office fédéral de la justice (B
139710) et au Ministère public de la Confédération.

Lausanne, le 5 août 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: