Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 43/2003
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U 43/03

Arrêt du 29 avril 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffière : Mme
Berset

R.________, recourant, représenté par le Syndicat interprofessionnel de
Travailleuses et Travailleurs SIT, rue des Chaudronniers 16, 1211 Genève 3,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 14 janvier 2003)

Faits:

A.
Né en 1977, R.________ a travaillé en qualité d'aide-peintre au service d'une
entreprise genevoise. A ce titre, il était assuré contre les accidents
professionnels et non professionnels par la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Le 11 novembre 1998, alors qu'il ponçait des portes d'armoire, il a reçu
l'une d'elles sur le pied gauche, et subi une fracture du cinquième
métatarsien. Il a été opéré deux jours plus tard par le docteur S.________,
spécialiste en chirurgie et médecin traitant. Le 27 avril 1999, ce praticien
a procédé à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse. La CNA a pris en charge
les suites de cet accident. R.________ a repris le travail à 50 %, le 26 mai
1999, et à 100 % le 7 juin suivant.

Le 20 septembre 1999, son employeur a annoncé une rechute sous forme de
lésion du ménisque du genou gauche, révélée par une IRM du 15 juillet 1999
émanant du Centre de Diagnostic Radiologique C.________ (rapport du 19
juillet 1999 du docteur N.________, spécialiste en radiologie). L'assuré a
cessé de travailler dès cette date.

Le 30 septembre 1999, R.________ a subi une arthroscopie avec méniscectomie
partielle de la corne antérieure du genou gauche et ablation d'une plica
antéro-interne gauche. La CNA a pris en charge les troubles du genou.

Le 17 janvier 2000, le docteur S.________ a posé le diagnostic de syndrome de
Sudeck, en se référant à une scintigraphie osseuse du genou pratiquée le 11
janvier 2000 par le docteur N.________.

Le 2 mai 2000, le docteur G.________, spécialiste en radiologie, a  pratiqué
une IRM du genou gauche qui n'a pas révélé d'anomalie notable, en dehors
d'une discrète infiltration des tissus mous dans la région de la graisse du
Hoffa, au niveau du compartiment antéro-interne, qui pouvait avoir un
caractère post traumatique; il n'y avait pas d'argument en faveur d'une
algodystrophie.

Le 9 mai 2000, l'assuré a été examiné par le docteur M.________, médecin
d'arrondissement de la CNA. Après avoir confronté les résultats de l'examen
clinique avec les pièces du dossier, le docteur M.________ a conclu, au terme
de son appréciation, que la fracture du pied attribuable à l'accident du 11
novembre 1998 était guérie sans séquelles, avec reprise de la charge totale
et capacité de travail de 100 %, dès le 7 juin 1999. En ce qui concernait les
suites de l'arthroscopie du 30 septembre 1999, le genou avait récupéré une
fonction complète à sept mois de l'intervention; l'assuré pouvait se déplacer
sans l'aide de cannes anglaises, une incapacité de travail n'était plus
justifiée comme aide-peintre et la poursuite d'un traitement n'apparaissait
plus nécessaire (rapport du 11 mai 2000).

Par décision du 15 mai 2000, la CNA a supprimé, à partir du 1er juin 2000, le
droit de l'assuré aux prestations de l'assurance-accidents en cours, au motif
que le cas était stabilisé. Le 25 mai 2000 l'assuré a fait opposition à cette
décision.

Dans l'intervalle, mandaté comme expert par la Genevoise assurance-maladie
collective, le docteur B.________, spécialiste en médecine interne et en
maladies rhumatismales, a conclu que l'incapacité de travail de R.________
était attribuable exclusivement aux deux événements accidentels en cause.
Tout en constatant que la complication survenue dans les suites de la cure de
ménisque interne par arthroscopie, sous la forme d'une algoneurodystrophie,
était une maladie «directement imputable au traitement de l'accident»,
l'expert a relevé que l'IRM du 2 mai 2000 n'avait pas montré d'argument en
faveur d'une algoneurodystrophie. Il n'y avait plus d'élément objectivable
empêchant la reprise de la marche avec charge complète sur le membre
inférieur gauche et  l'incapacité de travail totale était injustifiée. Par
ailleurs, il notait une nette discordance entre les plaintes de l'assuré et
les résultats de l'observation clinique ainsi que des réactions totalement
inadéquates à la moindre sollicitation du genou gauche (rapport du 3 octobre
2000).

Par décision du 26 octobre 2000, la CNA a rejeté l'opposition formée par
l'assuré.

B.
R.________ a déféré cette décision au Tribunal administratif de la République
et canton de Genève (aujourd'hui, en matière d'assurance-accidents: Tribunal
cantonal des assurances sociales), Dans le cadre de l'instruction
préliminaire, il a produit, notamment, deux rapports du docteur S.________
des 5 février et 6 août 2001. Par jugement du 14 janvier 2003, le Tribunal
administratif a rejeté le recours.

C.
R.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, en concluant, à l'octroi de prestations de
l'assurance-accidents du 1er juin 2000 au 31 août 2001, après mise en oeuvre
d'une expertise médico-judiciaire. La CNA et l'Office fédéral des assurances
sociales ont renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas
applicable au présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales
n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 26
octobre 2000 (ATF 129 V 4, consid. 1.2 et les arrêts cités).

2.
2.1 Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations d'assurance de
l'assurance-accidents. Il s'agit, singulièrement, de déterminer s'il subsiste
au-delà du 30 mai 2000 un rapport de causalité entre les troubles dont il se
plaint et les accidents des 11 novembre 1998 et 20 septembre 1999.

2.2 Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les
dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs à la
nécessité d'une atteinte à la santé et d'un rapport de causalité (naturelle
et adéquate) entre celle-ci et un accident pour que l'assureur-accidents soit
tenu de fournir des prestations; il rappelle également les règles applicables
en matière d'appréciation des rapports médicaux. Il suffit donc d'y renvoyer
sur ces points.

3.
Selon la jurisprudence, si le rapport de causalité avec l'accident est établi
avec la vraisemblance requise, l'assureur n'est délié de son obligation
d'octroyer des prestations que si l'accident ne constitue plus la cause
naturelle et adéquate de l'atteinte à la santé. De même que pour
l'établissement du lien de causalité naturelle fondant le droit à des
prestations, la disparition du caractère causal de l'accident eu égard à
l'atteinte à la santé de l'assuré doit être établie au degré habituel de la
vraisemblance prépondérante requis en matière d'assurances sociales. La
simple possibilité que l'accident n'ait plus d'effet causal ne suffit pas.
Dès lors qu'il s'agit dans ce contexte de la suppression du droit à des
prestations, le fardeau de la preuve n'appartient pas à l'assuré mais à
l'assureur (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2 et la référence).

4.
La cour cantonale a tenu pour établi, sur le vu des avis médicaux et après
audition des docteurs B.________, N.________ et S.________, que le recourant
a souffert d'une algoneurodystrophie (ou syndrome de Sudeck) à la suite de
l'arthroscopie qu'il a subie au genou gauche le 30 septembre 1999.

4.1 Pour se prononcer sur la question du statu quo sine, les premiers juges
se sont appuyés, notamment, sur les rapports des docteurs M.________ et
B.________, ainsi que sur les résultats de l'IRM du 2 mai 2000 pratiquée par
le docteur G.________, qui ne montrait pas d'argument en faveur d'une
algoneurodystrophie. Ils ont conclu que si les douleurs ont pu persister
au-delà du 30 mai 2000, elles correspondaient à des affections sans rapport
de causalité avec l'accident du 11 novembre 1998.

Ce faisant, la cour cantonale a accordé entière valeur probante aux rapports
du médecin de la CNA et de l'expert commis par l'assurance-maladie; à juste
titre, ces documents répondant aux réquisits posés par la jurisprudence (ATF
125 V 352 consid. 3a et 353 consid. 3b/bb). Le recourant objecte que ces deux
médecins se sont fondés sur une IRM (celle du 2 mai 2000) et une radiographie
pour conclure qu'il ne présentait plus d'incapacité de travail en raison
d'une algoneurodystrophie, alors que seule une scintigraphie aurait permis de
confirmer l'absence de cette maladie. Il invoque la littérature médicale pour
soutenir que l'IRM, en particulier, n'est pas un moyen fiable pour infirmer
le diagnostic d'une algoneurodystrophie.

4.2 La CNA, Division médecin des accidents, docteurs Bär, Felder et Kiener,
éditeurs a publié en 1998, une étude sur ce thème intitulée Algodystrophie
(Complex regional pain syndrome). Il en ressort que l'algodystrophie (CRPS I,
maladie de Sudeck, reflex sympathetic distrophy) est une affection aux
nombreuses facettes dont l'étiopathogenèse est probablement variable: aucune
forme de traitement n'est systématiquement efficace (p. 3). Plus
spécifiquement, il s'agit d'une douleur à caractère continu localisée dans un
secteur d'une extrémité se manifestant après un trauma, fracture incluse, ne
comportant cependant pas de lésion nerveuse significative et qui est associée
à une hyperactivité du sympathique. Elle est caractérisée par une douleur
diffuse inéclaircie, une modification de la couleur de la peau, un oedème
diffus, une température anormale de la peau, une diminution de la mobilité
active. Pour certains auteurs, quatre de ces cinq symptômes doivent être
réunis. Chez 7 % des sujets, tous les critères, à l'exception de la douleur
sont satisfaits. Les symptômes et signes précités se péjorent durant
l'activité corporelle; ils sont  localisés dans une région du corps qui est
beaucoup plus vaste que celle qui intéressait le traumatisme initial ou
l'opération (p. 5). Quel que soit le cadre nosologique de référence, le
diagnostic est par définition un diagnostic clinique, par essence positif (un
diagnostic par exclusion n'entre qu'accessoirement en considération). En
corollaire, en l'état actuel des connaissances, tout examen paraclinique
demande à être étalonné à l'aune de la clinique. Cela étant, aucun examen
paraclinique ne saurait être plus fiable que la clinique et constituer un
critère d'exclusion automatique ou d'inclusion nécessaire. Par contre,
certains examens paracliniques peuvent être des aides au diagnostic
précieuses (contexte de survenue atypique, absence de traumatisme initial; p.
23).

Parmi les multiples examens disponibles, certains sont d'un usage  largement
répandu. Toutefois, même pour des examens pratiqués depuis plusieurs
décennies (scintigraphie osseuse par exemple), les opinions autorisées
peuvent encore largement diverger. D'autres techniques plus récentes, comme
la Résonance magnétique nucléaire (IRM), doivent encore faire leurs preuves
(p. 26 et 33). Quant aux radiographies conventionnelles, elles sont en retard
sur l'évolution clinique (p. 27).

La sensibilité de la scintigraphie osseuse au stade I (phase aiguë) de la
maladie algodystrophique est bonne; le taux est tout de même assez variable
dans la littérature, oscillant entre 85 et 97 %. Aux stades plus tardifs de
la maladie, la sensibilité diminue et l'examen doit être impérativement
corrélé à la clinique. La scintigraphie aux stades II (phase dystrophique ou
froide) et III (phase de stabilisation et séquellaire) de la maladie devient
inutile (p. 28). Si la sensibilité de la scintigraphie semble bonne à un
stade précoce, la spécificité de cet examen est par contre médiocre et cela
quel que soit le stade. En conclusion, l'examen scintigraphique au stade
préradiologique peut s'avérer d'un réel intérêt diagnostique mais doit être
interprété dans le contexte clinique (p. 28, 29).

La durée du stade I est de 2 à 8 mois, celle du stade II de 3 à 6 mois et
celle du stade III de quelques mois à quelques années (p. 42).

4.3 Il découle de ces éléments que c'est l'examen clinique qui est le plus
fiable pour déterminer la présence ou l'absence d'une algodystrophie et que
la scintographie osseuse - dont la sensibilité varie selon les stades de la
maladie -  ne constitue, ni plus ni moins, qu'une aide au diagnostic dans
certains cas. Au cours de l'examen auquel il a procédé le 9 mai 2000, le
docteur M.________ a rappelé que les séquelles de l'accident du 11 novembre
1998 au pied gauche étaient totalement guéries au début juin 1999, En ce qui
concernait les suites de l'arthroscopie du 30 septembre 1999, il a déclaré
que le genou gauche avait totalement récupéré sa fonction, était sec et
présentait une bonne stabilité; la conservation de la musculature était
également bonne, sans amyotrophie notable. L'examen et l'IRM du 2 mai 2000 ne
révélaient pas de signes d'algodystrophie. Pour sa part, le docteur
B.________ a conclu qu'au moment de son expertise, il n'y avait plus aucun
élément objectivable qui empêchât une reprise de la marche avec charge
complète sur le membre inférieur gauche tant au niveau du pied que du genou.
En revanche, il notait une nette discordance entre les plaintes de l'assuré
et les résultats de l'examen clinique.

Selon les docteurs M.________ et B.________ le recourant ne présentait plus,
à l'examen, de signes de la maladie de Sudeck au-delà de mai 2000 (soit en
particulier absence d'oedème, de rougeur ou de sudation). Peu importe, dans
ce contexte, que ces médecins n'aient pas fait procéder à une scintigraphie
osseuse, en sus de l'IRM déjà à leur disposition, dès lors qu'ils étaient
convaincus de l'exactitude de leur diagnostic, posé au terme d'un examen
clinique qui apparaît le plus sûr lorsqu'il s'agit de déterminer la présence
ou non de cette maladie. En tout état de cause, leur appréciation s'inscrit
dans le cadre décrit par la littérature médicale rappelée ci-dessus.

Sur le vu de ce qui précède, il ne saurait être reproché à l'intimée et aux
premiers juges d'avoir considéré que le recourant ne présentait plus une
atteinte à la santé justifiant une incapacité de travail, en rapport de
causalité avec l'accident du 11 novembre 1998, au-delà du 30 mai 2000.

Il s'ensuit que le recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé
publique.

Lucerne, le 29 avril 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   La Greffière: