Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 22/2003
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U 22/03

Arrêt du 10 juillet 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari et Boinay, suppléant.
Greffière : Mme Moser-Szeless

F.________, recourante, représentée par Me Bruno Kaufmann, avocat, rue de
Lausanne 18, 1702 Fribourg,

contre

La Suisse Assurances, avenue de Rumine 13, 1001 Lausanne, intimée

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales,
Givisiez

(Jugement du 21 novembre 2002)

Faits:

A.
F. ________, domiciliée à Z.________, a été engagée en qualité de vendeuse
par X.________ dès le 1er février 1998. A ce titre, elle était assurée auprès
de La Suisse, Société d'assurances contre les accidents (ci-après : la
Suisse) contre le risque d'accident professionnel et non professionnel.

Le 19 février 2000, la prénommée a fait une chute dans les escaliers de la
gare de Z.________ en allant prendre son train. Le 21 février suivant, elle a
été examinée par la doctoresse A.________, généraliste, qui a diagnostiqué
des contusions. Se fondant sur le rapport du docteur B.________, radiologue,
qui a effectué une image à résonance magnétique de l'épaule droite le 23 mai
2000, le docteur C.________, spécialiste FMH en orthopédie, a posé le
diagnostic de syndrome douloureux sous-acromial post-traumatique de l'épaule
droite. L'évolution étant peu favorable, il proposait une révision
chirurgicale de l'épaule droite, respectivement une décompression
sous-acromiale (rapport du 18 septembre 2000). Le 10 octobre 2000, il a
procédé à l'intervention préconisée qui a entraîné une incapacité totale de
travail jusqu'au 31 décembre 2000.

Le 19 décembre 2000, F.________ a été informée par l'assureur-accidents qu'un
mandat d'expertise avait été confié au docteur D.________, spécialiste en
chirurgie orthopédique, et qu'elle devait se présenter à la consultation de
ce médecin. Un questionnaire détaillé portant sur des éléments tels que le
diagnostic, les plaintes du patient et le lien de causalité entre l'accident
et l'atteinte à la santé a été transmis le même jour par la Suisse au docteur
D.________.

A réception de l'expertise établie le 3 avril 2001 par le docteur D.________,
l'assureur-accidents a fait savoir à F.________ qu'il ne prendrait plus en
charge son cas à partir du 22 février 2000, faute de relation de causalité
naturelle entre l'affection actuelle et l'accident (décision du 30 avril
2001). Saisi d'une opposition de l'assurée, il l'a rejetée par décision du 2
juillet 2001.

B.
F.________ a recouru devant la Cour des assurances sociales du Tribunal
administratif du canton de Fribourg en concluant à l'annulation de la
décision sur opposition et à ce que «des investigations complémentaires sur
son état de santé soient ordonnées». La juridiction cantonale l'a déboutée
par jugement du 21 novembre 2002.

C.
L'assurée interjette un recours de droit administratif contre ce jugement
dont elle requiert l'annulation. Elle conclut, sous suite de dépens, au
renvoi de la cause à l'instance cantonale de recours pour instruction
complémentaire sous forme d'une nouvelle expertise médicale.

La Suisse conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA
), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et a entraîné
la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de
l'assurance-accidents. La législation en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002
demeure cependant déterminante en l'espèce. En effet, d'après la
jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de règles de
droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de
fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences
juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits sur
lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se prononcer
dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif étant par
ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision
administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.
Le litige a pour objet le droit de F.________ au versement par l'intimée des
prestations en cas d'accident. Il s'agit en particulier de déterminer s'il
existe un lien de causalité entre les troubles dont souffre la recourante et
l'événement accidentel du 19 février 2000.

3.
3.1 La recourante reproche tout d'abord à l'intimée d'avoir violé son droit
d'être entendue au motif que l'expertise demandée au docteur D.________, l'a
été sans respecter ses droits de partie. Ce grief, relatif au droit d'être
entendu et, partant, susceptible d'amener la Cour de céans à accueillir le
recours sur ce point et à renvoyer la cause à l'autorité de décision sans
examen du litige sur le fond, doit être examiné en premier lieu (ATF 124 V 92
consid. 2, 119 V 210 consid. 2).

3.2 La violation du droit d'être entendu n'a pas été invoquée en procédure
cantonale et n'a pas été examinée d'office par les premiers juges. Cette
absence de contestation n'empêche toutefois pas la recourante d'invoquer ce
vice en instance fédérale. En effet, d'après la jurisprudence, le juge des
assurances peut examiner l'éventuelle violation du droit d'être entendu aussi
bien sur contestation d'une partie que d'office (ATF 120 V 362 consid 2a; cf.
aussi Zimmerli, Zum rechtlichen Gehör im sozialversicherungsrechtlichen
Verfahren, in Festschrift 75 Jahre EVG, Berne 1992, p. 326).

3.3 La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. et qui
s'applique également à l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 127 I 56 consid. 2b, 127 III
578 consid. 2c, 126 V 130 consid. 2a), a déduit du droit d'être entendu, en
particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une
décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant
aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès
au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre
connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 16 consid. 2a/aa,
124 V 181 consid. 1a, 375 consid. 3b et les références).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère
formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision
attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF
127 V 437 consid. 3d/aa, 126 V 132 consid. 2b et les arrêts cités).

Selon la jurisprudence, la violation du droit d'être entendu - pour autant
qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière - est réparée lorsque la
partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours
jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Au demeurant, la réparation d'un vice
éventuel ne doit avoir lieu qu'exceptionnellement (ATF 127 V 437 consid.
3d/aa, 126 I 72, 126 V 132 consid. 2b et les références).

3.4 Selon la jurisprudence, lorsqu'il ordonne une expertise,
l'assureur-accidents doit s'en tenir à la procédure prévue aux art. 57 ss
PCF, veillant de la sorte à ce que les parties puissent collaborer à
l'administration des preuves (RAMA 1993 n° U 167 p. 96 consid. 5b).
L'assureur doit, ainsi, donner à l'assuré l'occasion de s'exprimer sur le
libellé des questions posées à l'expert et de proposer des modifications ou
des adjonctions (art. 57 al. 2 PCF). Au surplus, il doit lui laisser la
possibilité de faire des objections à l'encontre des personnes qu'il se
propose de désigner comme experts (art. 58 al. 2 PCF). Enfin, l'assuré doit
avoir la faculté de requérir des éclaircissements et des compléments ou une
nouvelle expertise (art. 60 al. 1 PCF; ATF 120 V 360 consid. 1b, RAMA 1996 n°
U 265 p. 291 consid. 2b).

Par ailleurs, lorsqu'il confie une expertise à un médecin avant de rendre une
décision au sens de l'art. 99 LAA, l'assureur-accidents doit respecter le
droit de l'assuré d'être entendu à ce stade déjà, sans attendre la phase -
éventuelle - de la procédure d'opposition. S'il omet de le faire, privant
ainsi l'assuré de la faculté d'exercer les droits de parties que lui
confèrent les art. 57 ss PCF, il commet une violation particulièrement grave
du droit d'être entendu, respectivement un vice de procédure grave, ce qui
exclut la possibilité de réparation, du moins lorsque l'expertise constitue
l'élément central et prépondérant de l'instruction (ATF 120 V 362 consid. 3b;
RAMA 1996 n° U 265 p. 295 consid. 3d).

4.
Hormis les avis médicaux succincts de la doctoresse A.________ (du 17 mai
2000) et du docteur C.________ (des 18 septembre, 10 octobre et 20 novembre
2000), le dossier médical de la recourante ne contenait pas d'appréciation
médicale de sa situation après l'événement du 19 février 2000. C'est
pourquoi, par lettre du 19 décembre 2000, l'intimée a confié au docteur
D.________ le mandat d'expertiser la recourante et lui a soumis une liste de
seize questions auxquelles il avait à répondre. Celles-ci englobaient
l'ensemble des éléments dont l'assureur-accidents avait besoin pour se
prononcer sur le cas, en particulier la nature et la cause de l'atteinte
présentée par la recourante. Le 3 avril 2001, le docteur D.________ a établi
un rapport fondé sur les pièces du dossier médical et sur son propre examen.
Le 11 avril suivant, l'intimée a transmis ce rapport à son médecin-conseil,
le docteur E.________, qui s'est limité à donner son aval le 12 avril 2001,
ainsi qu'aux docteurs A.________ et C.________. Se fondant sur les
conclusions dudit rapport, elle a, le 30 avril 2001, rendu sa décision de
refus de prestations.

Au regard de ces circonstances, on constate que la situation médicale de la
recourante n'était pas suffisamment claire pour que l'intimée soit en mesure
de se prononcer sur le droit de la recourante au versement de prestations de
l'assurance-accidents. Il était par conséquent nécessaire de faire examiner
le cas de façon approfondie, raison pour laquelle des questions exhaustives
ont été posées au docteur D.________. Dès lors que l'intimée a confié une
expertise à ce médecin, elle était tenue de donner à la recourante la
possibilité d'exercer les droits résultant des art. 57 ss PCF, en particulier
celui de se prononcer sur le nom de l'expert, sur les questions à poser,
ainsi que sur le résultat de l'expertise, avant de rendre sa décision. En
omettant de le faire, l'intimée a gravement violé le droit d'être entendue de
la recourante. Partant, la procédure administrative souffre d'un important
vice qui ne peut pas être réparé devant la Cour de céans (voir consid. 3.4).
De ce fait, la décision de l'intimée, ainsi que l'arrêt cantonal doivent être
annulés et la cause retournée à celle-ci pour qu'elle donne à la recourante
la possibilité d'exercer les droits qui lui sont garantis par les art. 57 ss
PCF et, ensuite, rende une nouvelle décision.

5.
La procédure, qui porte sur un litige en matière de prestations d'assurance,
est gratuite (art. 134 OJ). La recourante, représentée par un avocat, obtient
gain de cause, de sorte qu'elle peut prétendre une indemnité de dépens (art.
159 OJ, en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 21 novembre 2002 de la
Cour des assurances sociales du canton de Fribourg, ainsi que la décision sur
opposition de La Suisse, Société d'assurances contre les accidents, du 2
juillet 2001 sont annulés, la cause étant renvoyée à l'intimée pour
instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
La Suisse, Société d'assurances contre les accidents, versera à la recourante
la somme de Fr. 2'500 (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

4.
La Cour des assurances sociales du canton de Fribourg statuera sur les dépens
pour la procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de
dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Cour des assurances
sociales du canton de Fribourg et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre:   La Greffière: