Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.124/2004
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1A.124/2004 / 1P.302/2004 / col

Arrêt du 31 mai 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger, Aeschlimann, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Jomini.

A. ________,
B.________,
C.________ et D.________,
E.________,
recourants, tous représentés par Me Pierre-Louis Manfrini, avocat,

contre

Grand Conseil de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville
2, case postale 3970,
1211 Genève 3, autorité intimée,
Commune de Versoix, 1290 Versoix, partie intéressée,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, case postale
1956, 1211 Genève 1.

modification d'un plan d'affectation, création d'une zone 4B affectée à
l'habitation des forains et des gens du voyage,

recours de droit administratif (1A.124/2004) et recours
de droit public (1P.302/2004) contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève du
6 avril 2004.

Faits:

A.
Le Grand Conseil de la République et canton de Genève a adopté le 16 mai 2003
la loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de
Versoix (création d'une zone 4B affectée à l'habitation des forains et des
gens du voyage et d'une zone des bois et forêts située au lieu dit "La
Bécassière") et déclarant d'utilité publique la réalisation des équipements
nécessaires à l'aménagement de cette zone (loi n° 8836).
La modification des limites de zones est figurée sur un plan, portant le n°
29215A-541, auquel se réfère la loi (art. 1 al. 1 de la loi n° 8836). Ce plan
délimite deux zones: la première, d'une surface de 38'550 m2 (soit une partie
des parcelles n° 5049 et n° 6087 du registre foncier), est une "zone 4B
affectée à l'habitation des forains et des gens du voyage", et la seconde,
d'une surface de 10'735 m2, est une "zone des bois et forêts". Avant
l'adoption de la loi n° 8836, ces deux périmètres étaient inclus dans la zone
agricole du plan général d'affectation (plan des zones) du canton de Genève
(cf. art. 1 al. 2 de la loi n° 8836).
Selon l'art. 2 de la loi n° 8836, aucune construction ou installation fixe ne
sera admise à l'intérieur du périmètre du plan, à l'exception de celles de
peu d'importance dévolues à des équipements sanitaires et de réunion. Le
degré de sensibilité II est attribué à la nouvelle zone 4B, conformément aux
art. 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB [RS
814.41] - art. 4 de la loi n° 8836). La loi déclare en outre d'utilité
publique la réalisation de l'emplacement destiné à l'habitation des forains
et des gens du voyage dans la zone 4B, ainsi que la réalisation des
infrastructures situées à l'extérieur du périmètre et nécessaires à
l'aménagement dudit emplacement (alimentation en eau, électricité, voies
d'accès, dessertes, évacuation des eaux, etc.), ce qui permet l'acquisition
par voie d'expropriation des immeubles et des droits nécessaires à ces
réalisations (art. 3 de la loi n° 8836).
Dans l'exposé des motifs à l'appui du projet de loi n° 8836, le Conseil
d'Etat indiquait que la nouvelle zone 4B serait exclusivement destinée au
relogement des forains et des gens du voyage actuellement installés au bord
de la Versoix, sur le terrain du Molard. Ce dernier emplacement, mis par
l'Etat de Genève à la disposition des forains et des gens du voyage dès 1966,
se prête mal à cette fonction, car il est trop exigu, difficilement
accessible et insalubre. Le nouvel emplacement, au lieu dit "La Bécassière",
présente - d'après l'exposé des motifs - de bonnes conditions quant à sa
situation (proximité du quartier de Montfleury à Versoix, avec commerces,
écoles, transports publics). Sa superficie permet de répondre aux besoins
définis à l'issue d'un large processus de concertation, à savoir la création
de deux groupes d'emplacements distincts, d'une part pour les gens du voyage
(12'500 m2) et d'autre part pour les forains (19'000 m2). Le site sera
affecté uniquement aux caravanes d'habitation.
A propos de la déclaration d'utilité publique (art. 3 de la loi n° 8836),
l'exposé des motifs indique que la réalisation des différents équipements
prévus - places de stationnement à l'usage des habitants, installations
sanitaires, locaux de réunion, voies d'accès et conduites - implique la
maîtrise par l'Etat des terrains visés. Des démarches ont été entreprises
auprès des propriétaires actuels aux fins de les acquérir au prix du marché;
le droit d'expropriation est néanmoins conféré à l'Etat au cas où ces
démarches n'aboutiraient pas dans les meilleurs délais.
Au cours de l'élaboration du projet de loi n° 8836, le conseil municipal de
la commune de Versoix a émis un préavis favorable.

B.
Avant que le Grand Conseil ne l'adopte, le projet de loi n° 8836 avait été
soumis à l'enquête publique et une procédure d'opposition avait été ouverte.
A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________ se sont opposés
à ce projet. Ils sont propriétaires de terrains voisins de la nouvelle zone
4B, à Versoix ou, s'agissant de M. A.________, sur le territoire de la
commune adjacente de Mies (canton de Vaud). Conformément à la proposition de
la commission d'aménagement du canton, le Grand Conseil a rejeté ces
oppositions, dans la mesure où elles n'étaient pas devenues sans objet (art.
5 de la loi n° 8836).
La loi n° 8836 a été promulguée par un arrêté publié le 11 juillet 2003.

C.
Les opposants précités (A.________ et consorts) ont recouru auprès du
Tribunal administratif cantonal contre la loi n° 8836, en concluant à son
annulation. Se plaignant d'une violation des art. 15 et 19 de la loi fédérale
sur l'aménagement du territoire (LAT [RS 700]), ils faisaient valoir en
substance que les terrains de la zone 4B n'étaient pas propres à la
construction et qu'ils ne pourraient pas être équipés de manière adaptée à
l'utilisation prévue. Selon eux, la présence d'une forêt au sud de la zone
4B, le long du chemin de Braille qui marque la limite de cette zone, ferait
obstacle à un classement en zone à bâtir, à cause de la distance qui doit
séparer les constructions et installations de la lisière de la forêt, en
vertu de l'art. 17 de la loi fédérale sur les forêts (LFo [RS 921.0]). Les
recourants prétendaient en outre que les nuisances sonores seraient
excessives dans le périmètre de la nouvelle zone 4B, en se référant en
particulier au bruit des trains sur la voie CFF Genève-Lausanne passant à
proximité.
Le Grand Conseil a conclu au rejet de ce recours. Il a produit un rapport du
Département cantonal de l'aménagement, de l'équipement et du logement (DAEL),
de février 2003, intitulé "Relogement des forains et des gens du voyage /
Aménagement du site de La Bécassière à Versoix / Etude de faisabilité -
rapport final" (ci-après: l'étude de faisabilité). Selon cette étude, il est
prévu de créer environ 50 emplacements de 240 m2 pour les forains
professionnels et environ 40 emplacements de 192 m2 pour les gens du voyage.
L'accès au site est prévu par le chemin de Braille, qui longe au sud la
nouvelle zone 4B, depuis la route de l'Etraz. A propos des nuisances de
bruit, le Grand Conseil a produit des avis du service cantonal de protection
contre le bruit et les rayonnements non ionisants. Dans une note du 28
janvier 2003 destinée au département de l'aménagement, de l'équipement et du
logement (DAEL), ce service expliquait ce qui suit, à propos du bruit du
trafic automobile:
"Compte tenu du nombre restreint de logements (70 familles), il est peu
vraisemblable que le trafic induit sur la voie de desserte provoque
l'augmentation notable des immissions sonores à la hauteur des habitations
sises au long de la route de l'Etraz et, par conséquent, des conflits de
voisinage".
Dans une note du 17 mars 2003, ce service exposait que les valeurs de
planification du degré de sensibilité II - pour le bruit du trafic routier,
le bruit des chemins de fer et le bruit de l'aéroport de Genève - n'étaient
pas dépassées dans le périmètre du plan litigieux. Puis, dans une note du 24
septembre 2003 (également destinée au DAEL), il donnait les précisions
suivantes:
"[...] La ligne ferroviaire Genève-Coppet a fait l'objet d'une décision
d'assainissement avant le 1er octobre 2000 (OBCF art. 2), dans le cadre de
l'approbation des plans de la 3ème voie CFF. L'assainissement, concernant le
matériel roulant utilisé sur cette ligne, est déjà réalisé. Pour preuve, le
dossier ci-joint sur les mesures de bruit réalisées sur le site de contrôle à
Gland, qui montre que sur le tronçon Genève-Lausanne les objectifs du plan
des émissions 2015 (Emissionsplan 2015) sont d'ores et déjà atteints! Par
conséquent, nous étions parfaitement fondés à nous appuyer sur ce plan et à
prendre les valeurs d'émission 2015 pour juger de la conformité du projet de
loi avec l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit (OPB art.
29).
Les travaux de terre à la hauteur du Nant de la Braille qui sont en voie
d'achèvement, conformément aux engagements pris lors de l'approbation des
plans de la 3ème voie CFF, permettront de retrouver les conditions de
propagation du bruit (effet écran de talus profond de 6 mètres), qui
garantissent la protection de la zone de la Bécassière, au même titre que
celle de la zone d'habitation, côté Lac.

Les calculs effectués à l'aide du modèle officiel SEMIBEL, fourni par la
Confédération, confirment sans ambiguïté que même les caravanes les plus
proches des voies CFF seront exposées à des immissions sonores nettement
inférieures aux valeurs de planification du degré de sensibilité II. [...]

Au stade de la délimitation de la nouvelle zone, il n'y avait pas lieu
d'étudier les détails des aménagements et des constructions, qui feront
l'objet, si nécessaire, d'études au moment de l'élaboration du plan
d'aménagement de détail. Il suffit de vérifier leur faisabilité. Compte tenu
du respect des émissions 2015, nous considérons que techniquement, il n'y a
aucune difficulté à respecter les exigences pour la construction de
logements.

Si cela s'avérait indispensable, il suffirait de ne pas implanter les
premières habitations à moins de 30 mètres de la voie. Qu'il qu'il en soit,
c'est une décision qui se prend au niveau du plan d'aménagement de détail
(plan de quartier ou autorisation de construire), et pas à l'échelle du plan
de zone.

Ensuite, une simple palissade en bois de 2 mètres à la limite de la
propriété, permettrait de réduire les immissions sonores d'au moins 5 à 6
dB(A). Il faut savoir que les fenêtres des caravanes se situent à seulement à
1.5 mètres du sol et, de ce fait, profitent avec une efficacité maximale de
"l'effet de sol" (atténuation du bruit par la proximité du sol meuble) et des
écrans. Les caravanes des forains et des gens du voyage ont des ouvertures
des quatre côtés, par conséquent, des "fenêtres" partiellement à l'abri du
bruit. Le côté opposé à la source du bruit est moins exposé de l'ordre de 3
dB(A). Dans la pratique, on considère qu'une construction est conforme, si au
moins une fenêtre de chaque pièce sensible au bruit est à l'abri du bruit.

En conclusion, les exigences légales pour ce projet d'aménagement sont
respectées, même sans mesures particulières d'aménagement et de construction,
compte tenu des émissions de bruit sur ce tronçon de voies CFF, de la
topographie locale et du gabarit des constructions."
Lors d'une inspection locale, le représentant du Grand Conseil a encore
précisé que le projet tendait à créer des emplacements fixes, destinés aux
personnes résidant actuellement au Molard, et qu'il ne s'agissait donc pas
d'une aire d'accueil pour les personnes de passage.

D.
Le Tribunal administratif a rejeté le recours par un arrêt rendu le 6 avril
2004. Il a qualifié le plan litigieux d'élément du plan d'affectation général
au sens de l'art. 12 de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire (LaLAT), en relevant que les travaux
d'aménagement du site seraient ensuite soumis à des autorisations de
construire; l'adoption d'une mesure de planification, pour créer une zone
réservée à l'habitation des gens du voyage, avec le regroupement de caravanes
(zone correspondant à la définition de la 4e zone à bâtir, selon l'art. 19
al. 2 LaLAT), était un préalable nécessaire à la réalisation du projet. Le
Tribunal administratif a considéré, en se référant à l'étude de faisabilité,
que l'équipement de la zone 4B était possible et que les prescriptions
fédérales et cantonales relatives à la protection de la forêt ne seraient pas
violées. Il a mentionné à ce propos l'art. 11 de la loi cantonale du 20 mai
1999 sur les forêts (LForêts) qui interdit l'implantation de constructions à
moins de 30 mètres de la lisière de la forêt (al. 1), tout en prévoyant des
dérogations à certaines conditions (al. 2 et 3); or, selon le Tribunal
administratif, cette réglementation n'empêche pas l'inclusion de cette bande
de terrain large de 30 m dans une zone à bâtir au stade de la planification
générale. Enfin, s'agissant des nuisances de bruit, le Tribunal administratif
s'est appuyé sur les avis du service cantonal spécialisé pour admettre que
les exigences du droit fédéral étaient satisfaites, les recourants n'ayant du
reste fait valoir aucun argument concluant à l'encontre de cette
appréciation.

E.
Agissant par la voie du recours de droit public et par celle du recours de
droit administratif - les deux recours étant présentés dans le même acte -,
A.________ et consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif ainsi que la loi n° 8836. Dans le cadre du recours de
droit administratif (cause 1A.124/2004), ils se plaignent de violations des
principes de la coordination (art. 25a LAT), de la législation sur les forêts
(art. 17 LFo et art. 11 LForêts) et de la loi fédérale sur la protection de
l'environnement (art. 11 ss, 24 et 25 LPE). Ils prétendent notamment que le
Grand Conseil, en adoptant la loi n° 8836, a refusé de prendre en
considération l'ensemble des éléments pertinents et de les confronter dans
une pesée unique des intérêts, ce qui aurait dû être fait dans une procédure
de plan d'affectation spécial (ou plan localisé de quartier). Par ailleurs,
dans le cadre du recours de droit public (cause 1P.302/2004), A.________ et
consorts se plaignent d'une violation du principe de la force dérogatoire, ou
primauté, du droit fédéral (art. 49 Cst.) - en relation avec les art. 15 LAT,
19 LAT et 17 LFo -, d'une violation de la garantie de la propriété (art. 26
al. 1 Cst.) ainsi que d'une application arbitraire (art. 9 Cst.) des
principes de la coordination et de l'obligation de planifier.
Le Grand Conseil conclut au rejet du recours de droit administratif et à
l'irrecevabilité du recours de droit public, subsidiairement à son rejet.
Le conseil administratif de la commune de Versoix a déposé des observations,
en déclarant soutenir le projet adopté par le Grand Conseil.
Le Tribunal administratif s'en rapporte à justice.
Un avis a été demandé à l'Office fédéral du développement territorial et à
l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage. Le premier
office a renoncé à déposer des observations; le second s'est exprimé au sujet
de l'application des lois fédérales sur les forêts et sur la protection de
l'environnement.
Les recourants, autorisés à déposer des observations complémentaires,
persistent dans leurs conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Il y a lieu de joindre les causes 1A.124/2004 et 1P.302/2004, et de statuer
en un seul arrêt.

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 130 I 312 consid. 1 p. 317; 130 II 321 consid. 1 p.
324, 388 consid. 1 p. 389 et les arrêts cités).

2.1 Etant donné la subsidiarité du recours de droit public - lequel, en vertu
de l'art. 84 al. 2 OJ, n'est pas recevable si la cause peut être soumise par
un autre moyen de droit au Tribunal fédéral -, il convient d'examiner en
premier lieu si, et le cas échéant dans quelle mesure, le présent recours de
droit administratif est recevable.

2.2 Lorsque la contestation porte sur un plan d'affectation au sens du droit
fédéral de l'aménagement du territoire, à savoir un plan réglant le mode
d'utilisation du sol dans son périmètre (art. 14 al. 1 LAT), il résulte de
l'art. 34 al. 3 LAT que seule la voie du recours de droit public est en
principe ouverte, devant le Tribunal fédéral, contre la décision prise en
dernière instance cantonale. La jurisprudence admet cependant qu'une décision
relative à l'adoption d'un plan d'affectation fasse l'objet d'un recours de
droit administratif, lorsque notamment l'application du droit fédéral de la
protection de l'environnement ou de la législation fédérale sur les forêts
est en jeu, en particulier quand le plan se rapporte à un projet concret (ATF
129 I 337 consid. 1.1 p. 339; 125 II 10 consid. 2a p. 13; 123 II 88 consid.
1a p. 91, 231 consid. 2 p. 234; 121 II 72 consid. 1b p. 75 et les arrêts
cités). On considère en effet qu'il s'agit dans cette mesure d'une décision
fondée non seulement sur le droit cantonal de l'aménagement du territoire
mais également sur le droit public fédéral au sens de l'art. 5 al. 1 PA, et
que par conséquent les règles de la procédure de recours de droit
administratif s'appliquent (cf. art. 97 al. 1 OJ).

2.3 En tant que la contestation porte sur le respect des exigences du droit
fédéral de la protection de l'environnement lors de la création de nouvelles
zones à bâtir (art. 24 LPE notamment), la voie du recours de droit
administratif est ouverte (cf. infra, consid. 4 à 6). Il en va de même dans
la mesure où les recourants soutiennent que les prescriptions de la loi
fédérale sur les forêts réglant l'utilisation du sol (art. 17 LFo en
l'occurrence) n'auraient pas été prises en considération de manière adéquate
pour la délimitation de la nouvelle zone 4B (cf. infra, consid. 3). Sur ces
deux points, il y a effectivement lieu de vérifier, dans la procédure des
art. 97 ss OJ, si les règles du droit fédéral sur l'environnement ou sur les
forêts applicables dans les procédures de planification ont été observées.
Les recourants invoquent encore les principes de la coordination, énoncés
depuis 1997 à l'art. 25a LAT, qui concernent d'abord les procédures
d'autorisation mais que la loi déclare applicables par analogie à la
procédure des plans d'affectation (art. 25a al. 3 LAT). Le grief tiré d'une
violation de ces principes sera, en l'espèce, traité dans le cadre du recours
de droit administratif dans la mesure où il se rapporte à la coordination
entre l'aménagement du territoire et l'application des dispositions évoquées
ci-dessus de la LPE et de la LFo. Pour le reste, ce grief concerne
l'application de règles du droit de l'aménagement du territoire qui ne sont
pas dans un rapport particulièrement étroit avec l'application des normes
précitées du droit administratif fédéral (LPE, LFo) et la contestation relève
alors du recours de droit public (cf. infra, consid. 8).
En invoquant des violations du droit de la protection de l'environnement à
cause des nuisances des véhicules des futurs habitants du site de La
Bécassière, les recourants mentionnent encore les règles relatives à l'étude
de l'impact sur l'environnement (EIE). Ils admettent cependant que le projet
litigieux ne correspond a priori pas à la définition de l'ordonnance fédérale
à ce sujet (OEIE [RS 814.011]; cf. aussi art. 9 LPE). Il faut en déduire
qu'ils renoncent à se plaindre d'une violation de cette réglementation
spécifique du droit fédéral - grief qui aurait été traité, le cas échéant,
dans le cadre du recours de droit administratif (cf. ATF 120 Ib 70 consid. 1b
p. 73).

2.4 Les recourants, voisins du périmètre litigieux - en tout cas ceux dont
les propriétés se trouvent à proximité directe, en bordure du chemin de
Braille (à savoir dames B.________ et E.________) -, ont un intérêt digne de
protection à l'annulation de la décision attaquée et ils ont partant qualité
pour agir par la voie du recours de droit administratif (art. 103 let. a OJ).
Pour ce recours, les autres conditions de recevabilité des art. 97 ss OJ sont
manifestement remplies et il y a lieu d'entrer en matière.

3.
Les recourants critiquent le fait que le plan de la zone 4B, qui est une zone
à bâtir, inclue une bande de terrain inconstructible en vertu de l'art. 17
LFo et de l'art. 11 LForêts, parce qu'elle longe la lisière de la forêt.
Cette bande de terrain a selon la loi une largeur de 30 m et, d'après les
recourants, il ne serait pas admissible d'implanter les installations
litigieuses, par dérogation, à une distance inférieure. Les recourants
soutiennent encore qu'un plan d'affectation spécial, concrétisant ces
exigences du droit forestier, aurait dû être élaboré.

3.1 L'art. 17 al. 1 LFo dispose que les constructions et installations à
proximité de la forêt peuvent être autorisées uniquement si elles n'en
compromettent ni la conservation, ni le traitement, ni l'exploitation. L'art.
17 al. 2 LFo prévoit que les cantons fixent la distance minimale appropriée
qui doit séparer les constructions et les installations de la lisière de la
forêt. Dans le canton de Genève, en vertu de l'art. 11 LForêts, cette
distance est en principe de 30 m, mais un département cantonal (le DAEL) peut
accorder des dérogations pour certaines constructions ou installations.
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a considéré que ces
restrictions n'empêchaient pas, au stade de la planification générale,
l'inclusion de la bande de terrain longeant une lisière dans une zone à
bâtir; l'application des art. 17 LFo et 11 LForêts dans la procédure
d'autorisation de construire ou, le cas échéant, dans une procédure
d'établissement d'un plan d'affectation détaillé (soit un plan fixant avec
précision des périmètres d'implantation pour les constructions et
installations), était cependant réservée. Il n'a donc pas retenu de violation
du droit fédéral.

3.2 La législation forestière fédérale impose à l'autorité cantonale de
planification de fixer les limites de forêts dans les zones à bâtir (art. 13
al. 1 LFo). En l'espèce, il n'y a pas de contestation sur la limite de la
forêt au sud de la zone 4B: elle correspond au bord du chemin de Braille.
Cette forêt n'est donc pas incluse dans la zone à bâtir.
Le droit fédéral n'impose pas, en revanche, de sortir de la zone à bâtir et
de classer en zone non constructible (zone agricole, zone à protéger ou autre
zone: cf. art. 16, 17 ou 18 al. 1 LAT) les terrains se trouvant le long d'une
lisière, à l'extérieur de la forêt. L'affectation de ces terrains n'est pas
régie par les normes du droit forestier fédéral (cf. aussi art. 18 al. 3 LAT
a contrario). La garantie de la protection et de la conservation de la forêt
n'est pas, par principe, incompatible avec un classement en zone à bâtir car
il ne découle pas de cette mesure d'aménagement du territoire que la totalité
du bien-fonds concerné, y compris le cas échéant une bande de terrain le long
d'une lisière, serait constructible sans restriction. Au contraire,
l'implantation des constructions est réglée par différentes prescriptions,
non seulement de la législation forestière (art. 17 al. 2 LFo, art. 11
LForêts) mais encore, et surtout, du droit cantonal de police des
constructions (distance minimale entre bâtiments et limites de propriété,
notamment). Comme le retient l'arrêt attaqué, il appartient à l'autorité
chargée de délivrer les autorisations de construire d'appliquer ces
prescriptions, et s'il y a lieu d'interpréter les normes sur les dérogations
que prévoient les textes légaux (pour la distance à la lisière: cf. art. 11
al. 2 et 3 LForêts). On ne saurait au demeurant affirmer d'emblée, comme le
font les recourants, que les prescriptions de l'art. 11 LForêts (distance en
principe de 30 m, avec dérogations possibles jusqu'à 10 m de la lisière) ne
pourront en définitive pas être respectées car le terrain - près de 4 ha au
total en zone 4B - est suffisamment vaste pour permettre la réalisation de
constructions et installations nécessaires à l'habitation des forains et des
gens du voyage sans empiéter sur l'espace protégé le long de la forêt.
Cela étant, l'autorité de planification ne doit pas toujours faire
abstraction de l'art. 17 LFo. Il arrive en effet que les conditions
d'implantation des constructions soient prévues dans un plan d'affectation
détaillé, ou plan d'affectation spécial. Pour des raisons de coordination, il
importe alors qu'un tel plan ne fixe pas de périmètre d'implantation
empiétant sur la limite des constructions le long d'une lisière. Dans le cas
particulier toutefois, le plan litigieux, simple modification du plan général
des zones du canton de Genève, n'est pas un plan d'affectation détaillé et il
n'a pas pour objet de définir avec précision l'implantation des constructions
et installations prévues.
Au surplus, contrairement à ce que soutiennent les recourants, le droit
fédéral n'exige pas que les prescriptions sur les distances entre
constructions et forêt soient fixées non seulement dans une loi cantonale (en
l'occurrence l'art. 11 LForêts) mais encore dans des plans d'affectation
détaillés, lorsqu'une zone à bâtir est délimitée le long d'une lisière. On ne
saurait en tout cas pas déduire cette exigence de l'arrêt publié aux ATF 129
II 321, qui se borne à rappeler qu'une grande place de stationnement pour les
gens du voyage ne peut pas être autorisée par dérogation en zone agricole
(cf. art. 24 ss LAT), mais qu'elle doit trouver sa place dans une zone
d'affectation appropriée, le cas échéant après l'adoption d'un plan
d'affectation spécial (ATF 129 II 321 consid. 3.3 p. 328). Les griefs des
recourants à ce sujet sont donc mal fondés.

4.
Les recourants se plaignent d'une violation de l'art. 24 LPE parce que, selon
eux, à l'intérieur de la zone d'habitation (zone 4B) que délimite la loi n°
8836, les valeurs de planification du degré de sensibilité au bruit II
seraient dépassées, tandis qu'aucune mesure susceptible d'en garantir le
respect n'est prévue. Les recourants se réfèrent uniquement au bruit du
trafic ferroviaire; ils admettent en effet que, pour le bruit du trafic
routier et celui du trafic aérien, les exigences de l'art. 24 LPE sont
vraisemblablement satisfaites. Les recourants invoquent également l'art. 25
LPE en relation avec ce grief.

4.1 Aux termes de l'art. 24 al. 1 LPE, les nouvelles zones à bâtir destinées
à la construction de logements ou d'autres immeubles destinés au séjour
prolongé de personnes, ne peuvent être prévues qu'en des endroits où les
immissions causées par le bruit ne dépassent pas les valeurs de
planification, ou en des endroits dans lesquels des mesures de planification,
d'aménagement ou de construction permettent de respecter ces valeurs. Cette
disposition s'applique à la création de la nouvelle zone 4B. Il s'ensuit que
le niveau des immissions du bruit du chemin de fer - seule nuisance invoquée
à l'appui du grief de violation de l'art. 24 LPE - ne doit pas dépasser 55
dB(A) le jour et 45 dB(A) la nuit (valeurs de planification du degré de
sensibilité II, selon l'annexe 4 de l'OPB qui régit ce type de bruit).
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif s'est référé aux indications
données à ce sujet par le service cantonal spécialisé en matière de
protection contre le bruit; il ressortait de ses préavis que les valeurs
limites n'étaient aujourd'hui pas dépassées et qu'il serait en tout cas
possible de les respecter moyennant certaines mesures faciles à réaliser. Le
Tribunal administratif a considéré que les recourants n'avaient apporté aucun
élément propre à mettre en doute cette appréciation.

4.2 L'application de l'art. 24 al. 1 LPE en l'espèce requiert une
détermination, dans la zone 4B, des immissions causées par le bruit de la
voie de chemin de fer passant à l'est du périmètre. L'art. 36 OPB énonce des
critères pour cette détermination: il faut en particulier tenir compte des
augmentations ou des diminutions des immissions de bruit auxquelles on peut
s'attendre en raison de la construction, de la modification ou de
l'assainissement d'installations fixes produisant du bruit (art. 36 al. 2
let. a OPB). Pour les installations ferroviaires qui sont régies par la loi
fédérale du 24 mars 2000 sur la réduction du bruit émis par les chemins de
fer (RS 742.144), l'autorité tient également compte du répertoire des
émissions établi conformément à cette loi (art. 36 al. 3 OPB). Les immissions
de bruit sont déterminées sur la base de calculs ou de mesures (art. 38 al. 1
OPB).
Dans le cas particulier, l'avis du 24 septembre 2003 du service cantonal de
protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants (ci-après: le
service cantonal spécialisé) contient des indications claires au sujet de
l'évaluation des immissions causées par le bruit du chemin de fer dans la
nouvelle zone 4B, qui tiennent compte de mesures d'assainissement déjà
ordonnées et réalisées (ou en voie d'achèvement à cette époque, pour
certaines d'entre elles) sur la ligne CFF Genève-Coppet. Il n'est pas
contesté que les critères retenus par ce service spécialisé pour la
détermination du bruit répondent aux exigences de l'art. 36 OPB. Dans ses
observations sur le recours de droit administratif, l'Office fédéral de
l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) ne critique pas la manière
dont le bruit a été déterminé, tenant compte du mode actuel de l'exploitation
de la ligne ferroviaire; il précise en effet que la nouvelle 3ème voie CFF
passant à cet endroit a été mise en service en décembre 2003 et que les
travaux d'assainissement de la ligne ferroviaire existante ont été exécutés
simultanément aux travaux de construction, l'assainissement du matériel
roulant des CFF ayant par ailleurs aussi été réalisé.
Cela étant, si le service cantonal spécialisé retient que "les calculs [...]
confirment sans ambiguïté que même les caravanes les plus proches des voies
CFF seront exposées à des immissions sonores nettement inférieures aux
valeurs de planification du degré de sensibilité II", l'OFEFP estime de son
côté que "vraisemblablement [...] 4 à 6 emplacements [de caravanes] situés
tout à l'est de la zone présentent actuellement un dépassement des VP du DS
II". On constate donc, sur ce point, que les évaluations du bruit (soit le
résultat des calculs ou des estimations) par le service cantonal spécialisé
et par l'office fédéral semblent diverger, étant précisé que cette divergence
ne concerne que l'extrémité est de la zone 4B. Il est en effet établi, sur la
base des avis de ces services, que les valeurs de planification sont en tout
cas déjà actuellement respectées dans la plus grande partie de cette zone.
Les emplacements de caravanes ne sont pas fixés par le plan de la zone 4B
annexé à la loi n° 8836, ni du reste par les articles de cette loi, qui se
bornent à définir en termes généraux l'affectation de la zone. Sans doute
l'office fédéral se réfère-t-il aux emplacements figurés sur un "plan de
situation" faisant partie du rapport final l'"étude de faisabilité" de
février 2003, document explicatif dépourvu de portée juridique. En d'autres
termes, la future aire d'habitation pour les forains et les gens du voyage ne
comportera pas nécessairement des emplacements pour caravanes à l'extrémité
est de la zone (à une quinzaine de mètres du domaine ferroviaire) et le plan
litigieux, qui n'est pas un plan d'affectation détaillé, laisse cette
question indécise. Toutefois, même en retenant l'hypothèse de l'office
fédéral, il n'est pas contesté que, conformément à l'art. 24 al. 1 LPE (ou à
l'art. 29 OPB, qui a sur ce point la même teneur que le texte de la loi), des
mesures de planification, d'aménagement ou de construction permettraient de
respecter ces valeurs à l'endroit où elles seraient dépassées. L'office
fédéral mentionne à ce propos des prescriptions sur l'orientation et la
disposition des locaux d'habitation, voire la construction d'un remblai ou
d'une paroi en limite de zone; quant au service cantonal spécialisé, il
évoque la construction d'une palissade en bois de 2 m de hauteur. Il n'est
ainsi pas question de réduire la surface de la zone 4B à cet endroit. Les
mesures nécessaires, le cas échéant, sont donc en définitive simples et peu
coûteuses. Il en résulte que, moyennant cela, les exigences de l'art. 24 al.
1 LPE pourront être respectées, pour autant qu'elles ne le soient pas déjà.

4.3 L'office fédéral soutient toutefois - et les recourants se sont ralliés à
cet argument en réplique - que les mesures de planification, d'aménagement ou
de construction au sens de l'art. 24 al. 1 LPE, si elles s'avéraient
nécessaires, devraient être définitivement fixées dans la présente procédure
et faire partie du plan d'affectation. Il se réfère à un avis de doctrine
selon lequel l'autorité qui adopte une nouvelle zone à bâtir doit, dans cette
même procédure, rendre contraignantes les mesures précitées car, à défaut,
seul le respect des valeurs limites d'immissions, moins sévères que les
valeurs de planification, pourrait être exigé dans la procédure
d'autorisation de construire (cf. Robert Wolf, Kommentar zum
Umweltschutzgesetz, Zurich 2000, art. 24 n. 27). En effet, conformément à
l'art. 22 LPE, l'autorité compétente ne peut en principe refuser de délivrer
le permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de
personnes que si les valeurs limites d'immissions sont dépassées; des mesures
de construction ou d'aménagement susceptibles de protéger le bâtiment contre
le bruit peuvent également être ordonnées à ce stade-là, mais l'objectif est
alors le respect des valeurs limites d'immissions (cf. aussi art. 31 al. 1
OPB).
Cela étant, dans le cas particulier, l'hypothèse d'un dépassement des valeurs
de planification ne concerne qu'une petite partie de la nouvelle zone 4B et
il est aussi possible, vu l'incertitude quant au niveau exact des immissions,
qu'aucune mesure de planification, d'aménagement ou de construction ne soit
nécessaire sur la base de l'art. 24 al. 1 LPE. Dans ces conditions, il n'y a
pas lieu d'exiger une détermination plus précise du bruit ni de prendre une
décision définitive à ce stade au sujet de ces mesures (pratiquement: la
réalisation d'une palissade ou d'un remblai) avant que l'on sache s'il est
effectivement prévu d'installer des locaux d'habitation (en l'occurrence des
caravanes) à l'extrémité est du périmètre. Il ressort du dossier que la
réalisation de la future aire d'habitation pour les forains et les gens du
voyage est un projet des collectivités publiques, le canton disposant du
reste du droit d'expropriation. L'autorité compétente pourra, au besoin et le
moment venu, charger le service cantonal spécialisé de déterminer une
nouvelle fois les immissions de bruit et veiller, dans la phase de
l'autorisation de construire - ou préalablement lors de l'élaboration d'un
plan d'affectation détaillé, au cas où l'autorité cantonale de planification
estimerait nécessaire, pour des motifs d'urbanisme, de procéder ainsi -, à ce
que les mesures prescrites à l'art. 24 al. 1 LPE soient effectivement
réalisées, si elles sont nécessaires. En l'espèce, il n'y a aucune raison de
craindre que la réalisation de l'objectif prévu par l'art. 24 al. 1 LPE soit
compromise si les mesures prescrites sont ordonnées dans une seconde étape.
Aussi le grief de violation de cette norme du droit fédéral est-il mal fondé.

4.4 Dans ce contexte, les recourants invoquent également l'art. 25 LPE. Cette
disposition fixe des exigences pour la limitation des immissions sonores dans
le voisinage, qui doivent être appliquées lors de la construction de
nouvelles installations fixes produisant elles-mêmes du bruit. L'art. 25 LPE
n'a donc en principe pas à être appliqué dans une procédure de planification
visant à créer une nouvelle zone d'habitation. Quoi qu'il en soit, au regard
des griefs des recourants qui se rapportent aux immissions de bruit à
l'intérieur de la nouvelle zone 4B, seules entrent en considération les
prescriptions de l'art. 24 al. 1 LPE, qui - comme cela vient d'être exposé -
sont respectées en l'espèce.

5.
Les recourants reprochent aux autorités cantonales de n'avoir effectué aucune
étude pour s'assurer que l'accroissement du trafic résultant de la création
d'une zone destinée au logement de 230 personnes pourrait être absorbé sans
difficultés par le réseau routier et n'entraînerait pas d'atteintes nuisibles
ou incommodantes pour le voisinage. Ils se plaignent d'une violation des
règles sur la limitation des nuisances énoncées aux art. 11 ss LPE, en
relation avec l'art. 8 LPE qui dispose que les atteintes à l'environnement
seront évaluées isolément, collectivement et dans leur action conjointe.

5.1 Selon les principes de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire,
la création d'une nouvelle zone à bâtir implique ensuite, pour la
collectivité intéressée, l'obligation de l'équiper, à savoir notamment
d'assurer sa desserte par des voies d'accès d'une manière adaptée à
l'utilisation prévue (art. 19 al. 1 et 2 LAT). Le grief de violation de
l'art. 19 LAT, lors de l'adoption d'un plan d'affectation ou dans d'autres
procédures, ne peut en principe pas être présenté au Tribunal fédéral par la
voie du recours de droit administratif (art. 34 al. 3 LAT; cf. supra, consid.
2.2). Cela étant, lorsqu'un plan d'affectation est élaboré en vue d'un projet
concret de construction ou d'installation et que, parce qu'il contient des
prescriptions suffisamment détaillées, ce plan détermine déjà les
caractéristiques de ce projet (en matière d'implantation, d'équipement ou
d'exploitation), on peut d'ores et déjà vérifier dans ce cadre si les
prescriptions fédérales sur la limitation du bruit produit par l'exploitation
de cette construction ou installation, et le cas échéant le bruit du trafic
induit par ce projet, pourront être respectées. S'agissant précisément du
bruit du trafic routier, les exigences du droit fédéral sont précisées à
l'art. 9 OPB. Aux termes de cette disposition, l'exploitation d'installations
fixes nouvelles ne doit pas entraîner un dépassement des valeurs limites
d'immission consécutif à l'utilisation accrue d'une voie de communication
(let. a) ou la perception d'immissions de bruit plus élevées en raison de
l'utilisation accrue d'une voie de communication nécessitant un
assainissement (let. b).

5.2 Il faut comprendre l'argumentation des recourants (dans le cadre du
recours de droit administratif) dans ce sens que, de leur point de vue, les
exigences de l'art. 9 OPB ne pourront pas être respectées dans les environs
après la mise en service de la future aire d'habitation pour les forains et
les gens du voyage, à cause du trafic automobile supplémentaire. Le Tribunal
administratif n'a pas examiné cette question.
Dans un arrêt récent (arrêt 1A.197/2001 du 18 avril 2002, résumé in DEP 2002
p. 708), le Tribunal fédéral a considéré que le respect des exigences de
l'art. 9 OPB devait en principe être examiné dans le cadre de la procédure
d'autorisation de construire requise pour la réalisation du projet
(construction ou installation) à l'origine de l'augmentation du trafic
automobile. L'art. 9 OPB peut certes exceptionnellement être déjà appliqué
préalablement, dans une procédure de plan d'affectation, mais cela s'impose
avant tout dans les cas de planification d'installations soumises à une étude
de l'impact sur l'environnement (EIE), ou d'autres installations susceptibles
d'affecter sensiblement l'environnement, pour lesquelles on voit d'emblée
qu'il faudra prendre des mesures tendant à la limitation des immissions de
bruit provenant de l'utilisation accrue du réseau routier (consid. 1.2 de
l'arrêt 1A.197/2001). Le Tribunal fédéral a en effet déjà considéré que le
bruit causé par le trafic lié à l'exploitation d'une installation soumise à
étude d'impact, et provoquant de nombreux mouvements de véhicules, devait
faire l'objet d'un examen dans le cadre de l'établissement du plan
d'affectation spécial prévu pour cette installation (ATF 123 II 88 consid. 2d
p. 95). L'application de l'art. 9 OPB n'est pas exclue au stade de la
planification de projets d'ensembles résidentiels. En effet, dans une affaire
relative à l'adoption de plans d'affectation détaillés (plans partiels
d'affectation) pour des quartiers d'habitation - plans fixant l'implantation
et le gabarit des immeubles -, le Tribunal fédéral a confirmé un arrêt de la
juridiction cantonale qui, après avoir constaté que la réalisation des
projets entraînerait une forte augmentation du trafic sur le réseau routier
existant, avait considéré que l'équipement était insuffisant, non seulement à
cause des dimensions des voies d'accès mais aussi parce que le respect des
prescriptions fédérales en matière de lutte contre le bruit n'était pas
garanti (arrêt 1A.56/1999 du 31 mars 2000, publié in RDAF 2000 I 427, consid.
5 et 6).
Dans le cas particulier - comme dans l'arrêt précité 1A.197/2001 -, on peut
renoncer à examiner de manière circonstanciée à ce stade si les exigences de
l'art. 9 OPB pourront être respectées une fois aménagé le site de la
Bécassière. Cette norme du droit fédéral sera appliquée dans le cadre de la
procédure d'autorisation de construire (ou, éventuellement, lors de
l'établissement d'un plan d'affectation détaillé), lorsqu'un projet concret
d'aire d'habitation sera élaboré, avec des indications claires sur le trafic
induit, les conditions d'exploitation et l'utilisation des voies d'accès.
L'aire d'habitation à réaliser dans la zone 4B n'est pas censée être une
place de stationnement pour les gitans de passage (ce qui pourrait
éventuellement entraîner des mouvements de véhicules plus importants qu'une
simple aire d'habitation saisonnière); d'après les études et prévisions
figurant au dossier, elle n'est normalement pas susceptible de provoquer un
fort accroissement du trafic sur le réseau routier de la localité. Ces
questions ont du reste déjà été abordées dans la procédure cantonale relative
à l'adoption de la nouvelle zone: a priori, d'après un préavis du service
cantonal spécialisé (du 28 janvier 2003), une augmentation notable des
immissions sonores est peu vraisemblable. Dans ces conditions, il était
admissible que le Tribunal administratif renonce à se prononcer sur les
nuisances engendrées par les véhicules des utilisateurs de la future aire
d'habitation. A ce propos, le grief de violation du droit fédéral de la
protection de l'environnement est mal fondé.

6.
Toujours dans le cadre du recours de droit administratif, les recourants se
plaignent d'une violation du principe de la coordination parce que, selon
eux, une pesée globale des intérêts en cause n'aurait pu intervenir que si
l'autorité cantonale avait adopté, pour l'aire d'habitation, un plan
d'affectation spécial, ou plan localisé de quartier (selon la terminologie du
droit cantonal genevois). Ils invoquent l'arrêt du Tribunal fédéral publié
aux ATF 129 II 321, concernant une place de stationnement pour les gens du
voyage.
Comme cela a déjà été exposé ci-dessus à propos de l'application des
prescriptions de la législation forestière (consid. 3.2), l'arrêt précité ne
saurait être interprété en ce sens qu'il exige dans tous les cas, pour une
installation du type de l'aire d'habitation litigieuse, l'établissement
préalable d'un plan d'affectation spécial. Dans une zone appropriée, où la
réglementation du plan général d'affectation permet d'édifier les
constructions requises pour une telle utilisation, on ne voit pas en quoi
l'application du droit fédéral de la protection de l'environnement serait
compromise par l'absence d'un plan d'affectation spécial. Les prescriptions
pertinentes peuvent en effet être appliquées de manière coordonnée soit dans
la procédure de modification du plan des zones, s'il y a lieu, soit ensuite
au stade de l'autorisation de construire. Le recours de droit administratif
est donc, sur ce point également, mal fondé.

7.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif, entièrement mal fondé,
doit être rejeté.

8.
Par la voie du recours de droit public, les recourants se plaignent d'une
violation du principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.) - en
relation avec les art. 15 LAT, 19 LAT et 17 LFo -, d'une violation de la
garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.) et d'une application arbitraire
(art. 9 Cst.) des principes de la coordination et de l'obligation de
planifier.

8.1 La qualité pour agir par la voie du recours de droit public est définie à
l'art. 88 OJ. Ce recours est ouvert uniquement à celui qui est atteint par
l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés. Le
recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant qu'à préserver
des intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 129 I 113 consid. 1.2
p. 117; 129 II 297 consid. 2.1 p. 300; 126 I 43 consid. 1a p. 44 et les
arrêts cités). D'après la jurisprudence relative à cette disposition, celui
qui conteste l'octroi d'une autorisation de construire à un autre
propriétaire, en dénonçant une mauvaise application de la réglementation en
matière d'aménagement du territoire ou de police des constructions, doit
alors invoquer la violation d'une norme du droit cantonal tendant, au moins
accessoirement, à la protection de ses intérêts de propriétaire voisin. Dans
cette situation, l'intérêt juridiquement protégé ne peut pas résulter du seul
art. 9 Cst. ni d'autres principes constitutionnels généraux (cf. ATF 129 I
113 consid. 1.5 p. 118; 126 I 81 consid. 2a et 3b p. 84 s.; à propos plus
spécialement du recours du voisin: ATF 127 I 44 consid. 2c p. 46; 125 II 440
consid. 1c p. 442; 118 Ia 232 consid. 1a p. 234 et les arrêts cités). Les
mêmes règles sont à appliquer, mutatis mutandis, dans une contestation
relative à l'adoption d'un plan d'affectation: le propriétaire voisin, dont
le terrain n'est pas compris dans le périmètre du plan litigieux, ne peut se
prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé que dans la mesure où il se
plaint, à cause de la nouvelle mesure de planification, de la suppression ou
de la modification de prescriptions qui tendaient, au moins accessoirement, à
le protéger, ou encore si le plan restreint l'utilisation de sa propriété.
Dans l'un et l'autre cas, la qualité pour agir du propriétaire se limite à la
contestation des effets du plan sur son propre fonds (ATF 127 I 44 consid. 2d
p. 47; 116 Ia 433 consid. 2a p. 437 et les arrêts cités).

8.2 En l'espèce, les recourants affirment que le déclassement de terrains
voisins de la zone agricole porterait matériellement atteinte à leurs
intérêts, mais on ne voit pas en quoi consiste cette atteinte sous l'angle
juridique, ou à tout le moins en quoi l'utilisation de leurs terrains serait
compromise. Les recourants ne donnent au demeurant pas d'indications sur le
régime applicable à leurs biens-fonds; il ressort cependant du dossier que
les propriétés situées sur le territoire de la commune de Versoix se trouvent
hors de la zone à bâtir, avec par conséquent des possibilités restreintes de
construction. Les recourants se prévalent des principes de la coordination,
codifiés à l'art. 25a LAT, et prétendent que ceux-ci auraient en tant que
tels une fonction protectrice pour les voisins. Or tel n'est à l'évidence pas
le cas, ces principes n'ayant de ce point de vue pas une autre portée que les
principes généraux de planification (cf. ATF 116 Ia 433 consid. 2a p. 437).
Les recourants soutiennent en outre que le chemin de Braille serait une
desserte insuffisante pour la zone 4B; à ce propos, ils se bornent toutefois
à affirmer que les futurs utilisateurs du site de la Bécassière auront de la
peine à y accéder mais ne font pas valoir que leurs propres biens-fonds
deviendraient inaccessibles ou difficilement accessibles. Les recourants
n'invoquent donc pas davantage, de ce point de vue, une atteinte à des
intérêts juridiquement protégés (cf. à ce propos ATF 126 I 213 consid. 1b p.
216).
Dans ces conditions, le recours de droit public doit être déclaré d'emblée
irrecevable, à défaut de qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ.

9.
Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais de la présente
procédure. Un émolument judiciaire global, pour le recours de droit
administratif et le recours de droit public, sera donc mis à leur charge
(art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux
collectivités publiques intimées ou intéressées (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 1A.124/2004 et 1P.302/2004 sont jointes.

2.
Le recours de droit administratif est rejeté.

3.
Le recours de droit public est irrecevable.

4.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge des recourants.

5.
Il n'est pas alloué de dépens.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au
Grand Conseil et au Tribunal administratif de la République et canton de
Genève, à la Commune de Versoix, à l'Office fédéral de l'environnement, des
forêts et du paysage et à l'Office fédéral du développement territorial.

Lausanne, le 31 mai 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: