Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 298/2003
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U 298/03

Arrêt du 30 décembre 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffier : M. Berthoud

D.________, 1956, recourante, représentée par Me Jean-Marie Agier, avocat,
FSIH, place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Zurich Compagnie d'Assurances SA, Mythenquai 2, 8002 Zurich, intimée,
représentée par Me Pierre-Yves Bétrix, avocat, rue Pichard 12, 1003 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 9 octobre 2003)

Faits:

A.
D. ________, née en 1956, a travaillé en qualité d'auxiliaire de cuisine à
l'Hôpital X.________. A ce titre, elle était assurée contre les accidents
professionnels et non professionnels par la Zurich Compagnie d'assurances (la
Zurich).

Le 19 janvier 1994, elle a été victime d'une contusion de la face dorsale de
l'avant-bras gauche, qui a nécessité trois interventions chirurgicales. Les
séquelles consistent en des douleurs et une diminution de la force du poignet
gauche. La Zurich a pris le cas en charge.

Dans un rapport du 28 janvier 1997, le docteur M.________, chirurgien
adjoint, a attesté des douleurs névralgiques du dos du poignet gauche avec
probables adhérences des extenseurs radiaux, ainsi qu'une ankylose partielle
des métacarpo-phalangiennes. Il a ajouté que la capacité de travail de
l'assurée est de 25 % dans un emploi de femme de chambre, alors que dans un
travail plus léger (aide de bureau), une activité de 50 % voire de 100 %
pourrait être exigée. Dans un avis complémentaire du 9 février 1999, le
docteur M.________ a précisé, notamment, que les affections diagnostiquées
dans son rapport précédent sont de façon certaine en relation de causalité
avec l'accident. A son avis, le membre supérieur gauche fonctionne à 75 %. En
ce qui concerne la capacité de travail de l'assurée, le médecin a indiqué que
l'accomplissement de travaux fins dans un atelier d'horlogerie demeure
possible, sans préciser toutefois le rendement qui pourrait être obtenu; de
surcroît, la patiente pourrait travailler au ménage ou dans une grande
surface à 50 %.

Par décision du 13 mars 1998, la Zurich a mis fin à la prise en charge des
frais médicaux et au versement des indemnités journalières avec effet au 31
mars 1998; par ailleurs, elle a fixé le taux de l'atteinte à l'intégrité à 15
%. L'assurée s'est opposée à cette décision, en concluant au versement d'une
rente d'invalidité de 72 % à partir du 1er avril 1998. La Zurich a rejeté
l'opposition, par décision du 16 avril 1999.

Le 21 août 1995, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud a
alloué à D.________ une rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de
72 %. Statuant le 18 mars 1999 par voie de reconsidération, l'Office AI pour
les assurés résidant à l'étranger a reconsidéré la décision du 21 août 1995
et fixé la rente en fonction d'un degré d'invalidité de 60 %. Ce taux a
finalement été porté à 63 % à l'issue d'une procédure judiciaire (décision de
cet office AI du 22 février 2002, entrée en force à la suite d'un jugement de
la Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger du 20 novembre 2002). A cette occasion,
l'administration de l'AI disposait d'un rapport d'expertise
pluridisciplinaire de la Clinique Y.________, du 26 janvier 2001, dont il
ressort en bref que la capacité de travail de l'assurée s'élève à 50 % dans
une activité légère depuis la fin de l'année 1996.

B.
D.________ a déféré la décision de la Zurich du 16 avril 1999 au Tribunal des
assurances du canton de Vaud, en concluant au versement d'une rente
d'invalidité de 72 % jusqu'au 31 mars 1999, puis d'une rente correspondant à
l'invalidité qui serait reconnue par l'AI à l'issue de la procédure de
reconsidération.

Par jugement du 9 octobre 2003, la juridiction cantonale a rejeté le recours
après avoir fixé le taux d'invalidité à 4,53 %.

C.
D.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant à l'allocation,
par la Zurich, d'une rente d'invalidité d'un taux de 72 % du 2 avril 1998 au
30 avril 1999, puis de 63 % pour la période subséquente.

L'intimée conclut au rejet du recours, avec suite de dépens. L'Office fédéral
de la santé publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 4 consid.
1.2 et les références). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie
la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de
fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
Le litige porte sur le taux d'invalidité déterminant pour fixer le montant de
la rente allouée à la recourante (art. 20 al. 1 LAA).

Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que l'assuré devenu
invalide par suite d'un accident pourrait obtenir en exerçant l'activité
qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de
mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibré du marché du
travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas
invalide (art. 18 al. 2, seconde phrase, LAA).

3.
Dans la décision sur opposition litigieuse, l'intimée a retenu que la
recourante pourrait occuper un emploi d'ouvrière non qualifiée (avec une
activité adaptée) dans une fabrique chocolatière, une usine du même genre, ou
en qualité d'employée d'une buvette. Selon l'intimée, un tel emploi
procurerait un revenu annuel de 38'000 fr. à la recourante, soit davantage
que le revenu de 34'200 fr. dont elle bénéficiait avant l'accident. A défaut
de perte de gain, la recourante n'aurait donc pas droit à une rente.

De son côté, la juridiction cantonale a fixé le taux d'invalidité à 4,53 %,
après avoir déterminé le revenu d'invalide sur la base des statistiques
salariales provenant de l'Enquête sur la structure des salaires 1998.

Quant à la recourante, elle se réfère à l'arrêt publié aux ATF 126 V 288 et
demande que sa rente d'invalidité de l'assurance-accidents soit fixée
conformément à l'évaluation de l'assurance-invalidité, qui est entrée en
force.

4.
Ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l'a déclaré à maintes reprises,
la notion d'invalidité est, en principe, identique en matière
d'assurance-accidents, d'assurance militaire et d'assurance-invalidité. Dans
ces trois domaines, elle représente la diminution permanente ou de longue
durée, résultant d'une atteinte à la santé assurée, des possibilités de gain
sur le marché du travail équilibré qui entrent en ligne de compte pour
l'assuré. La définition de l'invalidité est désormais inscrite dans la loi.
Selon l'art. 8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale
ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée.

En raison de l'uniformité de la notion d'invalidité, il convient d'éviter que
pour une même atteinte à la santé, assurance-accidents, assurance militaire
et assurance-invalidité n'aboutissent à des appréciations divergentes quant
au taux d'invalidité. Cela n'a cependant pas pour conséquence de les libérer
de l'obligation de procéder dans chaque cas et de manière indépendante à
l'évaluation de l'invalidité. En aucune manière un assureur ne peut se
contenter de reprendre simplement et sans plus ample examen le taux
d'invalidité fixé par l'autre assureur car un effet obligatoire aussi étendu
ne se justifierait pas.

D'un autre côté, l'évaluation de l'invalidité par l'un des assureurs ne peut
être effectuée en faisant totalement abstraction de la décision rendue par
l'autre. A tout le moins, une évaluation entérinée par une décision entrée en
force ne peut pas rester simplement ignorée. Elle doit au contraire être
considérée comme un indice d'une appréciation fiable et, par voie de
conséquence, prise en compte ultérieurement dans le processus de décision par
le deuxième assureur.

Aussi, l'assureur doit-il se laisser opposer la présomption de l'exactitude
de l'évaluation de l'invalidité effectuée, une appréciation divergente de
celle-ci ne pouvant intervenir qu'à titre exceptionnel et seulement si
certaines conditions sont réalisées. En particulier, peuvent constituer des
motifs suffisants de s'écarter d'une telle évaluation le fait que celle-ci
repose sur une erreur de droit ou sur une appréciation insoutenable ou encore
qu'elle résulte d'une simple transaction conclue avec l'assuré. A ces motifs
de divergence déjà reconnus antérieurement par la jurisprudence, il faut
ajouter des mesures d'instruction extrêmement limitées et superficielles,
ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante ou entachée d'inobjectivité
(ATF 126 V 293 consid. 2d; VSI 2004 p. 185 consid. 3; RAMA 2001 no U 410 p.
73 s. consid. 3, 2000 no U 406 p. 402 s. consid. 3).

5.
Cela étant, il y a lieu d'examiner si l'intimée était fondée, sur le vu des
données médicales réunies au dossier (ATF 125 V 261 consid. 4 et les
références), à admettre une capacité de travail entière dans une activité
adaptée. Pour justifier sa décision, la Zurich s'est référée à l'avis du
docteur M.________.

L'appréciation de la capacité résiduelle de travail de la recourante dans une
activité adaptée, par le docteur M.________, est pourtant ambiguë. En effet,
suivant son rapport du 28 janvier 1997, un taux de 50 % voire de 100 % est
envisagé, tandis que dans le rapport complémentaire du 9 février 1999, il est
question d'un taux de 50 % au ménage ou dans une grande surface, et d'un
degré indéterminé dans l'accomplissement de travaux fins dans un atelier
d'horlogerie. Dans ces conditions, les déclarations du docteur M.________ ne
sont guère utiles pour se faire une idée précise du genre d'activité qui est
adaptée au handicap de la recourante et de l'étendue de sa capacité
résiduelle de travail. Partant, les conclusions de ce médecin ne permettent
pas de jeter le doute sur l'avis de ses confrères de la Clinique Y.________,
exprimé dans le rapport du 26 janvier 2001.

Les médecins de cette clinique ont estimé que la capacité de travail
résiduelle de la recourante s'élève à 50 % dans une activité légère depuis la
fin de l'année 1996, en raison des séquelles de l'accident survenu le 19
janvier 1994 qui consistent essentiellement en un déficit de force de la main
gauche lié à la douleur. Leur appréciation ne saurait être qualifiée
d'insoutenable et rien ne permet d'admettre qu'elle aurait été rendue à la
suite de mesures d'instruction extrêmement limitées et superficielles,
notamment (cf. consid. 4 in fine, ci-dessus); l'intimée ne l'allègue
d'ailleurs pas. En outre, l'intimée ne remet pas non plus en question le taux
d'invalidité retenu par l'AI, lequel ne paraît pas critiquable à la lecture
des considérants du jugement de la commission fédérale du 20 novembre 2002.

Il s'ensuit que l'intimée est liée par l'évaluation de l'invalidité qui est
passée en force dans la procédure AI (ATF 126 V 288; VSI 2004 p. 182). En
conséquence, la cause lui sera renvoyée afin qu'elle alloue ses prestations
sur cette base, par voie de décision.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud, du 9 octobre 2003, ainsi que la décision sur opposition de la Zurich
Compagnie d'assurances, du 16 avril 1999, sont annulés, la cause étant
renvoyée à l'intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.

2.
Il n'est perçu de frais de justice.

3.
L'intimée versera à la recourante la somme de 2'000 fr. (y compris la taxe à
la valeur ajoutée) pour la procédure fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens pour la
procédure de recours de première instance, au regard de l'issue du procès de
dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 30 décembre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   Le Greffier: