Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 193/2003
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U 193/03

Arrêt du 8 octobre 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M. Métral

H.________, 1400 Yverdon-les-Bains, recourant, représenté par Me Renaud
Lattion, avocat, rue des Remparts 9, 1400 Yverdon-les-Bains,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 7 novembre 2002)

Faits:

A.
H.  ________, né en 1944, travaillait comme manoeuvre pour la Coopérative du
bâtiment X.________. A ce titre, il est assuré contre les accidents par la
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : CNA). Dès
le mois de janvier 1996, le prénommé a consulté le docteur A.________ en
raison de douleurs aux épaules, d'une épicondylite bilatérale, et de
gonalgies bilatérales sur troubles dégénératifs débutants et chondropathie.
Le médecin traitant a attesté plusieurs périodes d'incapacité de travail
totale ou partielle.

Le 20 janvier 1997, une machine de chantier qu'il conduisait a basculé. Il a
sauté à terre et s'est cogné le genou gauche sur le sol. Il s'est rendu le
jour même chez le docteur A.________, en raison de douleurs au genou. Le
médecin constata une légère enflure et posa le diagnostic de contusion, avant
d'attester une incapacité de travail totale (rapport du 31 janvier 1997). Vu
la persistance des douleurs, l'assuré fut adressé à l'Hôpital Y.________, où
le docteur C.________ posa le diagnostic de fracture de la rotule. Après une
immobilisation par attelle plâtrée demeurée sans résultat, une section de
l'aileron rotulien externe du genou gauche, avec excision du pôle externe de
la rotule, fut pratiquée le 5 mai 1997. L'intervention mit en évidence une
patella bipartita sur probable ancienne fracture du pôle externe de la rotule
gauche, ainsi qu'une gonarthrose fémoro-patellaire gauche, selon les docteurs
L.________, V.________ et P.________ (rapport du 12 mai 1997).

H.  ________ fut par la suite examiné par les docteurs G.________ et
S.________, médecins d'arrondissement de la CNA (rapports des 13 août et 6
novembre 1997), et séjourna à la clinique thermale Q.________, du 15
septembre au 10 octobre 1997 (rapport du 10 octobre 1997 du docteur
E.________). Les médecins consultés attestèrent une incapacité de travail de
50 %, sans parvenir à expliquer objectivement les douleurs exprimées par
l'assuré. Le docteur G.________ demanda cependant la réalisation d'une
imagerie par résonance magnétique, qui permit de déceler une importante
déchirure horizontale des cornes latérale et postérieure du ménisque interne
(rapport du 19 novembre 1997 du docteur M.________). Cette affection fut
traitée par arthroscopie et méniscectomie, le 8 décembre 1997 (rapport des
10/18 décembre 1997 des docteurs L.________, V.________ et R.________). Le 12
janvier 1998, le docteur L.________ faisait état d'une capacité de travail de
50 %, voire plus, le patient refusant toutefois d'envisager une reprise de
son activité professionnelle en raison de douleurs persistantes.
Le docteur S.________, médecin d'arrondissement de la CNA, examina encore
l'assuré le 26 janvier 1998 et attesta une capacité de travail de 25 %. Selon
ce praticien, une reprise du travail à 50 % devrait être exigée dès le 16
février 1998, puis à 100 % dès le 2 mars au plus tard; les derniers examens
pratiqués permettaient d'exclure une séquelle de l'accident pouvant expliquer
les douleurs exprimées par l'assuré (rapport du 30 janvier 1998). A la suite
de cet avis médical, la CNA a adapté les indemnités journalières versées à
l'assuré aux taux d'incapacités de travail reconnus par le docteur
S.________, et supprimé ces indemnités dès le 2 mars 1998 (décision du 10
février 1998 et décompte d'indemnités journalières du 12 mars 1998).

H.  ________ a été revu le 2 mars 1998 par les médecins de l'Hôpital
Y.________, d'après lesquels une reprise de son travail par l'assuré était
peu envisageable. Il présentait un problème complexe du membre inférieur
gauche, à considérer dans sa globalité. En particulier, une coxarthrose
polaire inférieure débutante bilatérale, avec une rotation interne de hanche
nulle, avait été mise en évidence. L'articulation du genou gauche était
devenue le seul pivot de rotation du membre inférieur gauche, la lésion
méniscale interne sans traumatisme apparent étant révélatrice d'une surcharge
probable en rotation. Lors de la consultation, une tendinite de la bandelette
de Maissiat et du muscle vaste externe avait été constatée, vraisemblablement
secondaire à la raideur de la hanche (rapport des 2/4 mars 1998 des docteurs
L.________, V.________ et B.________. Prenant position sur ce nouveau rapport
médical, le docteur S.________ considéra que la coxarthrose était d'origine
maladive, de même qu'une éventuelle tendinite consécutive à cette affection;
les séquelles accidentelles au genou gauche pouvaient en revanche être tenues
pour objectivement négligeables (rapport du 20 mars 1998).

La CNA a confirmé la décision du 10 février 1998, par décision sur opposition
du 16 septembre 1998.

B.
H. ________ a déféré cette décision sur opposition au Tribunal des assurances
du canton de Vaud. Une expertise a été réalisée par le docteur V.________ à
la demande de la juridiction cantonale (rapport du 17 avril et rapport
complémentaire du 13 novembre 2001). Ce praticien attesta une incapacité de
travail totale dans l'activité exercée par l'assuré avant l'accident, en
raison de séquelles accidentelles au genou gauche, d'une part, et de douleurs
coxo-fémorales et lombaires d'autre part; l'incapacité de travail en relation
avec l'affection du genou pouvait être évaluée à 50 %.

Par jugement du 7 novembre 2002 (notifié le 2 juillet 2003), le Tribunal des
assurances du canton de Vaud a rejeté le recours de l'assuré.

C.
Ce dernier interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
dont il demande l'annulation. Il conclut à ce qu'une incapacité de travail
totale soit reconnue, subsidiairement une incapacité de travail de 50 %, et
demande le bénéfice de l'assistance judiciaire.

L'intimée conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des
assurances sociales, division maladies et accidents (intégrée à l'Office
fédéral de la santé publique depuis le 1er janvier 2004), a renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à des indemnités journalières pour
la période postérieure au 27 janvier 1998. Tel est, en effet, le véritable
objet de la décision du 10 février 1998 de la CNA (confirmée sur opposition
le 16 septembre 1998), bien que les termes utilisés ne fassent référence, à
tort, qu'à la capacité de travail résiduelle de l'assuré. Immédiatement après
cette décision, la CNA a en effet réduit progressivement le montant des
indemnités journalières allouées à l'assuré en fonction de la capacité de
travail qu'elle avait retenue. Dans le même sens, il convient d'admettre que
les conclusions du recourant tendent en réalité à obtenir non seulement la
reconnaissance d'un taux d'incapacité de travail de 100 %, subsidiairement de
50 %, mais également le versement d'indemnités journalières correspondantes.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et a
entraîné la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de
l'assurance-accidents. Les modifications législatives survenues
postérieurement à la date de la décision sur opposition litigieuse ne sont
toutefois pas déterminantes en l'espèce. En effet, d'après la jurisprudence,
la législation applicable en cas de changement de règles de droit reste celle
qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être
apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, les faits sur
lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se prononcer
dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif étant par
ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision
administrative litigieuse (ATF 129 V 4 consid. 1.2, 398 consid. 1.1 et les
références).

3.
Une atteinte à la santé consécutive à un accident ouvre droit à une indemnité
journalière de l'assurance-accidents si elle entraîne une incapacité de
travailler partielle ou totale (art. 16 al. 1 LAA, dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002). Ce droit s'éteint dès que l'assuré a recouvré sa
pleine capacité de travail, dès qu'une rente est versée ou dès que l'assuré
décède (art. 16 al. 2 LAA). Il s'éteint également si l'incapacité de travail
subsiste, mais qu'elle n'est plus en relation de causalité avec une atteinte
à la santé d'origine accidentelle. En cas d'atteinte maladive préexistante
aggravée par un accident, par exemple, le devoir de l'assureur-accidents
d'allouer des prestations cesse lorsque l'état de santé de l'intéressé est
similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo
ante) ou s'il est parvenu au stade d'évolution qu'il aurait atteint sans
l'accident (statu quo sine; RAMA 1992 no U 142 p. 75, consid. 4b; Frésard,
L'assurance-accidents obligatoire, in : Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 141).

4.
L'intimée et les premiers juges se sont essentiellement fondés sur les
conclusions des docteurs L.________, du 12 janvier 1998, et S.________, du 26
janvier suivant, pour fonder leur appréciation de la capacité de travail du
recourant. Le recourant s'appuie pour sa part sur les rapports établis par le
docteur V.________.

4.1  Les constatations du docteur V.________ relatives à l'état du genou
gauche du recourant sont en réalité identiques à celles des docteurs
L.________ et S.________, à savoir, un genou stable, sans épanchement ni
troubles neurologiques, l'assuré décrivant toutefois des douleurs
persistantes. Mais alors que les docteurs L.________ et S.________ admettent
sur la base de ces constatations, l'absence de séquelles accidentelles
susceptibles d'expliquer objectivement les douleurs de l'assuré et
d'entraîner une incapacité de travail, le docteur V.________ retient une
incapacité de travail de 50 % en raison de gonalgies.

4.2  Les rapports des docteurs L.________ et S.________ sont cohérents et
exposent clairement pour quels motifs ces praticiens ne retiennent pas de
lien de causalité entre les douleurs exprimées par l'assuré et l'accident
assuré. Dans la mesure où ces praticiens se sont essentiellement concentrés
sur l'état du genou gauche de l'assuré, leurs constatations relatives à
l'absence de substrat objectif expliquant les douleurs ne sont pas mises en
cause par le rapport établi en mars 1998 par les docteurs L.________,
V.________ et B.________. Sans faire état de séquelles accidentelles
persistantes au genou gauche, ce rapport prend en considération l'état de
santé de l'assuré de manière globale et décrit des atteintes dégénératives
des hanches ainsi que leur effet sur le fonctionnement de tout le membre
inférieur gauche. Or, comme le précise le docteur S.________, la coxarthrose
décrite par ses confrères, de même qu'une éventuelle tendinite consécutive à
cette affection, ne peuvent être attribuées à l'événement accidentel du 20
janvier 1997. Partant, si une incapacité de travail ne peut être totalement
exclue, selon le docteur S.________, il n'y aurait pas lieu d'admettre, quoi
qu'il en soit, qu'elle serait en relation de causalité naturelle avec
l'accident assuré.

4.3  Contrairement à ce que soutient le recourant, le rapport établi par le
docteur V.________ ne permet pas de mettre en doute cette constatation, faute
de revêtir une valeur probante suffisante. Ce rapport décrit une incapacité
de travail de 50 % en se fondant presque exclusivement sur les déclarations
de l'assuré, et retient un lien de causalité naturelle entre cette incapacité
et l'accident du 20 janvier 1997, essentiellement en raison de l'absence de
symptômes avant cet événement. Or, les seules déclarations de l'intéressé ne
sauraient constituer une démonstration suffisante de son incapacité de
travail, quand bien même la sensation de douleur revêt une grande part de
subjectivité; il convient bien plutôt de vérifier si les plaintes de l'assuré
sont cohérentes et si elles sont susceptibles d'être expliquées par un
substrat objectif, ce qui fait défaut dans les rapports médicaux dont se
prévaut le recourant. Par ailleurs, la seule apparition de symptômes
postérieurement à un accident ne suffit pas à retenir leur origine
accidentelle (raisonnement «post hoc, ergo propter hoc»; cf. ATF 119 V 341
sv. consid. 2b/bb; RAMA 1999 no U 341 p. 408 sv. consid. 3b); l'application
de ce raisonnement est d'autant moins convaincante en l'espèce que le
recourant souffrait déjà de gonalgies avant l'accident assuré et que son
médecin traitant avait attesté plusieurs périodes d'incapacité de travail en
1996.

4.4  La mise en oeuvre d'une expertise complémentaire, demandée par le
recourant, n'apporterait selon toute vraisemblance aucune constatation
nouvelle, mais uniquement une appréciation médicale supplémentaire sur la
base d'observations identiques à celles de l'ensemble des médecins déjà
consultés quant à l'état objectif du genou gauche de l'assuré. C'est donc à
juste titre que la juridiction cantonale a renoncé à un complément
d'instruction et nié la persistance d'une incapacité de travail en raison
d'atteintes accidentelles à ce genou, sur la base des rapports convaincants
établis par les docteurs L.________ et S.________.

5.
Un complément d'instruction n'est pas davantage nécessaire en ce qui concerne
d'éventuelles atteintes à la santé psychique, alléguées par le recourant. De
telles atteintes, quand bien même elles seraient démontrées, n'ouvriraient
pas droit aux prestations de l'assurance-accidents, faute d'être en rapport
de causalité adéquate avec l'événement du 20 janvier 1997. Cet accident était
en effet de gravité moyenne, à la limite d'un cas de peu de gravité, selon la
classification établie par la jurisprudence en la matière (cf. ATF 115 V 139
sv. consid. 6, 408 consid. 5). Pour qu'un tel événement soit tenu pour la
cause adéquate d'une atteinte à la santé psychique, la jurisprudence exige un
cumul des circonstances susceptibles de favoriser une affection psychique, ou
que certaines d'entre elles revêtent une intensité particulière. En
l'occurrence, on peut, certes, admettre une incapacité de travail de douze à
treize mois en raison des séquelles physiques de l'accident, qui ont
vraisemblablement entraîné, à tout le moins partiellement, les douleurs
exprimées par l'assuré pendant la même durée. Cette durée est toutefois
insuffisante pour admettre un rapport de causalité adéquate entre l'accident
subi et d'éventuelles affections psychiques, en l'absence d'autre
circonstance en rapport avec l'accident et susceptible d'avoir favorisé
l'apparition de telles atteintes; en particulier, l'accident ne revêtait pas
un caractère particulièrement dramatique ou impressionnant et n'a pas
entraîné de lésion physique grave, le traitement médical n'ayant pas été, par
ailleurs, entaché de complications.

6.
Vu ce qui précède, les conclusions du recourant sont mal fondées, de sorte
qu'il ne peut prétendre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). Il convient cependant
de lui allouer le bénéfice de l'assistance judiciaire, dans la mesure où il
n'a pas les moyens d'assumer les frais de sa défense par un avocat. Son
recours n'était en effet pas dénué de chances de succès et l'assistance d'un
mandataire professionnel était indiquée (art. 152, en relation avec l'art.
134 OJ; cf. également ATF 125 V 202 consid. 4a, 372 consid. 5b et les
références). Le recourant est toutefois rendu attentif au fait qu'il devra
rembourser la caisse du tribunal s'il devient ultérieurement en mesure de le
faire (art. 152 al. 3 OJ).

La procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, de
sorte qu'elle est gratuite (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'assistance judiciaire est accordée. Les honoraires (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) de Me Lattion sont fixés à 2500 fr. pour la procédure
fédérale et seront supportés par la caisse du tribunal.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 8 octobre 2004

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   p. le Greffier: