Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 62/2003
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U 62/03
U 65/03

Arrêt du 21 octobre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari. Greffier: M.
Berthoud

A.________, recourant, représenté par Me J.-Potter van Loon, avocat, rue
Ferdinand-Hodler 23, 1211 Genève 3,

et

X.________, recourant,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 21 janvier 2003)

Faits:

A.
A. ________ était employé par X.________ et était assuré, à ce titre, contre
les accidents professionnels et non professionnels par la Caisse nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Le 16 novembre 1998, l'assuré a subi une résection de l'extrémité antérieure
de la 9e côte gauche, justifiée par la suspicion de métastases costales.
Trois jours plus tard, il a présenté des douleurs au membre supérieur gauche.
Les examens ont permis de diagnostiquer une algodystrophie du membre
supérieur gauche ainsi qu'une axonotmésis partielle du plexus brachial gauche
prédominant sur les racines inférieures (rapports des docteurs B.________, du
14 décembre 1998, et C.________, du 4 janvier 1999).

X. ________ a annoncé le cas à la CNA. Cette dernière, par décision du 15
mars 2001, a refusé d'allouer ses prestations pour cet événement, au motif
que les troubles en question n'avaient pas d'origine accidentelle et qu'il ne
s'agissait pas non plus d'une lésion assimilée à un accident.

X. ________, A.________ et Concordia, son assureur-maladie, ont fait
opposition à cette décision. La CNA a rejeté ces oppositions, par décision du
20 novembre 2001.

B.
Par mémoires séparés, A.________ et son employeur ont déféré cette décision
au Tribunal administratif du canton de Genève (aujourd'hui: Tribunal cantonal
des assurances sociales). Ils ont conclu à son annulation, à la mise en
oeuvre d'une expertise et à ce que la CNA soit condamnée à allouer ses
prestations.

Par jugement du 21 janvier 2003, la juridiction cantonale a rejeté les deux
recours, après avoir joint les causes.

C.
A.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, avec suite de dépens. A titre principal, il invite
le Tribunal fédéral des assurances à constater que les troubles dont il
souffre à la suite de l'intervention chirurgicale du 16 novembre 1998 ont une
origine accidentelle, et partant, de condamner la CNA à lui allouer ses
prestations légales, dont une indemnité pour atteinte à l'intégrité.
Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause aux premiers juges pour
complément d'instruction.

De son côté, X.________ interjette également recours de droit administratif
contre le jugement du 21 janvier 2003. Principalement, il conclut à ce que le
caractère accidentel des troubles dont souffre l'assuré soit reconnu, et à ce
que la CNA soit condamnée à lui rembourser les montants versés au titre de
perte de gain pour les suites de l'accident du 16 novembre 1998. A titre
subsidiaire,  X.________ conclut aussi au renvoi de la cause à la juridiction
cantonale pour qu'elle mette en oeuvre une expertise.

L'intimée conclut au rejet des recours. Concordia et l'Office fédéral des
assurances sociales ont renoncé à se déterminer. Les recourants ont eu
l'occasion de s'exprimer sur leurs écritures respectives.

Considérant en droit:

1.
Les recours de droit administratif concernent des faits de même nature,
portent sur des questions juridiques communes et sont dirigés contre le même
jugement, de sorte qu'il se justifie de les réunir et de les liquider dans un
seul arrêt (ATF 128 V 126 consid. 1 et les références; cf. aussi ATF 128 V
194 consid. 1).

2.
X.________ a qualité pour recourir contre la décision litigieuse et le
jugement attaqué, aux côtés de l'assuré. En effet, l'employeur qui a payé les
primes d'assurance et avancé le salaire de son employé est à l'évidence
touché par la décision de l'intimée et a donc un intérêt digne de protection
à la voir annulée (cf. art. 324b CO, art. 103 let. a et 132 OJ; ATF 106 V 222
consid. 1 in fine, RAMA 1997 n° U 276 pp. 201-202 consid. 4d, 1989 n° U 73 p.
239 consid. 1b).

3.
3.1 La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA) du 6
octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 20 novembre
2001 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

3.2 Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et
involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire
qui compromet la santé physique ou mentale (art. 2 al. 2 LAMal; art. 9 al. 1
OLAA; ATF 122 V 232 consid. 1 et les références).

Il résulte de la définition même de l'accident que le caractère
extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur,
mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que le facteur
extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou
inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire
lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des
situations que l'on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou
d'habituels (ATF 122 V 233 consid. 1, 121 V 38 consid. 1a ainsi que les
références).

Le point de savoir si un acte médical est comme tel un facteur extérieur
extraordinaire au sens de l'art. 9 al. 1 OLAA doit être tranché sur la base
de critères médicaux objectifs. Selon la jurisprudence, le caractère
extraordinaire d'une telle mesure est une exigence dont la réalisation ne
saurait être admise que de manière sévère. Il faut que, compte tenu des
circonstances du cas concret, l'acte médical s'écarte considérablement de la
pratique courante en médecine et qu'il implique de ce fait objectivement de
gros risques. Le traitement d'une maladie en soi ne donne pas droit au
versement de prestations de l'assureur-accidents, mais une erreur de
traitement peut, à titre exceptionnel, être constitutive d'un accident, dès
lors qu'il s'agit de confusions ou de maladresses grossières et
extraordinaires, voire d'un préjudice intentionnel, avec lesquels personne ne
comptait ni ne devait compter (Maurer, Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, p. 181 et note 369). Quant à l'indication d'une
intervention chirurgicale, elle n'est pas un critère juridiquement pertinent
pour juger si un acte médical répond à la définition légale de l'accident
(ATF 121 V 38 consid. 1b).

La question de l'existence d'un accident, au sens du droit de
l'assurance-accidents obligatoire, sera tranchée indépendamment du point de
savoir si l'infraction aux règles de l'art dont répond le médecin entraîne
une responsabilité (civile ou de droit public). Il en va de même à l'égard
d'un jugement pénal éventuel sanctionnant le comportement du médecin (ATF 121
V 38 consid. 1b et les références).

3.3 Conformément à ces principes, la jurisprudence admet par exemple
l'existence d'un accident, imputable à une cause extérieure extraordinaire,
dans le cas d'une confusion en matière de groupes sanguins ou en matière
d'agents anesthésiques (ATFA 1961 p. 206 consid. 2a et les références), dans
le cas d'une accumulation d'erreurs à l'occasion d'une angiographie
(considérants 4 et 5 non publiés au RO de l'arrêt ATF 118 V 283, mais
partiellement reproduits dans le Courrier suisse des assurances, 1994, 1 p.
31) ou lors d'une anesthésie (RAMA 1993 n° U 176 p. 204), ainsi que lors de
l'oubli d'un cathéter dans la vessie d'un patient (arrêt D. du 18 juillet
2003, U 56/01). Elle l'a niée, en revanche, à propos d'une perforation par
erreur de la sclérotique, à l'occasion d'une injection subcorticale
parabulbaire au celeston (Extr. CNA 1990 n° 1), lors du choix, hautement
discutable, d'une technique opératoire (RAMA 1988 n° U 36 p. 42), dans le cas
d'une lésion de nerfs de la main survenue au cours d'une opération
spécialement difficile et délicate, sur un terrain cicatriciel dont
l'anatomie était modifiée par de multiples opérations antérieures (ATF 121 V
39 consid. 1c), lors d'une lésion du nerf alvéolaire provoquée par
l'extraction d'une dent de sagesse, sans qu'un diagnostic préopératoire n'ait
été posé (RDAT 2002 II n° 90 p. 336), dans le cas de gestes médicaux
inappropriés, associés à de multiples complications ayant entraîné le décès
d'une femme sur le point d'accoucher (RAMA 2000 n° U 407 p. 404), à
l'occasion de la section accidentelle de la veine épigastrique au cours de
l'opération d'une hernie inguinale (SJ 1998 p. 430), ou lors de la
perforation de l'oesophage survenue au cours de l'extraction d'un morceau de
viande (RAMA 2000 n° U 368 p. 99).

4.
4.1 Plusieurs hypothèses ont été avancées au sujet de l'origine de l'atteinte
partielle du plexus brachial gauche, aggravée par une algoneurodystrophie.
Parmi celles-ci, l'éventualité évoquée par le docteur D.________, dans un
rapport du 9 août 2000, savoir une chute du bras en abduction-rotation
externe pendant l'opération, doit cependant être exclue à la lecture du
témoignage du docteur E.________, chirurgien opérateur, que les premiers
juges ont entendu le 19 décembre 2002. Quant à l'avis certes bien motivé du
docteur F.________, qui attribuait ces troubles à une origine
multifactorielle vraisemblablement endogène (rapport du 9 février 2001), il
ne représente qu'une possibilité parmi d'autres.

La plupart des médecins qui se sont prononcés sur la cause possible de cette
affection ont penché pour une élongation par étirement du plexus en cours
d'opération (rapport du professeur G.________, du 30 novembre 1999). A la
lecture du témoignage du docteur E.________ (procès-verbal du 19 décembre
2002), cette éventualité paratît en tout cas la plus vraisemblable, au degré
requis par la jurisprudence (cf. ATF 126 V 360 consid. 5b et les références)
et c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu cette version
des faits. Il convient encore de préciser qu'on ne saurait déduire des
témoignages et avis recueillis soit une manipulation incorrecte, une
maladresse ou encore une erreur médicale; à cet égard, rien de tel ne ressort
des comptes rendus des docteurs H.________ et I.________ (du 7 décembre 1998)
et E.________ (du 16 novembre 1998).

4.2 Il s'ensuit que les griefs que l'assuré adresse aux premiers juges
(constatation inexacte et incomplète des faits, appréciation erronée de
ceux-ci) ne résistent pas à l'examen, si bien que la mise en oeuvre d'un
complément d'instruction apparaît superflu. Pour ce même motif, la
juridiction de recours n'a pas violé le droit de l'assuré de faire
administrer ses moyens de preuve en statuant en l'état.

5.
5.1 En droit, la question à résoudre est de savoir si l'atteinte à la santé
subie au cours de l'opération du 16 novembre 1998 constitue un accident. Cela
revient, en l'occurrence, à examiner essentiellement si cette atteinte
remplit l'exigence du caractère extraordinaire, au regard des règles exposées
au consid. 3.2 ci-dessus.

Préliminairement, il convient d'observer que l'éventualité de l'étirement
d'un plexus ne figure pas au nombre des affections énumérées à l'art. 9 al. 2
OLAA (sur le caractère exhaustif de cette liste, voir ATF 123 V 45 consid. 2b
et les références), si bien qu'une telle lésion ne saurait, à défaut d'un
facteur extérieur de caractère extraordinaire, être assimilée à un accident.

5.2 Selon les docteurs H.________ et E.________, il peut arriver que la
position du patient pendant l'opération (qui est couché sur le côté comme
pour la plupart des opérations thoraciques) donne lieu à des douleurs
postopératoires du membre supérieur du côté opéré. Ces deux médecins ajoutent
que cette éventualité est rare et transitoire et qu'elle survient
immédiatement après l'opération (et non pas trois jours plus tard, comme en
l'espèce). D'après eux, il est proprement exceptionnel d'avoir affaire à un
tableau aussi sévère et durable, associant oedème et douleur de la main. A
défaut d'une autre étiologie, les docteurs H.________ et E.________ estiment
qu'il est possible, malgré tout, que la position du patient pendant
l'opération soit responsable de son algodystrophie. A leur connaissance, un
cas semblable n'est pas décrit dans la littérature chirurgicale thoracique
(rapport du 15 novembre 1999).

5.3 Vu ce qui précède et sur la base des faits retenus, le caractère
extraordinaire doit être nié. En effet, il s'agit tout au plus d'une
complication imprévisible et rarissime qui n'est pas liée à une erreur de
traitement. Par ailleurs, le déroulement de l'opération ne s'est pas écarté
de la pratique courante au point qu'il ait impliqué de gros risques.

Dans ces conditions, la responsabilité de l'intimée n'est pas engagée et elle
a refusé à juste titre d'allouer ses prestations. Les recours sont mal
fondés.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Les causes U 62/03 et U 65/03 sont jointes.

2.
Les recours sont rejetés.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à Concordia, Assurance suisse
de maladie et accidents, au Tribunal cantonal genevois des assurances
sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 21 octobre 2003

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre:   Le Greffier: