Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 200/2003
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U 200/03

Arrêt du 18 mars 2004
IVe Chambre

MM. et Mme les Juges Ferrari, Président, Widmer et Ursprung. Greffière : Mme
Gehring

L.________, recourant, représenté par Me Jean-Claude Morisod, avocat, rue de
la Banque 4, 1701 Fribourg,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales,
Givisiez

(Jugement du 4 juillet 2003)

Faits:

A.
L. ________, né en 1950, était assuré en qualité d'aide-charpentier auprès de
la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: CNA)
contre les accidents professionnels et non professionnels. A la suite d'un
accident de travail survenu le 13 avril 1999, il a subi une rupture du
ligament croisé antérieur, une lésion complexe antéro-latérale, une fracture
de Segond et une lésion du ménisque externe du genou droit entraînant une
incapacité entière de travail. Depuis lors, il n'a pas repris d'activité
lucrative. La CNA a pris le cas à sa charge, versant à l'intéressé des
indemnités journalières jusqu'au 31 octobre 2001. Par décision du 23 janvier
2002 confirmée sur opposition le 11 juillet 2002, elle lui a en outre alloué
une indemnité pour atteinte à l'intégrité corporelle de 20 %, ainsi que, à
partir du 1er novembre 2001, une rente de 15 %.

Par ailleurs, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg a mis
L.________ au bénéfice d'une demi-rente fondée sur un degré d'invalidité de
52 % à partir du 1er avril 2000 (décision du 1er mai 2002).

B.
L.________ a saisi le Tribunal administratif du canton de Fribourg d'un
recours contre la décision sur opposition de la CNA dont il a requis
l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à l'octroi d'une rente
correspondant à un degré d'invalidité de 75 % et d'une indemnité pour
atteinte à l'intégrité corporelle de 30 %. Par jugement du 4 juillet 2003, le
Tribunal a rejeté le recours.

C.
L.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement
dont il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à l'octroi
d'une rente correspondant à une capacité résiduelle de travail de 50 % et
compte tenu d'un désavantage salarial de 20 % à partir du 1er novembre 2001,
ainsi qu'au renvoi de la cause pour nouvelle décision. Il sollicite en outre
le versement d'une indemnité de dépens pour l'instance cantonale.
La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales (actuellement: Office fédéral de la santé publique) a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
L'indemnisation de l'atteinte à l'intégrité corporelle n'étant plus contestée
devant l'instance fédérale, le litige ne porte dès lors que sur le droit du
recourant à une rente, en particulier sur le degré d'invalidité qu'il
présente. Sur ce point, le jugement entrepris et la décision litigieuse
exposent correctement les dispositions légales ainsi que la jurisprudence
applicables, de sorte que l'on peut s'y référer.

2.
2.1 Pour déterminer le degré d'invalidité qu'il présente, le recourant fait
valoir une capacité résiduelle de travail dans une activité raisonnablement
exigible de 50 %. A l'appui de ses conclusions, il se fonde sur un rapport
d'expertise daté du 18 juillet 2001 et établi par les médecins du "Servizio
Accertamento Medico dell'Assicurazione Invalidità" (SAM).

2.2 Selon les conclusions de ce rapport, le recourant présente, sur le plan
orthopédique, les symptômes avant-coureurs d'une gonarthrose post-traumatique
du genou droit, un status sur grave distorsion du genou droit, un status sur
deux arthroscopies du genou droit subies aux mois d'avril 2000 et 2001, un
status sur reconstruction ligamentaire du genou droit et une éventuelle
algodistrophie en décours. Ces troubles entraînent une incapacité entière de
travail dans l'exercice du métier d'aide-charpentier. Par contre, le
recourant peut exercer une activité lucrative raisonnablement exigible dans
une mesure supérieure à 50 %.

Par ailleurs, le recourant souffre d'un trouble dépressif récurrent ainsi que
d'un syndrome somatoforme douloureux persistant qui entraînent, à long terme
et de manière vraisemblablement irréversible, une incapacité de travail de 50
%.

Procédant à une évaluation médico-théorique globale de la capacité de travail
du recourant, les experts le considèrent à même d'exercer à 50 % une activité
lucrative raisonnablement exigible.

2.3 De leur côté, la caisse intimée et les premiers juges ont déterminé le
degré d'invalidité du recourant, compte tenu d'une capacité entière de
travail dans une activité adaptée à son état de santé.

3.
3.1 S'agissant de l'affection psychique du recourant, la caisse a en effet nié
l'existence d'un lien de causalité adéquate entre ces troubles et l'accident
de travail survenu le 13 avril 1999, de sorte qu'elle a déterminé le degré
d'invalidité sans tenir compte de l'incapacité de travail en résultant.

3.2 En présence de troubles psychiques consécutifs à un accident, la
jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du
caractère adéquat du lien de causalité. Elle a tout d'abord classé les
accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement: les accidents
insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale); les accidents
de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette
classification des accidents, il convient non pas de s'attacher à la manière
dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de
se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même.
En présence d'un accident de gravité moyenne, il faut prendre en
considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont
les suivants: les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou
le caractère particulièrement impressionnant de l'accident; la gravité ou la
nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait
qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles
psychiques; la durée anormalement longue du traitement médical; les douleurs
physiques persistantes; les erreurs dans le traitement médical entraînant une
aggravation notable des séquelles de l'accident; les difficultés apparues au
cours de la guérison et des complications importantes; le degré et la durée
de l'incapacité de travail due aux lésions physiques. Tous ces critères ne
doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. Un seul
d'entre eux peut être suffisant, notamment si l'on se trouve à la limite de
la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d'un accident se
situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à
prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité
particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité puisse être
admis (ATF 129 V 407 consid. 4.4.1; cf. également Jean-Maurice Frésard,
L'assurance-accidents obligatoire in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht
[SBVR], Soziale Sicherheit, Bâle, 1998, ch. 39 et les références).

3.3 En l'espèce, le recourant a subi des lésions au niveau du genou droit
après avoir été heurté, au cours de son travail, par une poutre de 650 kg.
qu'il était en train de déplacer. Au vu de son déroulement, un tel accident
doit être qualifié comme étant de gravité moyenne, se situant en deçà de la
limite supérieure de cette catégorie. Les circonstances dans lesquelles il
s'est produit, sont dépourvues de tout caractère particulièrement dramatique
ou impressionnant. Les séquelles physiques ne présentent pas non plus une
gravité singulière et ne sont pas propres, selon l'expérience de la vie, à
entraîner des troubles psychiques. La durée du traitement médical ne s'est
pas avérée anormalement longue et ce dernier n'est pas entaché d'erreurs
ayant entraîné une aggravation des séquelles physiques de l'accident. Le
degré et la durée de l'incapacité de travail résultant de ces dernières ne
présentent pas de caractère particulier dans la mesure où le recourant était
apte à reprendre une activité lucrative à mi-temps dès le 29 novembre 1999
(cf. avis des 24 novembre 1999 et 2 décembre 1999 du docteur M.________,
spécialiste en chirurgie orthopédique, rapports du 2 décembre 1999 du docteur
D.________ et du 9 décembre 1999 du docteur G.________, médecins traitants de
l'assuré). Sur le vu de ce qui précède, c'est à juste titre que la caisse a
nié l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident survenu le
13 avril 1999 et les troubles psychiques constatés.

4.
4.1 Il convient ainsi de déterminer la capacité de travail du recourant en
regard des seules séquelles orthopédiques.

4.2 Sur ce point, les médecins du SAM de Bellinzone, mis en oeuvre dans le
cadre de la procédure AI, indiquent, en se fondant en particulier sur l'avis
du docteur K.________, spécialiste en chirurgie orthopédique (cf. rapport du
2 juillet 2001), que le recourant dispose d'une capacité de travail
susceptible d'être supérieure à 50 %. Sur le plan orthopédique, ils
n'excluent donc pas la possibilité que celui-ci dispose d'une capacité
entière de travail dans une activité lucrative raisonnablement exigible. Dans
la mesure où, selon ces mêmes médecins, il présente de manière globale
(troubles psychiques et somatiques confondus) une incapacité de travail de 50
% et que tel est également le taux de l'incapacité de travail issue des seuls
troubles psychiques, on ne voit pas que les troubles orthopédiques puissent
justifier une quelconque incapacité de travail supplémentaire sans que les
conclusions du rapport du SAM n'en deviennent contradictoires.

En outre, le docteur R.________, spécialiste en chirurgie orthopédique,
considère que l'exercice d'une activité lucrative raisonnablement exigible de
la part du recourant est envisageable à 50 %, voire même 100 % (cf. rapport
du 13 septembre 2000). Selon le docteur M.________, spécialiste en chirurgie
orthopédique (cf. rapport du 26 juillet 2000), le recourant est à même de
travailler à 100 % dans une telle activité. Contrairement à l'opinion du
recourant, ces avis ne sauraient être écartés au motif qu'ils ont été
exprimés avant qu'il subisse une seconde arthroscopie au cours du mois
d'avril 2001, aucune complication ou péjoration de l'état de santé en
résultant et susceptible de diminuer la capacité de travail de l'intéressé
n'ayant été constatée.

Aussi, et conformément au principe selon lequel il appartient à l'assuré
d'entreprendre de son propre chef tout ce que l'on peut raisonnablement
attendre de lui, pour atténuer le plus possible les conséquences de son
invalidité avant de requérir des prestations (ATF 113 V 28 consid. 4a et les
références), la caisse intimée et les premiers juges ont-ils à juste titre
déterminé le degré d'invalidité du recourant en tenant compte d'une capacité
entière de travail dans une activité adaptée à son état de santé, à savoir
une activité légère dans différents secteurs de l'industrie permettant
l'alternance des positions.

5.
5.1 Pour déterminer le degré d'invalidité, il y a lieu de procéder à la
comparaison des revenus avec et sans invalidité. En l'occurrence, la caisse a
pris en considération le revenu mensuel sans invalidité que le recourant
aurait réalisé en 2001, soit 4'700 fr. Au titre du revenu d'invalide, elle
s'est fondée sur les descriptions de poste de travail (DPT), retenant un
salaire mensuel moyen réalisable en 2001 de 4'000 fr. Elle a précisé que ce
montant était plus favorable à l'assuré que celui basé sur les statistiques
salariales ressortant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires et
selon lesquelles un homme exerçant une activité simple et répétitive pouvait
prétendre en 2001 à un revenu de 4'648 fr., soit 4'183 fr. compte tenu d'une
réduction de 10 % (ATF 126 V 75 ss). Procédant à la comparaison des gains, la
caisse a obtenu un degré d'invalidité de 15 % ([4'000 fr. - 4'7000 fr.] :
4'700 fr. x 100).

5.2 En ce qui concerne le revenu sans invalidité, il y a lieu de se référer
au montant retenu par l'intimée qui n'est pas contesté.

Quant au revenu de l'activité raisonnablement exigible, il doit être
déterminé en se référant aux conditions d'un marché du travail équilibré et
structuré offrant un éventail d'emplois diversifiés. Il s'agit donc d'une
notion théorique (Jean-Maurice Frésard, L'assurance-accidents obligatoire,
in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, Bâle,
1998, no 77). Lorsque l'assuré ne reprend pas d'activité lucrative, la
comparaison peut se faire au moyen de tabelles statistiques (ATF 126 V 76
consid. 3a/bb et les références) ou de données salariales résultant de
descriptions de postes de travail (DPT) (ATF 129 V 472). En l'occurrence,
l'assuré n'a repris aucune activité lucrative depuis l'accident survenu le 13
avril 1999 et l'intimée a eu recours aux DPT. Le recourant ne soutient pas
que les postes pris en considération représenteraient des activités qui ne
sont pas exigibles. En outre, la caisse a démontré en quoi les résultats de
cette évaluation lui étaient plus favorables que ceux basés sur les
statistiques salariales. Il n'est ainsi pas nécessaire d'examiner plus avant
si les conditions posées par la jurisprudence pour l'application des DPT sont
réalisées (cf. ATF 129 V 475 ss, consid. 4.2.1 et 4.2.2). Dès lors, le revenu
d'invalide de 4'000 fr. retenu par la caisse ne saurait être remis en cause.
Il convient d'ajouter que lorsque le revenu d'invalide est ainsi déterminé,
une réduction du salaire n'est ni justifié ni admissible eu égard au système
même des DPT (ATF 129 V 472 consid. 4.2.3), de sorte que le recourant ne
saurait être suivi sur ce point.

5.3 Le taux d'invalidité (15 %) que la caisse a déterminé par comparaison de
ces revenus peut être confirmé. En se fondant sur les données existant au
moment de l'ouverture théorique du droit à la rente (ATF 129 V 222, 128 V
174), l'on n'aboutirait pas à un résultat sensiblement différent. Enfin, il y
a lieu d'observer que le degré d'invalidité déterminé par
l'assurance-invalidité (52 %) est notamment basé sur l'incapacité de travail
de 50 % issue des troubles psychiques du recourant laquelle n'entre
précisément pas en ligne de compte du cas d'espèce (cf. consid. 3.3 supra).
C'est dès lors à juste titre que la CNA s'en est écartée, nonobstant les
principes dégagés par la jurisprudence en matière d'uniformité de la notion
d'invalidité (ATF 126 V 298 consid. 2d).

6.
Sur le vu de ce qui précède, le jugement entrepris n'est pas critiquable et
le recours se révèle mal fondé.

7.
Le recourant, qui succombe, ne saurait prétendre une indemnité de dépens
(art. 159 al. 1 OJ en liaison avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la
santé publique.

Lucerne, le 18 mars 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   La Greffière: