Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 305/2003
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U 305/03

Arrêt du 31 août 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffière : Mme
Moser-Szeless

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne, recourante,

contre

M.________, intimé, représenté par Me Nicolas Mattenberger, avocat, rue du
Simplon 18, 1800 Vevey 2

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 13 octobre 2003)

Faits:

A.
A.a  Né en 1947, chef d'équipe dans l'entreprise de constructions métalliques
Z.________ SA, M.________, était, à ce titre, assuré obligatoirement contre
le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA). Le 6 mars 1996, il a été victime d'un accident
professionnel: à la suite d'un effort important pour déplacer une lourde
pièce métallique, il a ressenti de fortes douleurs à l'épaule droite.
Consulté le 20 mars suivant, le docteur M.________, médecin traitant, a
diagnostiqué une périarthrite post-traumatique de l'épaule gauche [recte:
droite] sur luxations récidivantes (rapport du 23 avril 1996) et attesté
d'une incapacité de travail de 100 % jusqu'au 1er avril 1996, date à laquelle
l'assuré à repris son activité.

Le 19 septembre 1996, l'employeur de l'assuré a indiqué à la CNA que celui-ci
avait dû interrompre son travail en raison de fortes douleurs au genou droit
du 6 au 24 juin précédent. Dans un rapport du 8 octobre 1996, le docteur
M.________ a précisé que son patient souffrait du genou droit de façon
périodique depuis une opération du ménisque externe droit en 1971 à la suite
d'un traumatisme et posé le diagnostic de gonarthrose en relation avec un
ancien traumatisme. La CNA a pris en charge le cas, de même que deux rechutes
en février, puis en octobre 1997. L'assuré a été examiné par de nombreux
médecins, dont le docteur E.________, spécialiste FMH en chirurgie
orthopédique et traumatologie, qui a effectué une arthroscopie diagnostique
et thérapeutique avec shaving du genou droit, le 7 mars 1997. Pour sa part,
le docteur A.________ du Service d'orthopédie et de traumatologie de
l'appareil moteur du Centre hospitalier V.________ a diagnostiqué une
gonarthrose externe post-traumatique droite, ainsi qu'une omarthrose droite
avec probable rupture de la coiffe des rotateurs. Il a préconisé un
traitement conservateur pour l'épaule droite (physiothérapie antalgique) et
une hémi-arthroplastie externe du genou droit. Il précisait qu'une
réadaptation professionnelle devait de toute façon être envisagée afin de
diminuer les efforts du genou droit (rapport du 5 mai 1998). Après plusieurs
périodes d'incapacité de travail, l'assuré a repris, dès le 5 janvier 1999,
son activité à un taux de 33,33 % fixé d'un commun accord avec l'employeur et
la CNA.

Le 1er mai 2001, le docteur A.________ a envisagé à nouveau une arthroplastie
du genou droit, expliquant à l'assuré les avantages et inconvénients d'une
telle intervention, alors que des propositions thérapeutiques similaires
avaient été faites par le docteur F.________ (rapport du 15 octobre 1999),
puis par le docteur E.________ qui se prononçait en faveur d'une prothèse
totale du genou (avis du 22 avril 2002). En revanche, le médecin-conseil
remplaçant de la CNA, le docteur C.________ était d'avis que l'indication à
«la mise en place d'une prothèse totale du genou droit était relative». Selon
lui, l'assuré n'était plus en mesure de reprendre un travail en force en
atelier avec des travaux en élévation et en force du bras droit, mais
disposait d'une capacité résiduelle médico-théorique estimée à 50 % (rapport
du 3 décembre 1999). Le médecin évaluait à 35 % l'atteinte à l'intégrité
subie par l'assuré. Dans un rapport subséquent du 8 février 2002, le docteur
H.________, médecin-conseil de la CNA, a repris les conclusions de son
collègue C.________.

Par décision du 7 juin 2002, la CNA a alloué à l'intéressé une rente
d'invalidité fondée sur une incapacité de gain de 43 %, à partir du 1er avril
2002, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux
de 35 %. Le 14 août suivant, elle a rejeté l'opposition formée par l'assuré
contre cette décision.

A.b  Entre-temps, le 12 mars 1998, M.________ avait déposé une demande de
prestations de l'assurance-invalidité. Dans un rapport initial du 12 août
1999, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après:
l'office AI) a indiqué renoncer à mettre en place des mesures de réadaptation
professionnelles, en raison, notamment, de l'âge de l'assuré et des
possibilités professionnelles limitées. Par décision du 3 avril 2002,
l'office AI a reconnu à l'intéressé un quart de rente d'invalidité, à partir
du 1er mars 1998, fondé sur un taux d'incapacité de gain de 43 %.

B.
L'assuré a déféré la décision sur opposition de la CNA, du 14 août 2002,
ainsi que la décision de l'office AI, du 3 avril précédent, au Tribunal des
assurances du canton de Vaud. Après avoir entendu les parties, le tribunal a,
d'une part, annulé la décision de l'office AI par jugement du 13 octobre 2003
et lui a renvoyé la cause pour qu'il examine l'application de mesures
médicales de réadaptation, avant l'octroi d'une rente; ce jugement n'a pas
été porté devant le Tribunal fédéral des assurances. D'autre part, après
avoir entendu les parties, la juridiction cantonale a, par jugement séparé du
même jour, également annulé la décision sur opposition de
l'assureur-accidents et lui a renvoyé la cause pour qu'il poursuive
l'instruction et rende une nouvelle décision.

C.
La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle
demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision sur
opposition du 14 août 2002.

M.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales, Domaine maladie et accidents (intégré, depuis le 1er
janvier 2004, à l'Office fédéral de la santé publique), ne s'est pas
déterminé à son sujet.

Considérant en droit:

1.
Même si elle ne met pas fin à la procédure, une décision de renvoi par
laquelle le juge invite l'assureur-accidents à statuer à nouveau selon des
instructions impératives, est une décision autonome, susceptible en tant que
telle d'être attaquée par la voie du recours de droit administratif, et non
une simple décision incidente (ATF 120 V 237 consid. 1a, 117 V 241 consid. 1
et les références). Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le recours.

2.
2.1 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas
applicable au présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales
n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 14 août
2002 (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les arrêts cités).

2.2  Le jugement entrepris expose correctement les règles légales et les
principes jurisprudentiels régissant le droit à des indemnités journalières
(art. 16 LAA), la notion d'invalidité (art. 18 LAA) et le début du droit à
une rente d'invalidité de l'assurance-accidents (art. 19 LAA). Il suffit donc
d'y renvoyer.

3.
Considérant, d'une part, que l'état de santé de l'intimé n'était pas
stabilisé au moment de l'octroi éventuel de la rente, le 1er avril 2002, et,
d'autre part, qu'aucune mesure de réadaptation de l'assurance-invalidité
n'avait été proposée à l'assuré, l'autorité cantonale de recours a retenu que
les conditions de l'ouverture du droit à une rente de l'assurance-accidents
n'étaient pas remplies. En conséquence, la CNA n'était, selon elle, pas en
droit d'allouer une rente et devait poursuivre l'instruction de la cause,
avant de rendre une nouvelle décision.

Pour sa part, la recourante fait valoir que la question d'une éventuelle
intervention chirurgicale s'était déjà posée en 1999, puis avait été évoquée
à nouveau en 2002. L'assuré avait toutefois manifesté des réticences à se
soumettre à une opération et avait été d'accord avec la proposition de la
recourante de prononcer une rente, si bien que son état de santé devait être
considéré comme stabilisé au moment de la décision entreprise. Quant aux
mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité, l'intimé n'avait jamais
manifesté son intention de se soumettre à de telles mesures, en particulier,
à une mesure de reclassement dans une nouvelle profession, de sorte que
l'assurance-invalidité n'avait pas à lui proposer celles-ci. En conséquence,
les motifs invoqués par l'autorité cantonale de recours pour prononcer le
renvoi de la cause seraient dénués de pertinence.

4.
4.1 Selon la première condition posée par l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la
rente ne peut prendre naissance que s'il n'y a plus lieu d'attendre de la
continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de
l'assuré. Cette disposition délimite du point de vue temporel le droit au
traitement médical et le droit à la rente d'invalidité, le moment déterminant
étant celui auquel l'état de santé peut être considéré comme relativement
stabilisé. Il ne suffit donc pas que le traitement médical laisse présager
une amélioration de peu d'importance, ou qu'une amélioration sensible ne
puisse être envisagée dans un avenir incertain (arrêt C. du 21 novembre 1995,
non publié, [U 89/95]; Maurer, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht,
Berne 1985, p. 274).

4.2  Appelé par la recourante à examiner l'assuré, le docteur A.________ est
arrivé à la conclusion qu'il était légitime d'envisager une intervention
chirurgicale, singulièrement une hémi-arthroplastie externe, au vu de
l'évolution de la situation du genou droit de l'intimé. Il s'agissait, selon
lui, d'une mesure qui pouvait probablement augmenter la capacité de travail
de l'assuré, même si une réadaptation professionnelle devait de toute façon
être envisagée afin de diminuer les efforts, ménager le genou droit et
réduire l'usure mécanique du matériel prothétique en cas d'intervention
(rapport du 5 mai 1998). Le médecin a précisé plus tard qu'il n'y avait pas
d'autres solutions envisageables, même si le patient était réticent à la mise
en oeuvre d'une telle intervention (rapport du 15 février 1999). Le docteur
H.________ s'est rallié à cette appréciation en indiquant que l'intimé
devrait se soumettre à une intervention en raison d'une gonarthrose droite
tricompartimentale, laquelle pouvait consister en une ostéotomie
sus-condylienne de varisation ou une prothèse unicompartimentale, la mise en
place d'emblée d'une prothèse totale du genou apparaissant une mesure
excessive (rapport du 2 septembre 1999). Pour sa part, le docteur F.________
estimait que la seule solution envisageable, vu l'importance des douleurs
ressenties par l'assuré, était non pas une ostéotomie, mais un arthroplastie
totale du genou droit. Par la suite, le docteur A.________ a partagé cet
avis, puisqu'il a expliqué à l'intimé, en mai 2001, que l'arthroplastie du
genou droit était le seul traitement raisonnable pour améliorer la
symptomatologie douloureuse. A son tour, le docteur H.________ approuvait une
telle mesure, en indiquant au médecin traitant de l'intimé que
l'assureur-accidents était d'accord de différer la liquidation du cas si
M.________ se décidait à la mise en place d'une prothèse totale du genou
droit (courrier du 3 mai 2002).

Sur le vu de ces rapports, il apparaît que l'intervention chirurgicale
préconisée par les spécialistes en orthopédie devait apporter à l'intimé une
amélioration fonctionnelle sensible de son genou droit et soulager ses
douleurs. L'amélioration éventuelle de l'état de santé du recourant dépendait
donc de la poursuite d'un traitement, de sorte que la décision d'octroi d'une
rente à partir du 1er avril 2002 était, au vu de ces propositions
thérapeutiques, prématurée. S'il est vrai, comme l'invoque la recourante, que
l'intimé s'est toujours montré réticent à l'égard de l'opération proposée, au
cours de la procédure administrative, il ne s'y est toutefois pas opposé de
manière catégorique, insistant plutôt sur la nécessité d'en déterminer les
bénéfices réels (cf., par exemple, avis du docteur E.________ du 22 avril
2002 et procès-verbal d'audience du 18 septembre 2003 devant le tribunal
cantonal). Dans cette mesure, ces hésitations ne constituaient pas un motif
suffisant pour permettre à la recourante de passer, sans autre examen, à la
fixation de la rente d'invalidité.

Par ailleurs, contrairement à ce que voudrait la recourante, on ne saurait
déduire du fait que la situation de l'intimé était, selon son
médecin-conseil, restée inchangée depuis 1999 (cf. rapport du docteur
H.________ du 8 février 2002), qu'il n'existait pas de mesure médicale
susceptible d'améliorer son état de santé de manière sensible. Au demeurant,
la recourante a elle-même expliqué, dans un courrier adressé à l'assuré le 20
décembre 2001 que l'évolution du cas avait nécessité la poursuite de
traitements médicaux, si bien que le passage à la rente n'avait pas été
envisageable en l'état.

L'une des conditions de l'art. 19 al. 1 LAA n'étant pas remplie en l'espèce,
la juridiction cantonale était fondée à annuler la décision litigieuse.

5.
La procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, si
bien qu'elle est gratuite (art. 134 OJ). Par ailleurs, l'intimé, qui obtient
gain de cause, peut prétendre une indemnité de dépens (art. 135 en
corrélation avec l'art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents versera à l'intimé
la somme de 1'800 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 31 août 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la IVe Chambre:   p. la Greffière: